Ira Sullivan
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21 sep. 2020
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1er Mai 1931, Washington, DC - 21 sept 2020, Miami, FL
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© Jazz Hot 2020
Ira SULLIVAN Chicago Spirit
Après Arthur Hoyle, Cleveland Eaton, Feddy Cole, Lee Konitz, le décès
d'Ira Sullivan est là pour nous démontrer que Chicago n'a pas été qu'une étape
dans «l'histoire du jazz», mais un haut lieu des musiques quels que soient les
genres depuis la World's Columbian Exposition de 1893. Tout comme il n'y a pas
eu d'extinction musicale néo-orléanaise à la fermeture du quartier de Storyville
en 1917 –dont l'importance est plus romantique que réelle–, Chicago a évidemment
résisté aux départs vers New York des King Oliver et Jelly Roll Morton pour ne
rien dire du boss pour les trompettistes, Louis Armstrong.
Ira Sullivan n'est pas né à Chicago mais y a
grandi. Il s'est fixé en Floride à la fin de 1962, mais il s'est lui-même
considéré comme un musicien de Chicago. Ira Sullivan a une autre particularité,
celle d'être multi-instrumentiste comme on dit, et plus particulièrement
trompettiste et saxophoniste. Il n'est pas le seul, même si ce n'est pas
fréquent. Des exemples aux Etats-Unis (de Pete Brown à Herbert Hardesty) comme
ailleurs existent. Le plus brillant précurseur d'Ira Sullivan dans ce domaine,
et on l'oublie trop, est Benny Carter qui fut un sax alto et un
trompettiste. Un vrai trompettiste, pas un saxophoniste qui double à la
trompette avec une aptitude modeste. Ira Sullivan est dans le même cas. C'est
un vrai trompettiste et un sérieux saxophoniste. Benny Carter pouvait être bon
à la clarinette et au trombone, Ira Sullivan savait l'être au «peck horn» (saxhorn
alto de la famille des tubas) et à la flûte. Troisième caractéristique d'Ira
Sullivan, il fut un maître du bebop et il a partagé la scène à Chicago avec
Charlie Parker, ce qui fait sa légende. Notons au passage qu'à partir de 1952,
au club Bee-Hive de Chicago, Ira avait aussi eu l'occasion de jouer avec
d'autres artistes de passage comme Roy Eldridge, Howard McGhee, Benny Green,
Sonny Stitt, Paul Quinichette, Lester Young et Wardell Gray. Pas moins!
Ira
Brevard Sullivan, Jr. est né à Washington, DC le 1er mai 1931, dans une famille musicienne! Son père a joué de la
trompette, du trombone, de la clarinette et du saxophone tandis que sa mère
pratiquait le piano et le sax alto. Ses tantes ont joué du violon, du piano et de
la batterie. Enfin, un de ses oncles a été membre du John Philip Sousa Band et
un autre s'est illustré dans le ragtime au cornet. Ce qui n'est pas banal, on
en conviendra. Dès l'âge de 3 ans et
demi, son père lui enseigne le cornet et très vite ensuite la trompette. Ce qui
est vraiment très jeune! Ira dira en 1992 à Ted Panken: « Je suis passé de la crèche à la trompette!» Le cornet et la
trompette sont des instruments de même type, étant entendu que le cornet est un
peu plus facile et plus simple à tenir pour un enfant. Ces débuts d'Ira se font
même trop jeunes en théorie, car il ne faut pas commencer ce très difficile
instrument avant d'avoir une denture définitive qui s'établit entre 6 et 13
ans. Former l'embouchement, néologisme qui concerne les muscles faciaux, la
forme des lèvres et d'autres caractéristiques anatomiques, avant 6 ou 7 ans est
possible. Sauf que tout est peut-être à recommencer après le remplacement des
dents de lait par les dents permanentes! Celles-ci sont le support derrière les
lèvres qui résiste à la pression de l'embouchure. Etant connu que contrairement
à la théorie surgie dans les années 1920 aux Etats-Unis, à Chicago précisément,
du «non pressure» (et non pas «no
pressing» en mauvais anglais), l'instrument ne peut pas être joué sans un appui
derrière l'embouchure qui peut marquer les lèvres par effet d'écrasement plus
ou moins important (regardez celles de Louis Armstrong à Roy Hargrove). Le
pédagogue Claude Gordon disait: «no
pressure, no sound, no gig, no money (pas
de pression –sur les lèvres–, pas de son, pas de boulot, pas d'argent)».
Ira Sullivan constitue donc une particularité. Après avoir étudié la trompette
trop jeune, cela n'a pas été un drame lors du passage à la denture définitive.
En tant qu'enfant prodige, Ira a joué à la radio le «Sugar Blues» au cornet, en
imitant Clyde McCoy, trompettiste très populaire. A l'église, Ira joue des duos
sur des cantiques avec un prêtre trompettiste.
