Claus Raible © Lena Semmelroggen by courtesy of Claus Raible
Claus RAIBLE
Night Time Is My Mistress
La vie de la musique d'outre-Rhin recèle de véritables trésors, on le savait depuis des siècles. Mais pour ce qui est du jazz, une musique du XXe siècle, il semble toujours que le Rhin soit une barrière plus infranchissable que l'océan ou les Alpes, et qu'il soit toujours nécessaire de passer par New York ou de compter sur le hasard des rencontres… C'est par celui de l'édition de disques du label indépendant autrichien, Alessa Records, que nous avons découvert un musicien, déjà confirmé pourtant, exceptionnel sur le plan pianistique et original par ses options, en la personne de Claus Raible. Il a publié en 2019 un très bon disque, Trio!, en compagnie d’Alvin Queen (dm) et de Giorgos Antoniou (b). L'autre hasard était l'enregistrement pour le même label, de Free Fall, un duo intimiste, de Claus Raible et d’Anna Lauvergnac (voc) que nous connaissions mieux pour sa participation au Vienna Art Orchestra de Mathias Rüegg. Le contact étant établi entre les deux rives du Rhin, il a ainsi été possible d’approcher un artiste dont l'expression est marquée du sceau de l'intensité et de la virtuosité qui furent les traits les plus apparents du premier bebop autour de Charlie Parker et Bud Powell, mais aussi de Thelonious Monk, Elmo Hope et Herbie Nichols, dans la trace laissée par Mary Lou Williams et Art Tatum. Claus Raible est né en République Fédérale d'Allemagne, à Karlsruhe, le 3 mai 1967. Ce n'est que tardivement à 12 ans qu'il a abordé la pratique instrumentale: la trompette d'abord, qu'il a gardé comme second instrument pendant quelques années, puis, à 14-15 ans, le piano qui reste aujourd'hui son seul instrument et sur lequel il a dès 16 ans donné des concerts. Chez Claus Raible, l’écoute de l'amateur de jazz a précédé l'apprentissage. Il possède aujourd'hui un solide parcours, qui l'a vu se former académiquement à la musique, notamment à Graz en Autriche sous le magistère d'Harry Neuwirth entre autres (1986-92), tandis qu'il développait, en parallèle et en indépendant, une culture et une passion pour le jazz, d'oreille –le son dont il parle– adoptant intuitivement à sa manière d’Européen ce que pratiquent les artistes du jazz natif qui, à partir de leur culture d'oreille, intègrent une partie des codes de l'apprentissage et de la culture d'origine européenne. Le voyage en Amérique (trois années de 1995 à 1998) est venu comme une nécessité, vraie pour beaucoup d'artistes de jazz, de se confronter aux inventeurs et à la réalité du jazz. Il en a gardé pour sa pratique un amour du live, de la nuit, de la rencontre, une habileté de l'oreille, réussissant à reformuler son éducation académique pour la mettre au service de sa passion, le jazz, et d'une synthèse originale entre ses choix, sa culture d'origine et celle d'adoption. Il ne semble d'ailleurs pas favorable –on partage ce point de vue– à un enseignement académique du jazz privé de cette dimension humaine qui s'appelle la passion du jazz qu'on acquiert par soi-même, par l'oreille et par le cœur quand on n'est pas né dedans.Claus Raible n'est pas un musicien de répertoire; c'est en authentique musicien de jazz, en interprète et créateur, car il compose, improvise et arrange savamment, qu’il a choisi de développer son art, son langage, en nourrissant sa flamme d’un moment particulièrement intense de l'histoire du jazz, le premier bebop. Claus Raible est un artiste qui reste à découvrir, en France en particulier, quand les dictateurs du monde auront relâché leur étreinte mortifère pour la scène du jazz et la culture en général… Il aime le jazz live et la nuit comme son titre (celui de cet article) le dit…
Propos recueillis par Mathieu Perez
Photos Savas Bayrak, Bodo Gsedl, Ulla Hartleb, Anna Lauvergnac, Vera Podiwinsky, Christoph Raible, Lena Semmelroggen by courtesy of Claus Raible (www.clausraible.com)-Remerciements à tou(te)s
© Jazz Hot 2021
Jazz Hot: Puisque je savais que j'allais vous interviewer, j'ai demandé à Bertha Hope ce qu'elle pensait de vos deux disques revisitant la musique d'Elmo Hope, Searchin 'for Hope (2015, The Gradischnig/Raible Quintet, Alessa Records) et The Music of Elmo Hope. Vol.2: Mo Is On (2018, Trio Records). Elle m'a dit qu'il y avait «quelques belles trouvailles créatives» et que vous êtes «maintenant un ambassadeur de la musique d'Elmo»…
Claus Raible: Wow!, je suis très heureux
d’entendre ça! (Rires)
Quand avez-vous
découvert la musique d’Elmo?
J'ai découvert la musique d'Elmo très tôt. La toute première
fois, c'était sur le disque de Clifford Brown avec Lou Donaldson, New Faces New Sounds. Il y a «Bellarosa»,
«Carvin’ the Rock». Et puis j'ai entendu le disque d'Elmo Hope Quintet avec
Frank Foster et Freeman Lee. J'ai été immédiatement pris par cette musique! Vous
savez, j'ai rencontré Bertha Hope une fois à New York; c'était il y a des
années. Je suis allé la voir en concert, puis je lui ai parlé. Elle a dit
qu'elle était un peu contrariée que personne ne joue la musique d'Elmo; l’idée
vient de là. Il y a tant de belles compositions d'Elmo que personne ne joue!
J'ai donc écrit des arrangements pour quintet sur les thèmes enregistrés en
trio.
Herwig Gradischnig et Claus Raible, Vienna, 2015 © Vera Podiwinsky by courtesy of Claus Raible
Alors, avant de
rencontrer Bertha Hope, vous jouiez déjà la musique d’Elmo?
J’en jouais un peu. Mais je n’avais pas encore un répertoire
des compositions d’Elmo. Maintenant, avec le quintet que je dirige avec Herwig
Gradischnig, on a un vrai répertoire!
Bertha Hope dit
qu'Elmo est à son meilleur lorsqu'il écrit pour des quintets et que sa musique
est jouée dans cette formation (cf. Jazz Hot n°673, 2015). Le croyez-vous aussi?
Pourquoi avoir choisi le quintet pour vos disques?
Personnellement, j’ai toujours été fasciné par le travail en
trio d’Elmo. Cependant, la formation en quintet s'est avérée être l'une des
plus importantes pour le jazz moderne. Je pense que pour des compositeurs comme
Elmo, les cuivres fournissent une extension du piano et soulignent certains
aspects de l'arrangement. Cela vaut aussi bien pour Horace Silver, par exemple,
que pour Duke Ellington à plus grande échelle. En tant que tel, le quintet est
comme un orchestre condensé.
Comment vous
êtes-vous préparé pour ces deux disques?
J'ai écouté beaucoup des disques d’Elmo. C'était un défi non
seulement de transcrire ses arrangements en quintet, mais aussi d'écrire des
arrangements en quintet pour les compositions enregistrées en trio.
Pourriez-vous dire
un mot sur le style d’Elmo en tant que compositeur? Et à propos de votre
traitement de ses thèmes?
Pour moi, Elmo implique plusieurs styles différents. Certains
de ses morceaux ont des qualités de chanson, avec des mélodies qu’on pourrait
chanter, comme «So Nice» par exemple. En revanche, il a des compositions plus
anguleuses et difficiles comme «Crazy» ou plusieurs de ses thèmes sur The Fox de Harold Land, par exemple. A
cet égard, je vois des parallèles avec les œuvres de Monk ou Herbie Nichols. En
général, on pourrait dire que la plupart des compositions des pianistes se
différencient des autres sur l’utilisation du piano dans son intégralité, dans
le sens des aigus ou des basses. Je veux dire par là l’utilisation d’un
contre-point correct, de mouvements de basse, etc. En fait, certains morceaux
d’Elmo sont conçus de manière pianistique à un point tel que parfois, il peut
être difficile pour les cuivres d’exécuter le thème. Cependant, toutes ses
compositions ont une intelligence musicale. Jouer cette musique est très difficile,
vous ne vous contentez pas de lire la partition, vous devez aller au fond des
choses.
Comment
décririez-vous le style d’Elmo?
