Err

Bandeau-pdf-web.jpg
Actualités
Rechercher   << Retour

Grachan Moncur III

3 juin 2022
3 juin 1937, New York, NY - 3 juin 1922, Newark, NJ
© Jazz Hot 2022

Grachan Moncur III, Jazz Hot n°222-1966, p17, photo Annette Léna © Archives Jazz Hot
Grachan Moncur III, Jazz Hot n°222-1966, p17, photo Annette Léna © Archives Jazz Hot

Grachan MONCUR III

Jazz & Revolution: «Now's Time»


Après la perte en 2021 de Curtis Fuller (né en 1934), Garnett Brown (1936), Slide Hampton (1932), un autre tromboniste de la légende, Grachan Moncur III (1937) est décédé d’une crise cardiaque à son domicile, le jour de son 85e anniversaire, le 3 juin 2022, approfondissant le deuil du monde du trombone et du jazz de cette génération. Si on se souvient de Roswell Rudd (1935-2017), que Charles Greenlee (1927-1993) et Clifford Thornton (1936-1983), autres acteurs de cette époque et de cet instrument, ont disparu prématurément, c'est tout un monde qui est en train de s'évanouir, porteur d'une vision du jazz et de l'art, qui ne se limite pas à un instrument, une esthétique ou à une exécution plus ou moins savante, approfondissant le message des générations précédentes depuis l'origine jusqu'à Charles Mingus, Max Roach, John Coltrane…
Le saxophoniste ténor Archie Shepp est à la fois le survivant et l'un des fédérateurs majeurs de ce mouvement. Ses formations ont hébergé la plupart d'entre eux, et pas seulement les trombonistes (on pense à Cecil McBee, Dave Burrell, Beaver Harris…), et lui-même a participé à leurs orchestres, leurs combats, individuels et collectifs, indissociables de leurs expressions et de leurs recherches qui touchaient autant à la musique qu'à la condition humaine à l'origine de son élaboration: les intitulés d'albums et des thèmes, l'histoire, les biographies en témoignent pour ceux, plus nombreux qu'on le pense même parmi les amateurs et spécialistes de jazz, qui, refusant parfois ce qu'ils qualifiaient de «radicalité», ne se sont pas donnés la peine et le plaisir d'écouter cette musique si originale.
Elevés dans la tradition du jazz depuis ses premiers temps, Curtis et Grachan ont en commun Lee Morgan, Jackie McLean, Benny Golson, Art Farmer, la famille Heath, Cecil McBee, Wayne Shorter, Bobby Hutcherson, et la multitude de ces nouveaux talents de ces années 1950-1960, mais aussi cette époque charnière de conquête de droits et de libertés (civil rights) sur fond de guerres, froides (Urss…), tièdes (Cuba, Chili…) ou chaudes (Viêt-Nam…), un temps de luttes et d’épanouissement, de recherche et de redécouverte des racines, des arts populaires affranchis de l’académisme, dont le jazz, la poésie, la danse et le théâtre, essayant d’échapper à la chasse aux sorcières, virulente dans le cinéma à cause de son audience mais pas absente du jazz. Ces artistes refusaient également la société de consommation mondialisée naissante, son conformisme et son uniformité, rêvant d'une planète à reconstruire, à réimaginer dans ses rapports (in)humains par les arts, la culture, la mémoire, la transmission, après les horreurs de l’Histoire, allant des déportations à l’esclavage, des autodafés au déni d’existence, des lynchages à l’extermination taylorisée.
La porte s’entrebâille aussi au début des années 1960 pour les Afro-Américains dont la génération précédente des émancipateurs (dont W.E.B. DuBois 1868-1963, Alain LeRoy Locke 1885-1954, Zora Neale Hurston 1891-1960, Paul Robeson 1898-1976, Langston Hughes 1902-1967, Countee Cullen 1903-1946…) passent le flambeau de la construction lente de la justice, de l’égalité, partageant tous une solidarité vitale où chacun se donne au sein d’un collectif enraciné depuis la Harlem Renaissance, ces Lumières du XXe siècle naissant.
Les artistes du jazz au sens large, dans le blues, le gospel, le bebop, le rhythm and blues, la soul, la Caraïbe du vaudou (Katherine Dunham, 1909-2006), la reconnexion à l’Afrique (Marcus Garvey 1887-1940), puisent leur force de la mémoire et du patrimoine, des esprits de leurs ancêtres, de l'esprit du jazz, et apportent le meilleur d’eux-mêmes, toutes générations confondues, comme messengers lucides et conscients, cherchant de nouvelles perspectives, à aller plus loin dans le sillon de l’émancipation pour enfin exister: tous ces sillons sont singuliers, foisonnants et croisés. Encore une fois, le Sisyphe afro-américain remonte le rocher en haut de la montagne.
Grachan Moncur III, une belle sonorité du trombone comme le rappelle William Parker dans son hommage, un compositeur et arrangeur original (cf. son bel album Exploration en 2004), est l’enfant de ce temps, pour le meilleur et pour le pire, chargé de ce vécu qu’il a cherché à développer et transmettre dans un chemin intègre qui, pour avoir été choisi sans concession, avec beaucoup d'originalité, n’en sera que plus difficile à l’instar des Freddie Redd, Sonny Simmons, Henry Grimes, Jymie Merritt, Giuseppi Logan et tant d'autres qui ont partagé ce choix.*
Hélène et Yves Sportis 
Photos Archives Jazz Hot (Annette Léna, 1966, Philippe Gras, 1969)
images extraites de vidéos YouTube
Avec nos remerciements




2. Discographie
3. Vidéographie
4. Grachan Moncur III vu par… (l'hommage des musiciens)
5. Grachan Moncur III en son temps, à travers la lecture de
Jazz Hot


The Savoy Sultans, de g à d, Grachan Moncur II (b), Alex Razz Mitchell (dm), Rudy Williams (as, bar), Sidney Jenkins (tp), George Kelly (ts, cl), Cyril Haynes (p), Paul Chapman (g), Sam Massenberg (tp), Al Cooper (as, cl) © photo X

The Savoy Sultans, de g à d, Grachan Moncur II (b), Alex Razz Mitchell (dm), Rudy Williams (as, bar), Sidney Jenkins (tp), George Kelly (ts, cl), Cyril Haynes (p), Paul Chapman (g), Sam Massenberg (tp), Al Cooper (as, cl)
© photo X


D’une famille de musiciens, son père multi-instrumentiste, Grachan Brother Moncur II (b, 1915-1996), proche de Teddy Wilson puis d’Ike Québec, et son demi-frère Al Cooper (s, lead, 1911-1981), l’oncle de Grachan, étaient la première génération née sur le sol des Etats-Unis, d’une famille originaire des Bahamas passée par Miami, FL, où Brother était né avant de migrer vers le nord. Les deux frères jouaient ensemble au sein des Savoy Sultans, la formation créée et dirigée par Al, qui tiendra la scène du mythique Savoy Ballroom à Harlem de 1937 à 1946. Brother Grachan avait aussi son orchestre à Newark, NJ, et, parallèlement, entre décembre 1935 et janvier 1936, il enregistre avec le Teddy Wilson Orchestra dont ses deux fleurons, Johnny Hodges et Billie Holiday (Brunswick), puis en mai 1941, au sein de l’orchestre d’Eddie Heywood qui grave plusieurs prises de «God Bless the Child» chanté par Billie Holiday pour Okeh, et en 1947, pour le Mary Lou Williams Orchestra avec Kenny Dorham (tp), John H. Smith, Jr. (g) chez Disc New York. Grachan Moncur II est une personne respectée dans la communauté et admiré comme musicien.

Grachan naît donc –prématuré dit-il, car sa mère allait danser au Savoy et fier d’être new-yorkais par hasard!– dans cet environnement très favorable en 1937. Sa mère, Ella Wright-Moncur, hérite à 15 ans du salon de beauté où elle travaille depuis ses 11 ans. Elle devient donc propriétaire du «Theatrical Beauty Salon» de Newark, NJ, ville dont toute la famille maternelle est originaire, et salon des célébrités locales où elle prodigue ses meilleurs soins à sa copine de collège et sœur de cœur, Sarah Vaughan, elle aussi de Newark, terre de jazz: Sarah est une tante d’adoption pour Grachan. Sa mère, également visagiste-cosmétologue –elle est allée se former à Paris– conseille Dinah Washington. A la maison, de quinze pièces sur deux étages, Grachan est chargé de l’entretien moyennant de l’argent de poche; mais surtout, cette maison est ouverte à Dizzy Gillespie, Leon Little Pops Eason (tp,1910- ?), Rudy Williams (s,1909-1954), et Redd Foxx lié aux Coleman Brothers, un groupe familial de gospel de Newark propriétaire de sa maison de disque, de sa radio…

Grachan naît dans la libre entreprise afro-américaine, et ça grave en lui certains réflexes d’indépendance. Il apprend le violoncelle et le piano sur l’incitation paternelle, puis repasse à 11 ans, selon son désir personnel depuis ses 5 ans, au trombone, recevant ses premières leçons de son père dont il admire l’expression au trombone. Trois ans plus tard, la famille part le scolariser au Laurinburg Institute (NC), un lycée privé enraciné dans l’histoire afro-américaine où était passé Dizzy Gillespie. Il s'agit aussi de le préserver de la drogue. C’est donc l’été, quand il rentre à Newark, qu’il rencontre Art Blakey qui reforme Jazz Messenger (cf. Jazz Hot n°191) et Jackie McLean, deux solides personnalités, des guides avec Ike Quebec (ts, 1918-1963), l’ami de son père. Ils sont aussi trois talent pioneers de la maison Blue Note! Pour Grachan fils, les planètes semblent bien alignées: il fréquente un temps la Manhattan School of Music et Juilliard School. N’ayant pas de bourse, il commence à jouer en clubs, à New York et aux environs, notamment avec la formation de Nat (p,1931-2022) et Billy (bar, fl, 1931-2011) Phipps issus d’une famille réputée de Newark qui s’occupent du Washington Bar, pourvoyeuse de musiciens. Ils sont proches de Max Roach (dm, 1924-2007), Babs Gonzales (poète, voc, 1919-1980, Newark), lui-même lié à Dizzy Gillespie. C’est dans la formation de Nat et Billy Phipps que Grachan rencontre Wayne Shorter. Billy Phipps a joué chez Dizzy Gillespie, Ray Charles et Jack McDuff, trois terroirs du jazz. La maison familiale est vendue en 1956 car les charges sont devenues trop lourdes. Ella et Brother Granchan Moncur II partent en Floride: Grachan Jr. a 19 ans.

En 1958, Andrew Cyrille (dm) nous raconte (cf. l’hommage des musiciens) comment il fait inscrire le jeune Grachan au Syndicat des musiciens de la mythique Swing Street de New York pour pouvoir le faire jouer en club.

