Gand, Bruxelles, Dinant (Belgique)
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1 sep. 2013
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été 2013
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© Jazz Hot n°664, été 2013
Gand Les dates, les sites, les programmes, le temps ? Le choix est grand mais l’une ou l’autre motivation détermine un enthousiasme qui s’étiole ! Ainsi, le 12 juillet, les venues de Jacky Terrasson, de Dee Dee Bridgewater et de Ramsey Lewis, forcèrent ma décision d’acheter un aller/retour SNCB pour le Gent Jazz Festival. J’ai retrouvé avec plaisir la parfaite organisation et le site majestueux du Bijloke. En ouverture, les vainqueurs du tournoi 2012 des jeunes talents : Léo Dupleix (p) et The Unrevealed Society, ont choisi d’organiser leur musique de manière séquentielle en procédant par altérations dissonantes. Ces libertés parfois débridées confinent à l’ennui. Jacky Terrasson (p), lui, continue de séduire. Avec son projet Gouache, il nous a offert un truculent medley qui navigue autant dans les standards (« Night In Tunisia », « Caravan ») qu’à travers les songs de Broadway, de Gainsbourg (« La Javanaise ») ou de Michael Jackson (« Beat It »). Il initie les tempos, les moods et les modes, les tons, les changements de rythmes, les surprises. Il peut faire ce qu’il veut quand il veut. A ses côtés, au soprano ou à la clarinette-basse : Michel Portal rentre dans le jeu pour suggérer son ressenti ou d’autres directions. Jacky Terrasson opine, sourit et suit pour revenir en fin vers le swing profond qui l’anime. Avec eux, on attendait Stéphane Belmondo (tp). Le trompettiste français était physiquement présent mais, musicalement – une fois n’est pas coutume – il rata le train ! Par contre, on a découvert la chanteuse franco-américaine Cécile McLorin. Invitée par Jacky pour deux chansons : « My Love For the First Time in My Life » puis, en français, un aveu : « j’ai compris ta détresse, fais de moi ta maîtresse…sagesse…tristesse… » ! Cécile nous a rivés à notre chaise (inconfortable, pour l’arrière-train) par sa justesse, son timbre puissant et grave à la Nina Simone. Quelle assurance du haut de ses vingt-trois étés ! Assurément, il faudra suivre l’évolution de sa carrière ! Dee Dee Bridgewater, a, elle, une carrière longuement assurée. Avec son pianiste cubanisant, Edsel Gomez (« Night Mood ») ou son invité : le soulfuly Ramsey Lewis (p) la Diva nous enchante, nous charme et nous comble de plaisirs (« Sunday », « Bresilica », Say Your Love For Me », « One For Five Fine Time », « God Bless the Child »…). Entre les vedettes, sur le petit podium on a pu retrouver Cécile McLorin en quartet et, pour de courts instants : l’excellent Band de Sal Rocca (b) avec Hans van Oosterhout (dm), Jozef Dumoulin (p), Erwin Vann (ts) et un Lorenzo Di Maio (g) de plus en plus surprenant (« Lady Lion »). Le dernier concert proposait Joe Lovano (ts) et le Brussels Jazz Orchestra, mais ceux-là : on les voit souvent !