Sa mère lui
enseigne ensuite le saxophone; on lit souvent qu'Ira est autodidacte, ce qui
est faux. En revanche, il ne sort pas d'études faites dans une université. S'il se concentre sur la trompette, il commence à jouer à 9 ans
dans des orchestres scolaires, c'est surtout au saxophone. Ce n'est pas
prémédité mais, selon l'expérience du signataire qui a pratiqué les deux
instruments, c'était mieux pour lui de procéder dans cet ordre. Pourquoi? Parce
que la musculation du masque facial n'est pas la même entre la pratique de la trompette
et celle du saxophone. A la trompette, il faut serrer les lèvres, et surtout ne
pas trop écarter les maxillaires. Or, le placement du bec de saxophone (et de
clarinette) écarte les maxillaires. Si on est principalement saxophoniste, on a
le réflexe de poser l'embouchure de la trompette sur des lèvres trop molles et des
maxillaires trop écartés, ce qui va handicaper le registre aigu. Si on est
trompettiste de formation, la pose d'embouchure se fera correctement pour cet
instrument. Le saxophone est un instrument vraiment plus simple à maîtriser que
la trompette, ce qui n'empêche pas d'avoir à beaucoup le travailler si l’on
vise le niveau artistique d'un Coleman Hawkins ou d'un John Coltrane. On
remarquera que Benny Carter, qu'Ira a cité comme une de ses premières
influences, a débuté par la trompette lui-aussi avant d'opter pour le saxophone ténor. Curieusement, après s'être fixé à Chicago avec sa famille vers
1945 et commençant alors à s'intéresser au jazz, Ira Sullivan a aussi doublé au
sax ténor en ut, dit C Melody saxophone
en anglais, pour jouer le blues.
La technique est une
chose, la musique en est une autre, sauf peut-être aujourd'hui… mais à l'époque
d'Ira on est musicien, pas un objet de commerce à exhiber. Pour tout genre
musical de culture, il faut pour ces générations de l'âge d'or, écouter et
écouter encore. Le teenager Ira Sullivan va s'immerger dans la musique à
laquelle la vie à Chicago l’expose. A son époque,
lorsqu'on allait au cinéma, il y avait un orchestre en attraction. Ce pouvait
être le Casa Loma Orchestra ou tout autre grand orchestre de danse. Ira a
raconté en 1992: «J'étais toujours ravi,
vous savez, quand les rideaux s’ouvraient. Et un jour, je me souviens, j'avais
14 ans, j'ai vu l'orchestre de Woody Herman… C'était vraiment une période
très excitante de ma vie... Ensuite bien sûr, j'ai entendu le big band de Dizzy
Gillespie. Puis quand j'avais environ 18 ans, en allant au bal de fin d'études
de mon lycée, Gene Krupa jouait en ville.» Comme beaucoup de jeunes
débutants à la trompette, Ira Sullivan tombe sous le charme du jeu d'Harry
James. Harry James et Benny Carter sont donc ses premières idoles.
En 1945-47, il se lance donc dans des jam sessions à Chicago et dans les
environs, lesquelles étaient le bon moyen de se faire remarquer en ce
temps-là. Pas d'internet pour l'auto-publicité, on commence donc à le
solliciter. Dès juin 1953, il participe même à sa première séance de disques pour le label Chance, aux Studios Universal de Chicago pour le compte de Conte
Candoli (tp). Il y joue du sax ténor et, parmi les musiciens, il y a Chubby
Jackson (b). Un 78 tours, Chance 1153 couple les titres «Flamingo» et «Mambo
Junior». Ils seront réédités avec deux autres morceaux de cette séance en 33
tours IAJRC. Devenu un jeune professionnel, Ira Sullivan a
l'opportunité de jouer avec Charlie Parker pendant une semaine en janvier 1955.
C'était au Bee-Hive Lounge, club situé au 1503 East 55th Street d'Hyde Park, où
Ira a été engagé dans l'orchestre maison (house
band) pendant deux ans et demi (1952-55). La base est le trio du pianiste
Norman Simmons avec Victor Sproles (b) et initialement Vernel Fournier (dm).
Des sources, dont Walter Bruyninckx, avancent que des enregistrements privés de
Parker et Sullivan existent. C'est au cours de la même année 1955 qu'Ira Sullivan
joue dans ce club historique avec le trop oublié Wardell Gray (ts, 1921-1955) qui décède peu après. Le Bee-Hive
Lounge ferme en 1956. En fait, Charlie Parker lui a même demandé de venir le
rejoindre à New York, ce qu'il a fait. Pendant quelques jours, ils ont joué
ensemble et parlé d'art et de littérature. Hélas, Bird est décédé une semaine
après l'arrivée d'Ira, le 12 mars 1955. Ira retourne à Chicago, et il joue alors
pour Bill Russo (1955). En janvier-mars-novembre 1956, Ira Sullivan enregistre
un premier disque sous son nom (ABC-Paramount 162). Il y pratique la trompette
et les sax ténor et alto accompagné par Billy Taylor (p), Earl May (dm) et l'excellent Ed Thigpen (dm) («You Don't
Know What Love Is», «In a Mellow Tone», «They Can't Take That Away From Me»,…).
A cette époque, il était louable de jouer les standards. Il travaille aussi avec
Art Blakey, surtout comme sax ténor en compagnie de Donald Byrd (tp), Kenny
Drew, Sr. (p) et Wilbur Ware (b). Des traces enregistrées à New York existent
datant du 25 juin 1956, ainsi qu'avec la chanteuse Rita Reys. Ira fait aussi
une tournée avec Art Blakey, mais la vie sur les routes ne lui plaisait pas: «J'ai juré de ne plus refaire ça.» (JazzTimes). Il a préféré être près de chez
lui, ce qui explique pourquoi il n'a pas eu la notoriété qu'il mérite auprès du
public, ce n'était pas sa priorité. Son épouse Charlene Sullivan a déclaré: «C’était un père de famille. Il a tourné le
dos à la gloire en préférant sa famille».