En 1959, Grachan tourne avec Ray Charles, l’année où il s’émancipe d’Atlantic pour récupérer la propriété de ses droits musicaux, un autre exemple d’affranchissement que Grachan retient, et parfois pour le pire car il n’a ni la notoriété ni le poids financier, pour une telle demande, du Genius, d’Erroll Garner ou de John Coltrane dans une période (après 1965) qui devient défavorable au jazz. 1959 est aussi l’année terrible où disparaissent Sidney Bechet, Billie Holiday et Lester Young, les deux derniers encore jeunes, alors que l’Afro-Amérique est en ébullition et perd ses premiers leaders dans le cadre d’une lutte pour les droits civils très tendue, dramatique, sur fond d'émeutes, de marches de protestation, de répressions. Chez Ray Charles, Grachan rencontre le prolifique David Fathead Newman (ts, as,fl,bar, comp,1933-2009), un familier d’Art Blakey, mais aussi Hank Crawford (as, bar, p, comp, 1934-2009), issu du gospel, ayant fait une partie de ses classes chez B.B. King, et qui sera également directeur artistique de Ray. Grachan découvre aussi le trompettiste de Detroit, l’impressionnant Marcus Belgrave (1936-2015) qui côtoie Ella Fitzgerald aussi bien que McCoy Tyner, Motown, Max Roach… Cette émulation, ces rencontres sont la chance pour Grachan de se former, tant sur le plan humain, que spirituel, professionnel ou jazzique! 

En cette fin des années 1950, en raison du tour violent face à la non-violence des boycotts anti-racistes qui coûtent en chiffre d’affaires, mais du tour enfin positif amorcé par le Mouvement des droits civiques bien structuré par Martin Luther King et ses compagnons, parmi d'autres mouvements, la résistance commence à faire gagner l’Afro-Amérique en dignité existentielle; la vie artistique se libère pour entrer ouvertement dans la vie publique et politique des Etats-Unis: les liens de Mahalia Jackson et du Dr. King en sont un exemple parmi beaucoup d'autres; le contenu de Jazz Hot dans la deuxième partie des années 1960 traduit cette symbiose entre expression artistique et expression politique à propos de la situation outre-Atlantique et des luttes intenses de ce temps. Dans le temps du développement de la consommation de masse de musique commerciale, le jazz accentue sa redécouverte des racines populaires, la radicalisation de sa différence, un phénomène qui touche aussi tous les secteurs de la culture, le théâtre, la littérature, le cinéma. Face aux mutations des modes de vie TV-banlieue-voiture, les clubs et les lieux de jazz alternatifs se démarquent de l’aspect divertissement-ludique du spectacle, et, de ce fait, retrouvent une vocation initiale de niche d’avant-garde comme avant-guerre (le Village Vanguard à ses débuts par exemple) entre poésie, théâtre, esprit révolutionnaire ou alternatif pour mieux repenser un monde plus juste, égalitaire et de paix. Le jazz de l'Afro-Amérique des années 1960-1970, parfois en marge voire dans la clandestinité, développe l'alternative, autant esthétique (free jazz) qu'organisationnelle (indépendance de la production) sans perdre son ancrage culturel, religieux, populaire. La conjonction temporelle des indépendances africaines et asiatiques, des mouvements de jeunesse ou sociaux en Europe et aux Etats-Unis, tout en se mêlant à ces luttes propres aux Etats-Unis, tout en trouvant des terrains communs de résistance comme dans la France autour du mouvement de Mai 1968, ne peut se confondre avec elles, que ce soit sur le plan des revendications, de la réalité des situations, comme sur le plan artistique en général et musical, sur le plan de la dureté du vécu comme sur le plan politique, malgré les rencontres, souvent généreuses et pleines d'enthousiasme. Cela détermina des amalgames politiques et esthétiques durables dans la critique et chez les amateurs sur le plan de l'expression, entre free jazz de culture et musiques improvisées par exemple, comme en témoigne Jazz Hot n°419 qui relate en 1985 cette époque (p.70-73), confusions encore perceptibles de nos jours.


1962. Art Farmer/Benny Golson Jazztet, Here and Now, Mercury



C'est dans ce contexte qu'en 1962, Grachan tourne avec le Jazztet d’Art Farmer et Benny Golson, remplaçant Curtis Fuller dans cette formation, et à partir de 1963, lui succédant dans celle de Jackie McLean. Grachan enregistre en sideman ses deux derniers albums pour le Jazztet chez Mercury à New York en 1962: les magnifiques Here and Now (cf. discographie et vidéographie) en février-mars, puis Another Git Together en mai et juin, avec Harold Mabern (p), Herbie Lewis (b), Roy McCurdy (dm). Entre les deux albums du Jazztet, en avril, il enregistre Just Jazz! pour Benny Golson (ts, arr, comp) à New York avec Bill Hardman (tp), Eric Dolphy (as), Bill Evans (p), Ron Carter (b), Charli Persip (dm). 
En juin 1962, Garnett Brown, tromboniste lui aussi disparu en 2021, est introduit avec Frank Strozier (as, fl, 1937) à New York par Harold Mabern (1936-2019), un autre acteur de ces rencontres, tous trois de la «Memphis Connection».

1962. Art Farmer/Benny Golson Jazztet, Another Git Together, Mercury


Après le Jazztet, Grachan reprend six mois dans l’orchestre de Ray Charles. Il a 25 ans, et il crée Gramon Publishing Co., car il a dans l’idée de composer pour faire un jour, un disque avec Art Blakey et Thelonious Monk (
cf. sources 2011): «… ma société a été créée en même temps que la société de John Coltrane, Jocol, de Cannonball et de tout le monde, alors j'ai pensé que c'était la chose naturelle à faire. Maintenant, tous ces gars étaient considérés comme des musiciens vraiment bien établis…».

1962 est enfin l’année de «Sonny’s Back», le premier titre de Grachan Moncur, incité à composer par Art Farmer, et enregistré sur Here and Now: un hommage au retour de Sonny Rollins (The Bridge), après sa «retraite» à l’été 1959, une composition que le groupe joue avec Sonny Rollins lui-même (cf. sources, Jazz Hot n°203-1964) à la Jazz Gallery de Joe et Iggy Termini dans l’East Village, un repère du jazz en ébullition, comme un prélude à leur future collaboration en 1964.



Grachan dédie une autre de ses compositions, «Monk in Wonderland», à Thelonious Monk: il passera un été entier à analyser sa musique, et le titre suffit à dire son admiration. Enfin, J.J. Johnson reste une borne incontournable pour les trombonistes de ce temps, et donc pour Grachan en pleine recherche, entre une cohérence très construite et l’envie de s’envoler ailleurs, sans doute l’état d’esprit d'une période galvanisée en musique par John Coltrane et toute une génération de chercheurs «d'ascension», comme en politique par Martin Luther King, Malcolm X et d'autres leaders.

L’année 1963 est encore plus chargée que la précédente en microsillons et chez Blue Note: pour Grachan, elle débute en mars par My Point of View d’Herbie Hancock (p) avec Donald Byrd (tp), Hank Mobley (ts), Grant Green (g), Chuck Israels (b), Tony Williams (dm), se poursuit en avril par Silver's Serenade d’Horace Silver (p) en tentet avec Kenny Dorham, Blue Mitchell (tp), Julius Watkins (frh), Junior Cook, Jimmy Heath (ts), Charles Davis (bar), Gene Taylor (b), Roy Brooks (dm); puis viennent les deux Jackie McLean (as) en avril et septembre, One Step Beyond et DestinationOut!, avec Bobby Hutcherson (vib), Eddie Khan et Larry Ridley (b), Tony Williams et Roy Haynes (dm).

1963. Grachan Moncur III, Evolution, Blue Note



Toute cette effervescence aboutit au premier disque en leader de Grachan, le bien titré Evolution, en novembre, deux mois après le discours de Martin Luther King à Washington du 28 août, précédé d’un jour par le décès de W.E.B. DuBois au Ghana où il avait été accueilli par le libérateur du Ghana, le Dr. Nkrumah. 
Grachan y «évolue» donc avec Lee Morgan (tp), Bobby Hutcherson (vib), Bob Cranshaw (b), Tony Williams (dm), tous déjà connus de lui, et Jackie McLean (as) avec lequel il développe une vraie complicité.


1964. Grachan Moncur III, Some Other Stuff, Blue Note






Il réalise son second album,
Some Other Stuf(6 juillet 1964, trois jours après l’adoption du Civil Rights Act). Jackie, le saxophoniste alto-maison de Blue Note, l'invite souvent, que ce soit au sein du quintet au Coronet Club de Brooklyn, NY, avec Bobby Hutcherson (vib), Eddie Khan (b), Tony Williams (dm), ou sur ‘Bout Soul, en 1967 (Blue Note, repris dans le coffret de trois disques de Mosaic Select).

Jackie McLean est déjà un «vétéran» de l’aventure subversive du théâtre-jazz-cinéma du réel, The Connection (1959-1962), lui-même entraîné dans cette épopée par l’insaisissable Freddie Redd. Seront aussi embarqués dans cet assaut-jazz du théâtre de part et d’autre de l’Atlantique et sur la West Coast, Tony Williams que Grachan rencontre à cette époque, à Brooklyn où il vit, Dexter Gordon, Kenny Drew, Cecil Payne, Duke Jordan. Certains séjourneront à Paris, en Europe, et même participeront vingt ans plus tard au Paris Reunion Band (1984-1990) qui a enregistré six albums mais jamais en France!, notamment avec Slide Hampton, et dont le second enregistrement, For Klook (Sonet, Stockholm, octobre 1986) était dédié à Kenny Clarke (dm, 1914-1985), l’initiateur de cette formation, session à laquelle participera également Grachan: un orchestre mouvant quant à ses participants inscrit dans l’histoire afro-américaine si riche de la Ville des Lumières (Paris).


1964. Benny Golson International Jazz Orchestra, Stockholm Sojourn, Prestige


James Baldwin, exilé en France pour sa sécurité politique de 1948 à 1957, avait assisté en live à la gestation du TNP de Jean Vilarcréé en 1947, mis en œuvre en 1951 au Festival d’Avignon, de quoi ouvrir des horizons sur la liberté de ton, de sujets, d’expression, de mise en scène, d’utilisation des techniques, des décors et d’organisation bénévole pour favoriser l’art populaire destiné au plus grand nombre, et non plus à une élite comme dans les arts académiques réservés davantage à l’agrément, le premier niveau d’expérience, qu’au réel, le deuxième niveau d’expérience: des concepts mis à jour par Baldwin, en miroir du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir qui avait traversé l’Atlantique dans l’autre sens en 1947 pour une série de conférences (L’Amérique au jour le jour): l’interaction transatlantique fonctionne plus que jamais dans l’après-guerre. Juin 1964, Eric Dolphy décède à 36 ans… A l’automne, n’ayant pu entraîner Grachan en Europe l’été précédent, Benny Golson fait réenregistrer Grachan à New York sur Stockholm Sojourn (Prestige), c’est dire s’il compte!


En 1964-1965, une autre aventure de liberté artistique, le Jazz Loft, précurseur du mouvement des lofts artistiques new-yorkais des années 1970 (Sam Rivers…), vit sa dernière année à New York, un signe avant-coureur de gros temps dans le jazz; dans cette ambiance de cocotte minute à facteurs multiples, Grachan travaille comme acteur-musicien-compositeur cinq ans après Jackie McLean, pour Blues for Mister Charlie de James Baldwin, du 14 avril au 29 août 1964 à l’ANTA Theatre sur la 52e Rue à New York(1); le Civil Rights Act pour l’égalité des droits civiques des Afro-Américains est adopté le 3 juillet, la veille de l’Independance DayBlues for Mister Charlie est une pièce sur l’assassinat par lynchage en 1955 d’Emmet Till, mort et torturé à 14 ans, dédiée à Medgar Evers, activiste des droits civiques lui-même assassiné en juin 1963; la charge symbolique et politique est donc maximale tant pour cette pièce de James Baldwin que pour l’enregistrement en 1964 de Grachan Moncur III, Some Other Stuff.

