Wayne Escoffery, Ligurie, Alassio, Italie, 2008 © Umberto Germinale-Phocus
Wayne ESCOFFERY
Après Jack Walrath, c'est avec le saxophoniste ténor Wayne Escoffery, un autre fidèle de l'esprit de Charles Mingus que Jazz Hot clôt l’année 2022, celle de son centenaire. Né à Londres le 23 février 1975, il émigre avec sa mère aux Etats-Unis, à New Haven, CT, en 1986, après quelques étapes intermédiaires. C'est là qu'il découvre le saxophone, à l'école, commence à prendre des cours particuliers et, durant sa dernière année de lycée, il fréquente The Artists Collective Inc., institution fondée par Jackie McLean qui le fait débuter au sein de son Artists Collective Lilla Wallace Reader Digest Youth Jazz Orchestra. Wayne Escoffery poursuit sa formation auprès de lui, durant quatre ans, à la Hartt School (Université de Hartford, CT), dont il sort diplômé en 1997. Il intègre ensuite, pour deux années, le Thelonious Monk Institute de Boston, MA où il a notamment l'occasion de partir en tournée avec Herbie Hancock. A l'issue, en 1999, il s'installe à New York pour démarrer sa carrière professionnelle, d'abord au sein du septet d'Eric Reed, puis du Mingus Big Band dont il reste l'un des piliers vingt-deux ans après. Il nous avait raconté ce début de parcours en 2005 (Jazz Hot n°619). L'année suivante, il rejoignait conjointement les groupes de Tom Harrell et de Ben Riley. Parallèlement, il a développé sa carrière de leader et enregistré un premier album sous son nom en 2001, Times Change (Nagel Heyer) avec son condisciple Aaron Goldberg et un autre de ses mentors, Carl Allen, rencontré dans le sillage d'Eric Reed. Depuis 2013, il porte également avec Jeremy Pelt le Black Art Jazz Collective, un all-stars délivrant un jazz des plus enracinés sur un répertoire original souvent en référence à l'histoire afro-américaine.
Wayne Escoffery compte aujourd'hui parmi les plus solides ténors de la scène jazz, opérant une synthèse entre John Coltrane, Sonny Rollins et Dexter Gordon. C'est aussi un messenger investi dans la transmission du jazz de culture et la tradition héritée des maîtres. Après ses deux derniers albums The Humble Warrior (Smoke Sessions, 2019) et Ascension (HighNote, 2020), avec le Black Art Jazz Collective (voir nos chroniques), il sortira au printemps prochain Like
Minds chez Smoke Sessions. Par ailleurs, un nouvel album du Mingus Big Band est sur le point de paraître: The Charles Mingus Centennial Sessions.
Propos recueillis par Jérôme Partage
Photos Umberto Germinale-Phocus, Jérôme Partage,
Boris Dunand, Gulnara Khamatova,
Collection Wayne Escoffery by courtesy
image extraite de YouTube avec nos remerciements
© Jazz Hot 2022
Jackie McLean, au centre, à son domicile
de Hartford, CT, avec ses étudiants
(dont Wayne Escoffery à droite),
à l'occasion de son anniversaire et
d'un cérémonie de remise de diplôme en 1997
© Photo X, Collection Wayne Escoffery by courtesy
Jazz Hot: Vous
avez été formé pendant trois ans par Jackie McLean. Quel est l’élément le plus
important que vous avez retiré de son enseignement?
Wayne Escoffery:
L’importance d’étudier l’histoire de la musique et en particulier l’histoire du
saxophone afin d’être capable de tracer son propre chemin et de devenir
soi-même un innovateur. Il était particulièrement bien placé pour en parler
ayant été l’élève de Charlie Parker et de Dexter Gordon ainsi que l’ami de
Sonny Rollins. Et il ne s’est pas contenté de les copier: il a développé une
expression très personnelle et a repoussé les frontières de la créativité.
J’enseigne beaucoup aujourd’hui et je me sens chanceux d’avoir pu effectuer mon
apprentissage avec une légende. Je n’ai pas seulement été à l’école: j’ai eu
pour professeur Jackie McLean, un des plus grands altos de tous les temps. Je
fais donc en sorte de relayer son message. Outre Jackie McLean, j’ai également beaucoup appris d’autres
personnalités comme Barry Harris et George Coleman, mais aussi de mon passage
au Thelonious Monk Institute, de mes propres explorations et de ma
participation à différents groupes, dont ceux de Tom Harrell ou de Ben Riley. Quoi en particulier?
J’essaie de juxtaposer deux philosophies de l’éducation au jazz: l’une basée sur la
transcription des solos et leur analyse ainsi que l’apprentissage du vocabulaire,
et l’autre reposant sur la compréhension des concepts théoriques et harmoniques
que j’ai appris notamment auprès de Barry Harris. Aujourd’hui, les écoles de jazz se contentent généralement de
la seconde voie car elles participent d’une industrie de la pédagogie qui
produit énormément de livres et de professeurs qui ne jouent jamais devant un
public et ne peuvent donc enseigner que de façon partielle ce qu’est la
musique. De ce fait, beaucoup d’étudiants maîtrisent bien la théorie et les
harmonies, ont éventuellement une bonne technique, mais ils ne comprennent pas
l’essence de la musique, le feeling, le vocabulaire.
