Bernice Johnson Reagon
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16 juillet 2024
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4 octobre 1942, Dougherty County, GA - 16 juillet 2024, Washington, DC
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© Jazz Hot 2024
Bernice Johnson Reagon,
Give Your Hands to Struggle: The Evolution of a Freedom Fighter,
livret du LP, (1961-75, Paredon)
Bernice JOHNSON REAGON
Spécialiste de l'histoire orale, du chant et de la tradition afro-américaine, Bernice Johnson Reagon était une compositrice
de protest songs, chanteuse de gospel, activiste des droits civiques, productrice,
historienne enseignante-chercheuse à l’American University de Washington, DC de
1993 à 2003, conservatrice émérite au Smithsonian où elle avait travaillé
depuis 1974, ainsi qu’au National Museum of American History, et à Stanford. Elle
a aussi participé à plusieurs films, documentaires TV et séries radio, dont Eyes on the Prize (PBS,
1987),
The Civil War de Ken Burns, We Shall Overcome
réalisé par Henry Hampton et en 1994, Wade in the
Water, African American Sacred Music Traditions,
une série radiophonique NPR/Smithsonian, et en 2003, La Tentation de Saint
Antoine (adapté de Gustave Flaubert) de Robert Wilson qui a tourné aux USA,
en Europe, Australie, avec des chants afro-américains des XIXe et XXe
siècles terminant ses représentations à l’Opéra Garnier de Paris. La même année, elle a contribué avec
Geri Allen et sa fille Toshi Reagon, à la musique du film Beah: A Black Woman Speaks (2003) de Lisa Gay Hamilton,
une biographie de l’actrice Beah Richards. Au bout d'un long chemin de convictions et d'engagements personnels, Bernice Johnson Reagon est décédée le 16 juillet 2024 à
Washington, DC.
«Mes chansons parlent généralement de la lutte contre l’oppression, du sentiment de se maintenir à flot malgré tout…»
Bernice Johnson est née le 4 octobre 1942, fille de pasteur
baptiste dans le Comté de Dougherty dans le sud-ouest de la Géorgie, limitrophe
de l’Alabama à l’ouest et de la Floride au sud, trois des treize Etats
sécessionnistes-esclavagistes devenus ségrégationnistes à la fin de la Civil
War en 1865, en réaction à la Déclaration d’émancipation du 1er
janvier 1863 d’Abraham Lincoln qui menaçait directement leurs intérêts et leur société esclavagiste. La ségrégation est un corpus idéologique raciste
bientôt transformé en lois racistes d’Etat dites «Jim Crow» (1877-1967, date du
dernier arrêt de la Cour Suprême contre l’interdiction des mariages mixtes en
Virginie). La seule grande ville de ce comté est Albany, Atlanta, capitale de
l’Etat, étant située au nord-ouest, toute la Géorgie a été fortement impliquée
dans le Mouvement des droits civiques, aussi du fait de la proximité de Martin
Luther King, Jr. à partir de 1953 à Montgomery en Alabama.
Bernice commence sa scolarité très tôt à l’âge de 3 ans alors que les USA sont entrés en guerre depuis décembre 1941 (Pearl Harbour). En effet, le principal moyen d'émancipation de la communauté
afro-américaine face au racisme ambiant, en dehors du prix du sang qu'elle a commencé à payer dans la guerre (à l'instar d’Eugene Bullard en 1914-18) en Europe et dans le Pacifique, est l'instruction sur le plan académique, et l'accession au domaine des arts, de la culture, l’histoire et la philosophie. W.E.B. Du Bois 1868-1963, Arturo Alfonso
Schomburg 1874-1938, Alain Locke 1885-1954 et Zora Neale Hurston 1891-1960 sont trois piliers importants de cette volonté. Les humanités sont le fer de lance de la Harlem Renaissance et plus largement de la communauté. Elle s’appuie déjà en
particulier sur la reconnaissance de l’art afro-américain par l’Europe
(1918-1920), à Paris, une terre qui accueille
des artistes peintres afro-américains depuis la fin du XIXe
siècle (Henry
Ossawa Tanner 1859-1937) à l’Académie Julian (1867-1940, fermée par Vichy pour cause d'arts dégénérés) largement ouverte dès sa création aux
femmes et aux étrangers. La vie artistique cosmopolite de la capitale au
tournant du XXe siècle favorise aussi bien la recherche sur les nouveaux mouvements
mécaniques que l’émergence de la musique aux rythmes nouveaux (Claude Debussy,
Darius Milhaud, Maurice Ravel, Erik Satie). Le New Negro sera l’homme
instruit à qui les Etats-Unis devront donner une place dans la société
américaine, un concept qui mérite d'être tenté, et chacun s’attelle à apprendre, à s’éduquer le plus et le mieux qu’il
peut. Sans contrat social, seul le travail peut sauver la vie, d’où l’enjeu central autour de la déségrégation dans les emplois en tête du titre de la Marche sur Washington de 1963 «for jobs and freedom».