Les deux premiers disques en leader de Grachan sont évidemment enregistrés chez Blue Note dont l’équipe est familière de ce théâtre du réel, en raison de la proximité entre Alfred Lion et Max Gordon par Lorraine Stein-Lion-Gordon. Max, héritier romantique du café bohème, du café Society, est un artisan obstiné des passerelles entre poésie, théâtre, jazz-blues et expérimentations parfois surréalistes, au sein de son Village Vanguard qu’il a créé en février 1935 après d’autres tentatives. Cependant, en 1965, le rêve d’indépendance de Blue Note, pressurisé par les distributeurs avides de ventes massives comme dans la musique commerciale, ne survit pas, d’autant que, de l’autre côté, la volonté légitime des musiciens est de maîtriser les droits de leur musique: les expériences de coopératives de productions de disques par les artistes eux-mêmes vont essayer de pallier le gouffre ouvert suite à la vente de Blue Note à Liberty (1965), le départ pour raisons de santé d’Alfred Lion (août 1967) et le décès de Francis Wolff (début 1971). Les deux fondateurs ont tout organisé depuis 1939 pour favoriser le développement du jazz de culture de manière indépendante. Mais la société de consommation de masse normalisée et la finance écrasent tout un quart de siècle ans plus tard, et notamment les labels indépendants, l'économie spécifique du jazz, au détriment des artistes de jazz auxquels ils étaient consacrés, en errance phonographique à partir de cette deuxième partie des années 1960(2).

Dans cette seconde partie des années soixante, dans les clubs, la situation devient largement aussi catastrophique, même si les acteurs du jazz jettent toutes leurs forces pour lutter contre une société qui a déjà beaucoup changé depuis 1956. Grachan a regretté son obstination à vouloir garder à l’époque ses droits musicaux dans sa société Gramon Publishing Co. créée en 1962 (cf. sources 2011), car cela l’a ostracisé en début de parcours discographique, même par rapport à d’autres producteurs comme John Hammond, l’éloignant durablement de la ruche des musiciens en devenir qui le faisait vibrer. Il dira à deux reprises en 2003 et 2011 (cf. sources): «Oh, mec. Ils (Alfred Lion et Francis Wolff) ont découvert que toute ma musique était déjà publiée dans ma société, ils n'ont vraiment pas aimé ça! Ils m'ont laissé tomber comme une patate chaude.» Ce problème de droits musicaux est une source de tensions entre communautés, mais aussi entre indépendants et finance multinationale qui prévoit déjà la source future de revenus: pour Grachan et de nombreux artistes de l’Afro-Amérique, ce tournant des années 1960 est crucial!


Archie Shepp 1966, New York, Jazz Hot n°222, p21, Photo Annette Léna © Archives Jazz Hot

Archie Shepp 1966, New York, Jazz Hot n°222, p21,
Photo Annette Léna © Archives Jazz Hot


C'est dans ce moment que s'organise une nouvelle solidarité entre musiciens, fédérés autour d'artistes engagés dans le débat social et politique de ce temps, déjà largement reconnus comme John Coltrane ou à un moindre degré comme Archie Shepp, Cecil Taylor, Ornette Coleman, Albert Ayler…
Le 21 février 1965, Malcolm X est assassiné à Harlem (cf. Cicely Tyson, Jazz Hot 2021), et le 28 mars, Grachan participe au concert New Black Music au Village Gate, à Greenwich, NY, au bénéfice du Black Arts Repertory Theatre School d’Harlem (BARTS), aux côtés des formations de John Coltrane, Cecil Taylor, Albert Ayler, Archie Shepp et Charles Tolliver, en présence d’Amiri Baraka, alias LeRoi Jones, né à Newark, le très politisé poète-activiste et critique de jazz (Jazz Hot n°234, 1967), fondateur du BARTS et proche de Bob Thiele: Rudy Van Gelder est au son, un morceau de chaque groupe («Blue Free», pour Grachan Moncur III) figure sur The New Wave in Jazz (Impulse! AS90, 1965), sauf ceux de Sun Ra et de Betty Carter.

Dans le double LP ABC Impulse!, The Dedication Series, vol. VIII, The New Breed, (cf. discographie) qui réunit des séances de 1961 et 1965 attribuées à Cecil Taylor, Charles Tolliver, Grachan Moncur III, Archie Shepp, le quartet de Grachan (Bobby Hutcherson, Cecil McBee, Beaver Harris) joue le 28 mars 1965 «Blue Free», réédition du titre de The New Wave in Jazz du, et la composition «The Intellect» de Grachan Moncur (cf. vidéographie).

En octobre de la même année, Wayne Shorter enregistre
The All Seeing Eye (Blue Note) avec Grachan Moncur III, Freddie Hubbard, Alan Shorter, James Spaulding, Herbie Hancock, Ron Carter, Joe Chambers, toujours à Englewood Cliffs, NJ.

En 1966, avec 
Mama Too Tight (Impulse!) commence une collaboration soutenue de Grachan avec Archie Shepp.

Après les émeutes de New York de l'été 1964, l’année 1965 se finit mal aussi avec les émeutes de Watts à Los Angeles en août et la constitution d’un collectif artistique (cf.
Stanley Crouch, Jazz Hot 2020). Les émeutes contre le racisme et les meurtres qui en découlent rythment les années avec plus de 20 villes en 1966, plus de 100 villes en 1967.


Grachan Moncur III, 1966, New York, Jazz Hot n°222, p19, Photo Annette Léna © Archives Jazz Hot


Grachan Moncur III, 1966, New York, Jazz Hot n°222, p19,
Photo Annette Léna © Archives Jazz Hot


D’août à fin décembre 1966, de l’East Village au Town Hall de New York, Marion Brown (as) joue et enregistre avec Grachan, The Visitor-Juba Lee (Fontana), Three for Shepp (Impulse!), des thèmes restés inédits aussi, dans différentes configurations comprenant Dave Burrell, Stanley Cowell (p), Alan Shorter (tp,flh), Bennie Maupin (ts), Reggie Johnson, Norris Jones (b), Beaver Harris, Bobby Capp (dm). Marion Brown sera présent sur l’album en leader de Grachan, Shadows (Denon), en juin 1977, accompagné de Dave Burrell (p), Roland Prince (g), Reggie Workman (b), Joe Chambers (dm) et Andy Bey (voc).

Albert Ayler, 1966, New York, Jazz Hot n°222, p18, Photo Annette Léna © Archives Jazz Hot




















Albert Ayler, un disque ESP-Disk sous le bras, 1966, New York, Jazz Hot n°222, p18,
Photo Annette Léna © Archives Jazz Hot




1967. Archie Shepp, Live at Donaueschingen, Saba



En juillet 1967, le décès de John Coltrane est en soi un cataclysme dans le jazz (cf. Jazz Hot n°234). Dans Live at Donaueschingen (RFA, Saba, octobre 1967), Archie Shepp, Jimmy Garrison, le bassiste du célèbre quartet de John Coltrane et Grachan lui rendent hommage avec «One For Trane», en compagnie de Roswell Rudd et Beaver Harris. Cet été là, 160 émeutes afro-américaines éclatent suite aux exactions policières sans fin, confortées par la virulence pro-ségrégation réactivée après le Civil Rights Act de 1964 (l’égalité des droits civiques) rejeté par ceux qui veulent rester les dominants: un article dans Jazz Hot sur la situation inquiétante de LeRoi Jones (aka Amiri Baraka) à Newark (cf. sourcesest éloquent concernant la communauté artistique dans laquelle évolue Grachan.

En août, Joe Henderson (ts) grave en sextet
The Kicker (Milestone) avec Grachan, Mike Lawrence (tp), Kenny Barron (p), Ron Carter (b), Louis Hayes (dm). Grachan participe en fin d'année à l'album d'Archie Shepp au titre évocateur: Freedom, avec Roswell Rudd (tb), Jimmy Garrison (b), Beaver Harris (dm) et le récitatif du poète Ted Joans («Jazz Is My Religion»), qui ne laisse aucun doute sur l'engagement des artistes et de leur art dans le mouvement social et politique.

E
n 1968, Grachan a participé au disque d'Archie Shepp The Way Ahead (Impulse!) avec Jimmy Owens, Walter Davis Jr., Ron Carter, Beaver Harris, puis fin 1968-début 1969, à For Losers (Impulse!) avec Robin Kenyatta (as), Charles Davis (bar), Andy Bey (p), James Spaulding (as), et toute une nouvelle génération bien fournie d'artistes. C'est naturellement qu'il est présent aux prémices du collectif The 360 Degree Music Experience de Beaver Harris (dm) qu'il côtoie depuis 1965, mais onze ans se passent avant les trois albums gravés en juin 1979: Live at Nyon en Suisse (Cadence), Safe et Beautiful Africa à Milan (pour Red Records et Soul Note), avec Ken McIntyre (as, fl, basson), Ron Burton (p), Cameron Brown (b) (cf. discographie et vidéographie).

1968 est aussi l’année du mariage de Grachan et Tracy Sims(3), une militante impliquée dès sa jeunesse dans la défense active des droits civiques à San Francisco, venue rejoindre sa famille à New York en 1964, après des ennuis judiciaires. Elle est pianiste de jazz, violoniste, guitariste, bassiste, poète et habitante d’Harlem; ils se connaissent depuis 1967. Ensemble, ils auront trois filles et quatre fils, et ils feront des années durant des ateliers de musique dans un cadre socio-scolaire à Newark. Tracy devenue Tamam écrit aussi des arrangements, et elle a joué avec Albert Ayler.


Sunny Murray, Grachan Moncur III et Archie Shepp, en couverture de Jazz Hot n°253-1969, Festival d'Alger (21 juillet au 1er août 1969), Photo Philippe Gras © Archives Jazz Hot


Sunny Murray, Grachan Moncur III et Archie Shepp, en couverture de Jazz Hot n°253-1969,
Festival d'Alger (21 juillet au 1er août 1969), Photo Philippe Gras © Archives Jazz Hot


En avril 1968, Martin Luther King est assassiné, comme un point d'orgue de cette escalade de la violence et des révoltes: une sidération générale s’ensuit. Les artistes, comme le reste de la communauté, vont payer le prix fort en perte d’avenir, de repères, de sécurité, de sérénité, de projets, perturbant leur musique, pour certains durablement, pour d’autres, quasi définitivement. L'exil intérieur, les disparitions longues ou définitives (comme pour Henry Grimes, Giuseppi Logan, Albert Ayler…) comme le départ en Europe, Paris en particulier, puis Alger, sont des réponses à ce climat de plomb sur fond de guerre du Viêt-Nam apocalyptique. Archie Shepp et Grachan Moncur III se retrouvent sur Kwanza (New York, Impulse!, 1969) avant le départ pour le Festival Culturel Panafricain d’Alger (Jazz Hot n°253-1969), capitale mondiale des Etats non-alignés, où certains leaders afro-américains ont trouvé refuge comme Eldridge Cleaver, qui introduisait le festival, en tant que ministre de l'information des Black Panthers. Rappelons pour saisir l'étroite imbrication de l'expression artistique du jazz et de la réalité sociale et politique aux Etats-Unis qu'Eldridge Cleaver a animé, à San Francisco en 1967, The Black House, un centre politique et culturel avec entre autres le concours d'Amiri Baraka-LeRoi Jones, l'Art Ensemble of Chicago, Huey P. Newton et Bobby Seale, les fondateurs du Black Panther Party.