Il est difficile de comparer Elmo avec Bud et Monk. J'ai
toujours pensé qu'il appartenait à la première génération de beboppers, les
innovateurs; même si tout le langage moderne a été défini par Bud Powell. C’est
difficile, car chacun de leur style est très personnel. Pour moi, le bebop
n'est pas tant un style général qu'un ensemble de styles personnels.
Vous avez formé un beau
groupe: Steve Fishwick (tp), Herwig Gradischnig (ts), Giorgos Antoniou (b),
Matt Home (dm).
En fait, la première fois que j’ai joué la musique d’Elmo,
c’était à New York, quand j’y vivais. Notre groupe se composait de Sean Jones
(tp), Brad Leali (as), Chris Haney (b), Jason Brown (dm). Une équipe
fantastique! Brad avait monté le groupe, et j'ai fourni les arrangements. Puis,
quand je suis rentré à Munich, j'ai monté un quintet avec des musiciens d'ici
que je savais être parfaits pour ce type de formation. Les musiciens viennent du
Royaume-Uni, d’Autriche, de Grèce, etc. C’est un groupe assez international.
Alors, vous aviez
déjà travaillé avec eux?
Oh oui, je les connaissais de différentes équipes et situations.
Pourriez-vous dire
quelques mots sur les musiciens de votre groupe?
Je connais Herwig depuis mon séjour en Autriche, à la fin des
années 1980. Giorgos, je l’ai rencontré au début des années 2000 par
l’intermédiaire du légendaire pianiste Joe Haider, avec qui il travaillait à l’époque.
Et Giorgos m'a présenté les deux Britanniques. Je travaillais avec Steve dans
un autre projet sur la musique d'Horace Silver, et je l'avais aussi dans
mon orchestre de dix musiciens. Ainsi, nous nous étions tous déjà rencontrés
dans différentes situations musicales.
Lorsqu’on écoute vos
disques, il y a toujours ce feu, cet enthousiasme, cette créativité. Vous
faites clairement avancer l'héritage du bebop.
La première génération de beboppers qui est sortie de New
York avait cette intensité, ce feu, cette nervosité dans leur style. Dans
certains des styles suivants, ces acquis ont été digérés et semblent plus
sereins, ce à quoi de nombreuses personnes semblent plus réceptives. Mais je me
sens plus connecté à l'énergie de ce premier mouvement.
Serait-il juste de
dire que Bud et Monk sont les deux musiciens qui ont vraiment changé votre vie?
Oh, certainement.
Pourriez-vous
expliquer?
Il est intéressant de noter que Monk était comparativement
plus facile d'accès pour moi, car pour Bud, il m'a fallu un peu plus de temps
pour m'y mettre pleinement. Peut-être parce que Monk a des éléments vraiment
archaïques dans sa musique, je ne peux pas le dire avec certitude. Mais il
s'agit vraiment de leur voix musicale. Vous m'entendez parler de son encore et
encore, mais c'est ce qui capte normalement votre attention en premier.
Ensuite, plus tard, vous commencez à traiter tous les aspects analytiques et
intellectuels.
Des quatre pianistes Thelonious Monk, Herbie Nichols, Bud Powell et Elmo Hope qui ont généré un renouveau du piano jazz après guerre, vous semblez avoir des liens plus spirituels avec Bud Powell en termes d'expression (débit, phrasé, intensité…), exact?
Ils l’ont tous fait à leur manière, je suppose, ils étaient tous avant-gardistes. Monk, étant l'aîné de ce groupe, a probablement joué un rôle de père au sein du mouvement. Bien que Monk n'ait que 5 ans au moment de la naissance de Bud, cela signifiait presque une génération musicale dans cette période de temps très énergique et en évolution rapide. Quoi qu'il en soit, Monk est devenu le mentor de Bud. Je pense que Mary Lou Williams a eu une grande influence sur tous. Tatum a cependant eu la plus forte influence sur Bud, je dirais, bien que Bud ait aussi d'autres influences, bien sûr. Et, oui, je nommerais probablement Bud comme étant mon influence la plus forte.
Pourquoi étiez-vous particulièrement sensible à lui?
Vous venez de mentionner le mot «spirituel» plus tôt. Quand j'ai commencé à écouter de la musique dès le début, j'ai été instantanément frappé et complètement captivé. J'étais assez jeune et je n'avais aucune expérience musicale ou connaissance de quoi que ce soit à l'époque. Par conséquent, il n'y avait aucun processus intellectuel impliqué. Mais j'ai ressenti et compris la musique à un niveau différent, et je suppose que c'était une expérience spirituelle. Et c'est ce qui s'est passé aussi quand j'ai commencé à écouter Bud plus tard, quelle que soit la grande complexité de son langage musical. J'avais déjà quelques connaissances musicales à ce moment-là, mais la musique de Bud était bien au-delà de ma compréhension sur le plan analytique. Et encore aujourd'hui, Bud est une source d'inspiration sans fin à tous les niveaux; je continue d'entendre de nouvelles choses tout le temps quand je l'écoute.
Comment avez-vous recherché l'origine de cette intensité pour pouvoir l’atteindre?
Ce qui est devenu une source très précieuse pour moi, en plus des enregistrements audio, ce sont quelques-uns des rares films qui existent de Bud (cf. «I Want to Be Happy», INA, 1961, ndlr). Maintenant, vous pouvez tout trouver en ligne pour rien, mais à l'époque, il était assez difficile non seulement de les trouver, mais même de savoir quel matériel existait en premier lieu. Je suis réellement fasciné en regardant simplement les mains de Bud, ses mouvements et son expression physique! Une autre clé était d'écouter certains des grands pianistes issus de ce mouvement comme Walter Davis, Jr. ou Sonny Clark par exemple. Sans vouloir diminuer leur contribution, les écouter était pour moi comme regarder Bud sous différents angles et perspectives. Un aspect essentiel cependant est de ne jamais perdre cet esprit de la musique. Il faut en être conscient, d'autant plus dans un environnement qui manque toujours de cette qualité. Je pense que de nos jours, de nombreux auditeurs potentiels se détournent du jazz non pas parce que la musique est trop exigeante, mais plutôt trop terne, superficielle ou même dénuée de sens. Il faut s'attendre, dans une société où les cats sont principalement préoccupés d'auto-marketing et de réseaux sociaux, à ce que la musique en soit le reflet, bien que la profondeur spirituelle de la musique ne dépende pas nécessairement d'un style en particulier. Vous avez découvert
leur musique très jeune…
Je devais avoir 8 ou 9 ans lorsque j'ai commencé à écouter
des disques. Jusqu'à mon adolescence, j'écoutais des styles plus anciens, de
l'époque du swing. Count Basie, Duke Ellington, Earl Hines, du blues, du stride,
Fats Waller, et bien sûr Art Tatum. Vers 16 ans, j'écoutais des trucs plus
avant-gardistes, comme Ornette Coleman. Mais Bud et Monk m'ont vraiment emballé.
Claus-Raible, 1985 © photo Christoph Raible by courtesy of Claus Raible
Vos parents
écoutaient-ils du jazz?