Bruxelles Repos le samedi avant le défilé des artistes, le dimanche 14, au 37e Brosella, version jazz. Au Théâtre de Verdure, sous un soleil radieux, le Brosella accueillait dès 15h les 18 Finlandais de l’Umo Jazz Orchestra. Kari Heinilä en est le conducteur, Verneri Phjola (tp), le soliste. Le band tourne bien (trop) rond avec ses neuf cuivres dont un tuba : instrument indispensable à la lecture des œuvres de Gil Evans, dont « Variety in Misery » et « Waltz ». Le trompettiste-soliste est digne d’intérêt, mais il apparait qu’il est le seul… Etant arrivé en retard, je me garde bien d’émettre un jugement définitif. Sur le podium bis, la chanteuse albanaise Elina Duni jazzifia le folklore de son pays natal prouvant un instant qu’elle est capable de scatter. Derrière elle : un solide trio helvète qui est venu étancher notre soif : Patrice Moret (b), l’excellent Norbert Pfammatter (dm) et le merveilleux Colin Vallon (p). Les jeunes musiciens de Big Noise avaient relevé le défi d’accompagner le clarinettiste néo-orléanais Evan Christopher. J’avoue ne pas avoir été séduit par le jeu sans relief de cet indigène qui nous conta l’histoire de Jelly Roll Morton (« Black Bottom Stomp »), de Kid Ory (« Savoy Bles ») et de Sidney Bechet (« Egyptian Embassy »). Même avec « Tiger Rag » en final, on ne m’enlèvera pas de l’idée que ces jeunes belges traditionnalistes nous réjouissent bien mieux lorsqu’ils jouent leur répertoire. Je ne vous cacherai pas mon horreur à l’écoute du Bill Frisell’s Big Sur Sextet. J’avais beaucoup d’estime pour ce guitariste qui, retour du Berklee College avec Steve Houben (fl, as), fin des années 70’, était venu enseigner au Conservatoire de Liège. Le programme de son groupe actuel est totalement ignorant des canons du jazz ; il use des ostinatos de cordes et autres tournages en rond sur des rythmes changeants allant de la valse au rock ‘n roll (sans diable). Il serait peut-être temps qu’il retourne à cette country music dont il usa par le passé. Au risque d’être à nouveau taxé de chauvinisme, je dois dire que les meilleurs moments de ce Brosella – outre les Kriek et les frites à la mayonnaise – l’ont été avec deux groupes signés par des Belges. Le trio de Nathalie Loriers d’abord. Etonnamment, je pense n’avoir jamais entendu Nathalie jouer en-dessous de son talent depuis près de trente ans. Il en est de même pour son compagnon : le contrebassiste Philippe Aerts. Avec Rick Hollander (dm), ces musiciens livrent une musique fraîche, éminemment positive. « Les Trois Petits Singes », un « Body and Soul » que ne renierait pas Bill Evans et puis « La Saison des Fleurs », une composition d’Ivan Paduart en hommage au violoniste Jean-Pierre Catoul. J’ai gardé mon coup de cœur pour la fin du paragraphe. Il va tout droit vers l’Yves Peeters Group. Ce jeune batteur (1978), élève de Dré Pallemaerts, suit son chemin avec l’estime appuyée des Pairs du Royaume. Depuis 2007, il dirige une petite formation au sein de laquelle on trouve Frederik Leroux (g), l’impressionnant Nic Thys (eb) et l’intéressant saxophoniste-chantant : Nicolas Kummert. L’alliage est homogène, finement irisé par Nicolas Kummert qui a fait du jeu soufflé-chanté une belle marque de fabrique. Quant à Jon Batiste & Stay Human : ce show à l’américain n’a vraiment pas de quoi plaire à un jazzfan averti (et un jazzfan averti …). Allez, bon, n’est-il pas temps d’aller prendre le tram 7 et de rentrer chez soi ? C’est ce que je fis !