En juillet 1969, le festival d’Alger est une bouffée d’oxygène salutaire pour les artistes afro-américains de la génération de la lutte pour les droits civiques qui étouffent depuis avril 1968 dans l’Amérique de Nixon qui succède à celle de Johnson en janvier 1969, tous étant d’accord avec l’intensification des bombardements sur le Viêt-Nam contre lesquels Martin Luther King et ses partisans avaient été un rempart politique, moral et humaniste, sans compter bon nombre d’Afro-Américains, citoyens ou artistes qui leur emboîtaient le pas.






 
Sunny Murray, Clifford Thornton, Grachan Moncur III et Archie Shepp, Jazz Hot n°419-1969, p.72Festival d'Alger (21 juillet au 1er août 1969), Photo Horace © Archives Jazz Hot


A l'été 1969, la France post-Mai 68, post-coloniale, post-de Gaulle, en pleine naissance d'un activisme féministe, tente de soulever le couvercle: c’est dans cette configuration que BYG Actuel naît (Jazz Hot n°253, 1969) et enregistre plusieurs sessions en 1969, à Alger en juillet, dont At the Pan African Festival avec Archie et Grachan, Clifford Thornton (cnt), Dave Burrell (p), Alan Silva (b), Sunny Murray (dm), des groupes de musiciens algériens traditionnels non identifiés, Ted Joans et Don Lee (poésie, récit). A Paris, c'est l'effervescence depuis le début de l'année 1969, au printemps, au Lucernaire et au Centre culturel américain, rue Raspail, puis d’août à décembre. Des photos indispensables d'Horace, Philippe Gras, Jean-Pierre Leloir dans Jazz Hot n°419 illustrent cette atmosphère très particulière, ce climat d'alternative qui donnait à la scène parisienne et à cet épisode d’Alger un caractère ouvertement révolutionnaire, même si les causes en étaient différentes d'Alger à Paris ou New York, avec des points de convergence comme la guerre du Viêt-Nam et la recherche d'une liberté plus grande.
Claude Delcloo (dm) et quelques amis dont Horace, sont à l'origine de la revue Actuel et du label BYG –plus tard récupérés par des affairistes– qui vont immortaliser ce moment. Sont enregistrés pas moins de huit albums, deux portés par Grachan, deux portés par
Dave Burrell (dont La Vie de bohème, album inspiré de Puccini!
cf. vidéographie), deux par Archie Shepp, un par le Celestrial Communication Orchestra d’Alan Silva et un par Clifford Thornton
(cf. Jazz Hot n°253, 1969, discographie et vidéographie).




1969. Archie Shepp, Live at the Pan-African Festival, BYG Actuel1969. Archie Shepp, Poem for Malcolm, BYG Actuel1969. Alan Silva & His Celestrial Communication Orchestra, Luna Surface, BYG Actuel1969. Dave Burrell, Echo, BYG Actuel













Alger, refuge des Black Panthers comme des leaders africains indépendantistes, soutient les mouvements de libération de la planète: aucun des artistes présents n’est là par hasard; ils ont besoin de se ressourcer, d’élan, d’ouverture pour retrouver l’inspiration dans un environnement favorable de construction collective. C'est à Alger qu'est enregistré le premier disque de la série des Byg Actuel de cet été 1969 si particulier, Live at the Panafrican Festival, avec Grachan Moncur, sous la direction d'Archie Shepp. C’est avec ce besoin viscéral que la plupart restent à Paris jusqu’à la veille de Noël. Grachan grave New Africa le 11 août 1969 (BYG Actuel, Paris), accompagné d’Archie Shepp, Roscoe Mitchell (as, fl), Dave Burrell (p), Alan Silva (b), Andrew Cyrille (dm), et Aco dei de Madrugada, à l’automne, avec Fernando Martins (p,voc), Beb Guérin (b, 1941-1981) et Nelson Serra de Castro (dm). Ils restent six semaines au Chat Qui Pêche, le club parisien de Madame Ricard, et Grachan joue aussi au sein de la formation d’Alan Silva, le Celestrial Communication Orchestra, un autre orchestre communautaire dont les membres tournent. Durant ce séjour bienvenu à Paris, Grachan a l’occasion de voir Thelonious Monk et Sarah Vaughan de passage dans le cadre des tournées d’hiver du Newport Jazz Festival de George Wein en Europe. Tous ces événements sont relatés, commentés en direct et en détail dans Jazz Hot n°253, déjà cité et en illustration, avec des photos, devenues historiques, de Philippe Gras et Horace.


1969. Grachan Moncur III, New Africa, BYG Actuel
1969. Clifford Thornton, Ketchaoua, BYG Actuel1969. Dave Burrell, La Vie de bohème (G. Puccini), BYG Actuel1969. Grachan Moncur III, Aco dei de Madrugada, BYG Actuel












De retour d’Afrique (Alger) et d’Europe (Paris) où il a enregistré huit disques en 1969 et joué dans un cadre de liberté inhabituel, Grachan a retrouvé l’enthousiasme et le besoin de partager sa passion avec des plus jeunes, d’autant que sa femme multi-instrumentiste devient enseignante dans le public. Il organise des workshops à la Space Station d’Harlem et continue à s’oxygéner en tournant dans les festivals européens. Artiste en résidence, il enseigne de 1982 à 1991, à la Newark Community School of the Arts. Newark, NJ est un des pivots historiques de l’Afro-Amérique et de la transmission du jazz, avec le deuxième Hot Club créé (1935) aux Etats-Unis après New York (1934), entre autres par Philip et Lorraine Stein (future Mme Lion, puis Mme Gordon, succédant à Max au Village Vanguard), avec WBGO-NPR Newark, radio créée en 1947, avec l’Institute of Jazz Studies, Rutgers University créé en 1952, et la Jazz House Kids depuis 1999 (cf. Norman Simmons).


1974. Grachan Moncur III, Echoes of Prayer, JCOA

Le disque suivant en leader pour Grachan attendra cinq ans pour sortir sous la bannière d’un collectif, The Jazz Composer’s Orchestra Association (label JCOA, NY, 1974); c’est une ode aux héros des droits civiques, Echoes of Prayer, avec des titres évocateurs comme «Reverend King's Wings», «Medgar's Menace», «Garvey's Ghost (Space Station)», «Angela's Angel», «Amen Cadence», «Excuse me», «Mr. Justice».

1977. Grachan Moncur III, Shadows, Denon Jazz


Puis en juin 1977, Grachan réunit une formation au Long View Farm Studio, MA, dans la propriété du Pr. Gilbert Scott Markle de la Clark University, à l’enseignement plus alternatif: Marion Brown (as), Dave Burrell (p), Roland Prince (g), Reggie Workman (b), Joe Chambers (dm), Andy Bey (voc) pour graver
Shadows pour le label japonais Denon Jazz de Yoshio Ozawa qui réalise dans la seconde partie des années 1970 une longue et belle série d'enregistrements avec Archie Shepp qui revisite le répertoire de Charlie Parker, John Coltrane mais aussi Max Roach, Oscar Peterson, Earl Hines, Randy Weston, Walter Davis, Jr., Billy Harper, Pharoah Sanders, Dave Burrell, parmi de nombreux musiciens locaux car le public japonais est très friand de jazz.



De 1977 à 1982, Grachan entame une autre traversée du désert, et devient proche de Thelonious Monk dans sa fin de vie; il se sent en phase avec son compositeur fétiche jusqu’à son décès, mais sa détresse l’atteint profondément: Grachan a besoin d’âmes-sœurs en quête de défrichage comme lui, pour composer. Son rêve d’enregistrer pour Blue Note avec Thelonious Monk et Art Blakey, tous deux liés à Alfred Lion, tous deux lui ayant pourtant donné leur accord par téléphone, ne se réalisera pas; un souvenir cruel pour Grachan.

Son poste d’artiste en résidence de 1982 à 1991 lui permet un rebond qui le sauve, psychologiquement et financièrement.

2004. Grachan Moncur III Octet, Exploration, Capri Records


Grachan attend ainsi 27 ans de plus pour le disque en leader suivant avec Exploration (Capri) enregistré le 30 juin 2004, dans les studios de Rudy Van Gelder à Englewood Cliffs, NJ, en octet avec Tim Hagans (tp), John Clark (flh), Dave Woodley (tb), Gary Bartz (as), Billy Harper (ts), Gary Smulyan (bar), Ray Drummond (b), Andrew Cyrille (dm), Mark Masters (arr), qui reprend l’essentiel des compositions de Grachan Moncur III: «Monk in Wonderland», «Love and Hate», «New Africa: Queen Tamam (le surnom de son épouse), New Africa, Black Call, Ethiopian Market», «When?», «Frankenstein», «Excursion», «Sonny's Back!». Ce disque est aussi celui d’un retour à sa zone de sécurité initiale, avec Rudy Van Gelder, un survivant du Blue Note historique, sans doute aussi facilité par le plaisir de voir le coffret Mosaic Select publié en 2003 par Michael Cuscuna, qui lui consacre le premier volume de cette collection (cf. discographie), reprenant non seulement ses enregistrements personnels chez Blue Note mais aussi ses collaborations avec Jackie McLean de 1962 à 1967.

2007. Grachan Moncur III, Inner Cry Blues, Lunar Module Records


Le dernier disque en leader de Grachan, Inner Cry Blues (Lunar Module Records 10011), est enregistré à Berkeley, CA, selon les propos de Grachan Moncur en 2011, plutôt qu’à New York comme indiqué, en février 2007 avec Mitch Marcus (ts), Erik Jekabson (tp), Ben Adams (vib), Lukas Vesely (b), Sameer Gupta (dm): il reprend certaines des compositions qu’il voulait enregistrer avec Thelonious Monk et Art Blakey, dont «Inner Cry Blues» et «Hilda», dédié à son enfant décédée jeune.

Ce parcours discographique irrégulier s’explique en partie par la destruction progressive de l'indépendance de l'économie du jazz, accentuée à partir de 1965 malgré la résistance qui se manifeste par la création de labels autogérés par les artistes. La recherche d'un jazz en devenir aux USA, aussi impliqué dans l'alternative sociale et politique, est particulièrement fragile. Pour pouvoir enregistrer leur musique, les artistes font alors des expériences alternatives de labels indépendants en coopératives portées par des collectifs de musiciens voulant aussi rester propriétaires de leur musique, dont Strata Records à Detroit, Strata East et JCOA (cf. discographie) à New York, Saturn, le label de Sun Ra.
Une analyse de cette destruction méthodique est faite en live par le clairvoyant Stanley Cowell dans Jazz Hot n°269, juillet-août 1969 (cf. sources). En Europe et au Japon, des labels indépendants –Enja, SteepleChase, Criss Cross Jazz, Black Lion, Black Saint, Soul Note, Red Records, Marge, Denon, etc.– documentent l'ensemble du jazz et une partie de ces recherches alternatives, tout en restant déconnectés pour l'essentiel de l'histoire sociale et politique américaine si déterminante dans l'élaboration de cette musique. Les artistes les plus combatifs font avec très peu et Grachan est de ceux-là. Le public spécialisé du jazz très collectionneur en Europe, au Japon, se satisfait aussi des rééditions (le nouveau format CD y incite) de cette incroyable production du jazz depuis sa naissance au XXe siècle, qui n'est d'ailleurs jamais toute parvenue en Europe et au Japon au moment de sa création; c'est en particulier le cas de Blue Note, Prestige, Verve qui font l'objet d'une nouvelle exploitation, non plus par les indépendants à l'origine de cette richesse patrimoniale mais par des majors, des grandes compagnies, pour lesquelles le jazz n'est qu'une marge non conforme aux nouveaux critères de rentabilité immédiate.