A la même époque, il
participe au premier disque de J.R. Monterose (ts) en tant que trompettiste
avec rien moins qu'Horace Silver (p), Wilbur Ware (b) et Philly Joe Jones (dm), à Hackensack, N.J., le 21 octobre 1956. Sa compétence à la trompette et au sax
ténor, tout comme bientôt à l'alto et au baryton, ainsi que son talent de
bopper, sont rapidement reconnus dans le métier. Dès juin 1955, il
commence à travailler avec le trompette Red Rodney, bopper orthodoxe et ancien
sideman de Charlie Parker. Pour lui il participe à l'album Red Rodney: 1957
(Signal 1206) mis en boîte à New York les 22 et 24
novembre en compagnie de Tommy Flanagan (p), Oscar Pettiford (b) et soit Philly
Joe Jones, soit Elvin Jones (dm) pour trois titres chacun! Pour ces séances,
Ira ne joue que du sax ténor à l'exception de «Red Arrow» où on l'entend à la
trompette. La chance pour la documentation des artistes actifs à Chicago a pour
nom Robert Gregg Koester, né en 1932 à Kansas City. C'est d'abord à St. Louis
que Bob Koester lance en 1953 un label de disques, Delmar, sur la Delmar Avenue
(!). Mais en 1958, il transfert sa production à Chicago, et le nom du label s'allonge d'un "k" (Delmark). Il gérait aussi,
pendant un temps, une boutique de disques de jazz et de blues. Il n'a certes
pas produit que des séances faites à Chicago (Bunk Johnson, NYC, 1947; Dewey
Jackson, St Louis, 1952) ou de blues (notamment les pianistes: Frank Melrose,
Little Brother Montgomery, Speckled Red, Roosevelt Sykes, Sunnyland Slim), mais
sa documentation sur disques de l'activité chicagoane est inégalée allant de
Bill Reinhardt (Jazz Ltd), Franz Jackson, Art Hodes à Jodie Christian, Sun Ra,
Roscoe Mitchell. C'est grâce à Koester que la discographie d'Ira Sullivan prend
de l'ampleur.
Pour son compte, Ira
retourne en studio, le 24 décembre 1958, à Chicago, avec Nicky Hill (ts), Jodie
Christian (p), Victor Sproles (b) et Wilbur Campbell (dm). Il a amené la
trompette, le «peck horn», les sax alto, ténor et baryton! Il en sort un
excellent morceau, «Nicky's Tune» sur Delmark 422. Ira avec raison sera d'abord
fidèle à cette section rythmique qui présente sous un bon jour le pianiste
Jodie Christian (1932-2012), ex-élève de la Wendell Philips High School qui a
eu l'occasion de jouer pour Coleman Hawkins, Lester Young, Clifford Brown et
Dexter Gordon. A peine plus âgés, Victor Sproles (1927-2005) et Wilbur Campbell
(1926-1999) sont d'anciens élèves du fameux Walter Dyett (1901-1969), au lycée
DuSable. Dyett y a enseigné de l'ouverture en 1935 jusqu'en 1962. On ne compte
plus ses élèves dans cet établissement qui ont fait carrière: Gene Ammons, Fred
Below, Ronnie Boykins, Sonny Cohn, Nat King Cole, Richard Davis, Bo Diddley,
Von Freeman, John Gilmore, Johnny Griffin, Eddie Harris, Johnny Hartman, Milt
Hinton, Clifford Jordan, Jesse Miller, Pat Patrick, Walter Perkins, Julian
Priester, Wilbur Ware, Dinah Washington pour n'en citer que quelques uns.
Victor Sproles, dont nous avons signalé l'activité au Bee-Hive où il connut Ira
Sullivan, a enregistré pour Sun Ra (1956-57). Il accompagne la chanteuse
Alberta Hunter et joue au sein des Jazz Messengers d'Art Blakey. Wilbur
Campbell a accompagné Lester Young, Roy Eldridge (1947), Charlie Parker (1954)
et Sonny Stitt (1958).
Le dimanche 26 juillet
1959, Ira Sullivan enregistre avec les mêmes musiciens, sauf un Johnny Griffin
très en forme à la place de Nicky Hill, son possible meilleur album, Blue
Stroll (Delmark 402). Johnny Griffin, né à Chicago, ex-élève
du célèbre Walter Dyett, était déjà passé au sein des Jazz Messengers d'Art
Blakey (mars-octobre 1957) et du quartet de Thelonious Monk (quatre mois en 1958).
Très bon swingman, Johnny Griffin attire l'équipe sur son terrain, et il est une
raison de la réussite du disque au même titre que le leader. La séance a pris
place de 16 à 21 heures dans le petit studio de Richard Cunliffe de North Avenue
à Chicago. Wilbur Campbell a été obligé de louer une batterie bon marché parce
que la sienne est restée enfermée dans la salle de danse du Sutherland Hotel.
Il y a deux prises pour «Wilbur's Tune», thème de Wilbur Campbell. Sur tempo
médium-vif, la prise «master» de «Wilbur's Tune» est du pur
bop avec à la trompette un Ira Sullivan inspiré, au son clair, qui dans
beaucoup de tournures de phrases a intégré l'apport de Clifford Brown. Après
les solos de Griffin et de Sullivan, il y a ceux de Christian, Sproles puis une
alternative des deux souffleurs avec Campbell. Le solo de trompette d'Ira dans
l'alternate take est sensiblement
différent, mais la construction du développement est identique avec notamment
un passage en notes répétées très brownien. Wilbur Campbell est encore meilleur
dans cette prise alternative. Il y a un changement de tempo dans «My Old Flame»
comme le pratiquait souvent Clifford Brown dans les ballades, mais ici Ira
Sullivan s'exprime au sax baryton, avec aisance et un son plus ample que celui
de Gerry Mulligan. Jodie Christan ne se sert guère de sa main gauche dans le
solo, ce qui est compensé par les admirables lignes de basse de Victor Sproles.