il y avait de la musique à la maison, ni trop ni pas assez. Et certainement pas de jazz en particulier. La musique dans la maison était principalement la radio, juste les programmes populaires omniprésents et réguliers dans tous les foyers de tous les âges. Mon frère aîné de plus de six ans était dans la musique rock et pop populaire de l'époque, mais ne jouait d'aucun instrument. Il y avait un peu d'intérêt pour la musique classique, mais pas de collection de disques ou de choses de ce genre. Mon père jouait de l'accordéon dans sa jeunesse. Pendant la mienne, il le sortait encore, peut-être une ou deux fois par an, principalement à ma demande, et jouait de vieilles chansons populaires qu'il connaissait par cœur. Un de mes oncles, du côté de ma mère, était prêtre catholique. Il était en Afrique avant la guerre. Il a été capturé par les Britanniques et, plus tard, après la guerre, il est allé aux Etats-Unis pour devenir ministre du culte de différentes communautés: l'une d'entre elles était une communauté noire à Bay City, Michigan. Il jouait en autodidacte l'orgue de l'église et dirigeait la chorale de l'église. Le père de ma mère était capable de jouer des chansons populaires au piano d'oreille, mais il n'a jamais eu de formation académique. Mon père avait étudié l'ingénierie et était assez innovant dans certains domaines: il avait développé un système de sécurité pour les centrales nucléaires basé sur des techniques de sonar. Il avait l'ambition, entre autres, de construire un orgue électronique. Ce projet ne s'est jamais terminé et au moment de sa mort prématurée, à 60 ans en 1990, les pédales n'étaient pas encore installées. Mais les deux claviers supérieurs de l'instrument étaient opérationnels bien qu'il y ait un ronflement constant dans les haut-parleurs. Ma mère, qui avait eu des cours de piano dans sa jeunesse, avait trouvé une certaine joie à jouer de cet orgue dans notre maison. Elle avait des livres de musique avec des chansons populaires des années 1930 à 1960. J'ai donc commencé à jouer un peu avec l'orgue moi-même; tout cela d'oreille bien sûr. Cependant, ma première rencontre avec le jazz a eu lieu avant même que mon père ne commence à fabriquer cet instrument. Vers l'âge de 9 ou 10 ans, j'ai repéré un programme hebdomadaire sur la radio régionale bavaroise à partir de 78 tours. La première moitié de ce programme présentait de la musique des Etats-Unis, principalement des orchestres; ça m'a vraiment branché. J'ai été instantanément accro, et j'ai commencé à enregistrer ces émissions, tous les dimanches à 21h05. Je me souviens même de certains des premiers morceaux que j'ai écoutés: «Miss Thing» (Jimmy Mundy), «Ridin 'On a Blue Note» (Duke Ellington)… Façonné par ce type de musique de big band, j'ai commencé la trompette à l'âge de 12 ans. je m’y suis mis tout seul. J'étais fasciné par les sons d’orchestres luxuriants, j'avais envie d'harmonies. Je n'étais pas content de l'orgue, je voulais un piano. Entre-temps, j'ai commencé à écouter Willis Conover, The Voice of America Jazz Hour, et je me suis progressivement familiarisé avec le jazz moderne. A 14 ans, mes parents ont acheté un piano sur mon insistance, qui est devenu mon deuxième et finalement principal instrument. Le jazz m'a tout de
suite emballé! Déjà à cette époque, le jazz était difficile à trouver dans les
médias grand public. Je voudrais également mentionner que nous avions un excellent professeur de musique au lycée, M. Jürg Heydner. Il a créé de sa propre initiative un groupe de jazz, dont je faisais partie, et ça n'était pas au programme scolaire officiel. Mais ces toutes premières expériences se sont révélées extrêmement précieuses.
Vous avez grandi à
Munich. Quels ont été vos premiers concerts de jazz en tant qu'auditeur?
J'ai entendu des groupes locaux quand j'étais enfant. Au
début de mon adolescence, je suis allé voir Count Basie et Ella, ce qui a été
une expérience inoubliable. J'ai entendu plusieurs fois Oscar Peterson. Je me
souviens avoir vu Joe Turner en concert. Mais le premier concert que je suis
allé voir tout seul était au Domicile, un club légendaire. C’était McCoy Tyner avec Freddie Hubbard, un quartet, Louis Hayes était à
la batterie. Je ne me souviens plus qui était le bassiste (prob. Avery Sharpe, ndlr). Ils étaient
formidables!
Pourquoi êtes-vous
passé au piano?
J'ai toujours été fasciné par les harmonies, même si la
trompette était beaucoup plus attrayante! (Rires) C’est un instrument puissant! Mais j'ai compris qu'il me faudrait jouer du
piano pour exprimer tous les aspects harmoniques de la musique. Je voulais
aller de plus en plus profondément dans l'univers harmonique. Vous savez, à 16
ans, je jouais déjà en concerts. Je jouais encore des deux instruments. Mais
je me suis de plus en plus tourné vers le piano. La trompette n'est pas un
instrument que vous pouvez jouer de façon intermittente.
Vous avez étudié la
musique à Graz (1986-1992). Pourquoi cette école en particulier?
Oui, à l'époque, j'aurais pu aller à Cologne. Il y avait très
peu d'écoles à l'époque en Europe. Graz était connue…
Que retenez-vous de Graz?
C’est un peu délicat. C'étaient des années importantes dans ma vie, mais je ne suis pas une personne très académique. C’est ma personnalité. Donc, pour moi, étudier à Graz n’était pas la meilleure façon d’apprendre la musique. Graz est une bonne école, mais certains systèmes sont probablement issus de Berklee, autrement dit, certaines méthodes, comme la théorie des gammes qui applique ces modes sur les harmonies fonctionnelles, puis certains accords, etc. Les gens du monde entier continuent d'apprendre ces méthodes. Pour moi, cela s'est avéré être une sorte de détour. J'ai essayé d’apprendre tout ça, mais ça ne sonnait pas bien, et ça ne sonnait pas comme je le voulais. Après, j'ai dû réapprendre ma façon de jouer. Vous savez, vous apprenez la musique principalement en l'écoutant, en l'imitant puis en trouvant une méthode qui fonctionne pour vous. Cela vient de la tradition afro-américaine et de la tradition orale. A l'époque, beaucoup de grands musiciens avaient une formation classique ou venaient de l'église, mais il n'y avait pas d'écoles de jazz. Donc, j'ai écouté les disques; mais cela n’est pas suffisant: vous devez côtoyer un maître du jazz sur scène, le regarder jouer et l’écouter. C’est pour cela que j’ai voulu aller à New York.
Claus Raible, Mark Murphy et Anna Lauvergnac, Paris, 1992 © photo X by courtesy of Claus Raible
Qui étaient vos
contemporains à Graz?
Des gens comme Claus Koch (ts), Anna Lauvergnac (voc),
Karolina Strassmayer (as), Johannes Enders (ts, ss), Gregor Hilbe (dm)… Avec Claus Koch, j'ai une longue relation musicale, nous jouons ensemble dans plusieurs formations différentes, et il est également dans mon orchestre.
Vous étiez frustré
de ne pas trouver de maîtres du jazz à
Munich pour apprendre le jazz?
Oui.
Art Farmer et Claus Raible, 1992 ©
Ulla Hartleb, by courtesy of Claus Raible
Vous avez joué avec
Art Farmer. Mais je suppose qu'une tournée ne suffit pas pour apprendre ce que
vous vouliez apprendre et créer une relation musicale.
C’est très juste. J'ai fait deux tournées avec Art Farmer. En
fait, je commençais à avoir un lien avec lui. Et il m'aimait bien. Mais ce
n’était pas suffisant pour approfondir les choses. A la fin de mon adolescence, Mal Waldron vivait à Munich;
mais j'étais trop jeune, et j'ai appris qui il était plus tard. Au moment où
j'étais prêt, il vivait dans un autre pays.
C’était comment de
jouer avec Art Farmer? Qu'avez-vous appris de lui?
Je pense qu'Art était essentiellement un joueur d'oreille,
bien qu'il ait été un bon lecteur à vue et ait eu une grande technique. Il a
mentionné à plusieurs reprises que George Russell l’avait marqué, mais ce
n'était que plus tard dans sa carrière. Aujourd'hui, beaucoup de gens ne
comprennent peut-être pas qu'il puisse exister une figure aussi lumineuse avec
peu de connaissances théoriques en termes académiques, mais c'était assez
courant à l'époque. Art était connu pour être parfois dur avec les pianistes,
mais avec moi, il était toujours sympa. Une chose qu'il m'a demandée était
simplement de jouer plus fort. J'était très jeune, et avec tout le respect
que j'avais pour Art, j'étais un peu timide. Mais il m'est venu à l'esprit que
lorsque vous êtes sur la scène, vous devez être entendu; il n'y a pas de place
pour la timidité. J'avais écrit quelques arrangements et un thème que nous
avons interprété et qu'Art aimait beaucoup, alors je le lui ai finalement
dédié. Cependant, j'ai appris d’Art et des autres grands des choses qui ne
relèvent pas de la musique. Comment se présenter sur scène et dans la vie. Je
n'ai compris qu'une partie de cela plus tard. En tant qu'artistes, nous nous
présentons au public et nous nous ouvrons entièrement. Mais, quels que soient
votre célébrité ou votre génie, il y aura toujours quelqu'un pour vous marcher dessus.