L’église étant trop pauvre pour avoir un piano, Bernice
apprend à chanter a capella en s’accompagnant de percussions avec les mains et
les pieds. Elle fait partie d’un chœur gospel à 11 ans et ses modèles étaient Harriet Tubman,
Sojourner Truth
et Bessie Jones
qui lui ont fait comprendre l’action et l’importance du chant dans la
lutte pour la justice. A ce propos, rappelons le lien indéfectible entre Mahalia Jackson et Martin Luther King Jr. ou la force d’une voix comme Marian Anderson.(1)
Ce lien expression-rébellion est très réel puisque les mollah iraniens comme les talibans afghans interdisent aux femmes de chanter, même
chez elles, même que pour elles!, preuve que l’expression humaine, voire la
pensée humaine restent des problèmes majeurs dans les pays arriérés de la
planète (et parfois pas seulement), les femmes demeurant des objets utilitaires
sans vie propre.
En 1959, Bernice entre à Albany State College (devenue
University) pour faire des études de musique et s’occupe en parallèle de la
section locale de la NAACP puis du SNCC, un activisme qui la fait expulser de
l’établissement; elle va alors à Spelman College à Atlanta par intermittence et
où elle obtient finalement son diplôme en 1970.
Membre fondatrice en 1962 avec son futur mari (1963), Cordel
Reagon, des Freedom Singers à l’instar des Freedom
Riders,
organisés par le Student Non-violent Coordinating Committee (SNCC) dans le cadre
des actions non violentes pour les droits civiques, elle passera finalement son
doctorat en histoire américaine à Howard
University (Washington, DC) en 1975. Elle avait aussi créé depuis 1973 un
groupe de six chanteuses a cappella, le Sweet Honey in the Rock avec
Ysaye Maria Barnwell, Nitanju Bolade Casle, Shirley Childress Johnson, Aisha
Kahil et Carol Maillard qui se servaient également de percussions; cette
formation a fait des tournées au Japon, en Europe, Amérique centrale, Australie
et Bernice en fera partie jusqu’en 1993.
Bernice a, toute sa vie, œuvré dans tous ses domaines de
compétences simultanément, donnant ainsi plus de sens et de force à son
implication dans sa pratique sociale en faveur des droits humains, des
Afro-Américains, des femmes, de tous les déshérités. Elle a enregistré sur le label
Folkways Records et écrit plusieurs essais dont We'll
Understand It Better By and By: Pioneering African American Gospel Composers
(Smithsonian Press, 1992).
Hélène Sportis Image extraite de YouTube
Avec nos remerciements
1. Cf. Documentaire Marian Anderson, Le monde entier entre ses mains de Rita Coburn Whack (Marian Anderson:
The Whole World in Her Hands, Etats-Unis 2022):
Dans JAZZ HOT: • N’hésitez pas à activer les moteurs de recherches et index dans Jazz Hot pour retrouver les articles sur les musiciens cités au fil du temps, les liens dans le texte ou ci-dessous n’étant que très parcellaires… https://www.jazzhot.net/PBCPPlayer.asp?ID=2105317 • Retrouvez les numéros de Jazz Hot cités, par année:
DISCOGRAPHIE
Bernice Johnson Reagon, image extraite de YouTube
VIDÉOGRAPHIE
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