John Coltrane (ts, ss), avec en 1960 Stan Getz (ts)*, Wynton Kelly (p), Oscar Peterson (p)*, Paul Chambers (b), Jimmy Cobb (dm) puis en 1961 Eric Dolphy (as, fl), McCoy Tyner (p), Reggie Workman (b), Elvin Jones (dm) ; puis en 1965 McCoy Tyner (p), Jimmy Garrison (b), Elvin Jones (dm)
Enregistré les 28 mars 1960 (Allemagne), 4 décembre 1961 (Allemagne) et 1er août 1965 (Belgique)
Naxos/Jazz Icons 2.119007 (Abeille Musique)
Trois époques, trois dimensions d’une même personnalité exceptionnelle du jazz et pour l’amateur du grand saxophoniste, il n’ y a rien à jeter, car l’évolution de la musique, évidente dans cette confrontation, traduit toujours les qualités essentielles de John Coltrane : conviction ou vérité de l’expression, puissance et virtuosité. Aucune des musiques n’est « facile » et le nom même des intervenants en situe le niveau.
Pour la première séance à Dusseldorf, John Coltrane est entouré pour l’interprétation de standards d’une des meilleures sections rythmiques de l’histoire du jazz avec le trio des exceptionnels Wynton Kelly, Paul Chambers et Jimmy Cobb, et cet enregistrement nous propose en bonus la réunion sur un thème de Stan Getz, Oscar Peterson et Coltrane, ce qui est une curiosité historique pas déplaisante ni privée d’enseignement : Peterson et Coltrane sont deux formidables torrents impétueux du jazz qui emportent tout sur leur passage, même leurs sidemen…
Un an et demi plus tard, la musique est devenue celle de Coltrane, même s’il n’en est pas l’auteur, et son quartet a enfin trouvé en McCoy Tyner et Elvin Jones les deux compléments clés de la sonorité de l’ensemble. Autre plaisir, on note la présence d’Eric Dolphy dont l’apport à l’ensemble n’est pas déterminant mais qui reste toujours un grand plaisir à écouter.
Enfin, à Comblain-la-Tour, en Belgique quatre ans plus tard, nous sommes dans ce qu’on pourrait appeler l’âge d’or du musicien avec son quartet régulier (le sombre Jimmy Garrison à la basse remplace Reggie Workman) : une énergie paroxistique, un extraordinaire McCoy Tyner déterminant pour la musicalité du groupe, un Elvin Jones qui tisse un véritable fond sonore assombri par Garrison, et un Coltrane qui est sur un nuage délivre un feu d’une intensité de conviction rarement atteinte dans le jazz. Sans doute la plus pleinement, originalement coltranienne des trois périodes, avec un « My Favorite Things » d’anthologie (pour le chorus de McCoy) dont nos amis belges survivants pourront rétroactivment goûter toutes les nuances qui ont pu leur échapper sur le moment. Il est vrai qu’assister un tel incendie par seulement quatre musiciens a de quoi étourdir et réchauffer.
Le livret fait appel à la compétence de Michael Cuscuna, Ashley Kahn et les consultants ont pour nom Don Sickler et Hal Miller.
Yves Sportis
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