Johnny Griffin ne joue pas dans ce titre. Jodie Christian est l'auteur du
thème-riff, «Blue Stroll», joué en tempo médium qui swingue bien. Johnny
Griffin prend un solo avec cet art qui lui est particulier et qui consiste à
marier une rapidité d'émission des notes à de la véhémence. La sonorité claire
d'Ira à la trompette n'est pas sans évoquer celle de Donald Byrd. Jodie
Christian prend un bon solo low down
et le son de Victor Sproles est superbe dans tous les registres. Le blues
médium-lent, «63rd Street Theme», donne à Ira Sullivan l'occasion d'un solo de
trompette sobre et prenant qui le place au niveau artistique des meilleurs
disciples de Clifford Brown comme Kenny Dorham, Donald Byrd et même Lee Morgan.
Ira sait jouer le blues. Evidemment, le petit géant Johnny Griffin qui le suit
n'est pas moins apte à raconter une histoire qui retient l'attention. Victor
Sproles tient le niveau dans son solo. Le roulement de Wilbur Campbell nous
ramène pour conclure dans le climat low down de ce morceau où le couple
trompette-sax ténor pour classique qu'il soit est efficace. Le «Bluzinbee», de
19'47'', pris sur tempo vif, exposé au ténor (Griffin) et baryton (Ira) est une
plaisante curiosité si l'on écoute la belle suite des solos, un peu longs
toutefois: Jodie Christian très bon sans virtuosité gratuite (p), Ira au jeu
musclé (bar), Griffin très véhément (as), Ira solide (tp), Griffin swingman
(ts), Ira étonnement véloce (saxhorn alto), Griffin surprenant (bar), Ira
parkerien (as) et Campbell démonstratif (dm). La coda est assurée dans la
meilleure tradition par le couple trompette-sax ténor. On constate que Johnny
Griffin a le même style à l'alto et au ténor, le second sans doute fondé sur le
premier d'où cette vélocité particulière. Johnny a débuté par la clarinette
avant de passer au hautbois et surtout à l'alto pendant ses années de formation.
C'est lors de son engagement chez Lionel Hampton qu'il change l'alto pour le
ténor. Quant à Ira Sullivan, excellent dans le blues qui est une de ses racines
fondatrices, il est un sax baryton auquel on ne pense pas assez et un
trompettiste hard bop de classe certes influencé par Clifford Brown à cette
époque, ce qui n'est pas une tare loin de là. En 1959, Ira Sullivan déclarait: «J'ai et j'ai eu une ambition toute ma vie.
Jouer de mon instrument. Je n'écris pas, je n'arrange pas, je ne lis même pas
bien. Je veux juste jouer». Il était tentant d'associer Ira à un autre «multi-souffleur»,
Roland Kirk (ts, stritch, manzello). Ce fut fait par le label Argo à Chicago,
le 7 juin 1960 (Argo 669). Mais Ira n'y joue, évidemment
bien, que de la trompette en dehors de «Soul Station» où il sollicite son sax
ténor. Le quintet est complété par Billy Burton (p, org), Don Garrett (b) et
Sonny Brown (dm). Le trompettiste Ira Sullivan enregistre deux ans plus tard à
Chicago, pour le saxophoniste Eddie Harris, quatre titres avec Bunky Green (as)
et dans deux, Melvin Rhyne (org) et déjà Joe Diorio (g).
Le 12 mars 1962, son
quintet est enregistré au Birdhouse de Chicago pour le label Vee-Jay. Pour ce
disque il ne pratique que la trompette et le bugle avec à ses côtés Nicky Hill,
Jodie Christian, le bassiste Don Garrett et soit Dorel Anderson, soit le fidèle
Wilbur Campbell à la batterie. Au programme notamment, «Klactoveedestene», «Perhaps»,
«Mohawk» de Charlie Parker, «Be Bop» de Dizzy Gillespie, des standards comme «Fly
Me to the Moon», «On the Alamo» et deux thèmes d'Ornette Coleman dont «When
Will the Blues Leave?». En se fixant en Floride en 1962, Ira Sullivan a moins
d'occasions de jouer avec des artistes majeurs, même en se produisant
régulièrement à Miami et Fort Lauderdale. L'exception, c'est qu'il retrouve Art
Blakey en 1969 au sein des Jazz Messengers. Jusqu'en 1980, on ne l'entend guère
au-delà de la Floride à l'exception de quelques séances d'enregistrements
comme, par exemple, à Berkeley, en Californie.
Au cours des
années 1960, Ira Sullivan ajoute le sax soprano et la flûte à sa panoplie.
Pour son disque Atlantic 1476 réalisé à Miami le 2 mars 1967, il s'exprime à la trompette ainsi qu'aux sax ténor et soprano.
Il a convié Lou Norman (tb, saxhorn baryton), Dolph Castellano (p, clavecin),
William Fry (b) et Jose Cigno (dm, timbales). Des standards comme «Angel Eyes»,
«Sonny Boy» sont restés dans les tiroirs, et on a sorti les «originaux» comme «E
flat tuba G». Ira fréquente des musiciens plus jeunes de l'Université de Miami
comme Pat Metheny, Jaco Pastorius, Danny Gottlieb et Mark Egan ce qui l'amène à
enseigner. Mais aussi, selon un comportement «d'explorations» très convenu dans
ces années 1970, ça le conduit à sortir plus ou moins des racines expressives
qui ont forgé son talent. Toutefois, contrairement à ce qui a été écrit, il n'a
jamais tourné le dos au bop; il fait juste d'autres expériences en plus.