Donc, vous devez être prudent. Etant exposé, vous devenez facilement la cible
des cinglés. Je me souviens clairement d'un incident en Autriche, lorsqu'un
homme âgé est venu me voir et a fait un commentaire raciste sur Art Farmer.
J'étais choqué…
Pendant vos études à
Graz, vous avez travaillé avec Andy Bey et Mark Murphy.
Andy a commencé très tôt en tant qu'enfant prodige, la
musique est donc sa seconde nature. Son timing, son phrasé et son expression
sont incomparables. Mark était sans doute considéré par certains comme un peu
fou ou excentrique, mais il était surtout un esprit libre. Mark était un
artiste.
Dans une certaine
mesure, vous aviez une certaine expérience avec des maîtres du jazz?
Oui. Mais j'ai trouvé ce que je cherchais à New York.
Etiez-vous seul à
vouloir aller à New York?
Il y en avait quelques autres de Graz. De Munich, je ne me
souviens pas que quiconque ait voulu y aller. Vous savez, au début des années 1990,
il n’était pas aussi courant d’y aller. A l'époque, New York était très
différent. Il n’y avait pas autant d’écoles, c’était plus dangereux. Times
Square était dans un sale état. A Harlem, ça craignait. A East Village régnait
un désordre total…
Claus Raible, New York City, 1992 © Anna Lauvergnac by courtesy of Claus Raible
Aller à New York
pour apprendre directement de la source, vous l'avez compris vous-même, rien
qu'en écoutant les disques?
Absolument. C’est comme apprendre une langue. Pour
l'apprendre, il faut aller là où les gens la parlent et parler aux natifs.
Qu'est-ce qui a
déclenché le voyage à New York?
Après avoir terminé Graz, j'ai vécu à Vienne pendant une
courte période. Et j'ai rompu avec ma copine à l'époque… C'était donc le bon
moment pour aller à New York. (Rires)
Connaissiez-vous des
gens là-bas?
Je connaissais quelques personnes. C’est très important, car
je ne voulais pas y aller pour étudier, mais pour travailler, jouer et découvrir
les grands musiciens. Donc, si vous n’y allez pas pour étudier, il est
difficile d’être intégré socialement.
Où habitiez-vous?
J'ai vécu quelques temps à Brooklyn. Mais pour la plupart, je
vivais entre la 105th Street et Columbus.
C'est proche du Smoke
Jazz Club.
Exactement.
A l'époque, c'était le
Augie’s.
Oui, j'y étais tout le temps!
Joris Dudli (Jazz
Hot n°670, 2014-15) a également vécu à New York de 1986 à 1991. Il nous avait
dit à quel point la vie y était difficile.
Oui, la vie était dure. Je n’ai pas rencontré Joris à
l’époque. Mais nous avons joué ensemble à New York à un moment donné.
Quel a été votre
premier gig important?
J'ai eu un gig régulier avec Manny Duran. C'était un
trompettiste légendaire. Nous jouions en quartet principalement au Cleopatra’s
Needle. Je ne me souviens pas comment j'ai eu le gig. Quelqu'un lui a
probablement parlé de moi…
Qu'avez-vous appris de lui?
Manny est sorti de l'école Fats Navarro et a également eu
quelques influences de Dizzy, bien sûr. Nous avons eu plusieurs engagements
réguliers à New York. Manny connaissait un nombre incroyable de morceaux, tout
comme Bim Strassberg, le contrebassiste qui était alors souvent dans le groupe.
Une partie des thèmes qu'ils appelaient était nouvelle pour moi. J'ai dû
apprendre sur le tas, car il n'y avait jamais de partitions. Ainsi, votre esprit
devient très rapide, et vous développez une certaine fraîcheur et assurance en vous
fiant à vos oreilles.
Quels clubs fréquentiez-vous?
Le Augie’s, beaucoup; le Cleopatra’s Needl; le Visiones,
parfois le Sweet Basil… Les deux derniers ont fermé. Le Smalls, le St. Mark’s
Bar… Il y avait aussi des endroits à Harlem qui ont fermé depuis. Plus tard, quand
je vivais à Brooklyn, je jouais souvent au Pumpkins qui s'est avéré être un
excellent endroit pour essayer de nouvelles choses. Il y avait aussi le Up
Over. Je trouvais toujours les endroits les moins connus et, de loin, les plus
intéressants, stimulants et animés, plus que les grands clubs établis qui sont pour
la plupart très commerciaux et touristiques. Pratiquement tous ces endroits
avaient des jam sessions. Vous pouviez y rencontrer de grands musiciens. C’est
ainsi que j’ai rencontré Brad Leali (cf. Jazz Hot n°618), par exemple; Jesse Davis traînait parfois.
Roy Hargrove allait aux sessions quand il n’était pas en tournée. Mais il
fallait pouvoir jouer, sinon vous ne montiez pas sur scène. Mais tout cela a
changé maintenant; certainement en Europe, mais aussi à New York dans une
certaine mesure. Désormais, la plupart des sessions sont organisées par des jeunes,
et il n’est pas rare de les voir lire de la musique à partir d’une application
depuis leur téléphone portable ou même de les entendre jouer leurs propres
morceaux. Il me semble que ces sessions ont perdu une partie de leur importance
de cette façon. De nombreuses sessions sont maintenant transformées en une extension
des écoles de jazz et deviennent par conséquent un terrain de jeu pour les
étudiants et les amateurs. Mais c’est compréhensible aussi, car il y a
tellement d’écoles à l’heure actuelle! L'enseignement du jazz a toujours été un
business; c’est maintenant devenu presque une industrie. Le nombre d'étudiants
a augmenté de façon spectaculaire au cours des dix, vingt dernières années.
Mais les occasions de jouer en concert ont plutôt diminué. A l'époque, les sessions étaient encore un élément important et intégrateur de
la scène. Elles étaient dirigées par des pros, comme Manny Duran, Ralph Lalama,
Vincent Herring, etc. Vous ne vouliez vraiment pas vous mettre dans l’embarras en
public en vous plantant et en ne connaissant pas les thèmes.
Claus Raible Orchestra avec Brad Leali (as), 2011 © Photo X, by courtesy of Claus Raible
Brad Leali est-il
l'un des musiciens avec lesquels vous avez le plus fort lien musical?
Nous avions et avons toujours une connexion musicale très
forte. Brad est une personnalité assez charismatique, et il possède des capacités
de communication extraordinaires qui sont probablement enracinées dans ses
antécédents familiaux. Son grand-père était un pasteur, une personnalité très
importante de la communauté noire de Denver. Tout cela se reflète dans le jeu
de Brad. Pendant un certain temps, nous avons eu un gig régulier dans l'East
Village, la fin de soirée le vendredi soir. L'endroit était toujours rempli de
jeunes. De nombreux musiciens venaient et faisaient un bœuf. C'était une
atmosphère très énergique.
Etiez-vous proches de
pianistes qui sont vos contemporains?
Sacha Perry (New York, 1970) et moi sommes en quelque sorte des contemporains.
Parfois, on traînait ensemble. J'ai toujours adoré son jeu…
Quels sont les grands
du jazz que vous avez pu voir?
J'ai vu Frank Hewitt (1935-2002) à plusieurs reprises au Smalls, mais je
n'ai pas vraiment appris à le connaître personnellement. Il était un mentor
pour Sacha. Barry Harris s'est avéré être important. Mais vous n’avez pas
nécessairement besoin de parler aux grands musiciens. Il faut être à proximité,
les regarder jouer, les écouter, absorber le son et l'atmosphère. Ecouter les
disques peut parfois vous tromper. Vous devez voir les musiciens jouer en
direct pour voir comment ils produisent leur son et comment ils remplissent la
pièce de leur son. Un soir, j'ai entendu Hank Jones jouer avec Frank Wess.
C'était un quartet ou quintet. Ils jouaient au Fat Cat. Je pense que Mickey
Roker était à la batterie. Ce qu'ils ont joué ce soir-là, je n'ai jamais
entendu Hank Jones le jouer sur un enregistrement. Il était incroyable!
Alliez-vous au
Bradley’s?
Non, malheureusement. Il fermait déjà.
Avez-vous trouvé ce
que vous recherchiez avant de déménager à New York?
Oui, cette authenticité, cette énergie vibrante. Mais vous
devez être déjà un musicien pour aller à New York. Si vous n’êtes pas prêt,
cela n’a aucun sens. Vous devez déjà avoir une certaine force. Sinon, vous vous noyez.
