Err

Bandeau-pdf-web.jpg
Actualités
Rechercher   << Retour

Louis Armstrong

10 avril 2013
Intégrale Vol. 12 : New Orleans 1946-1947
Louis Armstrong © Jazz Hot n°663, printemps 2013
Nouveauté-Indispensable
Titres et personnels communiqués dans le livret
Enregistré entre le 10 janvier 1946 et le 26 février 1947
Durée : 3h 23' 55''
Frémeaux et Associés 1362 (Socadisc)

Frémeaux et Associés poursuivent l’indispensable réédition du (presque) tout Armstrong. Janvier 1946, c’est la rencontre avec Duke Ellington pour Esquire le tant de deux titres, dont le blues « Long Long Journey » où Charlie Shavers « donne du son » en introduction, ce qui ne suffit pas pour éviter d’être éclipsé par l’amplitude de Louis Armstrong. Johnny Hodges et Don Byas font bonne figure. Suit une séance Decca avec Ella Fitzgerald qui vaut pour les solos de trompette de Louis dans ces deux morceaux. En avril, RCA réalise cinq faces du grand orchestre de Louis Armstrong, seule vedette de « Linger In My Arms A Little Longer ». On remarque le glissando vers l’aigu au début du solo de Louis dans « Joseph And His Brudders ». Très bon « Back O’Town Blues » où Don Hill (as) est « louisjordanien » et la sonorité de Pops énorme. Charles Delaunay enregistre quatre tires de Louis Armstrong pour son label Swing, avec un Hot Seven qui préfigure le combo du film en chantier. C’est toutefois Vic Dickenson au trombone qui après Louis trouve le plus d’espace expressif (notamment dans « Sugar »). Exposé mélancolique de Louis dans « I Want A Little Girl ». Il y a deux blues, spécialité de Louis, « Blues For Yesterday » (lent) et « Blues For The South » (médium). Ce sont ensuite du 5 septembre au 8 octobre 1946 les pré-enregistrements (préservés) pour le film New Orleans, production dont il est convenu de dire du mal. Il ne s’agit pas d’un documentaire mais d’une vision hollywoodienne à peine plus inexacte que la pseudo-histoire du jazz lancée grâce au succès du livre Jazzmen (1939). Si la présence de l’orchestre Woody Herman est incongrue, celle de Billie Holiday ne l’est pas moins. Elle fait cependant le succès de ce « Farewell To Storyville » (où Louis joue peu), reprise du « Good Time Flat Blues » qu’Armstrong a gravé en décembre 1924 avec Maggie Jones. L’époque des figues moisies est porteuse, et Louis Armstrong une fois encore est l’homme au bon endroit, au bon moment. Et c’est un grand professionnel. C’est lui qui a écarté les pré-enregistrements jugés « amateurs » réalisés à New Orleans (on avait pressenti Bunk Johnson, devenu célèbre, et tourné une séquence locale d’un brass band). Louis reprend tout ça lui-même, de façon stylisée : « Flee As A Bird » (brass band de studio avec Murray McEachern, tb) et la marche « Maryland, My Maryland » (gravé avec succès en 1945 par Bunk). Avec un combo très louisianais (Kid Ory, Zutty Singleton, Barney Bigard, Bud Scott) il rejoue « West End Blues » avec classe en suivant le schéma de son disque historique. Si le film est contesté, il a créé des vocations de musiciens (Raymond Fonsèque, etc) et il nous reste cette musique superlative, voir éducative : dans « Basin Street Blues » la partie chantée de Louis Armstrong est une leçon de phrasé jazz, tout comme sa trompette dans « Brahms’ Lullaby » où on passe de la mise en place classique à jazz. Louis Armstrong montre dans une courte introduction à « Raymond Street Blues » et le solo de « Dippermouth Blues » (version lente) qu’il peut aussi jouer autrement (growl).