On entend effectivement
souvent dire que les jeunes musiciens sont techniquement excellents mais
manquent de personnalité. Vous les aidez à combler cette lacune?
Exactement. Je les aide à trouver leur propre personnalité,
à aller au plus profond d’eux-mêmes, à sortir leur âme, quoi que cela signifie
pour eux. Je les aide aussi à comprendre le vocabulaire de la musique. J’ai
l’habitude de dire que cela revient à apprendre une langue étrangère: vous
pouvez étudier le français avec des livres de grammaire et de vocabulaire, mais
cela restera très scolaire. Pour parler correctement le français, vous devez
aller en France, discuter avec les gens, écouter comment ils parlent, comment ils
utilisent les inflexions, etc. J’estime que c’est mon travail et ma
responsabilité de transmettre cette tradition que j’ai reçue des grands
maîtres, d’autant qu’ils sont en train de disparaître.
Ugonna Okegwo (b), Wayne Escoffery (ts), Alassio, Italie, 2008 © Umberto Germinale-Phocus
Où enseignez-vous?
Au New Jersey Performing Arts Center (NJPAC) depuis 2014 et
à l’école de musique de l’université de Yale, à New Heaven, CT, depuis 2016. J’y
donne actuellement un cours magistral d'improvisation jazz en plus de diriger
deux combos et le Yale Jazz Ensemble Big Band. Et bien sûr, quand je voyage, je
donne des master classes. J’aimerais d’ailleurs développer cette forme
d’enseignement, en particulier en Europe –je parle un peu allemand–, trouver
une institution qui puisse m’accueillir. Cela impliquerait aussi mon quartet
car les gens ont besoin d’entendre la musique live, surtout par ces musiciens qui sont des légendes.
Durant vos études au
Thelonious Monk Institute, vous êtes parti en tournée avec Herbie Hancock. Quel
souvenir en gardez-vous?
C’était une expérience assez brève –deux à trois semaines– mais
très intense; j’étais très stressé. J’avais d’ailleurs appelé Ron Carter, dont
je suis très proche, pour lui demander des conseils. Il m’avait répondu: «Ne te fais pas de souci à propos d’Herbie.
Herbie fera du Herbie. Détends-toi et joue!» Sur le moment, je n’ai pas trouvé
ce conseil très aidant! (Rires) Mais
Herbie a été très cool. Et il m’a dit quelque chose de similaire: «Détends-toi et écoute!» J’ai beaucoup
appris avec lui, en particulier avoir confiance en soi. J’ai dû trouver un chemin
pour ne plus penser à moi et m’ouvrir, écouter, recevoir. C’est très difficile
pour un jeune musicien car à 20 ans on est très égocentré. Cela demande de la
maturité d’être à l’aise avec ce que l’on sait faire et d’écouter ce qui se
passe autour de soi. Avec l’âge, ça devient de plus en plus facile. A présent,
j’ai davantage de confiance en moi, plus de contrôle de mon instrument, de ce que je
veux faire.
Dans notre précédente interview (Jazz Hot
n°619) vous nous aviez raconté que vous aviez découvert le «business», les grandes scènes, avec le
septet d’Eric Reed. Qu’avez-vous appris d’autre à ses côtés?
Ce qu’est un leader, et comment jouer dans un
groupe avec un leader fort. Chaque leader possède son propre style. Eric est un
grand compositeur, et il est très précis sur ce qu’il veut, sur la façon
dont la musique doit être jouée. Ça convenait très bien à un jeune musicien
comme moi d’être dirigé ainsi, même si ses exigences me mettaient sous
pression. Carl Allen, avec lequel j’ai joué un peu plus tard, au contraire,
donnait peu d’indications. Tom Harrell avait encore une autre façon d’être. Comme
Eric, il a des idées précises sur la manière dont sa musique doit être jouée,
avec des partitions très détaillées. Mais il parle peu: il se contente
d’engager des musiciens en qui il a confiance pour interpréter sa musique; un
peu à la manière de Miles Davis. Il y avait d’ailleurs un degré de confiance
très élevé dans ce groupe: si on jouait d’une façon un peu différente de ce qu’il
attendait, il nous donnait une chance de nous corriger ou de laisser le morceau
aller sur un autre chemin. En revanche, s’il disait quelque chose, c’est que ça
allait mal! Je suis très heureux d’avoir connu ces différentes approches que
j’essaie de combiner aujourd’hui. J’engage des musiciens en qui j’ai confiance,
je leur laisse la possibilité de modifier certaines choses ou de me proposer
leurs idées.
Wayne Escoffery (ts) avec Tom Harrell (flh), Alassio, Italie, 2008 © Umberto Germinale-Phocus Comment êtes-vous
entré dans le quintet de Tom Harrell?
Le précédent ténor, Jimmy Greene, commençait à être trop
occupé, et Tom cherchait à le remplacer. Il a demandé à
droite et à gauche. Je crois qu’Ugonna Okegwo lui a suggéré mon nom ainsi que
David Weiss. Après quoi son épouse, Angela, m’a appelé et m’a demandé de lui
envoyer quelques enregistrements; Tom m’a ensuite invité chez lui pour jouer; on
s’est bien entendus et j’ai intégré le groupe.