A cette époque, vous
avez également monté votre groupe. Quels musiciens avez-vous choisis?
J'avais différentes personnes dans le groupe. Parfois, Valery
Ponomarev à la trompette. La plupart du temps, Brad Leali à l’alto, puis
différents ténors. Pour le répertoire, on utilisait un mélange de compositions
originales et d’arrangements originaux de classiques du bebop et de standards. C’est
un format que j’utilise encore aujourd'hui, qui a été et est utilisé par de
nombreux grands musiciens. Quand vous interprétez des thèmes que les gens
connaissent, vous ne pouvez pas tricher. Vous devez trouver de quoi
maintenir l'excitation et attraper l'auditeur.
Ces années
semblaient très intenses!
Très intenses! Elles étaient très importantes. Musicalement,
j'ai mis au point mon langage.
Pendant votre séjour
à New York, vous avez étudié avec Barry Harris. Pourquoi cette rencontre est-elle
importante pour vous? Qu'avez-vous appris de lui?
Je me suis rendu compte qu’en fait, il y avait un grand
musicien qui pouvait vous montrer les choses en direct. Si vous transcrivez ses
trucs, ce n’est pas la même chose. Vous devez les obtenir de lui
personnellement. J'ai appris toute une série de mouvements, mélodiquement et
harmoniquement. Sans oublier l’aspect rythmique dont il ne parle pas tellement,
mais il le fait.
Combien de fois
êtes-vous allé à ses cours?
Pas tout le temps… Le son que Barry peut produire avec une
seule note est incroyable. Barry est magique! A un moment donné, j'ai joué «My
Heart Stood Still» pour Barry. Il m'a jeté du piano et a voulu me virer! (Rires) Il m'a dit: «Tu n’as pas besoin du workshop. Tu devrais
aller te faire rembourser!» (Rires) D'une certaine manière, c'est un compliment, mais en même temps, c'était assez
dur aussi. Certaines personnes riaient, mais la plupart ne faisaient que
regarder quand cela s'est produit. J'étais confus, et je ne savais pas vraiment
quoi faire avec ça, car Barry avait quelque chose de légèrement violent.
J'ai
demandé à Harold Mabern comment il avait trouvé son propre style; il m'a
répondu: «Il suffit juste de jouer
beaucoup!»
Intéressant. Il y a aussi une autre citation intéressante de
Ravel. Il disait quelque chose comme: «N'arrêtez
jamais de copier votre modèle. Votre propre personnalité ne sera jamais aussi
forte que dans votre infidélité involontaire.» Tout cela signifie que votre
style personnel se développe naturellement en le faisant, et pas nécessairement
en restant assis, en réfléchissant dur et en attendant une soucoupe volante de
l'espace. Vous devez cependant venir de la tradition. Sinon, il n'y a pas de
profondeur. Mais quel que soit le style, mon idée est de jouer la musique ici
et maintenant. Et vous devez regarder devant.
Avez-vous interrogé
les grands du jazz que vous avez rencontrés qui connaissaient Bud et Monk?
Pas vraiment. Une chose qui m'a un peu déçu quand je suis
arrivé à New York en 1992, c'est que les géants du jazz qui étaient toujours là
ne traînaient plus ou ne jouaient plus à des sessions. Donc, vous ne croisiez plus
vraiment ces gens… Mais, en fin de compte, j’ai rencontré des musiciens qui ont
connu Bud, comme Sheila Jordan et Andy Bey, ou qui avaient joué avec Bud, comme
Luigi Trussardi et Mimi Perrin à Paris, ou Ed Thigpen.
Vous avez dit que
pendant ce séjour à New York, vous avez trouvé votre langage musical. Attribuez-vous
cela à l'intensité de l'expérience?
Oui, rien qu’être exposé à vos contemporains qui sont dans le
même bain que vous. C'est une concurrence, mais d'une manière saine.
Pouvez-vous
expliquer?
Idéalement, vous voulez être dans un environnement stimulant
qui nourrit votre esprit et votre puissance créative. C’est pourquoi, dans de
nombreuses formes d’art comme la musique, les beaux-arts, la littérature, il
existe des soi-disant écoles ou mouvements, où les gens s’inspirent
mutuellement.
Comment s'est
terminée l'expérience de New York?
Cela n’a pas juste fini. Je suis retourné à Munich en 1998 et, pendant longtemps, je faisais des allers-retours. Le fait est que New York est
un endroit difficile à vivre. Je n'ai jamais fait de gigs commerciaux ou de
mariages. Et je n’ai pas enseigné non plus. Je gagnais de l'argent uniquement
avec des concerts de jazz. Et c’est très difficile, presque impossible. Donc,
cela m'a demandé beaucoup d'énergie. Quand je suis revenu à Munich, je me suis
senti soulagé. C’était plus tranquille! (Rires)
Vous avez trouvé des
concerts de jazz à Munich?
Oui, et j'ai commencé à tourner en Europe. Mais j'ai continué
à faire la navette entre l'Europe et les Etats-Unis.
Comment s’est fait Introducing the Exciting Claus Raible Trio, votre premier disque
en trio?
J’ai été présenté à Thorsten Scheffner, qui dirigeait Organic
Music. Un jour, il m’a dit qu'il voulait faire un disque avec moi, après m'avoir
entendu en direct. Cette façon de faire –obtenir une offre comme celle-là–
était assez exceptionnelle à l'époque et presque impossible aujourd'hui, car le
marché du CD est devenu totalement chaotique.
Sur ce disque, il y
a Paulo Cardoso (b) et Mario Gonzi (dm).
C'étaient des musiciens que j'avais rencontrés brièvement à
mon retour en Europe. Et c'est en fait Paulo qui m'avait présenté Thorsten
Scheffner. Après cela, j'ai fait un disque en sextet pour le même label, intitulé Loopin’ With Lea.
Giorgos Antoniou, Claus Raible, Alvin Queen, 2017 © Photo Bodo Gsedl, by courtesy of Claus Raible
Giorgos Antoniou est
sans doute le musicien avec qui vous jouez depuis le plus longtemps.
Nous avons fait de nombreux projets musicaux ensemble!
Comment le
décririez-vous en tant que musicien?
Il comprend ce dont j'ai besoin. Vraiment! Et il connaît la
musique, il en a la passion et l’amour. Avant tout, Giorgos fournit le type
d'impulsion sur la contrebasse que je veux avoir. Il est très dévoué.
Vous prenez souvent
des batteurs afro-américains, tels que Montez Coleman, Ben Dixon et Alvin Queen
sur votre dernier disque, Trio!
Il est très difficile de trouver des batteurs de jazz en
Europe. Pas impossible, mais difficile. Montez Coleman, Ben Dixon, Alvin Queen,
ils ont tous quelque chose de magique. La batterie est l'expression profonde de
la culture afro-américaine, et elle apporte une certaine dimension spirituelle à
la musique. C'est très difficile à exprimer en paroles.
Pouvez-vous dire un
mot sur Montez Coleman, Ben Dixon, Alvin Queen?
J'ai été le premier à faire venir Montez en Europe,
bien avant qu'il ne tourne avec Roy Hargrove. En fait, Ben Dixon aussi. Il
n’était pas allé en Europe avant que je le fasse venir ici. Ben était aussi un
personnage unique, une personne formidable. Il avait un son et un beat très distinctifs, que je n’ai
entendus de personne d’autre. Il était ami avec Max Roach et fortement influencé
par lui. Ben était ce que vous appelleriez sans doute un bebopper de deuxième
génération. J'avais rencontré Ben au Pumpkins, à Brooklyn. J'ai senti une
connexion musicale instantanée. Il m'appelait «von Fürstenberg» parce que je
viens d'Allemagne. Une personne très créative, il était également très impliqué
dans la communauté et actif en tant qu'entraîneur de basket-ball. Ben est
décédé il y a environ un an. Il me manque. Je pense qu'Alvin Queen est
également influencé par Ben Dixon à certains égards. Pour son travail avec John
Patton et Grant Green, Ben est devenu en quelque sorte un modèle pour les
groupes d'orgue qui ont suivi. Billy Hart a également reconnu ce fait. Un autre
grand batteur avec ces qualités rares est Jimmy Wormworth (1937, Utica, NY); il a enregistré avec Lou Donaldson et il est resté avec Annie Ross pendant un bon moment. Il a fait partie du groupe de Charles Davis ces dernières années. J'aimerais avoir la
chance de jouer à nouveau avec lui.