En mars 1970, à Miami, à la trompette, avec Joe Diorio à la guitare, ils participent à une séance «soul» pour Eddie Harris
chez Atlantic avec les funky Cornell Dupree (g) et Donald «Duck» Dunn (b). Ira
Sullivan s'y montre très solide et rentre-dedans à souhait («Footlish»). En
décembre 1971, Ira se produit en duo avec Joe Diorio (g) au club Flick à Coral
Gables, en Floride. Ira s'exprime à la trompette, au bugle, à la flûte, sur les
sax ténor et soprano. Les commentateurs ne peuvent pas dire sur quel instrument
il excelle le plus. En fait, sur chacun, il raconte une histoire qui lui propre.
En
décembre 1975 et février-mars 1976, il enregistre pour le label Horizon
quelques standards comme «Jitterbug Waltz» de Fats Waller au soprano et en trio
avec Joe Diorio et Tony Castellano (p), «My Reverie» sur le même instrument en
duo avec Castellano. En août 1977, Ira Sullivan au ténor explore
l'improvisation free dans un passage de «Spring Can Really Hang You Up the Most»
lors d'une émission radio à Laren en Hollande. S'il y a Niels-Henning Ørsted
Pedersen (b) et Steve Bagby (dm), on retrouve à ses côté Diorio et Castellano.
Remarquons que pour la même diffusion il a aussi joué «Now's the Time» au bugle
et «Jitterbug Waltz» au soprano.
En octobre 1977, il
retrouve Chicago pour deux séances aux Streeterville Studios avec ses anciens
complices Jodie Christian (p) et Wilbur Campbell (dm, vib). Il a ressorti pour
l'occasion le «That's Earl, Brother» de Dizzy Gillespie et «I Got It Bad» de
Duke Ellington. Le voici ensuite à Berkeley en novembre 1977 pour un «United
Blues» signé Ron Carter et publié sous le nom de Philly Joe Jones. Ira s'occupe
de la flûte et des anches tandis que le remarquable Nat Adderley est au cornet.
La collaboration se prolonge en décembre avec l'adjonction de Dexter Gordon
dans «Neptunis» de Benny Bailey et la ballade «Polka Dots and Moonbeams».
Toujours à Berkeley, au Fantasy Studio B, Ron Carter, Nat Adderley et lui jouent
cette fois pour l'excellent pianiste, Red Garland, en
décembre 1977. Ira est en binôme au ténor avec le négligé, ex-compagnon de
Clifford Brown, Harold Land dans «Sweet Georgia Brown», «I Want to Be Happy» et
un thème de Nat Adderley, «Red Alert» (Galaxy 12). Le batteur
est le trop mésestimé Frank Butler! Harold Land ne participe pas à «The
Whiffenpoof Song» que Louis Armstrong a été le premier à enregistrer en 1954,
pour l'occasion avec Gordon Jenkins. Trois jours plus tard, Red Garland et
Frank Butler retournent la politesse à Ira Sullivan en participant avec Monty
Budwig (b) à un disque en quartet plus percussions (Kenneth Nash) de notre
multi-instrumentiste, toujours dans ce studio pour le même label Galaxy. Cette
fois, c'est le grand retour des impérissables standards: «But Beautiful», «I
Wish I Knew», «Like Someone in Love», «Three Little Worlds» et d'autres. Dans
les albums Peace et Multimedia signés par Ira Sullivan sur label
Galaxy, il se concentre lors de la première séance du 19 septembre 1978 sur le
soprano et le ténor soutenu par Joe Diorio, John Heard (b) et Billy Higgins
(dm) («Autumn Leaves», «Anthropology»). Le lendemain pour compléter le disque,
il amène aussi la trompette («Old Folks», «I Get a Kick Out of You»). Les 23 et
24 septembre 1978, Ira vient faire du re-recording au soprano et ténor sur quelques titres
dont «Peace» d'Horace Silver. En octobre 1978, il participe à un Jazz
Showcase à la radio, à Chicago, avec le pianiste Eddie Higgins.
