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Claus Raible © Lena Semmelroggen by courtesy of Claus Raible
Claus Raible © Lena Semmelroggen by courtesy of Claus Raible

Claus RAIBLE

Night Time Is My Mistress



2018. Claus Raible, Trio!, Alessa Records

La vie de la musique
 d'outre-Rhin recèle de véritables trésors, on le savait depuis des siècles. Mais pour ce qui est du jazz, une musique du XXe siècle, il semble toujours que le Rhin soit une barrière plus infranchissable que l'océan ou les Alpes, et qu'il soit toujours nécessaire de passer par New York ou de compter sur le hasard des rencontres… C'est par celui de l'édition de disques du label indépendant autrichien, Alessa Records, que nous avons découvert un musicien, déjà confirmé pourtant, exceptionnel sur le plan pianistique et original par ses options, en la personne de Claus Raible. Il a publié en 2019 un très bon disque, Trio!, en compagnie d’Alvin Queen (dm) et de Giorgos Antoniou (b). L'autre hasard était l'enregistrement  pour le même label, de Free Fall, un duo intimiste, de Claus Raible et d’Anna Lauvergnac (voc) que nous connaissions mieux pour sa participation au Vienna Art Orchestra de Mathias Rüegg.
Le contact étant établi entre les deux rives du Rhin, il a ainsi été possible d’approcher un artiste dont l'expression est marquée du sceau de l'intensité et de la virtuosité qui furent les traits les plus apparents du premier bebop autour de Charlie Parker et Bud Powell, mais aussi de Thelonious Monk, Elmo Hope et Herbie Nichols, dans la trace laissée par Mary Lou Williams et Art Tatum.
Claus Raible est né en République Fédérale d'Allemagne, 
à Karlsruhe, le 3 mai 1967. Ce n'est que tardivement à 12 ans qu'il a abordé la pratique instrumentale: la trompette d'abord, qu'il a gardé comme second instrument pendant quelques années, puis, à 14-15 ans, le piano qui reste aujourd'hui son seul instrument et sur lequel il a dès 16 ans donné des concerts. Chez Claus Raible, l’écoute de l'amateur de jazz a précédé l'apprentissage. Il possède aujourd'hui un solide parcours, qui l'a vu se former académiquement à la musique, notamment à Graz en Autriche sous le magistère d'Harry Neuwirth entre autres (1986-92), tandis qu'il développait, en parallèle et en indépendant, une culture et une passion pour le jazz, d'oreille –le son dont il parle– adoptant intuitivement à sa manière d’Européen ce que pratiquent les artistes du jazz natif qui, à partir de leur culture d'oreille, intègrent une partie des codes de l'apprentissage et de la culture d'origine européenne.
Le voyage en Amérique (trois années de 1995 à 1998) est venu comme une nécessité, vraie pour beaucoup d'artistes de jazz, de se confronter aux inventeurs et à la réalité du jazz. Il en a gardé pour sa pratique un amour du
live, de la nuit, de la rencontre, une habileté de l'oreille, réussissant à reformuler son éducation académique pour la mettre au service de sa passion, le jazz, et d'une synthèse originale entre ses choix, sa culture d'origine et celle d'adoption. Il ne semble d'ailleurs pas favorable –on partage ce point de vue– à un enseignement académique du jazz privé de cette dimension humaine qui s'appelle la passion du jazz qu'on acquiert par soi-même, par l'oreille et par le cœur quand on n'est pas né dedans.
Claus Raible n'est pas un musicien de répertoire; c'est en authentique musicien de jazz, en interprète et créateur, car il compose, improvise et arrange savamment, qu’il a choisi de développer son art, son langage, en nourrissant sa flamme d’un moment particulièrement intense de l'histoire du jazz, le premier bebop. Claus Raible est un artiste qui reste à découvrir, en France en particulier, quand les dictateurs du monde auront relâché leur étreinte mortifère pour la scène du jazz et la culture en général… Il aime le jazz live et la nuit comme son titre (celui de cet article) le dit…