Comment votre
relation a-t-elle évolué?
Au tout début, j’étais assez nerveux car je n’avais jamais
été en contact avec quelqu’un comme lui. Et puis, il y avait un tas de rumeurs
qui circulait sur son compte. Il a donc fallu que je comprenne sa personnalité.
Sa stature musicale m’impressionnait également beaucoup. Mais il m’a mis à
l’aise, et j’ai fini par réaliser qu’il était comme tout le monde. C’est
quelqu’un de très sensible et, quand j’ai compris à quel point il me faisait
confiance, les choses sont devenues plus faciles. Sa musique m’inspirait et me
faisait devenir meilleur musicien. Je pratiquais sans arrêt, et j’étais à 100% dans la musique; il appréciait ça. Dix ans ensemble au sein d’un
groupe, ce n’est pas rien: c’est comme si j’étais sorti diplômé d’une
université! Nous sommes devenus aussi de très bons amis.
Vous avez aussi
accompagné Ben Riley de 2006 à 2011…
Oui, j’ai commencé avec lui à peu près en même temps qu’avec
Tom Harrell. Jouer la musique de Monk, c’était passionnant! Là encore, c’était
difficile, mais ça permet de progresser. Je me sens très chanceux d'avoir joué
avec quelques-uns des plus grands batteurs de la scène jazz. J'ai travaillé
avec Ben Riley pendant plusieurs années et nous avons enregistré et tourné dans
le monde entier avec The Ben Riley’s Monk Legacy Septet. Nous sommes donc
devenus proches. Il nous racontait des histoires sur Monk et sur ce que c'était
de travailler et de voyager avec lui. Ben ne parlait pas beaucoup de la
musique, mais son jeu de batterie en disait long. Les leçons les plus
marquantes que j'ai apprises de lui sont les suivantes: toujours jouer la
mélodie. N'importe quel air peut être joué à n'importe quel tempo. Le drive d'un batteur peut être dynamique
tout en restant décontracté.
Depuis plus de vingt
ans, vous faites partie du Mingus Big Band. Est-ce important pour vous d’en
rester membre malgré votre activité de leader?
Oui, autant que possible. Mon premier concert s’est tenu au
club Fez(*), sous le Time Café de Manhattan, en
2000, pour Thanksgiving. C’est une fête très importante aux Etats-Unis, et
beaucoup de musiciens du big band étaient en famille. Sue Mingus avait donc
besoin de trouver des remplaçants; elle m’a appelé. Je la connaissais un peu
car Johnathan Blake, qui était déjà dans l’orchestre, m’invitait régulièrement.
Ce soir-là il y avait Randy Brecker, Vincent Herring, Dave Kikoski et Jeff Tain
Watts, soit les meilleurs musiciens du monde! J’adore les membres du big band
et j’adorais Sue Mingus. La musique est toujours très stimulante, d’autant que
la section de saxophones change souvent, c’est intéressant de jouer avec
des musiciens différents. De plus, le Mingus Big Band s’accommode bien des
individualités. Beaucoup de ses membres ont eu parallèlement une carrière de
soliste, à commencer par mon mentor Jackie McLean. A la différence de Duke
Ellington, Charles Mingus laissait s’exprimer ces individualités au sein du big
band, cela faisait partie de son identité, et c’est toujours le cas. J’adore
retourner au sein de l’orchestre et je l’enrichis de ma propre expérience.
Wayne Escoffery avec Sue Mingus au Jazz Standard, New York, NY
© Gulnara Khamatova, Collection Wayne Escoffery by courtesy Cet automne, vous
avez joué avec le Mingus Big Band au Birdland, pour le centenaire de Charles
Mingus, alors que Sue Mingus vient de disparaître. Que pensez-vous de son travail pour perpétuer
l'œuvre de son mari?
J'étais très proche de Sue, elle était comme une mère pour
moi et pour beaucoup de membres de l’orchestre. A bien des égards, elle a été
responsable de mon entrée sur la scène internationale du jazz grâce au Mingus
Big Band. C'est vrai pour beaucoup d'autres musiciens. Elle m'a donné de
l'amour et des encouragements, mais m'a aussi fait savoir quand quelque chose
n'allait pas. Elle veillait à ce que tous les musiciens qu'elle choisissait
soient tenus de représenter la musique de Mingus avec authenticité et avec le
plus haut niveau d'intégrité artistique. Elle était une force étonnante, et son
engagement envers son mari, sa musique et sa vision artistique était
extraordinaire. Sans Sue, la musique de Mingus n'aurait pas été aussi largement
célébrée et accessible aux étudiants et aux professionnels du monde entier.
Elle a déterré un grand nombre de ses œuvres inachevées, a créé le Mingus
Institute et la Mingus Competition, elle a permis que l'œuvre maîtresse de
Mingus, Epitaph, soit jouée plusieurs
fois –ce que Mingus ne parvenait pas à faire– et elle a même négocié l'achat de
l'ensemble de l'œuvre de Mingus par la Library of Congress. Ce qu'elle a fait
pour l'héritage de Mingus et la communauté du jazz dans son ensemble est
monumental.
Wayne Escoffery (à gauche) avec le Mingus Big Band en 2018 © Boris Dunand, Collection Wayne Escoffery by courtesy
Comment le Mingus Big
Band et les autres formations vont-ils survivre?