En 1980, il forme un quintet
avec son ami Red Rodney. En fait, Red Rodney (1927-1994) avait dû quitter la
scène du jazz en 1958. Après un long silence il réapparait, désintoxiqué,
d'abord timidement dans les années 1970. Le signataire l'a entendu le 10
novembre 1974 à la Salle Pleyel dans un hommage à Charlie Parker au sein de la
section de trompettes du big band de Budd Johnson, aux côtés de Francis
Williams (tp1), Waymon Reed et Ray Copeland, en accompagnement de Jay McShann
et Earl Hines. Mais son vrai come-back se situe bien en 1980 en compagnie
d'Ira Sullivan. C'est même un engouement généré par la curiosité alimentée par
ce revenant qui s'adonne au post-bop! C'est sur l'insistance d'Ira Sullivan
qu'ils ont joué, selon la mode désormais instaurée, des compositions nouvelles,
dites originales, en plus des standards. Attitude très appréciée des critiques
conformistes de l'instant, aujourd'hui oubliés. Bienvenu dans le monde des «créatifs»
appuyé par l'idéologie progressiste! Ira Sullivan, qui est un bon musicien,
s'en sort bien et, comme nous l'avons dit, parle plusieurs langues, une par
instrument, installant un univers qui lui est propre. D'ailleurs, lors des
enregistrements d'Ira et Red réalisés au Village Vanguard de New York en mai et
juillet 1980, Ira amène la trompette, le bugle, la flûte et trois sax (soprano,
alto et ténor). Jack Walrath, trompettiste entendu chez Charles Mingus, a
composé cinq thèmes, Ira un («Monday's Dance») et Red un («Red Hot Blues»). Le
label Muse en a fait plusieurs albums: Live at the Village Vanguard
(Muse 5209, réédité sur CD par 32 Jazz), Hi Jinx at the Vanguard (Muse
5267) et Alive in New York (Muse 5307). C'est dans le second que l'on a
regroupé des standards («Days of Wine and Roses», «I Remember You», «I Got It
Bad»). Son disque The Incredible Ira Sullivan, chez Stash, avec Hank Jones (p), Eddie Gomez (b) et Duffy
Jackson (dm) a été réédité sur CD sous le nom d'Hank Jones. On y trouve
notamment «Our Delight» de Tadd Dameron et «Satin Doll» du Duke avec Billy
Strayhorn. Le tandem Red Rodney et Ira Sullivan se retrouve au Nola studios de
New York, en juin 1981 pour l'album Night and Day, puis leur quintet
passe à la Grande Parade du Jazz, à Nice. Le 15 juillet 1981, leur quintet
complété par Cedar Walton (p), Buster Williams (b), Billy Higgins (dm)
accueille Didier Lockwood (vln) pour un «Autumn Leaves». A l'inverse, selon la
formule chère à George Wein, c'est au tour d'Ira et Red d'être les solistes
invités, le 16 juillet 1981, d'Alto Madness de Richie Cole («I Can't Get Started»). Ces
concerts ont été enregistrés pour Radio-France. Que sont devenues les bandes? De
retour, c'est un disque de plus, en septembre, Does it All, avec la
participation de Michael Rabinowitz au basson dans deux titres («Central Park
West» de John Coltrane, «Dolphin Dance» d'Herbie Hancock).
Ira Sullivan fait ensuite
un album avec cordes, parcours habituel dès que l'on a une certaine notoriété.
Il s'y prend en plusieurs séances en janvier et juillet 1982, et en mai 1983.
Pour ce faire, il se limite à la trompette, au bugle et à la flûte. En novembre
1984 et février 1985, c'est la réalisation d'un disque mystérieux pour le label
Questique où il utilise la trompette, le sax alto, la flûte alto et dans lequel
le méconnu Peter Minger (tp, flh) prête son concours. Il cosigne ensuite avec
le guitariste Ted Shumate un disque réalisé à Tampa, en Floride, sur le pas
moins mystérieux label Pausa («Impressions» de John Coltrane).
Durant les années 1990,
Ira Sullivan continue de se produire en freelance. Et jusque tardivement dans
sa carrière, il a entretenu une présence sur les scènes de Chicago. Le
trompette Bobby Lewis se souvient qu'Ira Sullivan venait se joindre dès qu'il
pouvait à son groupe Ears. En fait, Ira revenait annuellement à l'occasion du Chicago
Jazz Festival, invité aux sessions du Jazz Showcase de Joe Segal, récemment disparu également, notamment avec le pianiste Stu Katz. La dernière fois fut en 2019 comme pour Freddy Cole, lui aussi né à Chicago en 1931. A Windy City,
il apparaît non seulement dans les clubs, mais il fait aussi des séances avec
Jim Cooper, vibraphoniste (1991, «Cheryl» de Charlie Parker), le sax ténor Lin
Halliday (1991-93, «Woody'n You»), le sax Frank Catalano (1997). Lin Halliday
(1936-2000), peu connu en France, est retourné à Chicago, après un accident, en
1980. Ira Sullivan et lui ont beaucoup joué ensemble en jam sessions, ainsi que
le trompette Brad Goode dès la fin des années 1980. La particularité de l'album
Where or When (1993), est que le quartet d'Ira Sullivan (ts, tp, flh), avec son
complice Jodie Christian, a enregistré les huit standards sur lesquels Lin
Halliday qui n'était pas présent a ajouté après coup, en re-recording, ses parties
de sax ténor.
En août 2008, au Millennium Park de Chicago, Arthur Hoyle (tp
flh), Julian Priester (tb) et lui au sax ténor jouaient pour le batteur Mike
Reed. Hors de la Cité des Vents, Ira Sullivan a enregistré des duos avec Joe
Diorio (1993), il a joué dans le South Florida Jazz Orchestra, les big bands du
sax-clarinette Billy Ross à Miami (1996) et du trompettiste Melton Mustafa à
Fort Lauderdale (1997, Peter Minger, tp). On l'a entendu à la radio avec la
pianiste Marian McPartland dans une formule trio (Don Miller, b) où il jouait de la trompette et des sax ténor et soprano (Miami, décembre 2000).
En 2014, Ira Sullivan a
accompagné la chanteuse Erin McDougald lors d'un concert avec le
flûtiste-saxophoniste Marc Berner. D'après les documents, Ira avait légèrement
baissé de niveau à la trompette, en 2017, ce qui est inévitable avec cet
impitoyable instrument… mais il jouait encore à 86 ans. En tant que sax alto,
soprano et flûte, il participe à l'album Sun Stone du sextet du pianiste
Roberto Magris, un «indispensable» Jazz Hot.