Le parcours de Grachan Moncur III est une parfaite illustration du chemin de crête entre réel et utopie révolutionnaire, entre racines et canopée, dans la vie comme dans la musique. Il s’agit d’un équilibre subtil et précaire entre respect de la mémoire et des valeurs de solidarité de la communauté, et sa propre recherche, odyssée vers de nouveaux horizons.

C’est ainsi qu’entre 1971, date du dernier enregistrement de Lee Morgan auquel il participe, et 1993 (cf. discographie), date de l'enregistrement avec le compositeur-bassiste William Parker (In Order to Survive), Grachan travaille avec un grand nombre de musiciens qui respectent son intégrité artistique et ses convictions d’humain comme le 360 Degree Music Experience (cf. vidéographie) animé par Beaver Harris, un compagnon de longue date, ou le Paris Reunion Band: des collectifs tournants qui témoignent autant de la solidarité que du renouvellement de l'énergie et de l'imagination.

En 1994, Grachan reprend l’étendard du théâtre-jazz-poésie comme une résurgence du mouvement Black Arts —BAM— des années 1965-1967 fondé par Amiri Baraka, pour une pièce, New Africa, adaptée de ses compositions et produite par Amiri Baraka à l’Alternative Museum de Manhattan, un lieu d’expression des marges entre 1975 et 2000, à SoHo, au sud de Greenwich Village. En 1996, Grachan perd son père, le musicien multi-instrumentiste au son de trombone magique qui lui a révélé l’instrument; sans doute un événement qui l’atteint car on ne trouve que peu de traces de son activité en live comme en disque et il n’enseigne plus. Il traverse aussi des problèmes de santé notamment dentaires et des problèmes financiers quotidiens.

Grachan Moncur III avec Josh Evans (tp), Greg Murphy (p), Kevin Riley (b), Richard Pearson (dm) Live 27 juillet 2008, à Jammin' on the Hudson: «Now's Time», image extraite d'une vidéo YouTube
Grachan Moncur III avec Josh Evans (tp), Greg Murphy (p), Kevin Riley (b), Richard Pearson (dm)
Live 27 juillet 2008, à Jammin' on the Hudson: «Now's Time»,
image extraite d'une vidéo YouTube (cf. vidéographie)


Entre 2000 et 2007, Grachan remonte sur scène grâce à Archie Shepp et Roswell Rudd, pour le Live in New York (Soundscape/Verve), grâce aussi au coffret Grachan Moncur III Mosaic Select en 2003, le premier de la série qui reprend ses enregistrements Blue Note en leader et avec Jackie McLean, et surtout par ce bel album en octet dans les studios d’Englewood Cliffs, Exploration (Capri) en juin 2004. Khan Jamal (vib) l’invite en janvier 2005 pour Black Awareness, (Spirit Room Series/CIMP 322) aux côtés de Byard Lancaster (as), Dylan Taylor (b), Dwight James (dm), pour les compositions et arrangements, et grâce à Inner Cry Blues en forme d’hommage à ses rêves, avec «Sonny’s Back», les compositions écrites pour le disque rêvé avec Thelonious Monk et Art Blakey.

Une interview de Grachan Moncur III est réalisée par un poète-enseignant, Sean Singer, le 19 octobre 2011 à Rutgers University, Newark, un verbatim précieux de «L’Âme du trombone» dans sa ville. (cf. sources).

Grachan laisse dans le deuil sa femme, Tracy Tamam, deux filles, Ella et Vera, trois fils, Grachan IV, Kenya et Adrien, ses deux frères, Lofton et Lonnie, et plusieurs petits-enfants. Ses deux enfants Hilda et Toih(3) étaient décédés avant lui.

*

NB: Grachan Moncur III ayant côtoyé un très grand nombre d’artistes cités dans ce texte, vous trouverez en fin, après les réactions de quelques musiciens que nous avons pu recueillir, de nombreux articles et interviews de Jazz Hot sélectionnés pour chacun d’eux, afin d’approfondir la compréhension de l’univers et du parcours du tromboniste-compositeur-militant dans son temps.

1. A propos de Blues for Mister Charlie 
https://www.ibdb.com/broadway-production/blues-for-mister-charlie-3197#OpeningNightCast

2. A propos de la raréfaction des enregistrements dès la fin des années 1960, et qui se poursuivra, Alvin Queen se souvient:«Voici quelques points concernant la sortie du disque Soul Connection de John Patton sur mon label Nilva Records que j'ai créé au début des années 80. Les disques Blue Note n'enregistraient personne pendant cette période, et j'ai décidé d'enregistrer tous les musiciens de jazz qui n'étaient pas sous contrat avec eux. Je me souviens d’avoir rencontré Big John Patton par l'intermédiaire de George Braith et Grant Green. John Patton n'allait pas bien musicalement à cette époque et n'avait pas de contrat d’enregistrement. Je lui ai demandé s'il aimerait faire un enregistrement pour ma maison de disques, et il accepté. La version originale de cet enregistrement (Soul Connection) est sortie en 1983, il y a 39 ans.
J’avais demandé à John Patton avec qui il voulait jouer sur cet enregistrement, et il m'a demandé de l’accompagner avec Melvin Sparks à la guitare et Grant Reed au saxophone ténor. A cette époque, John Patton était très proche de Grachan Moncur III; je crois qu'ils vivaient dans la même ville du New Jersey, et ils travaillaient sur de nombreux concerts ensemble. Cet enregistrement a été entièrement effectué en studio. Je me souviens que la nuit avant l’enregistrement, John et Grachan jouaient en concert à Brooklyn, NY, et le gars ne les a pas payés; alors, ils ont décidé d'essayer de récupérer leur cachet le lendemain sur le chemin du studio… Ils sont arrivés avec deux heures de retard. John m'a demandé si je voulais remettre l'enregistrement à plus tard, et je lui ai dit que j'avais besoin de ce disque; alors il a utilisé l'orgue Hammond B3 sur place, et nous avons enregistré directement; c'était donc ma première occasion de jouer et de travailler aux côtés de Grachan.»

3. Tracy Sims,
aka Tamam Moncur

*

GRACHAN MONCUR III & JAZZ HOT
Jazz Hot n°203-1964: article-interview
Jazz Hot n°222-1966: reportage photos sur l’East Village, Free 66
Jazz Hot n°253-1969: le Festival Panafricain d’Alger-reportage photos; BYG, le label à l’avant-garde, août 1969
Jazz Hot n°435-1986: Paris Reunion Band


SOURCES (interviews de Grachan Moncur III)
• 17 janvier 2003, All About Jazz
• 19 octobre 2011, Université Rutgers, Newark, New Jersey, par Sean Singer, poète (recueil Discography, Yale University Press, 2002), enseignant en anglais et études afro-américaines à Rutgers

DISCOGRAPHIE

1964. Grachan Moncur III, Some Other Stuff Blue Note
1964. Grachan Moncur III, Some Other Stuff, Blue Note




Leader-coleader
CD 1962-67. Grachan Moncur III, Mosaic Select, Mosaic Records 001/72435 80379 2 (= les enregistrements Blue Note de Grachan Moncur III et de Jackie McLean où Grachan est présent)
LP  1963. Grachan Moncur III, Evolution, Blue Note 4153
LP  1964. Grachan Moncur III, Some Other Stuff, Blue Note 4177
LP  1965. The New Wave in Jazz, Impulse! AS90 (1 titre)
1962-67. Grachan Moncur III, Mosaic Select, Mosaic Records 001/72435 80379 21963. Grachan Moncur III, Evolution, Blue Note
1964. Grachan Moncur III, Some Other Stuff, Blue Note1965. The New Wave in Jazz, Impulse!













LP  1965. Cecil Taylor/Charles Tolliver/Grachan Moncur/Archie Shepp, The New Breed, ABC/Impulse! IA-9339 (2 titres, autres titres 1961 à 1965)
LP  1969. Grachan Moncur III, New Africa, BYG Actuel/21 529321
LP  1969. Grachan Moncur III, Aco dei de Madrugada, BYG Actuel/33 529333
LP  1974. Grachan Moncur III, Echoes of Prayer, JCOA 1009
1965. Cecil Taylor/Charles Tolliver/Grachan Moncur/Archie Shepp, The New Breed, ABC/Impulse!1969. Grachan Moncur III, New Africa, BYG Actuel1969. Grachan Moncur III, Aco dei de Madrugada, BYG Actuel 1974. Grachan Moncur III, Echoes of Prayer, JCOA













LP  1977. Grachan Moncur III, Shadows, Denon Jazz YX-7572
CD 2004. Grachan Moncur III Octet, Exploration, Capri Records 74068-2
CD 2007. Grachan Moncur III, Inner Cry Blues, Lunar Module Records 10011
1977. Grachan Moncur III, Shadows, Denon Jazz 2004. Grachan Moncur III Octet, Exploration, Capri Records 2007. Grachan Moncur III, Inner Cry Blues, Lunar Module Records














Sideman
LP  1962. Art Farmer/Benny Golson Jazztet, Here and Now, Mercury 60698*
LP  1962. Benny Golson, Just Jazz!, Audio Fidelity ULS-1866 (4 titres/10 =CD Walkin’, Fresh Sound Records 302)
LP  1962. Art Farmer/Benny Golson Jazztet, Another Git Together, Mercury 60737*
* Les deux LP Mercury sont repris dans The Complete Argo/Mercury Art Farmer/Benny Golson/Jazztet Sessions, Mosaic Records MD7-225 (CD)
LP  1963. Herbie Hancock, My Point of View, Blue Note 4126
1962. Art Farmer/Benny Golson Jazztet, Here and Now, Mercury1962. Benny Golson, Just Jazz!, Audio Fidelity1962. Art Farmer/Benny Golson Jazztet, Another Git Together, Mercury1963. Herbie Hancock, My Point of View, Blue Note













LP  1963. The Horace Silver Quintet, Silver's Serenade, Blue Note 4131
LP  1963. Jackie McLean, One Step Beyond, Blue Note 4137 (=CD 7 46821-2)
LP  1963. Jackie McLean, Destination… Out!, Blue Note 4165
LP  1964. Benny Golson International Jazz Orchestra, Stockholm Sojourn, Prestige 7361
1963. The Horace Silver Quintet, Silver's Serenade, Blue Note1963. Jackie McLean, One Step Beyond, Blue Note1963. Jackie McLean, Destination… Out!, Blue Note1964. Benny Golson International Jazz Orchestra, Stockholm Sojourn, Prestige













LP  1965. The Blue Guitar of Sonny Forriest and His Orchestra, Tuff Pickin’, Decca 74716
LP  1965. Wayne Shorter, The All Seeing Eye, Blue Note 4219 (=CD 7243 8 29100 2)
LP  1966. Archie Shepp, Mama Too Tight, Impulse! AS9134
LP  1966. Marion Brown, The Visitor/Juba-Lee, Fontana 881012ZY
1965. The Blue Guitar of Sonny Forriest and His Orchestra, Tuff Pickin’, Decca1965. Wayne Shorter, The All Seeing Eye, Blue Note1966. Archie Shepp, Mama Too Tight, Impulse!1966. Marion Brown, The Visitor/Juba-Lee, Fontana













LP  1966. Marion Brown, Three for Shepp, Impulse! AS9139
LP  1967. Jackie McLean, Hipnosis, Blue Note LA483-J2
LP  1967. Joe Henderson, The Kicker, Milestone 9008 (=CD OJC 3711-2)
LP  1967. Jackie McLean, ‘Bout Soul, Blue Note 84284 (=CD 7243 8 59383)
 1966. Marion Brown, Three for Shepp, Impulse!1967. Jackie McLean, Hipnosis, Blue Note1967. Joe Henderson, The Kicker, Milestone1967. Jackie McLean, ‘Bout Soul, Blue Note













LP  1967. Archie Shepp, Live at Donaueschingen, Saba G15148SB
LP  1967. Archie Shepp, Freedom, JMY F1007-2
LP  1968. Archie Shepp, The Way Ahead, Impulse! AS9170
LP  1968. Archie Shepp, For Losers, Impulse! AS9188
1967. Archie Shepp, Live at Donaueschingen, Saba1967. Archie Shepp, Freedom, JMY1968. Archie Shepp, The Way Ahead, Impulse!1968. Archie Shepp, For Losers, Impulse!