Propos recueillis par Mathieu Perez
Photos Savas Bayrak, Bodo Gsedl, Ulla Hartleb, Anna Lauvergnac, 
Vera Podiwinsky, Christoph Raible,
Lena Semmelroggen 
by courtesy of Claus Raible (www.clausraible.com)-Remerciements à tou(te)s
© Jazz Hot 2021




Jazz Hot: Puisque je savais que j'allais vous interviewer, j'ai demandé à Bertha Hope ce qu'elle pensait de vos deux disques revisitant la musique d'Elmo Hope, Searchin 'for Hope (2015, The Gradischnig/Raible Quintet, Alessa Records) et The Music of Elmo Hope. Vol.2: Mo Is On (2018, Trio Records). Elle m'a dit qu'il y avait «quelques belles trouvailles créatives» et que vous êtes «maintenant un ambassadeur de la musique d'Elmo»…

Claus Raible:
Wow!, je suis très heureux d’entendre ça!
(Rires)

Quand avez-vous découvert la musique d’Elmo?

J'ai découvert la musique d'Elmo très tôt. La toute première fois, c'était sur le disque de Clifford Brown avec Lou Donaldson, New Faces New Sounds. Il y a «Bellarosa», «Carvin’ the Rock». Et puis j'ai entendu le disque d'Elmo Hope Quintet avec Frank Foster et Freeman Lee. J'ai été immédiatement pris par cette musique! Vous savez, j'ai rencontré Bertha Hope une fois à New York; c'était il y a des années. Je suis allé la voir en concert, puis je lui ai parlé. Elle a dit qu'elle était un peu contrariée que personne ne joue la musique d'Elmo; l’idée vient de là. Il y a tant de belles compositions d'Elmo que personne ne joue! J'ai donc écrit des arrangements pour quintet sur les thèmes enregistrés en trio.


Herwig Gradischnig et Claus Raible, Vienna, 2015 © Vera Podiwinsky by courtesy of Claus Raible

Herwig Gradischnig et Claus Raible, Vienna, 2015
© Vera Podiwinsky by courtesy of Claus Raible


Alors, avant de rencontrer Bertha Hope, vous jouiez déjà la musique d’Elmo?

J’en jouais un peu. Mais je n’avais pas encore un répertoire des compositions d’Elmo. Maintenant, avec le quintet que je dirige avec Herwig Gradischnig, on a un vrai répertoire!

Bertha Hope dit qu'Elmo est à son meilleur lorsqu'il écrit pour des quintets et que sa musique est jouée dans cette formation (cf. Jazz Hot n°673, 2015). Le croyez-vous aussi? Pourquoi avoir choisi le quintet pour vos disques?

Personnellement, j’ai toujours été fasciné par le travail en trio d’Elmo. Cependant, la formation en quintet s'est avérée être l'une des plus importantes pour le jazz moderne. Je pense que pour des compositeurs comme Elmo, les cuivres fournissent une extension du piano et soulignent certains aspects de l'arrangement. Cela vaut aussi bien pour Horace Silver, par exemple, que pour Duke Ellington à plus grande échelle. En tant que tel, le quintet est comme un orchestre condensé.

Comment vous êtes-vous préparé pour ces deux disques?
J'ai écouté beaucoup des disques d’Elmo. C'était un défi non seulement de transcrire ses arrangements en quintet, mais aussi d'écrire des arrangements en quintet pour les compositions enregistrées en trio.

2015. The Gradischnig/Raible Quintet Plays the Music of Elmo Hope, Alessa Records


Pourriez-vous dire un mot sur le style d’Elmo en tant que compositeur? Et à propos de votre traitement de ses thèmes?