Ira Sullivan laisse une
discographie copieuse dont le meilleur, selon nous, vient de ses implications
dans le bebop, langage tonique qu'il maîtrise parfaitement. Il nous paraît
particulièrement bon à la trompette et aux sax ténor, baryton et alto. Sur le
sax alto, Ira Sullivan pouvait jouer comme Charlie Parker, sa principale
influence pour le bebop, mais il ne fut pas un clone. Il n'était sûrement pas
simple de jouer à ses côtés. Comme en témoigne le pianiste Stu Katz, il n'annonçait
pas le morceau aux musiciens; il commençait et il fallait s'y retrouver: «il fut la première personne avec qui j'ai joué qui n'indiquait pas le
morceau, il attendait juste de moi que je sache ce qu'il était en train de
faire». Pour les passionnés de cuivres, précisons qu'Ira Sullivan a joué
une trompette Benge de la période Chicago, un bugle Couesnon, des embouchures
V. Bach et Giardinelli.
Ira Sullivan est décédé en
début de matinée le 21 septembre 2020, chez lui, des suites d'un cancer du
pancréas métastasé. «Ira est un des
grands solistes de l'histoire de la musique» affirme son protégé, le trompette
Brad Goode. Ira Sullivan était ce que l'on appelle un musicien pour musiciens.
SOURCE: Le Monde de la Trompette et des
Cuivres de Michel Laplace (2014-2020)
IRA SULLIVAN & JAZZ HOT: n°331-1976
SELECTION DISCOGRAPHIQUE
Leader/coleader
LP 1956.
Billy Taylor Introduces Ira Sullivan, ABC-Paramount 162
LP 1956. Sandy Mosse/Ira Sullivan/Eddie Baker, Chicago Scene, Argo 906
LP/CD 1958. Ira Sullivan Quintet, Nicky's Tune, Delmark 422
LP 1959. Ira Sullivan with Johnny Griffin, Blue Stroll, Delmark 402 (=CD Delmark
426)
LP 1962. Ira Sullivan and The Chicago Jazz Quintet, Bird Lives!, Vee-Jay 3033 (=CD
Vee-Jay 2-950)
LP 1962. Lee Morgan/Donald Byrd/Ira Sullivan, Have a Nice Jazz Trumpet, Vee-Jay
22YB2046
LP 1967. Ira Sullivan, Horizons, Atlantic 1476 (=CD Discovery 873)
LP 1975-76. Ira Sullivan, Horizon SP 70 (=CD Horizon GP-3507)
LP 1977. Ira Sullivan, Flying Fish 075 (=CD Ira Sullivan, Circumstantial, Nessa 35)
LP 1977-78. Ira Sullivan, Multimedia, Galaxy 5137
LP 1978. Ira Sullivan, Peace, Galaxy 5114
LP 1980. Red Rodney featuring Ira Sullivan, Live at the Village Vanguard, Muse
5209 (=CD 32 Jazz 32167)
LP 1980. Red Rodney featuring Ira Sullivan, Hi Jinx at the Vanguard, Muse 5267
LP 1980. Red Rodney featuring Ira Sullivan, Alive in New York, Muse 5307
LP 1980. Ira Sullivan, The Incredible Ira Sullivan, Stash 208 (=CD The Incredible Hank Jones Meets Louis Bellson & Ira Sullivan, Stash 533)
LP 1981. Ira Sullivan, Ira Sullivan... Does It All, Muse 5242
LP 1981. Red Rodney With Ira Sullivan, Night and Day, Muse 5274
LP 1981. Red Rodney & Ira Sullivan, Spirit Within, Elektra Musician E1-60020
(=CD Wounded Bird 6020)
LP 1982. Red Rodney and Ira Sullivan Quintet, Sprint, Elektra Musician E1-60261
(=CD Wounded Bird 6261)
LP 1982-83. Ira Sullivan. Strings Attached, Pausa Records 7169 (=CD Unicorn 1698)
LP 1983. Tony Castellano featuring Ira Sullivan, Wonderful Ones, Spinnster 0005
LP 1984-85.
Ira Sullivan, Questique (pas de numéro de matrice)
LP 1985. Ted Shumate with Ira Sullivan, Gulfstream, Pausa 7188
CD
1989. Steve Smith/Ira Sullivan, More Yummies, JS 102 CD
1991. Jim Cooper with Ira Sullivan, Tough Town, Delmark 446 CD
1991. Ira Sulivan Presents, Lin Halliday, Delayed Exposure, Delmark 449 CD
1991. Jim Cooper with Ira Sullivan, Nutville, Delmark 457 CD
1991. Lin Halliday with Ira Sullivan, East of the Sun, Delmark 458 CD
1993. Joe Diorio/Ira Sullivan, The Breeze and I, RAM 4508
CD
1993. Ira Sullivan Presents Lin Halliday, Where or When, Delmark 468
CD
1996-98. Ira Sullivan, After Hours, Go Jazz 6052-2 CD
2008. Bob Albanese with Ira Sullivan, One Way/Detour, Zoho Music 200905CD
2011. Ira Sullivan & Stu Katz, A Family Affair: Live at Joe Segal's Jazz
Showcase, Origin 82599
CD
2011-12. Ira Sullivan Presents The Jim Holman Trio, Blue Skies, Delmark 5010
Sideman
CD 1953. Conte Candoli, Coast to Coast, Fresh Sound 384 (= 78t Conte Candoli, Flamingo/Mambo
Junior, Chance 1153)
LP 1955. Red Rodney, Modern Music From Chicago, Fantasy 3-208
LP 1955-56. Rita Reys, The Cool Voice of Rita Reys, Columbia 903 (=CD Philips
3085)
LP 1956. J.R. Monterose, Blue Note 1536 (=CD Blue Note TOCJ 9044)
LP 1956-57. Art Blakey, Drum Suite, Columbia CL 1002 (=CD Columbia 480988 2)
LP 1957. Red Rodney: 1957, Signal 1206 (=CD Savoy Jazz 0148)
LP 1960. Roland Kirk, Introducing Roland Kirk, Argo 669 (=CD MCA 005)
CD
1962. Eddie Harris, The Lost Album Plus the Better Half, Vee-Jay 2-913
LP 1970. Eddie Harris, Come On Down, Atlantic SD 1554 (=CD Atlantic 27921)
LP 1977. Philly Joe Jones, Philly Mignon, Galaxy 5112 (=CD Original Jazz Classics
1935-2)
LP 1977. Red Garland, Red Alert, Galaxy 6227 (=CD Original Jazz Classics 647-2)
LP 1983.