Ceux d'entre nous qui ont fait partie des Mingus Bands sont
attachés à la musique de Mingus, et à travers The Jazz Workshop et nos propres
groupes, nous continuerons à célébrer Mingus pour les années à venir.
Il est vrai que vous
avez développé votre propre carrière sans abandonner vos engagements de
sideman…
Exactement. Je veux rester au service du jazz, humblement.
Et continuer d’apprendre. Par exemple, ces dernières années j’ai travaillé aux
côtés du grand Monty Alexander avec lequel je partage l’origine jamaïcaine bien
qu’étant né à Londres. Il m’a réintroduit à la culture jamaïcaine. C’est
important de continuer à apprendre, je ne veux pas être un musicien arrogant
qui ne présente que sa propre vision. Je veux voir comment je peux influencer
artistiquement d’autres projets comme ceux de Monty Alexander, de Ron Carter ou
du Mingus Big Band. Jackie McLean et George Coleman sont restés toute leur vie
de grands sidemen.
Jeremy Pelt figure
sur votre deuxième album, Intuition
(Nagel Hayer, 2003). L’avez-vous rencontré au sein du Mingus Big Band?
Avant cela, quand j’étais encore étudiant: j’étais au
Thelonious Monk Institute et lui à Berklee, on jouait ensemble à Boston; on a
grandi musicalement en même temps.
Qu’avez-vous envie
d’exprimer en tant que leader?
Ma musique n’est pas tiède, ce n’est pas ce jazz qu’on
entend beaucoup aujourd’hui qui sonne comme de la musique classique, très écrit
et peu rythmé. Je veux faire partie des grands du ténor; je veux que les gens
ressentent le pouvoir du jazz, celui du quartet de John Coltrane, même s’ils ne
connaissent pas l’histoire. Je veux aussi leur faire ressentir la sensibilité
de cette musique: quand je joue une balade, je raconte ma vie. J’ai envie de
rassembler tous les éléments qui constituent mon expérience. En outre, je suis
très attaché à la tradition du ténor, et je n’ai pas peur de jouer avec
puissance, comme John Coltrane, Joe Henderson, Wayne Shorter ou Michael
Brecker. C’est pourquoi mon groupe le plus récent était constitué de David
Kikoski, Ugonna Okegwo et Ralph Peterson, Jr.: ce sont des musiciens solides. Le
décès en 2021 de Ralph, mon batteur, mentor et ami a été une énorme perte pour
moi comme pour toute la communauté du jazz. Il était à la fois un musicien et un
pédagogue extraordinaire qui a formé de nombreux jeunes batteurs. Mais je suis
heureux de dire qu’aujourd’hui Mark Whitfield, Jr. a pris les baguettes dans
mon groupe et fait un travail incroyable. Ralph a toujours fait l'éloge de Mark,
qui a un talent et une force remarquables, tout comme son maître. Mark et beaucoup
d’anciens étudiants de Ralph ont des traits communs avec Tony Williams, Elvin
Jones et Art Blakey. Je suis convaincu que sa lignée fera en sorte que ces caractéristiques
restent répandues parmi les batteurs les plus sérieux.
De gauche à droite : Ugonna Okegwo, Ralph Peterson, Jr., Wayne Escoffery et David Kikoski,
Lake George Jazz Festival, NY, 2019 © Photo X, Collection Wayne Escoffery by courtesy
L’esprit de résistance
est-il indispensable pour défendre et transmettre les valeurs du jazz?
Pas nécessairement. Si le jazz est né de la résistance, il
est plus multiforme qu'une simple «musique de résistance». Le jazz peut aussi
transmettre ses valeurs à travers l'expression de l'amour, de la tristesse, de
la beauté et de la joie.
Que représente pour
vous le travail de composition?
J’écris des originaux pour chacun de mes albums mais je ne
suis pas quelqu’un qui compose en permanence. Pour composer, je dois me poser
et m’y consacrer totalement. Généralement, cela intervient après un épisode
difficile de ma vie. Mon avant-dernier album, Vortex, a été écrit dans une période de montée de racisme et de
haine qui inquiétait beaucoup mon jeune fils.
Quelle idée a présidé
à la création du Black Art Jazz Collective?
Tout d’abord, après avoir beaucoup travaillé en sideman –ce
qui a été une grande richesse et je vais d’ailleurs poursuivre en ce sens–, j’avais
envie de me consacrer à mes propres projets. J’avais déjà un quartet qui
marchait bien, mais je trouvais que c’était intéressant de monter un all-stars
avec des musiciens de ma génération pour mettre en commun à la fois nos idées
musicales, afin de constituer un répertoire original, et nos réseaux
professionnels, afin de multiplier les opportunités de tournées. D’autre part,
le cheminement est né d’un débat ridicule sur les réseaux sociaux autour de la
question: «Le jazz est-il une musique noire ou la musique de tout le
monde?». Le fait est que le jazz est une musique américaine indigène. Il
appartient à l’histoire afro-américaine. Il n’y a rien à discuter là-dessus. En
revanche, le jazz est totalement inclusif. Chacun, quelle que soit sa couleur
de peau ou sa nationalité, peut être un créateur dans le jazz. Regardez Ronnie
Scott, Bill Evans, Django Reinhardt, Niels-Henning Ørsted Pedersen… et il y a
des centaines d’autres exemples dans le monde! Ces musiciens partagent le
langage du jazz. J’ai voulu sortir par le haut de ce débat en célébrant la
culture afro-américaine, avec fierté et respect pour les grands anciens, mais
sans rancœur. Jeremy Pelt, Johnathan Blake, Xavier Davis ou le regretté Dwayne
Burno, comme moi, chérissent la musique qu’ils ont apprise des maîtres et
savent la faire vivre.