LP  1969. Archie Shepp, Kwanza, Impulse! AS9262
LP  1969. Archie Shepp, Live at the Pan-African Festival, BYG Actuel/51 529351
LP  1969. Dave Burrell, Echo, BYG Actuel/20 529320
LP  1969. Archie Shepp, Poem for Malcolm, BYG Actuel/11 529311
1969. Archie Shepp, Kwanza, Impulse!1969. Archie Shepp, Blasé, Live at the Pan-African Festival, BYG Actuel/511969. Dave Burrell, Echo, BYG Actuel/201969. Archie Shepp, Poem for Malcolm, BYG Actuel/11













LP  1969. Alan Silva & His Celestrial Communication Orchestra, Luna Surface, BYG Actuel/12 529312
LP  1969. Clifford Thornton, Ketchaoua, BYG Actuel/23 529323
LP  1969. Dave Burrell, La Vie de bohème (G. Puccini), BYG Actuel/30 529330
LP  1971. Archie Shepp, Things Have Got to Change, Impulse! AS9212
 1969. Alan Silva & His Celestrial Communication Orchestra, Luna Surface, BYG Actuel/121969. Clifford Thornton, Ketchaoua, BYG Actuel/231969. Dave Burrell, La Vie de bohème (G. Puccini), BYG Actuel/301971. Archie Shepp, Things Have Got to Change, Impulse!













LP  1971. Lee Morgan, The Last Session, Blue Note 84901 (= CD Lee Morgan, The Last Session 7243 4 93401 2)
LP  1979. Beaver Harris 360 Degree Music Experience, Live at Nyon, Cadence Jazz Records 1002
LP  1979. Beaver Harris 360 Degree Music Experience, Safe, Red Records VPA151
LP  1979. Beaver Harris 360 Degree Music Experience, Beautiful Africa, Soul Note 121002
1971. Lee Morgan, The Last Session, Blue Note1979. Beaver Harris 360 Degree Music Experience, Live at Nyon, Cadence Jazz Records1979. Beaver Harris 360 Degree Music Experience, Safe, Red Records1979. Beaver Harris 360 Degree Music Experience, Beautiful Africa, Soul Note













LP  1983. John Patton, Soul Connection, Nilva NQ 3406
LP  1984. Frank Lowe, Decision in Paradise, Soul Note 1082
LP  1985. Cassandra Wilson & Her Quintet, Points of View, JMT G826004
LP  1986. Paris Reunion Band, For Klook, Sonet 977 (=CD Sonet 977)
1983. John Patton, Soul Connection, Nilva1984. Frank Lowe, Decision in Paradise, Soul Note1985. Cassandra Wilson & Her Quintet, Points of View, JMT1986. Paris Reunion Band, For Klook, Sonet













CD 1986-1992. Chris White, The Chris White Project, Muse 5494
LP  1987. Sunny Murray-Khan Jamal-Romulus Franceschini: Change of the Century Orchestra, J.A.S
CD 1993. William Parker, In Order to Survive, Black Saint 120159-2
CD 2000. Archie Shepp/Roswell Rudd, Live in New York, Soundscape/Verve 440 013 482-2
1986-1992. Chris White, The Chris White Project, Muse1987. Sunny Murray-Khan Jamal-Romulus Franceschini: Change of the Century Orchestra, J.A.S1993. William Parker, In Order to Survive, Black Saint2000. Archie Shepp/Roswell Rudd, Live in New York, Soundscape/Verve













CD 2005. Khan Jamal Quintet, Black Awareness, Spirit Room Series, vol. 198, CIMP 322
2005. Khan Jamal Quintet, Black Awareness, Spirit Room Series, vol. 198, CIMP














*

VIDEOGRAPHIE

Kevin Riley (b) et Grachan Moncur III (tb) Live 27 juillet 2008, à Jammin' on the Hudson: «Now's Time», image extraite d'une vidéo YouTube
Kevin Riley (b) et Grachan Moncur III (tb)
Live 27 juillet 2008, à Jammin' on the Hudson: «Now's Time»,
image extraite d'une vidéo YouTube


Chaînes YouTube de Grachan Moncur III

1962. Grachan Moncur III, Art Farmer (tp,flh)/Benny Golson (ts) Jazztet, album Here and Now, Harold Mabern (p) Herbie Lewis (b) Roy McCurdy (dm), «Ruby My Dear», «Richie’s Dilemma», «Sonny’s Back», Mercury MG20698, New York, 28 février et 2 mars

1962. Grachan Moncur III, Art Farmer (tp,flh)/Benny Golson (ts) Jazztet, album Another Git Together, Harold Mabern (p), Herbie Lewis (b), Roy McCurdy (dm), Mercury MG 20737, New York, 28 mai et 21 juin

1963. Grachan Moncur III compositeur, Lee Morgan (tp), Jackie Mclean (as), Bobby Hutcherson (vib), Bob Cranshaw (b), Tony Williams (dm), «Air Raid, Evolution, The Coaster, Monk In Wonderland», Studios Rudy Van Gelder Englewood, NJ, 21 novembre

1963. Grachan Moncur III, Jackie McLean (as), album One Step Beyond, Bobby Hutcherson (vib), Eddie Khan (b), Tony Williams (dm), Englewood Cliffs, NJ, Blue Note BLP4137, 30 avril

1963. Grachan Moncur III, Archie Shepp (ts), album Mama too Tight, Tommy Turrentine (tp) Roswell Rudd (tb), Perry Robinson (cl), Howard Johnson (tu), Charlie Haden (b), Beaver Harris (dm), New York, août, Impulse! A(S)9134

1965. «The Intellect» et «Blue Free», compositions de Grachan Moncur, avec Bobby Hutcherson (vib), Cecil McBee (b), Beaver Harris (dm), Village Gate, Greenwich, NY, 28 mars: «Blue Free» dans The Wave in Jazz (Impulse!, 1965) et les deux titres dans The New Breed (ABC Impulse!, 1978)

1966. Grachan Moncur III, Marion Brown (as), album The Visitor/Juba-Lee, Alan Shorter (tp,flh), Bennie Maupin (ts), Dave Burrell (p), Reggie Johnson (b), Beaver Harris (dm), Fontana 881012ZY, New York, novembre

1966. Grachan Moncur III, Marion Brown, album Three for Shepp, Dave Burrell/Stanley Cowell (p), Norris Sirone Jones (b), Bobby Capp/Beaver Harris (dm), «Delicado, New Blue, Spooks», Impulse! AS9139, New York, 1er décembre

1967. Grachan Moncur III, Joe Henderson (ts), album The Kicker, Mike Lawrence (tp), Kenny Barron (p), Ron Carter (b), Louis Hayes (dm), Milestone M47058, New York, 10 août

1969. Grachan Moncur III, Archie Shepp (ts), album Live at the pan-african festival, Clifford Thornton (cnt), musiciens algériens non crédités, «Brotherhood at Ketchaoha», BYG Actuel F529351 Alger, 29 juillet

1969. Grachan Moncur III (tb,comp), «Exploration», album New Africa, Roscoe Mitchell (as, p fl), Dave Burrell (p), Alan Silva (b), Andrew Cyrille (dm), Paris, 11 août

1969. Grachan Moncur III, Dave Burrell, album Echo, Clifford Thornton (cnt), Arthur Jones (as), Archie Shepp (ts), Alan Silva (b), Sunny Murray (dm), BYG Actuel F529320, Paris 13 août

1969. Grachan Moncur III, Alan Silva (vln,lead) and His Celestrial Communications Orchestra: Bernard Vitet (tp,flh), Archie Shepp (ss), Anthony Braxton (as,ss), Kenneth Terroade (ts), Leroy Jenkins (vln,viole), Burrell (p) Beb Guérin/Malachi Favors (b), Claude Delcloo (dm), album Luna Surface (BYG Actuel 529312) Paris, 17 août 

1969. Grachan Moncur III, Clifford Thornton (cnt), album Ketchaoua, Archie Shepp (ss), Arthur Jones (as), Dave Burrell, (p,bells), Beb Guérin (b), Sunny Murray/Claude Delcloo (dm), Earl Freeman (perc,b), BYG Actuel F529323, Paris, 18 août

1969. Grachan Moncur III (tb,chimes), Dave Burrell (p), La Vie de bohème (Puccini), Ric Colbeck (tp,p,harp), Kenneth Terroade (ts,fl), Beb Guérin (b), Claude Delcloo (d,tymp,chimes), Eleanor Burrell (vcl), BYG Actuel F529330, Paris, 21 décembre

1970. Grachan Moncur III, Beaver Harris (dm) 360 Degrees Music Experience, Roland Alexander (s), Dave Burrell (p), Jymie Merritt (b), Buzzy (voc), Molde Jazz Festival, Norvège, juillet

1971. Grachan Moncur III, Archie Shepp (ts,ss), album Things Have Got to Change, Roy Burrows/Ted Daniels (tp), Charles Greenlee (tb), James Spaulding (as,picfl), Howard Johnson (bar), Dave Burrell (p), David Spinozza/ Billy Butler (g), Leroy Jenkins (vln), Roland Wilson (b), Beaver Harris (dm), Calo Scott (perc,cello), Ollie Anderson/Juma Sutan/Hetty Bunchy Fox (perc), Joe Lee Wilson (voc), Claudette Brown/Anita Branham/Barbara Parsons/Ernestina Parsons/Anita Shepp/Johnny Shepp/Sharon Shepp (voc), «Money Blues», Impulse! AS9212, New York, 17 mai

1971. Grachan Moncur III, Lee Morgan (tp,flh), album Lee Morgan renommé The Last Session (bien que ce ne soit pas le dernier enregistrement de Lee Morgan qui est du 28 janvier 1972), Bobbi Humphrey (fl), Billy Harper (ts,alto-fl), Harold Mabern Jr. (p) Jymie Merritt (b), Reggie Workman (b, perc), Freddie Waits (dm), Englewood Cliffs, NJ, 17-18 septembre 1971, sans doute à l’initiative de Duke Pearson (p) resté seul directeur artistique chez Blue Note (après le décès de Francis Wolff le 8 mars précédent), puis sorti en 1972 par Capitol-EMI aux Usa, et sous Liberty/Blue Note BST84901 en RFAllemagne

1979. Grachan Moncur III, Beaver Harris 360 Degree Music Experience, album Safe, Ken McIntyre (bcl,fl,basson,oboe), Ron Burton (p), Cameron Brown (b), Beaver Harris (dm), Red Records VPA151, Barigozzi Studio, Milan, 22 juin

1983. Grachan Moncur III, John Patton (org), album Soul Connection, Grant Reed (ts), Melvin Sparks Hassan (g), Alvin Queen (dm), Nilva (label suisse d’Alvin Queen) NQ3406, Minot Sound, White Plains, NY, New York, 7 juin