Ben Dixon et Claus Raible, 2009 © Photo X, by courtesy of Claus Raible
Depuis que vous êtes
revenu à Munich, vous avez joué avec de nombreux grands noms, Benny Golson, Ed
Thigpen, Jimmy Cobb.
J'ai eu la plus longue association avec Ed Thigpen. Nous
avons joué principalement en trio. J'ai joué une semaine avec Jimmy Cobb dans
un festival. Avec Benny Golson, ce n'était qu'un seul concert. Je veux
également mentionner le grand et regretté Charles Davis avec qui j'ai eu l'honneur
de jouer à quelques reprises. C'était une grande source d'inspiration.
Aviez-vous eu un
lien musical fort avec l'un d'entre eux?
Nous avons fait plusieurs tournées avec Thigpen. En plus de
l'expérience musicale, cela signifiait aussi beaucoup de voyages. C'est là que
vous apprenez à connaître les gens. Ed était également une personnalité
complexe. C'était formidable d'avoir son point de vue sur les choses, car c’était un musicien historique.
Ed Thigpen et Claus Raible, Francfort, 2004 © Savas Bayrak, by courtesy of Claus Raible
|
Ainsi, vous avez
gardé un lien fort avec la culture afro-américaine.
C’est très simple: si vous niez les racines afro-américaines du jazz,
alors ce n’est pas du jazz. Par conséquent, il est très important de rester ancré.
Il y a tout un lien spirituel avec la musique. Il est facile de perdre
l’essence de cette musique si vous ne faites pas attention. En fait, je pense
qu'il est vraiment temps de revenir à une approche plus spirituelle de la
musique, car au cours des dernières décennies, les aspects techniques et
intellectuels ont pris le dessus à un degré indésirable. Ce phénomène, je
crois, ne concerne pas seulement le jazz, mais de nombreux types de musique et
de formes d'art. Pour moi, beaucoup de gens médiatisés ces temps-ci
dans le milieu du jazz ressemblent vraiment à des étudiants modèles, au mieux,
avec tout le respect dû à leurs compétences techniques. Cela peut aussi être lié
à l'essor de l'autopromotion et du «réseautage». Mais c’est loin de mon
appréciation de la musique, et des artistes, qui ont quelque chose à dire, n’obtiennent pas de visibilité pour une raison ou une autre.
Claus Raible et Charles Davis, 2010 © Lena Semmelroggen, by courtesy of Claus Raible
Dans votre dernier disque, Trio! (2018, Alessa Records), vous
jouez des compositions originales, des standards, et vous revisitez trois
morceaux de Monk («Thelonious», «Off Minor», «’Round Midnight»). Plus vous explorez la musique de
Monk et Bud, plus vous trouvez des choses?
Oui, je trouve de plus en plus de choses. Parfois, je
retourne à la musique de Bud, et je trouve encore de l'inspiration. Parfois,
j'essaie d'écouter le plus purement possible. Par cela, je veux dire revenir au
sentiment premier, lorsque j'ai été attiré par cette musique pour la première
fois. La toute première fois, c'était juste du son. Il n'y avait aucun
processus intellectuel.
Claus Raible et Benny Golson, Bingen, Allemagne, 2015 © photo X by courtesy of Claus Raible Vous comprenez
parfaitement le langage musical de Bud et Monk, et pourtant vous avez trouvé
un style personnel. Cela revient-il à ce que vous disiez plus tôt:
être enraciné dans une tradition et jouer de la musique ici et maintenant?
Eh bien, merci, c’est un beau compliment! Oui, jouer et être dans
le présent est la clé, je pense. Être enraciné dans la tradition ne signifie en
aucun cas se contenter de reproduire. En fait, tous les innovateurs sont issus
de la tradition. Mais vous devez créer à partir de sources solides.
Il y a aussi cinq compositions
originales, «Ridin 'High», «The Penguin», «Night Time Is My Mistress»,
«Boogaloo-Baloo», «Course de Ville». Les avez-vous composées pour ce disque? Quel
est votre processus créatif en matière de composition?
J'ai écrit certaines d'entre elles pour ce disque, en effet. En
général, je commence avec un motif mélodique fort, et je pars de là. Maintenant,
vous ne pouvez pas vraiment forcer ces idées. Elles peuvent être en vous ou
passer par vous et apparaître à un moment donné. Tout ce dont vous avez besoin
est de rester ouvert, ce qui est parfois assez difficile.
Il y a aussi une
belle interprétation en piano solo de «’Round Midnight» qui conclut le disque.
Comment abordez-vous des standards aussi célèbres?
«Round Midnight» est une véritable composition de jazz. Vous devez
donc enquêter sur certaines des versions de Monk, car le compositeur est le
mieux placé. Cependant, s'il s'agit d'un thème du Great American Songbook, vous
voudrez sans doute obtenir des partitions éditées ou vérifier une des premières
versions enregistrées pour obtenir les bonnes progressions de mélodie et
d'accords. Pas nécessairement une version jazz pour commencer, car celles-ci
sont généralement déjà ré-harmonisées. Par conséquent, vous vous retrouverez
coincé avec l’interprétation de quelqu'un d'autre.
Jouez-vous des
concerts en solo?
Oui, parfois je l'ai fait. Mais tout cela était dans des
salles de concert, jamais dans des clubs. C'est assez exigeant. Vous ne pouvez
pas vous permettre un manque d'énergie. Si vous êtes concentré et aux
commandes, c'est comme si vous aviez une section rythmique qui vous soutenait.
Claus Raible Bop-chestra, 2011 © Lena Semmelroggen, by courtesy of Claus Raible
Vous avez également
fondé le Bop-chestra.
C’est le premier orchestre de dix musiciens que j’ai dirigé.
Avant cela, je collaborais avec l'orchestre de Brad en tant qu'arrangeur.
J'adorerais travailler davantage avec l'orchestre Bop, j'ai beaucoup de musique.
Mais c’est très difficile à maintenir sans soutien financier.
Comment le Bop-chestra
a-t-il commencé?
Cela avait vraiment commencé après mon travail pour
l’orchestre de Brad Leali. Brad a eu l'idée d'un orchestre condensé sous la
forme d'un groupe de dix musiciens. Il a également proposé le thème «This Is
for the Ladies». J'ai fait le reste, choisi le répertoire, écrit toute la
musique, monté le groupe, etc. Et j'aime aussi écrire pour ce type de formation. Vous pouvez commencer à entendre des choses et essayer de les
mémoriser ou de les esquisser. Plus tard, vous l’élaborez au piano. Lorsque les
choses prennent forme, c’est comme une sculpture. Là encore, vous ne pouvez pas
vous contenter de travailler selon les règles. Vous avez besoin de ressentir
les couleurs, les contrastes, les proportions, etc.
Quand on regarde vos
différents groupes, il y a souvent des musiciens de toute l'Europe.
Il y a des gens partout. Il suffit de les trouver.
Malheureusement, le jazz n'est pas poussé dans les médias grand public.
En termes
d'esthétique, vous sentez-vous proche des pianistes de jazz européens, comme
Fritz Pauer, Dado Moroni, etc.? Et d’orchestre, comme le VAO de Mathias Rüegg?
Je
connaissais très bien Fritz, et j’ai le plus grand
respect pour lui. Il était en quelque sorte un mentor pour moi. Tout
comme
Harry Neuwirth, avec qui j'étudiais. Je connais un peu Dado et
l'apprécie
aussi. Il a assimilé une grande variété de styles différents. Un autre
pianiste
européen auquel je pense toujours beaucoup est Oliver Kent, de Vienne.
Le VAO en tant que tel n'existe plus depuis un certain temps,
mais je connais Mathias Rüegg et la plupart des membres du groupe. Je
voyais le
VAO plus comme une interprétation européanisée du jazz orchestral et, en
tant
que tel, plus comme un concept crossover. Cependant, en termes d'esthétique et d'expression, je ne me
sens pas attiré par le jazz européen en général. Je veux même dire qu'il y a du jazz joué en Europe, mais le jazz européen n'est pas un style en soi.