Black Art Jazz Collective: Xavier Davis (p), Wayne Escoffery, (ts) Jeremy Pelt (tp), Corcoran Holt (b),
James Burton III (tb), Mark Whitfield Jr. (dm), Sunside, Paris, 19 octobre 2019 © Jérôme Partage
Le nom du groupe
est-il une référence au «Black Arts Movement»?
Pas vraiment. En revanche, il s’inscrit dans la continuité
du mouvement «Black American Music» (BAM) initié par Nicholas Payton, et qui
réaffirme que le jazz est un art afro-américain. Tout le monde se saisit du mot
jazz et fait ce qu’il veut avec. Le terme «black american music» est du coup
plus précis. C’est une discussion intéressante, mais je n’aime pas m’étendre sur
ce sujet. Je préfère jouer et que les gens viennent aux concerts parce que, lorsque vous entendez le groupe, le débat se clôt de lui-même!
Que pensez-vous du
travail effectué par Wynton Marsalis au sein de Jazz at Lincoln Center?
C’est magnifique! Il a bâti un véritable empire grâce auquel
il touche énormément de monde et notamment des jeunes. Et son orchestre compte
beaucoup de musiciens extraordinaires. Là encore, je trouve que les débats
autour de Wynton Marsalis sont ridicules. Bien entendu, il a eu des prises de
position très fortes sur le jazz, mais je ne vois pas en quoi c’est un problème.
C’est le cas d’autres musiciens comme Barry Harris par exemple qui est l’une
de mes principales influences en matière de pédagogie. Pour autant, je ne suis
pas d’accord avec lui sur tout. Idem pour Wynton Marsalis bien que j’adore sa
musique. De même, les musiciens du Smalls ne jurent que par Charlie Parker et méprisent
Wayne Shorter, je trouve ça absurde. Mais quand je les entends, je prends un plaisir
fou et c’est tout ce qui compte.
Chaque membre du
Black Art Jazz Collective compose. Comment choisissez-vous les titres?
Notre fonctionnement est très organique. Quand nous entrons
en studio, chacun amène ses morceaux. Le principe étant qu’ils aient à voir
avec la culture afro-américaine. Par exemple, nous avons un titre en hommage à
Mulgrew Miller, un autre à Barack Obama, etc. Après, on discute, on répète et
on essaie de les faire sonner au mieux. Nous voulons nous placer dans la
filiation d’Art Blakey and the Jazz Messengers, de Woody Shaw, et intégrer de
nouveaux musiciens, comme Mark Whitfield, Jr. qui apporte une nouvelle énergie
et une écriture marquée par des influences propres à sa génération. C’est
important pour notre développement artistique et pour de jeunes musiciens comme
lui auxquels nous pouvons offrir notre expérience. C’est ce que Tom Harrell a
fait pour moi.
Sur le premier album
du groupe, The Side Door Jazz Club,
votre composition «Double Consciousness» est dédiée à la figure des Droits
civiques, W.E.B. Du Bois…
C’est un écrivain très important pour moi. Dans son livre The Souls of Black Folk, il a posé un
concept qui m’a beaucoup intéressé, celui de la «double conscience»: c’est à
dire la façon dont les Afro-Américains se perçoivent et la compréhension qu’ils
ont de la façon dont les Blancs les perçoivent. Si je sors à 2h du matin
avec un sweet à capuche, les gens vont se faire une certaine idée de moi. C’est
ce qui s’est passé avec Trayvon Martin en 2012. Il s’agissait d’un jeune
Afro-Americain qui a été abattu par un résident alors qu’il se promenait. Il a
été tué en raison de son apparence. La double conscience que décrit W.E.B. Du
Bois c’est l’obligation, pour les Afro-Américains, de faire attention à l’image
qu’ils renvoient aux Blancs, car ils sont jugés en permanence. Quand je
sortais, ma mère me disait toujours de prendre soin de la façon dont je m’habillais
parce que je suis noir et que les gens me regardent différemment pour cette
raison.
La situation des
Afro-Américains s’est-elle dégradée après l’arrivée au pouvoir de Donald
Trump?
Les temps sont difficiles et incertains. Une mentalité
nationaliste a infecté le globe et, à mon sens, Trump en est responsable pour
une large part. La société américaine reste un modèle pour le monde. Donc si
elle promeut une attitude arrogante et égoïste, d’autres vont se dire qu’ils
peuvent agir de la même façon. Pourtant, je pense qu’il était nécessaire que
cela arrive. Je le dis avec d’autant moins de plaisir que j’ai un jeune fils.