1984. Grachan Moncur III, Frank Lowe (ts), album Decision in Paradise, Don Cherry (pictp), Geri Allen (p,perc), Charnett Moffett (b), Charles Moffett (dm) Soul Note, SN1082, New York, 24 et 28 septembre

1986. Grachan Moncur III, Paris Reunion Band, Woody Shaw (tp), Nat Adderley (crt), Leo Wright (as), Joe Henderson (ts), Bobby Few (p), Jimmy Woode (b), Idris Muhammad (dm), JazzTage Leverkusen, RFA, «Rue Chaptal, The Old Country, The Man From Potter's Crossing, Polka Dots and Moonbeams, Hot Licks», archives TV, 2 novembre

2000. Grachan Moncur III, Archie Shepp/Roswell Rudd, album Live in New York, Reggie Workman (b), Andrew Cyrille (dm), Amiri Baraka (poésie), Soundscape/Verve 440 013 482-2, at Jazz Standard, New York, 23-24, septembre

2004. Grachan Moncur III Octet, album Exploration, Tim Hagans (tp), John Clark (fhr), Dave Woodley (tb), Gary Bartz (as), Billy Harper (ts), Gary Smulyan (bar), Ray Drummond (b), Andrew Cyrille (dm) Mark Masters (arr), Studios Rudy Van Gelder à Englewood Cliffs, NJ, 30 juin

2008. Grachan Moncur III, Jammin’ on The Hudson, Live «Now's The Time» (Charlie Parker), Greg Murphy (p), Kevin Riley (b), Richard Pearson (dm), Josh Evans (tp), prod. Brownstone Entertainment Complex/LLC/Lee O. Bass III/President, 27 juillet

*

Grachan MONCUR III

Vu par…
(propos recueillis par Mathieu Perez et Yves Sportis)




Dave BURRELL (p)
When I met Grachan Moncur III in September 1965 in New York City, he invited me to play with his new group at Slugs’ (in the Far East) in Manhattan’s Lower East Side. The group included Marion Brown, alto sax, Bob Cunningham, bass, and Andrew Cyrille, drums. That was my first professional concert. I learned a lot about jazz interpretation working with Mr. Moncur. He was at the top of his career. We also recorded together in Paris 1969 on each other’s BYG recording sessions. We had just arrived to Paris from Algiers, where we performed at the Pan African Festival with tenor saxophonist Archie Shepp.
In 2019, Grachan and I were honored at John Hopkins University Seminar commemorating 50 years since our participation in the Pan African Festival along with Archie Shepp, Andrew Cyrille and Jacques Coursil. We all performed at An Die Musik Club in Baltimore afterwards. That was the last time I saw my true friend. I will miss Grachan.
 
Lorsque j'ai rencontré Grachan Moncur III en septembre 1965, à New York, il m'a invité à jouer avec son nouveau groupe au Slugs', tout à l’est du Lower East Side de Manhattan. Le groupe comprenait Marion Brown, sax alto, Bob Cunningham, contrebasse, et Andrew Cyrille, batterie. C'était mon premier concert professionnel. J'ai beaucoup appris sur l'interprétation jazz en travaillant avec M. Moncur. Il était au sommet de sa carrière. Nous avons également enregistré ensemble à Paris, en 1969, sur les sessions d'enregistrement BYG. Nous venions d'arriver à Paris d'Alger, où nous nous étions produits au Festival Panafricain avec le saxophoniste ténor Archie Shepp. 
En 2019, Grachan et moi avons été honorés lors du séminaire de l'Université John Hopkins commémorant les 50 ans de notre participation au Festival Panafricain avec Archie Shepp, Andrew Cyrille et Jacques Coursil. Nous avons ensuite tous joué au An Die Musik Club, à Baltimore. C'était la dernière fois que j'ai vu mon grand ami. Grachan va me manquer.


Michael CUSCUNA (producteur, Mosaic Records)

Grachan Moncur III first gained attention as a member of the 1962 edition of the Art Farmer-Benny Golson Jazztet and he contributed two distinctive compositions («Sonny’s Back» and «Space Station») to each of the two albums he made with them. In April 1963, Jackie McLean recorded the daring One Step Beyond with Grachan, Bobby Hutcherson, Eddie Khan and Tony Williams. The music was fresh and explosive, solidifying Moncur, Hutcherson and Williams as brilliant new voices on their instruments. Grachan’s «Frankenstein» and «Ghost Town» were haunting originals. Released in December of that year, the album had a major impact on the modern jazz scene. By that time, the same principal musicians had already recorded McLean’s Destination… Out! and Moncur’s Evolution which upon release further advanced the amazing music of these men.

When Grachan recorded Evolution and his second Blue Note album Some Other Stuff, Alfred Lion offered that instead of an artist royalty to set the trombonist up with his own publishing company that would produce more income for the years to come. Years later, Grachan told me that it was the best business move he ever made, insisting on controlling all his compositions for the rest of his life.

I first met Grachan in 1967 when he was working with Joe Henderson’s sextet. He was a warm, welcoming person who sincerely appreciated anyone who expressed an interest in his music. That year, he also began a long association with Archie Shepp. In 1969, he resided in Paris, recording with Sunny Murray and Dave Burrell among others. Through the years, he worked with many of the major voices of free jazz. His ambitious composition projects included Echoes of Prayer commissioned by the Jazz Composers Orchestra. The adventurous quartet he led with organist John Patton in the ‘80s made only one album (Soul Connection in 1983).

In the early 2000s, Grachan, Jackie McLean and Bobby Hutcherson reunited at Iridium in New York City to revisit their classic Blue Note recordings. Grachan died of cardiac arrest in his hometown of Newark, New Jersey on June 3, 2022, his 85th birthday. He was a gentle soul and an original thinker whose legacy will live on in his recordings.


Grachan Moncur III a d'abord attiré l'attention en tant que membre de l'édition 1962 de l'Art Farmer-Benny Golson Jazztet et il a contribué par deux compositions distinctes («Sonny's Back» et «Space Station») pour chacun des deux albums qu'il a réalisés avec eux. En avril 1963, Jackie McLean a enregistré l'audacieux One Step Beyond avec Grachan, Bobby Hutcherson, Eddie Khan et Tony Williams. La musique était fraîche et explosive, solidifiant Moncur, Hutcherson et Williams comme de nouvelles voix brillantes sur leurs instruments. «Frankenstein» et «Ghost Town» de Grachan étaient des originaux habités/hantés/fantomatiques. Sorti en décembre de la même année, l'album a eu un impact majeur sur la scène du jazz moderne. A cette époque, les mêmes musiciens principaux avaient déjà enregistré Destination… Out! de McLean et Evolution de Moncur qui, à leur sortie, ont encore fait progresser la musique étonnante de ces hommes.

Lorsque Grachan a enregistré Evolution et son deuxième album Blue Note Some Other Stuff, Alfred Lion a proposé qu'au lieu des royalties d'artiste, le tromboniste ait sa propre maison d'édition qui produirait plus de revenus pour les années à venir. Des années plus tard, Grachan m'a dit que c'était la meilleure décision commerciale qu'il ait jamais prise, insistant pour contrôler toutes ses compositions pour le reste de sa vie.

J'ai rencontré Grachan pour la première fois en 1967 alors qu'il travaillait avec le sextet de Joe Henderson. C'était une personne chaleureuse et accueillante qui appréciait sincèrement quiconque s'intéressait à sa musique. Cette année-là, il entame également une longue association avec Archie Shepp. En 1969, il réside à Paris, enregistrant avec Sunny Murray et Dave Burrell entre autres. Au fil des ans, il a travaillé avec de nombreuses voix majeures du free jazz. Ses projets de composition ambitieux comprenaient Echoes of Prayer commandé par le Jazz Composers Orchestra. Le quartet aventureux qu'il a co-dirigé avec l'organiste John Patton dans les années’ 80 n'a fait qu'un seul album (Soul Connection en 1983).

Au début des années 2000, Grachan, Jackie McLean et Bobby Hutcherson se sont réunis à l’Iridium à New York pour revisiter leurs enregistrements Blue Note classiques. Grachan est décédé d'un arrêt cardiaque dans sa ville natale de Newark, New Jersey le 3 juin 2022, son 85e anniversaire. C'était une âme douce et un penseur original dont l'héritage vivra dans ses enregistrements.



Andrew CYRILLE (dm)
Circa 1958, I got a job at Brooklyn, New York’s jazz night club, The Turbo Village. I asked Grachan Moncur to play there with me and alto saxophonist Gary Bartz. Grachan did not have a Local 802 musician’s union card, which he needed to work there. So, I took him to the Union office on West 52nd Street, NY. He got his union card and in the ensuing years he and I played together and recorded in the US and abroad - too many times to mention here!
Grachan will always have a special place in my heart.

Vers 1958, j'ai trouvé un engagement au Turbo Village, à Brooklyn. J'ai demandé à Grachan Moncur et au saxophoniste alto Gary Bartz d'y jouer avec moi. Grachan n'avait pas de carte du syndicat des musiciens Local 802, dont il avait besoin pour travailler. Alors, je l'ai emmené au bureau du syndicat, sur West 52nd Street, à New York, et il a obtenu sa carte syndicale. Dans les années qui ont suivi, nous avons joué ensemble et enregistré aux États-Unis et à l'étranger-trop de fois pour en parler ici! 
Grachan occupera toujours une place particulière dans mon cœur.


Bennie MAUPIN (fl, ss, ts, bcl)

My brief association with Grachan lasted one amazing week in New York at Slugs’ (1966). At that time he was very active composing, recording and playing in NYC. It was an amazing creative moment exploring his music. His «Blues for Donald Duck» captured our audiences. A true classic. May he Rest In Peace.

Ma brève collaboration avec Grachan a duré une semaine au Slugs’, à New York (1966). A cette époque, il était très actif, composant, enregistrant et jouant à New York. Explorer sa musique a été un moment créatif incroyable. Son «Blues for Donald Duck» captivait le public. Un vrai classique. Qu'il repose en paix.


William PARKER (b)
Another Unsung Hero is gone. Grachan Moncur III, in my eyes, is one of the most creative musicians in the world. A stellar trombonist who possessed what the poet Ted Joans would call, "self-sound." His gift was his sound and the ability to be himself to go inside and speak a language laced with compassion and hope. Grachan’s sound was a beacon of light. His sound could launch you into a new African world. For a while, he had a music workshop in Harlem called "The Space Station", where musicians could rehearse and share knowledge. I met Grachan in 1972 at a rehearsal for his Orchestra piece, "Echoes of a Prayer.” Later, I played gigs with him in Sonny Murray's quartet and quintet, including a week at Lush Life, a New York jazz club. He recorded and played in one of the early versions of my band, To Survive. It was always a pleasure and joy to meet or play with him. He was a jazz original. A rarity in today's world of jazz school musicians. 

I miss him. Let's try to keep his spirit alive by being ourselves.