Vous ne semblez pas
avoir travaillé avec beaucoup de chanteuses, mais il y en a une avec qui vous
jouez depuis longtemps, c’est Anna Lauvergnac. Pouvez-vous dire quelques mots
sur elle?
Anna a de grandes capacités de communication. Elle a de la
personnalité et sait comment capter le public. Elle a un grand sens de
l'humour, mais elle est très consciente et sérieuse dans le choix des thèmes et
des paroles des chansons. Anna a du charisme.
Comment abordez-vous
l’accompagnement pour une chanteuse?
En tant que pianiste, il n'y a pas beaucoup de différence
entre un souffleur ou une chanteuse. Sinon qu'il faut être un peu plus prudent
avec les chanteuses, car c'est un peu plus délicat en termes d'intonation. Je
connais Anna depuis tant d’années… Vous pouvez l’entendre dans
la musique. Je suppose qu'il y avait un lien musical certain avec elle depuis
le début.
Qui d'autre
avez-vous accompagné, à part Anna Lauvergnac?
Andy Bey, Mark Murphy, bien sûr. Depuis un certain temps, je travaille
avec Jelena Jovovic, une excellente chanteuse serbe.
Vous enseignez
également.
Oui, j'enseigne en privé et à l'Université de Munich.
Avez-vous une
méthode spécifique?
Oui, vous ne me verrez jamais avec des partitions! (Rires) Le plus souvent, les jeunes sont
perdus sans partition, ce qui est un désastre. Dans le cadre limité que j'ai,
j'essaie simplement de leur réapprendre à utiliser leurs oreilles.
Quelles sont les
choses les plus importantes sur lesquelles vous voulez que vos élèves se
concentrent?
Aujourd'hui, les jeunes et les étudiants ont trop d'infos,
trop de livres, sans parler des réseaux sociaux. Cela peut être déroutant. Ils
doivent faire face à cela. Les gens d'avant ma génération ont dû faire face à
un manque d'information. Si vous vouliez quelque chose, vous deviez le
chercher. Ils doivent maintenant sélectionner, ce qui n'est pas forcément le
moyen le plus simple si on ne vous donne pas d’instructions. Tout d'abord, je
dis à mes élèves d'écouter la musique. Mais de nombreux aspects peuvent vous
échapper si vous n'écoutez que des disques. Je les aide à aborder leur
instrument, à produire un son, à bouger leurs mains, à être agiles et rapides,
etc.
Dans cette
interview, vous avez souligné à plusieurs reprises l'importance de jouer cette
musique en live.
C’est vrai, je pense que cette musique est destinée à être
jouée en direct. Cette dynamique communicative est vraiment sa force.
Comment analysez-vous
la situation actuelle, en plein coronavirus, et les multiples fermetures qui
tuent les scènes jazz du monde entier?
Je pense que la culture se nourrit de
rencontres. Maintenant, pour le jazz que je connais, cette expérience du live
ne peut pas être remplacée par le streaming. Déjà lors du premier confinement dans
cette période pandémique, d'innombrables artistes ont diffusé des vidéos en
streaming ou mis en ligne des exercices, de manière presque impulsive. Ce qui,
à mon avis, provoque un effet négatif. Autrement dit, cela diminue la valeur de
la musique pour la simple raison que tout ce qui est omniprésent sur le net est
gratuit. Et tout ce streaming enlève le mystère et l'excitation d'une
performance en live. |
CLAUS RAIBLE & JAZZ HOT:
*
SELECTION DISCOGRAPHIQUE par Mathieu Perez et Jérôme Partage
Leader/coleader
CD 1999. Introducing the
Exciting Claus Raible Trio, Organic Music 9714
CD 2000. Claus Raible Sextet, Loopin' With Lea,
Organic Music 9724
CD 2004. Claus Raible/Ed Thigpen/Martin Zinker, Live at Birdland,
Birdland Neuburg 007
CD 2006. Clause Raible, Don't Blame Me,
Pirouet Records 3025
CD 2008. Brad Leali-Claus Raible Quartet, D.A.'s Time, TCB
Records 28912
CD 2012. Claus Raible & The BOP-chestra, A Dedication to
the Ladies, TCB Records 30942
CD 2015. Herwig Gradischnig-Claus Raible Quintet, Searchin' for
Hope, Alessa Records 1042 CD 2016. Anna Lauvergnac/Claus Raible,
Free Fall, Alessa Records/Jazz & Art 1060
CD 2018. Herwig Gradischnig/Claus Raible/Steve Fishwick/Giorgos Antoniou/Matt Home, «Mo is On», The Music of Elmo
Hope. Vol. 2, Trio Records 604
CD 2018. Claus Raible, Trio!, Alessa
Records 1081
Sideman
CD 1990. Mark Murphy/Karlheinz Miklin Quartet, Just Jazz, Jazzet BP 027
CD 1998. Franz
Dannerbauer's Music Liberation Unit, Birdland & Altes Kino. Live '98, MLU
Records
CD 1999. Peter Kunsek, 21st
Century Rag, Jive Music 2030
CD 1999. Al Porcino Big Band, Live!, Organic Music 9717
CD 2001. Anna Lauvergnac,
Anna Lauvergnac, TCB 21132
CD 2001. Roman Schwaller
Nonet, The Original Tunes, JHM Records 3629
CD 2002. Claus Koch,
Snooki-Ing, Nagel Heyer 2029
CD 2003. Michael Lutzeier
& Artbop, Gleichmut, Comusication Record
CD 2004. Brad Leali Jazz
Orchestra, Maria Juanez, TCB 26902
CD 2004. Claus Koch &
The Boperators, Afro Cuban Jazz Colors, YVP Music 3126
CD 2009. Charles Davis All
Stars, A Tribute to Kenny Dorham, TCB 30402
CD 2010. Duško Gojković
& Soul Connection Big Band, Balkan Project, B92 Records 121
CD 2011. Cannonsoul (Patrick Bianco/Claus Raible/Giorgos Antoniou/Bernd Reiter), Remembering Cannonball Adderley, autoproduit
CD 2012. Anna Lauvergnac,
Unless There’s Love, Alessa Records 1020 CD 2013. Anna Lauvergnac,
Coming Back Home, Alessa Records 1032
CD 2016. Scott Hamilton,
Meets the Piano Players, Organic Music 9774
DVD DVD 2005. Jam Session
Festival Burghausen, SWR
*
VIDEOGRAPHIE par Hélène Sportis et Mathieu Perez
Claus Raible, Paris 1992 © Anna Lauvergnac by courtesy of Claus Raible Chaîne YouTube de Claus Raible: https://www.youtube.com/channel/UCYGxUs62_HBY7yD_VU-Fjtg 1999. Claus Raible Trio, Paulo Cardoso (b), Mario Gonzi (dm), «Lunar Web», album Introducing the Exciting Claus Raible Trio, Organic Music-Allemagne https://youtu.be/gwMPjxa7JLE 2001. Claus Raible Sextet, Brad Leali (as) Greg Nagorski (tb), Hank Gradischnig (bs), Marc Abrams (b), Montez Coleman (dm), «Loopin' with Lea», album Loopin' with Lea, Organic Music-Allemagne https://youtu.be/kYfV3VIIVp4 2006. Claus Raible Trio, Giorgos Antoniou (b), Ben Dixon (dm), «Our Delight», «Basement Blues», album Don’t Blame Me, Pirouet-Allemagne, 20-21 juillet https://youtu.be/rHX2X2sR9_M https://youtu.be/IYJekZ_EtJ4
DNC. Claus Raible Trio, Claus Raible (p), Giorgos Antoniou (b), Ben Dixon (dm), «Monopoly», live at the JazzKeller Frankfurt, Allemagne https://youtu.be/SW8RoiyDY5I
2009. Claus Raible and BOP-Chestra, feat. Ben Dixon (dm,voc), «Cantaloupe Woman», live at Jazz Club Unterfahrt, Munich, Allemagne, Août https://www.youtube.com/watch?v=qdUlKTCzXro