Mais le fait est que durant les deux mandats de Barack Obama, les gens
supposaient que tout allait bien pour les Afro-Américains. Quand je dénonçais certains
problèmes personne ne m’écoutait. On me répondait: «As-tu besoin d’être si
militant?» La situation est donc la même, mais aujourd’hui les problèmes sont
médiatisés et les Blancs descendent dans la rue. C’est même devenu branché de
s’afficher avec des slogans antiracistes. J’imagine que c’est mieux ainsi.
Comment la situation
politique a-t-elle évolué avec l'élection de Joe Biden puis la crise du covid?
A mon avis, elle n'a pas du tout évolué. Et il n'y a pas eu non plus de changements
systémiques qui aient eu un impact positif sur la communauté jazz, l'éducation
culturelle, les moins fortunés ou la communauté afro-américaine.
Comment avez-vous
vécu l'ampleur du mouvement Black Lives Matter en 2020 après l'assassinat de
George Floyd?
L'assassinat de George Floyd est une tragédie qui a donné
naissance à un mouvement et qui a contribué à sensibiliser les gens à la
bigoterie raciale, aux inégalités et au racisme systémique aux Etats-Unis et
dans le monde. A l'époque, j'étais le seul membre noir du corps enseignant de
l'école de musique de Yale et j'ai été contraint de représenter le point de vue
des Noirs sur les questions de race, d'équité et de diversité auprès des
étudiants. Ce n'est pas quelque chose que j'ai étudié ou que j'ai toujours
voulu faire, mais je n'avais pas d'autre choix que d'essayer d'exprimer la «perspective
noire» aux étudiants de la YSM. Je pense que de nombreuses personnes de couleur
travaillant dans des institutions majoritairement blanches sont devenues des
porte-parole obligatoires pour les personnes de couleur. C'est une position
difficile car nos homologues blancs n'ont pas la même responsabilité et ont le
privilège d'être simplement des éducateurs et des musiciens.
Y a-t-il un
changement dans les valeurs véhiculées par ce mouvement par rapport au combat
universaliste de Martin Luther King et du Mouvement des Droits civiques?
Certaines des valeurs véhiculées par le
mouvement Black Lives Matter sont les mêmes. Mais il semble se concentrer de
façon virulente sur le racisme systémique, la distribution égale des richesses,
l'égalité d'accès aux opportunités et aux responsabilités et sur le
nombre disproportionné de personnes de couleur assassinées aux Etats-Unis et
dans le monde.
Wayne Escoffery, Sunside, Paris, 19 octobre 2019 © Jérôme Partage
La crise sanitaire a
précipité la disparition de nombreux musiciens âgés à la santé fragile. Cela
a-t-il rendu votre «responsabilité» de transmettre la tradition encore plus
importante pour vous?
Jackie McLean a été un grand mentor pour moi et
d'innombrables autres musiciens. Il nous a, à tous, inculqué la responsabilité de
transmettre la tradition de la musique classique américaine, née de
l'expérience des Noirs, autrement dit le jazz. Cette responsabilité
m'accompagnera toujours.
La scène jazz est-elle
différente après le covid?
Je pense qu'elle a été assez vivante après le covid.
Le travail ne manque pas, les musiciens ont envie de jouer de nouveau, et les
gens semblent encore plus désireux et engagés à écouter de la musique live qu'avant.
Quels sont vos
projets?
Mon dernier album Like
Minds sortira sur le label Smoke Sessions au printemps prochain. On y
retrouve mon groupe actuel, composé de David Kikoski, Ugonna Okegwo et Mark
Whitfield, Jr., ainsi que le guitariste Mike Moreno et des invités spéciaux:
Tom Harrell et Gregory Porter. Il y a de la bonne musique sur cet album! En
outre, l'année 2023 marque les dix ans d'existence de Black Art Jazz Collective
et nous prévoyons de réaliser un album anniversaire et de faire quelques dates
en Europe. Je suis très fier de ce que ce groupe a accompli et de l'accueil qu’il
a reçu au niveau international. J'ai l'intention de continuer à enregistrer, à
faire des tournées et à donner des master classes avec ces deux groupes.
Quelles sont pour
vous les valeurs philosophiques du jazz?
Liberté, liberté et liberté.
* Le Mingus Big Band, le Mingus Dynasty et le Mingus Orchestra (créée en 1999) se sont produits chaque
jeudi au club Fez Under Time Cafe de 1991 jusqu'à sa fermeture en 2005. Après s’être déplacés au Joe’s Pub, au City Hall
et à l’Iridium, leur résidence hebdomadaire alternée (le lundi) s'est fixée en 2009 au
Jazz Standard qui a cessé définitivement son activité pendant la crise du covid, en décembre 2020 (voir notre Hot News du 11/12/20). Le Mingus Big Band a retrouvé, depuis le 26 octobre dernier, un nouveau port d'attache avec le Midnight Theater, tous les mercredis, sans alternance avec les autres Mingus Bands pour le moment.