Dinant On raconte en coulisses que les Leffe Jazz Nights (anciennement « Dinant Jazz Nights » et antérieurement : « Ciney Jazz Night ») n’auraient pas perçu la totalité des subventions promises par la communauté Wallonie-Bruxelles. Rumeur ? Fureur ? Stupeur ! Les organisateurs avaient le choix entre sauter une année ou faire plus light. En dernière minute, ils ont opté pour nous offrir une édition résolument belge, et nous ne les en blâmerons pas puisque les meilleurs avaient répondu présents. Le 19 juillet, sous le couvert du cloître de l’ancien couvent de « La Merveilleuse », c’est au trio d’Ivan Paduart (p) que revenait l’honneur de faire l’ouverture. Avec Nicolas Thys (b) et Hans Van Oosterhout (dm) ; la musique est dentelle et les solistes inspirés (« Filigrane », « Ibiza »). Cette première soirée intimiste avait débuté par une audition ardue des premiers concurrents du Concours des Jeunes Talents 2013 – l’acoustique de l’endroit est déplorable et la balance voulue par les jeunes solistes totalement inadéquate. Et pourtant, Ivan, Nic et Hans ont su, eux, contourner l’écueil. Les soirées dinantaises se terminent toujours pas une jam session. Ce premier soir, les régionaux de l’étape étaient Igor Géhenot (p), Félix Zurstrassen (b) et Laurent Barbier (as) rejoints par le Hennuyer Jean-Paul Estiévenart (tp), le Bruxellois Stéphane Mercier (as) et les Brabançons Maxime Blésin (g) et Lionel Beuvens (dm). Le niveau est excellent chez ces jeunes de 23 à 43 ans. Le samedi 20 juillet, le lauréat du concours de l’année précédente, LG Jazz Collective, ouvrit les festivités dès 16 h. Cette fois et jusqu’au dimanche soir, les concerts se sont déroulés sous un grand chapiteau dressé sur la pelouse de l’hôtel, rive gauche de la Meuse, face à la Citadelle. Soleil radieux (parfois trop) et rien que des compositeurs belges au menu de ce sextet étincelant : Alain Pierre, Nathalie Loriers, Guillaume Vierset, notamment. Dans le courant de la soirée, le leader du groupe, Guillaume Vierset (g), devait d’ailleurs recevoir le Sabam Jazz Awards du Jeune Talent 2013 et un prix de 5000 euros à convertir en achat de matériel ou en séances d’enregistrement. Une belle consécration en seulement douze mois ! Les autres awards sont allés à notre confrère Philippe Baron (RTBF) pour 35 ans de programmations érudites, utiles au jazz et aux jazzmen (le prix : une sculpture d’un bel oiseau stylisé) ; celui du musicien confirmé (10 000 €) : à David Linx (voc) pour sa carrière, son dernier album avec Diederik Wissels (p) et ses projets en suspend. Le pianiste Kris Defoort (p) s’est, quant à lui, réjoui de revenir, vingt ans après ses années liégeoises, déployer son talent sur une scène wallonne (dixit « Oufti », en liégeois dans le texte). Les scènes du Sud avaient tendance à oublier ce soliste post-monkien, aventureux, avant-gardiste parfois. Kris avait complètement réinventé « Summertime » et « Walking on the Moon » et joué des stops et des envolées, base des tensions-détentes qui prennent aux tripes. Avec lui et dans sa musique, Nicolas Thys caresse ou snappe sa Fender-Bass alors que le jeune Lander Gyselinck (dm) fait chanter cymbales et fûts, plus duettiste qu’accompagnateur. Ce jeune batteur s’illustrera encore à l’aube du lendemain (15h30) avec le LAB Trio (Bram de Looze/p, Anneleen Boehme/b). Outre deux intermèdes en concours, nous avons eu l’immense joie de retrouver dès 20h un Philip Catherine (g) en toute grande forme avec son quartet « Côté Jardin » : Antoine Pierre (dm), Philippe Aerts (b) et Nicola Andrioli (p). Le jeune pianiste-compositeur italien lui a donné trois œuvres : « La Prima Vera », « Lost Land » et une nouvelle-dernière : « Mare di Notte ». Philip Catherine était dans une ascension transcendante et sanctifiante. Quant à Philippe Aerts (b), il était très inspiré en solo. La musique fut légère, la joie de jouer : évidente. « Côté Jardin », « Seven Tears », mais aussi, revisités, quelques vieux tubes sans rides : « Janet » et « Transparence ». Le public, attentif, les larmes aux yeux de bonheur (il avait déjà pleuré le matin lors de l’abdication d’Albert II) lui fit, comme pour Kris Defoort, une très longue ovation. Avec un jour d’avance sur le calendrier du Gotha, Philip fut couronné « roi »! La finale était réservée dès 22h au chanteur pop Ozark Henry. Il nous a donné l’opportunité de rentrer tôt pour trouver une nuit longue et paisible. La dernière journée des Leffe Jazz Nights débuta avec le trio du jeune percussionniste-batteur Lander Gyselinck : le « LAB Trio ». La biographie de Lander révèle des initiations troublantes (voir : www.jazzinbelgium.org): la batterie de cuisine dès 5 ans, puis le hip-hop (c’est de son âge) ; Stéphane Galland (dm) ensuite. Doté d’une oreille très ouverte, Lander a su décoder les sons, les harmonies et les rythmes pour créer un style mélodico-percussif qui trouve peu d’équivalences. Il faudra suivre de très près ce musicien de 25 printemps ! Igor Géhenot (p, voir plus haut) avait reçu une carte blanche pour présenter un « Special Sextet » à 17h. Il a choisi : Antoine Pierre (dm), Sam Gerstmans (b), Lorenzo Di Maio (g), Gerg Houben (tp, flh), mais aussi : un musicien moins jeune mais aguerri : Ben Sluijs (as). La mayonnaise a pris entre les sidemen et ce jeune pianiste, coqueluche des aficionados adolphiens (A. Sax, bien sûr) ! Igor est volubile, naturel, séduisant ; en un mot : hyperdoué. Nous avons relevé deux de ses originaux : « Lena » et « Ice of Blackburn ». Ce groupe, le LAB Trio, et celui d’Yves Peeters écouté à « Brosella » réunissent sans aucun doute les talents belges et actuels les plus intéressants. Pour ce jour de Fête Nationale et de Couronnement (21 juillet 2013), le feu d’artifice fut précédé des concerts du Toots Thielemans Quartet (Karel Boehlee/p, Philippe Aerts/b, Hans van Oosterhout/dm) et d’un quintet « Linx-Wissels » avec Manu Codja (g), Stéphane Walemme (b) et Nicolas Viccaro (dm). L’immense Toots (pour la longévité et la perfection) ne lasse pas de nous surprendre lorsqu’il reprend ses sempiternels « For My Lady » et « Bluesette ». Il n’y a jamais rien de définitif dans ce qu’il recrée au fil du temps et le temps ne fait pas son œuvre sur le musicien. La complicité de Diederik Wissels (p) et de David Linx (voc) remonte à plus d’une vingtaine d’années. Le premier apporte au second la plupart de ses compositions lyriques et légères ; le second transfigure les originaux et les standards de sa voix particulière qui sort du gouffre pour escalader les sommets. Cela fait quelques années aussi que les compères aiment se faire accompagner par Christophe Walemme (b). A la batterie, on attendait Dédé Ceccarelli et c’est Nicolas Viccaro qui est venu. Mais on était bien loin de Waterloo dans cette marche triomphale, promotionnelle de l’album « Winds of Change ». Peu de temps avant la première salve d’applaudissements et le feu d’artifice tiré du Pont Charles De Gaulle (1), nous avons particulièrement aimé le duo chant-piano sur « On a Slow Train ». Au tournoi des jeunes talents 2013 (quatre finalistes), c’est le duo limbourgeois « Kim & Tim » (Kim Versteynen/voc, Tim Finhoulst.g) qui fit la décision par la qualité et l’originalité d’une démarche intimiste guitare+piano.
Jean-Marie Hacquier
(1) Le 15 août 1914, le Lieutenant Charles De Gaulle fut blessé en tentant, avec sa division, d’empêcher les Allemands de progresser vers Sedan. Le pont fut dynamité le 23 août par l’armée française. Les dinantais paieront très cher cette résistance farouche. (www.genedinant.be)
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