2009. Claus Raible, Charles Davis (ts), Tom Kirkpatrick (tp), Giorgos Antoniou (b), Bernd Reiter (dm), live at Le Pirate, Rosenheim, Allemagne, 30 septembre https://www.youtube.com/watch?v=c3qk0nlDvyQ 2009. Claus Raible, Charles Davis (ts) All-Stars, Tom Kirkpatrick (tp), Giorgos Antoniou (b), Bernd Reiter (dm), «Prince Albert», album Tribute To Kenny Dorham, Live at the Bird's Eye Jazz Club, Bâle, Suisse, TCB Records, 2-3 octobre https://youtu.be/X2pTLvokkSI
2010. Claus Raible-Brad Leali (as) Quartet, Giorgos Antoniou (b), Darrell Green (dm), «Salt Peanuts», «I’ll Keep Lovin' You», live at the JazzKeller Frankfurt, Allemagne, 2 novembre (infos: https://radaris.com/p/Giorgos/Antoniou) https://youtu.be/hPDrKlFroNM https://www.youtube.com/watch?v=f7YD9dOMnAA https://www.youtube.com/watch?v=BJAdU4Z8isM
2011. Claus Raible (p,arr,prod) and BOP-Chestra, Brad Leali (as), Claus Koch (ts), Maximilian Schweiger (bs), Florian Jechlinger/Steve Fishwick (tp), Mathias Götz/Hermann Breuer (tb), Giorgos Antoniou (b), Alvester Garnett (dm), A Dedication to the Ladies, Künstlerwerkstatt Pfaffenhofen, Allemagne, ©Medienhaus Kastner, 16 mai https://www.youtube.com/watch?v=MFkaamJ5-bw
2011. Claus Raible (p,arr,prod) and BOP-Chestra, Brad Leali (as), Claus Koch (ts), Maximilian Schweiger (bs), Florian Jechlinger/Steve Fishwick (tp), Mathias Göetz/Hermann Breuer (tb), Giorgos Antoniou (b), Alvester Garnett (dm), «Cleopatra's Dream», «Whatever Lola Wants», «Jessica’s Birthday», album A Dedication to the Ladies, BR-Bayerischer Rundfunk, Studio Franken, Nuremberg, Allemagne, TCB Music, 17-18-19 mai https://youtu.be/Xq0WsQKtemY https://youtu.be/neiO_OfNuSc https://youtu.be/sBlhgRTbDAw
2012. Claus Raible, Anna Lauvergnac (voc), «Since I Fell for You», live at Trieste Loves Jazz Festival, juillet, ©Nevio Costanzo https://www.youtube.com/watch?v=gCx2yZuuXL0 2013. Claus Raible, Claus Koch (ts) & the Boperators, Giorgos Antoniou (b), Matt Home (dm), «Boogaloo in Blue», live at Le Pirate, Rosenheim, Allemagne, janvier https://youtu.be/TKiBzatkwac
2013. Claus Raible (p,arr), Brad Leali (as,lead) Jazz Orchestra, Arlington Jones (p), Darius Luckey (voc), Alvester Garnett (dm), Cory Powell (guest speaker), UNT Gospel-Jazz Choir/Jennifer Barnes, dir., «Three for "D"»,«Maria Juanez», «Soul Interlude», «What Is Music», «Imagine Me», Gospel meets Jazz, Voertman Hall, College of Music, University of North Texas, 17 février https://www.youtube.com/watch?v=fBWtG5IOG_A https://www.youtube.com/watch?v=1jXyMAW1mG8 https://www.youtube.com/watch?v=CGQMz70jG60 https://www.youtube.com/watch?v=twqsXGtIAfU
2014. Claus Raible, Brad Leali (as) Jazz Orchestra, live au Sandaga 813, Dallas, TX, Usa, «Whatever Lola Wants», «Currawong», «I Left My Heart in San Francisco», «Even Ivan», «Lazy Daisy», «Three for D», 7 janvier https://www.youtube.com/watch?v=NfZ27hGGO2g https://www.youtube.com/watch?v=pL_NNZ8ypCA https://www.youtube.com/watch?v=tkkDP80Jd3o https://www.youtube.com/watch?v=eshADutPFVY https://www.youtube.com/watch?v=EbPDnr5gQh8 https://www.youtube.com/watch?v=gIya36rBlxM
2014. Claus Raible/Hank Gradischnig (ts) Quintet, Mario Rom (tp), Giorgos Antoniou (b), Esteve Pi Ventura (dm), «Roll On» et «Into the Orbit» (2 compositions d’Elmo Hope), «For Heaven's Sake», «Exploring The Future», Kammerlichtspiele, Klagenfurt, Autriche, 3 mai https://www.youtube.com/watch?v=GRgM5q5X2Qg https://www.youtube.com/watch?v=pXL9C8JJ0bg https://www.youtube.com/watch?v=kk_3X6b35Tw https://www.youtube.com/watch?v=JCc9v0YRGlo
2014. Claus Raible, Anna Lauvergnac (voc), Giorgos Antoniou (b), Steve Braun (dm), «Soft Winds», Bühne frei im Studio 2, Bayerischer Rundfunk, Munich, Allemagne. Radio BR-Klassik, 29 octobre, ©Felix Hentschel https://www.youtube.com/watch?v=eilT9_mazSs
2015. Claus Raible and BOP-Chestra, Brad Leali (as), Claus Koch (ts), Michael Lutzeier (bs), Florian Jechlinger/Steve Fishwick (tp), Mathias Göetz/Johannes Herrlich (tb), Giorgos Antoniou (b), Darrell Green (dm), «Lazy Daisy», «Dinah Might And Nick At Night», «Yesterdays», Altes Kino Ebersberg, Allemagne, 12 mars https://www.youtube.com/watch?v=xWlI3XB69YE
2016. Claus Raible, Anna Lauvergnac (voc), «Lover Come Back to Me», «Detour Ahead», «Blow Top Blues», album Free Fall, enregistré à Trieste-Italie, Alessa Records-Autriche (chronique dans Jazz Hot) https://youtu.be/X3IVe6dmk4k https://youtu.be/vYjsyT4fobc https://youtu.be/iY0cJpJB6lg
2017. Claus Raible Trio, Giorgos Antoniou (b), Alvin Queen (dm),Wasserschloss Taufkirchen, Vils, Allemagne, 28 janvierhttps://www.youtube.com/watch?v=5VbvP2eskC0 https://www.youtube.com/watch?v=BV5nS9DgLdg https://www.youtube.com/watch?v=ixJDIpum8oE
2017. Claus Raible, Claus Koch (ts) & The Boperators, John Marshall (tp), Giorgos Antoniou (b), Xaver Hellmeier (dm), «The Sidewinder», «Un Poco Loco», live at Jazzclub Unterfahrt, Allemagne, septembre, ©Oskar Henn https://youtu.be/eOUy9_tlqCg https://www.youtube.com/watch?v=teUGoDcNwO4 2018. Claus Raible, Alvin Queen (dm) Quartet feat. Scott Hamilton (ts), Giorgos Antoniou (b), «Cherokee», live at the Half Note, Athènes, Grèce, 26 février https://youtu.be/7raqvfFduYs 2019. Claus Raible Trio, Giorgos Antoniou (b), Alvin Queen (dm), «Ridin’ High», «Off Minor», «Boogaloo Baloo», «Round Midnight», album TRIO!, Alessa Records-Autriche https://youtu.be/Qpsi_qD_ZcM https://youtu.be/knFUN5Y1wbs https://youtu.be/BP6J-FlFeUQ https://youtu.be/NJP9ki9qtZI
2019. Claus Raible, Giorgos Antoniou (b), Alvin Queen (dm), «Embraceable You», «A Night in Tunisia», live at Jazzclub Q4, Rheinfelden, Suisse, 21 janvier https://www.youtube.com/watch?v=ZfoaxNWAoqA https://www.youtube.com/watch?v=Lv6w5AYcicQ
2020. Claus Raible, Claus Koch (ts) & The Boperators, Giorgos Antoniou (b), Xaver Hellmeier (dm), Charlie Parker's100' Birthday, live at the JazzKeller Frankfurt, Allemagne, 27 septembre https://www.youtube.com/watch?v=bQebmEsFN3I https://vimeo.com/462329772
DOCUMENTATION
Chaîne YouTube de Bud Powell: Chaîne YouTube de Thelonious Monk: Cf. Jazz Hot n°673, interview de Bertha Hope-Booker
Chaîne YouTube d’Art Tatum: Cf . Jazz Hot numéro Spécial 2002
Chaîne YouTube de Mary Lou Williams Cf. Jazz Hot n°24 et n°25-1938, n°44-150, n°351/352-1978
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