*
WAYNE ESCOFFERY & JAZZ HOT:
*
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DISCOGRAPHIE
2019. Wayne Escoffery, The Humble Warrior, Smoke Sessions
Leader/Coleader CD 2001. Wayne Escoffery, Times Change, Nagel Heyer 2015 CD 2003. Wayne Escoffery, Intuition, Nagel Heyer 2038 CD 2005. Gregory Tardy/Wayne Escoffery/Christian Winther/Richard Doron Johnson/Billy Drummond/Neal Caine, SteepleChase Jam Session Vol. 21, SteepleChase 31613 CD 2006. Wayne Escoffery, Veneration, Savant 2081
CD 2006. Carolyn Leonhart and Wayne Escoffery, If Dreams Come True, Nagel Heyer 2078 CD 2007. Noah Baerman/Wayne Escoffery/Amanda Monaco/Vinnie Sperrazza/Henry Lugo, Playdate, Posi-Tone 8055 CD 2007. Wayne Escoffery, Hopes and Dream, Savant 2090 CD 2008. Wayne Escoffery, Uptown, Posi-Tone 8056
CD 2008. Wayne Escoffery/Jimmy Greene/Stephen Riley/Don Braden, SteepleChase Jam Session Vol. 30,
SteepleChase 31613 CD 2009. Carolyn Leonhart/Wayne Escoffery, Tides of Yesterday, Savant 2106 CD 2011. Wayne Escoffery, The Only Son of One, Sunnyside 1320 CD 2014. Wayne Escoffery, Live at Smalls, SmallsLIVE 0046
CD 2016-17. Wayne Escoffery, Vortex, Sunnyside 1499 CD 2019. Wayne Escoffery, The Humble Warrior, Smoke Sessions 2002
avec Black Art Jazz Collective CD 2016. Black Art Jazz Collective, The Side Door Jazz Club, Sunnyside 1441 CD 2018. Black Art Jazz Collective, Armor of Pride, HighNote 7313 CD 2020. Black Art Jazz Collective, Ascension, HighNote 7329
Sideman CD 1999. Dan Vidgen, Beautiful love, Second Edition, Turtle Music 1 CD 2000. Eric Reed, Happiness, Nagel Heyer 2010 CD 2001. Nancy Banks, Out of It, GFI 2001 CD 2001. David Gibson, Maya, Nagel Heyer 2018 CD 2001. Mingus Big Band, Tonight at Noon…, Dreyfus Jazz 36633-2 CD 2003. Lonnie Plaxico, Rhythm & Soul, Sirocco Music 1023 CD 2004. Nancy Banks, The Path to Delphi, Nagel Heyer 2052 CD 2004. Carolyn Leonhart, New 8th Day, Sunnyside 1139
CD 2004. Mingus Big Band, Orchestra & Dynasty, I Am Three, Sue Mingus Music/Sunnyside 3029 CD 2004. Eric Frazier, Find Yourself (Then Find Me), Eric Frazier 4389 CD 2004. Avi Rothbard, Twin Song, Midlantic 2005-311 CD 2005. Tom Harrell, Light On, HighNote 7171 CD 2005. Mingus Big Band, Live in Tokyo, Sue Mingus Music/Sunnyside 3042 CD 2006. Ben Riley's Monk Legacy Septet, Memories of T, Concord Jazz 30095-2 CD 2008. Tom Harrell, Prana Dance, HighNote 7192 CD 2008. Joe Locke, Force of Four, Origin 82511
CD 2008. Randy Sandke, Jazz for Juniors, Arbors 19385 CD 2008. Akiko Tsuruga With Jimmy Cobb, NYC Serenade, Mojo 1313
CD 2008-09. Mingus Big Band, Live at Jazz Standard, Jazz Workshop, Inc./Sue Mingus MusicCD 2009. Tom Harrell, Roman Nights, HighNote 7207 CD 2010. Pat Bianchi, Back Home, Doodlin' 014 CD 2010. Tom Harrell, The Time of the Sun, HighNote 7222 CD 2010. Ben Riley Quartet Featuring Wayne Escoffery, Grown Folks Music, Sunnyside 1305 CD 2011. Tom Harrell, Number Five, HighNote 7236
CD 2013. Tom Harrell, Colors of a Dream, HighNote 7254 CD 2013. Tom Harrell, First Impressions, HighNote 7276 CD 2014. Ku-Umba Frank Lacy & Mingus Big Band, Mingus Sings, Sue Mingus Music/Sunnyside 1407 CD 2015. Amina Figarova, Blue Whisper, In+Out 77128-2 CD 2016. Avi Rothbard Featuring Wayne Escoffery, Standard Solo and Duet Sketches, Rothbard Music CD 2018. Steve Davis, Correlations, Smoke Sessions 1901 CD 2018. Amina Figarova, Road to the Sun, AmFi 014 CD 2018. Joris Teepe, In the Spirit of Rashied Ali, Jazz Tribes NLSH7 CD 2019. Monty Alexander, Wareika Hill: Rasta-Monk Vibrations, MA Records CD 2021. Pat Bianchi, Something to Say: The Music of Stevie Wonder, Savant 2190 CD 2021. John Hasselback III, Entrance, Hasselcastle 1001
CD 2022. Mingus Big Band, The Charles Mingus Centennial Sessions, Jazz Workshop, Inc./Sue Mingus Music (à paraître)
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VIDEOGRAPHIE par Hélène Sportis
Black Art Jazz Collective: James Burton (tb), Jeremy Pelt (tp), Vicente Archer (b), Wayne Escoffery (ts),