 

Un autre héros méconnu est parti. Grachan Moncur III, à mes yeux, est l'un des musiciens les plus créatifs au monde. Un tromboniste extraordinaire qui possédait ce que le poète Ted Joans aurait appelé «self-sound» (un son à lui). Son don était sa sonorité et la capacité d'être lui-même pour entrer et parler une langue empreinte de compassion et d'espoir. Le son de Grachan était un phare de lumière. Son son pouvait vous propulser dans un nouveau monde africain. Pendant un certain temps, il a eu un workshop à Harlem appelé «The Space Station», où les musiciens pouvaient répéter et partager leurs connaissances. J'ai rencontré Grachan en 1972 lors d'une répétition pour sa pièce d'orchestre, «Echoes of a Prayer». Plus tard, j'ai joué avec lui dans le quartet et le quintet de Sonny Murray, dont une semaine au Lush Life, un club de jazz new-yorkais. Il a enregistré et joué dans l'une des premières versions de mon groupe, To Survive. C'était toujours un plaisir et une joie de le rencontrer ou de jouer avec lui. C'était un original du jazz. Une rareté dans le monde actuel des musiciens sortis des écoles de jazz.
Il me manque. Essayons de garder son esprit vivant en étant nous-mêmes.


Reggie WORKMAN (b)

I was a great friend of Grachan Moncur III and I was supportive of his music. I had a chance to work closely with him, because Amiri Baraka suggested inviting him into our production at the Cooler (NYC), in the 1990s. His "trailblazing" sound and avant-garde compositions were unique in themselves! He was not recognized the way he should have been, but we loved him!
Rest in Peace dear friend and thank you! 

J'étais un grand ami de Grachan Moncur III et je soutenais sa musique. J'ai eu la chance de travailler en étroite collaboration avec lui, car Amiri Baraka a proposé de l'inviter dans notre production au Cooler (NYC), dans les années 1990. Sa sonorité "novatrice" et ses compositions avant-gardistes étaient uniques en elles-mêmes! Il n'était pas reconnu comme il aurait dû l'être, mais nous l'aimions!
Repose en paix cher ami et merci! 

*

GRACHAN MONCUR III en son temps
à travers la lecture de JAZZ HOT
Sunny Murray, Grachan Moncur III, Archie Shepp, Alger, juillet 1969 couverture de Jazz Hot n°253-Septembre 1969
Sunny Murray, Grachan Moncur III, Archie Shepp, Alger, juillet 1969
couverture de Jazz Hot n°253-Septembre 1969

Les trombonistes de la génération de Grachan Moncur III
- Curtis Fuller, Jazz Hot 2021
- Garnett Brown, Jazz Hot n°681-2017
- Slide Hampton, Jazz Hot 2021

La jeunesse de Grachan Moncur III et Newark
- Teddy Wilson, Jazz Hot n°42, 1950
- Billie Holiday, Jazz Hot n°Spécial 2000
- Sarah Vaughan, Jazz Hot n°92, 1954
  Sarah Vaughan, Jazz Hot n°235, 1967
- Dinah Washington, Jazz Hot n°651, 2010
- Ike Québec, Jazz Hot n°30, 1949
- Amiri Baraka, LeRoi Jones-Newark, Jazz Hot n°234, 1967
  Amiri Baraka, Jazz Hot n°666, 2013-2014
- Max Roach, Jazz Hot n°95, 1955
- Babs Gonzales, Jazz Hot n°57, 1951
- Dizzy Gillespie, Jazz Hot n°57, 1951
  Dizzy Gillespie, Jazz Hot n°Spécial 1998

La composition, le trombone, les fondations
- J.J. Johnson, Jazz Hot n°537, 1997
- Art Blakey’s Jazz Messengers, Jazz Hot 2010
- Thelonious Monk, Jazz Hot n°32, 1949
  Thelonious Monk, Jazz Hot n°331, 1976
  Thelonious Monk, Jazz Hot n°Spécial 1998
- Sonny Rollins, Jazz Hot n°181, 1962
  Sonny Rollins, Jazz Hot n°606, 2003

Messengers et soul brothers
- Ray Charles, Jazz Hot n°167, 1961
  Ray Charles, Jazz Hot n°Spécial 2004
- David Fathead Newman, Jazz Hot n°Spécial 2004
- Hank Crawford, Jazz Hot n°648, 2009
- Benny Golson, Jazz Hot n°139, 1959
  Benny Golson, Jazz Hot n°545, 1997
- Freddie Hubbard, Jazz Hot n°173, 1962
- Eric Dolphy, Jazz Hot n°163, 1961
- Wayne Shorter par LeRoi Jones (Amiri Baraka), Jazz Hot n°148, 1959
  Wayne Shorter, Jazz Hot n°532, 1996
  Wayne Shorter, Jazz Hot n°Spécial 2005
- Ron Carter, Jazz Hot n°638, 2007
- Paul Chambers, Jazz Hot, n°159, 1960
- Charli Persip, Jazz Hot 2020
- Jimmy Cobb, Jazz Hot n° 634, 2006
- Art Farmer, Jazz Hot n°149, 1959
- Harold Mabern, Jazz Hot n°681, 2017
- Herbie Hancock, Jazz Hot n°190, 1963
  Herbie Hancock, Jazz Hot n°516, 1994-1995
- Donald Byrd, Jazz Hot n°125, 1957
  Donald Byrd, Jazz Hot n°140, 1959
- Hank Mobley, Jazz Hot n°243, 1968
- Grant Green, Jazz Hot n°570, 2000
- Chuck Israels, Jazz Hot n°654, 2010
- Lee Morgan, Jazz Hot n°139, 1959
- Jackie McLean, Jazz Hot n°193, 1963
  Jackie McLean, Jazz Hot n° 288, 1972
  Jackie McLean, Fondation Artist Collective, Jazz Hot n° 630, 2006
- Bobby Hutcherson, Jazz Hot n°171, 1961
  Bobby Hutcherson, Jazz Hot n°628, 2006
- Bob Cranshaw, Jazz Hot n°582, 2001
- Tony Williams, Jazz Hot n°238, 1968
- Cecil McBee, Jazz Hot n°607, 2004
- Horace Silver, Jazz Hot n°528, 1996
- Kenny Dorham, Jazz Hot n°552, 1998
- Blue Mitchell, Jazz Hot n°141, 1959
- Junior Cook, Jazz Hot n°141, 1959
- Jimmy Heath, Jazz Hot n°615, 2004
  Jimmy Heath, Jazz Hot 2020
- Gene Taylor, Jazz Hot n°141, 1959
  Gene Taylor, Jazz Hot 2021
- Roy Brooks, Jazz Hot n°627, 2006
- Roy Haynes, Jazz Hot n°533, 1996
- Joe Chambers, Jazz Hot 2021
- John Coltrane, Jazz Hot n°492, 1992
  John Coltrane, Jazz Hot n°Spécial 1998
- Cecil Taylor, Jazz Hot n°206, 1965
- Albert Ayler, Jazz Hot n°213, 1965
- Betty Carter, Jazz Hot n°485, 1992
- Charles Tolliver, Jazz Hot n°677, 2016
- Marion Brown, Jazz Hot n°236, 1967
  Marion Brown, Jazz Hot n°242, 1968 
  Marion Brown, Jazz Hot n°653, 2010
- Dave Burrell, Jazz Hot n°253, 1969
  Dave Burrell, Jazz Hot n°534, 1996
- Reggie Johnson, Jazz Hot n°607, 2004
  Reggie Johnson, Jazz Hot 2020
- Bennie Maupin, Jazz Hot 2021
- Beaver Harris, Jazz Hot n°280, 1972
  Beaver Harris, Jazz Hot n°491, 1992
- Stanley Cowell, Jazz Hot n°252, 1969
  Stanley Cowell, Jazz Hot n°586, 2001
  Stanley Cowell, Jazz Hot 2020
- Joe Henderson, Jazz Hot n°292, 1973
  Joe Henderson, Jazz Hot n°555, 1998
- Kenny Barron, Jazz Hot n°575, 2000
- Louis Hayes, Jazz Hot n°685, 2018
- Woody Shaw, Jazz Hot n°422, 1985
- Rashied Ali, Jazz Hot n°650, 2009
- Jymie Merritt, Jazz Hot n°139, 1959
  Jymie Merritt, Jazz Hot n°174, 1962
  Jymie Merritt, Jazz Hot 2020
- Archie Shepp, Jazz Hot n°211, 1965
  Archie Shepp, Jazz Hot n°238, 1968
  Archie Shepp, Jazz Hot n°498, 1993
  Archie Shepp, Jazz Hot n°499, 1993
- Jimmy Garrison, Jazz Hot n°280, 1972
- Roswell Rudd, Jazz Hot n°605, 2003
- Ted Joans, Jazz Hot n°234, 1967
  Ted Joans, Jazz Hot n°252, 1969
  Ted Joans, Jazz Hot n°602, 2003
- Jimmy Owens, Jazz Hot n°671, 2015
- Robin Kenyatta, Jazz Hot n°269, 1971
  Robin Kenyatta, Jazz Hot n°595, 2002
- Mel Brown, Jazz Hot n°257, 1970
- Clifford Thornton, Jazz Hot n°253, 1969
- Arthur Jones par Gérard Terronès, Jazz Hot n°551, 1998
- Alan Silva, Jazz Hot n°247, 1969
- Roscoe Mitchell, Jazz Hot n°356-357, 1979
- Sunny Murray, Jazz Hot n°222, 1966
  Sunny Murray, Jazz Hot n°489, 1992
- Malachi Favors, Jazz Hot n°608, 2004
- Philly Joe Jones, Jazz Hot n°151, 1960
- Anthony Braxton, Jazz Hot n°349, 1978
- Kenneth Terroade, Jazz Hot n°253, 1969
- Beb Guérin, Jazz Hot n°253, 1969
- Bernard Vitet, Jazz Hot n°394, 1982
- Claude Delcloo, Jazz Hot n°253, 1969
- Earl Freeman, Jazz Hot n°253, 1969
- Howard Johnson, Jazz Hot 2021
- Billy Harper, Jazz Hot n°658, 2011
- Ken McIntyre, Jazz Hot n°272, 1971
  Ken McIntyre, Jazz Hot n°482, 1991
- Cameron Brown, Jazz Hot n°337, 1977
  Cameron Brown, Jazz Hot n°648, 2009
- John Patton, Jazz Hot n°590, 2002
- Alvin Queen, Jazz Hot n°572, 2000
- Don Cherry, Jazz Hot n°397, 1983
- Frank Lowe, Jazz Hot n°605, 2003
- Geri Allen, Jazz Hot n°589, 2002
  Geri Allen, Jazz Hot n°680, 2017
- Charnett Moffett, Jazz Hot n°640, 2007
- Charles Moffett, Jazz Hot n°540, 1997
- Cassandra Wilson, Jazz Hot n°513, 1994
- Nat Adderley, Jazz Hot n°567, 2000
- Nathan Davis, Jazz Hot n°578, 2001
- Kenny Drew, Jazz Hot n°504, 1993
- Jimmy Woode, Jazz Hot n°621, 2005
- Idris Muhammad, Jazz Hot n°616, 2004
- Ted Curson, Jazz Hot n°553, 1998
- Byard Lancaster, Jazz Hot n°605, 2003
- William Parker, Jazz Hot n°659, 2012

Le son, la production
- Rudy Van Gelder, Jazz Hot n°491, 1992
  Rudy Van Gelder, Jazz Hot n°677, 2016
- Bob Thiele, Jazz Hot n°208, 1965
  Bob Thiele, Jazz Hot n°492, 1992
  Bob Thiele, Jazz Hot n°528, 1996

L’Amérique post-Martin Luther King: le jazz en marge
Freddie Redd, Jazz Hot 2021
Sonny Simmons, Jazz Hot 2021
Giuseppi Logan, Jazz Hot 2020
Milford Graves, Jazz Hot 2021
Henry Grimes, Jazz Hot 2020
*