Ira Schulman, Blowin’ With the Wind, Trend 535
LP 1987. Stan Jeff Brown, Transformation Paradox, Global 2213
CD
1991-97. Scott Whitfield, To Be There, Amosaya 2533
CD
1996. Billy Ross, Woody, Contemporary 14079-2
CD
1997. Frank Catalano. Cut It Out?, Delmark 501 CD
1997. Melton Mustafa, St Louis Blues, Contemporary 14085-2 CD
2000. Sons of the Never Wrong, One If By Hand, Gadfly 268
CD
2001. Don Miller, Dial M for Bass, High Life 2748
CD
2008. Mike Reed, Stories and Negotiations, 482 Music 482-1070
LP 2011. Jim Holman, New York Short Stories, Columbia 7343
CD
2017. Roberto Magris, Sun Stone, J-Mood 17
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VIDEOS
Chaîne YouTube d'Ira Sullivan
Red Rodney (tp, voc), Ira Sullivan (ts, tp), Norman Simmons (p), Victor Sproles (b), Roy Haynes (dm), Chicago, June 20 1955, Modern Music from Chicago, Fantasy 3-208 https://www.youtube.com/watch?v=558h44dZEV0
Rita Reys (voc), Donald Byrd (tp), Ira Sullivan (ts), Kenny Drew (p), Wilbur Ware (b), Art Blakey (dm), NYC, June 25, 1956, «My One and Only Love» https://www.youtube.com/watch?v=zY2dO6JBrQo
Donald Byrd (tp), Ira Sullivan (ts), Kenny Drew (p), Wilbur Ware (b), Art Blakey (dm), NYC, June 25, 1956, «The Third» (Lil'T) https://www.youtube.com/watch?v=IqjnF3QuDs4
Ira Sullivan (tp), Billy Taylor (p), Earl May (b), Ed Thigpen (dm), NYC, November 14, 1956, «So in Love» https://www.youtube.com/watch?v=jeudACW0NZ8
Red Rodney (tp), Ira Sullivan (ts), Tommy Flanagan (p), Oscar Pettiford (b), Philly Joe Jones (dm), Hackensack, NJ, 1957, «Star Eyes» https://www.youtube.com/watch?v=yxSFknFSWuw
Ira Sullivan (tp, bs, peckhorn, as), Johnny Griffin (ts, as, bs), Jodie Christian (p), Victor Sproles (b), Wilbur Campbell (dm), Chicago, 26 juillet 1959, Blue Stroll – full Album https://www.youtube.com/watch?v=I-BmYoYlc0M
Ira Sullivan (tp), Nicky Hill (ts), Jodie Christian (p), Don Garrett (b), Wilbur Campbell (dm), Chicago, 1962, «Perhaps» https://www.youtube.com/watch?v=HrX1a3Y9jTQ
Ira Sullivan (tp), Eddie Harris (ts), Jimmy O'Rourke, Cornell Dupree (g), Dave Crawford (p), Billy Carter (org), Donald Dunn (b), Tubby Ziegler (dm), Miami, March 3, 1970, «Fooltish» https://www.youtube.com/watch?v=W61OtBZ1W-Q
Ira Sullivan (ss), Joe Diorio(g), Tony Castellano (p), December 13th, 1975, «Jitterbug Waltz» https://www.youtube.com/watch?v=oor_XcIrUmg
Red Rodney, Ira Sullivan (ts), Garry Dial (p), Jay Anderson (b), Joey Baron (dm), Leverkusen, October 1985, «Wee Pot» https://www.youtube.com/watch?v=aQsEicb4x74 https://www.youtube.com/watch?v=69zE8JrTdCg
Ira Sullivan (flh -solo 5:30 & 13:18; ts -solo 11:36; fl -solo 13:52; tp -solo 16:47), Bob Meyer (tp, flh)'s Concept Orchestra incl. Mark Colby (as), Rufus Reid (b), National Association Jazz Educators 1988, various extracts https://www.youtube.com/watch?v=m0FHhrMtzYc
Ira Sullivan (fl, tp), Eddie Harris (ts), Chris Anderson (p), Victor Sproles (b), Wilbur Campbell (dm), Chicago Jazz Festival September 1, 1988: «Strange Music» https://www.youtube.com/watch?v=aDXDXgtzT2s
Ira Sullivan (ts), Dante Luciani (tb), Brian Murphy (p), Jamie Ousley (b), John Yarling (dm), Miami, November 2006, «You Stepped Out of a Dream» https://www.youtube.com/watch?v=Ui2IMogDdyw
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