Darrel Green (dm), Stavros Niarchos Foundation Cultural Center, Kallithéa-Athènes,
Grèce, 20 juin 2017, image extraite de YouTube
Chaîne YouTube Black Art Jazz Collective:
https://www.youtube.com/channel/UCb1dizuBY2DZoxiqnCshfJg/videos
2007. Wayne Escoffery, American Dreams Fuji TV show, documentaire japonais https://www.youtube.com/watch?v=0ByHglSPCTI
2007. Wayne Escoffery & Veneration, Jeremy Pelt (tp), Joe Locke (vib), Dwayne Burno (b), Lewis Nash (dm), Live at Dizzy’s, Lincoln Center, New York, NYC, Showset Prod., juin https://www.youtube.com/watch?v=IbSQW91gS40 https://www.youtube.com/watch?v=CqoK8st7CY4
2012. Wayne Escoffery, Carolyn Leonhart (voc), Danny Grissett (kb), Ugonna Okegwo (b), Jason Brown (dm), dont «Nostalgia in Times Square» (comp Charles Mingus), Jazz & Colors, Central Park, New York, NYC, 10 novembre https://www.youtube.com/watch?v=arZSLI9oD1w https://www.youtube.com/watch?v=E_g2jARCBXo
2013. Wayne Escoffery Quartet, Carolyn Leonhart (voc), Jazz & Colors, Central Park, New York, NYC https://www.youtube.com/watch?v=kDAn8TZjIw8
2017. Wayne Escoffery, Mike Stern (g), Alex Blake (b), Jerome Jennings (dm), Made in New York Jazz Festival, Capital Plaza Atrium, Podgorica, Montenegro, 11 juin https://www.youtube.com/watch?v=ibXTmOQ9d_s https://www.youtube.com/watch?v=NJKsVcRIKyE https://www.youtube.com/watch?v=FhmW-PF1RTM https://www.youtube.com/watch?v=spuGPkfAHrY https://www.youtube.com/watch?v=q15NnHx1mHU
2017. Black Art Jazz Collective: Wayne Escoffery, Jeremy Pelt (tp), James Burton (tb), Victor Gould (p), Vicente Archer (b), Darrel Green (dm), Stavros Niarchos Foundation Cultural Center, Kallithéa-Athènes, Grèce, 20 juin https://www.youtube.com/watch?v=uwh7_CMyF3U https://www.youtube.com/watch?v=t95kuK5cfVg https://www.youtube.com/watch?v=LZKhYDF23xw https://www.youtube.com/watch?v=YmXeqpz_aDA https://www.youtube.com/watch?v=vw8SnIkZttU
2019. Black Art Jazz Collective, Zorlu Performans Sanatları Merkezi, Istanbul, Turquie https://www.youtube.com/watch?v=2mDPDAS3iW0
2021. Wayne Escoffery, Dave Kikoski (p), Mark Lewandowski (b), Nasheet Waits (dm), Live at Smalls Jazz Club, 9 octobre https://www.youtube.com/watch?v=IVEXifSa9XA
2022. Mingus Big Band, Wayne Escoffery, Tatum Greenblatt/Alex Norris/Charlie Porter (tp), Philip Harper (tp, voc), Conrad Herwig/Adam Machesky (tb), David Taylor (btb), David Lee Jones/Sarah Hanahan (as), Sam Dillon (ts), Jason Marshall (bar), Helen Sung (p), Luques Curtis (b), Chris Beck (dm), The Django, New York, NYC, 6-7 février https://www.youtube.com/watch?v=RVa1OD5cU8I https://www.youtube.com/watch?v=wMsxz6scy2c https://www.youtube.com/watch?v=BulxKjD1I_A https://www.youtube.com/watch?v=QLYH_898qmQ https://www.youtube.com/watch?v=LctXIb98T5M
2022. Wayne Escoffery, Dave Kikoski (p), Ugonna Okegwo (b), Mark Whitfield Jr. (dm), Hot Clube de Portugal, Lisbonne 15 Mars https://www.youtube.com/watch?v=ILotsx6Fppc https://www.youtube.com/watch?v=kqAJvNMmerw
2022. Wayne Escoffery, Dave Kikoski (p), Ugonna Okegwo (b), Mark Whitfield Jr. (dm), Live @ the Jazzclub Lustenau, Autriche, 18 Mars https://www.youtube.com/watch?v=Hws2Eqn4EbY https://www.youtube.com/watch?v=qzLoF7OogQ0
2022. Wayne Escoffery, interview par Maria G. Cavenaghi, sur le Charles Mingus Centennial à Jazz at Lincoln Center, 4 avril https://www.youtube.com/watch?v=asbFlOm-2aU
2022. Mingus Orchestra, Wayne Escoffery, Alex Norris (tp), Ku-umba Frank Lacy (tb), Mark Gross (as, fl), Stefano Doglioni (bcl), John Clark (frh), Michael Rabinowitz (basson), David Gilmore (g), Boris Koslov (b), Tommy Campbell (dm), The Django, New York, NYC, 27 juin https://www.youtube.com/watch?v=cdtosA45-_k
2022. Wayne Escoffery, Andy Bianco (g), Brad Whiteley (org), Paul Wells (dm), Live @ The Zinc Bar, New York, NYC, 19 septembre https://www.youtube.com/watch?v=uBr0Nql-xEU https://www.youtube.com/watch?v=H0XEc6yNSJE https://www.youtube.com/watch?v=YbkVQwDXjzk
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