Dans le « Dippermouth Blues » sur tempo vif, Louis reprend le solo de King Oliver, et pour le combo avec deux supplémentaires, il laisse Mutt Carey jouer un solo (vibré !) dans « Shimme-sha-wabble », « Ballin’ the Jack » et «King Porter Stomp » (avec en prime, Lucky Thompson en solo, ts). Bud Scott joue en solo dans la version lente de « Mahogany Hall Stomp ». Tout le monde sauf Scott apparait dans ce thème rejoué sur tempo vif (Ory, Thompson, Bigard, Mutt). Louis retrouve son grand orchestre pour deux titres, « Endie » et « The Blues Are Brewin’ » avec Billie Holiday. Il en donne de meilleures versions pour RCA (sans Billie), le 17 octobre. Le film lance « Do You Know What It Means to Miss New Orleans » (avec Billie Holiday), devenu bien plus tard un “hymne” à New Orleans. La première du film aura lieu le 26 avril 1947 au Saenger Theatre de New Orleans. En attendant tout est fait pour en assurer le succès. Ce qui amène Louis à enregistrer « Do You Kow What It Means » pour RCA, avec le même combo (sauf Minor Hall à la place de Zutty Singleton), ainsi que deux autres titres dont « Mahogany Hall Stomp » où le solo de trompette est mieux enregistré (17 octobre 1947). Toujours pour préparer le terrain, Louis d’abord accompagné par le petit orchestre d’Edmond Hall, débute son concert à Carnegie Hall le 8 février 1947 par trois sélections du film : « Dippermouth Blues », un « Mahogany Hall Stomp » débordant de swing (John Williams, b, James Crawford, dm) où à notre avis c’est Irving Randolph qui reprend note pour note le solo de Louis (avec sourdine) et, en parade, un « Flee As A Bird » majestueux qui pose un problème ignoré des discographes (Delaunay était pourtant dans la salle), à savoir la participation d’autres musiciens (on entend deux trombones et un ténor digne d‘Emanuel Paul). Henderson Chambers (tb) intervient dans « Muskrat Ramble ». L’excellent Irving Randolph prend le relais de Louis avant sa partie chantée dans « Black And Blue », « Ain’t Misbehavin’ » (Edmond Hall, excellent), « Confessin’ », joue l’introduction de « Lazy River » (Louis en très grande forme assure la coda), un solo dans « Saint Louis Blues » (très bon, avant le chant) et « Tiger Rag » (moins réussi ; Henderson Chambers et James Crawford ont la classe). Louis est la vedette de « You Rascal You », de « Save It Pretty Mama » (en dehors du court solo de clarinette). John Williams dialogue avec Louis lumineux dans « Rockin’ Chair ». Un vigoureux « Struttin’ with SBQ » termine dans l’excitation cette partie du concert. Louis se présente ensuite avec son big band régulier (Sid Catlett, dm) : un « Stompin’ at the Savoy » pagailleux (Louis loupe sa dernière note ; Johnny Sparrow, ts), « I Can’t Give You Anything But Love », un bon « Back O’Town Blues », la chanteuse Velma Middleton dans « You Won’t Be Satisfied », l’invitée surprise Billie Holiday pour « Do You Know What It Means » (Ed Mullens, tp avec sourdine) et le « Roll’ Em » de Mary Lou Williams pour terminer (Sparrow, ts). Epoque de transition donc, où Louis Armstrong passe progressivement du big band à ce qu’attend le public, les futurs All Stars qui le consacreront définitivement « roi du jazz » sur les grandes scènes mondiales. Avant ça, le 12 mars 1947, une nouvelle séance pour RCA avec son big band, où Louis est seule vedette (« I Wonder », etc…). A remarquer, sur tempo lent, cet exposé de trompette majestueux et tendre dans « Why Doubt, My Love ! », et la partie de basse d’Arvell Shaw derrière le solo de Louis dans « You Don’t Learn That In School ». Jour de la sortie du film, Louis fait la promotion dans une émission d’Art Ford pour la chaine WNEW (NYC, 26 avril 1947) : très court « Panama » à trois, par Louis, Jack Teagarden (tb) et Sid Catlett (dm). Les mêmes avec l’orchestre de Roy Ross (accn, très discret) jouent « Ain’t Misbehavin’ » où Louis se montre en très grande forme. Teagarden ne joue pas dans cette version de « Do You Know What It Means » qui termine ce coffret.
Michel Laplace