Pour moi, Elmo implique plusieurs styles différents. Certains de ses morceaux ont des qualités de chanson, avec des mélodies qu’on pourrait chanter, comme «So Nice» par exemple. En revanche, il a des compositions plus anguleuses et difficiles comme «Crazy» ou plusieurs de ses thèmes sur The Fox de Harold Land, par exemple. A cet égard, je vois des parallèles avec les œuvres de Monk ou Herbie Nichols. En général, on pourrait dire que la plupart des compositions des pianistes se différencient des autres sur l’utilisation du piano dans son intégralité, dans le sens des aigus ou des basses. Je veux dire par là l’utilisation d’un contre-point correct, de mouvements de basse, etc. En fait, certains morceaux d’Elmo sont conçus de manière pianistique à un point tel que parfois, il peut être difficile pour les cuivres d’exécuter le thème. Cependant, toutes ses compositions ont une intelligence musicale. Jouer cette musique est très difficile, vous ne vous contentez pas de lire la partition, vous devez aller au fond des choses.

Comment décririez-vous le style d’Elmo?

Il est difficile de comparer Elmo avec Bud et Monk. J'ai toujours pensé qu'il appartenait à la première génération de beboppers, les innovateurs; même si tout le langage moderne a été défini par Bud Powell. C’est difficile, car chacun de leur style est très personnel. Pour moi, le bebop n'est pas tant un style général qu'un ensemble de styles personnels.

2018. Fishwick/Gradischnig/Raible/Antoniou/Home, The Music of Elmo Hope, Trio Records


Vous avez formé un beau groupe: Steve Fishwick (tp), Herwig Gradischnig (ts), Giorgos Antoniou (b), Matt Home (dm).

En fait, la première fois que j’ai joué la musique d’Elmo, c’était à New York, quand j’y vivais. Notre groupe se composait de Sean Jones (tp), Brad Leali (as), Chris Haney (b), Jason Brown (dm). Une équipe fantastique! Brad avait monté le groupe, et j'ai fourni les arrangements. Puis, quand je suis rentré à Munich, j'ai monté un quintet avec des musiciens d'ici que je savais être parfaits pour ce type de formation. Les musiciens viennent du Royaume-Uni, d’Autriche, de Grèce, etc. C’est un groupe assez international.

Alors, vous aviez déjà travaillé avec eux?

Oh oui, je les connaissais de différentes équipes et situations.

Pourriez-vous dire quelques mots sur les musiciens de votre groupe?

Je connais Herwig depuis mon séjour en Autriche, à la fin des années 1980. Giorgos, je l’ai rencontré au début des années 2000 par l’intermédiaire du légendaire pianiste Joe Haider, avec qui il travaillait à l’époque. Et Giorgos m'a présenté les deux Britanniques. Je travaillais avec Steve dans un autre projet sur la musique d'Horace Silver, et je l'avais aussi dans mon orchestre de dix musiciens. Ainsi, nous nous étions tous déjà rencontrés dans différentes situations musicales.

Lorsqu’on écoute vos disques, il y a toujours ce feu, cet enthousiasme, cette créativité. Vous faites clairement avancer l'héritage du bebop.

La première génération de beboppers qui est sortie de New York avait cette intensité, ce feu, cette nervosité dans leur style. Dans certains des styles suivants, ces acquis ont été digérés et semblent plus sereins, ce à quoi de nombreuses personnes semblent plus réceptives. Mais je me sens plus connecté à l'énergie de ce premier mouvement.

Serait-il juste de dire que Bud et Monk sont les deux musiciens qui ont vraiment changé votre vie?

Oh, certainement.

Pourriez-vous expliquer?

Il est intéressant de noter que Monk était comparativement plus facile d'accès pour moi, car pour Bud, il m'a fallu un peu plus de temps pour m'y mettre pleinement. Peut-être parce que Monk a des éléments vraiment archaïques dans sa musique, je ne peux pas le dire avec certitude. Mais il s'agit vraiment de leur voix musicale. Vous m'entendez parler de son encore et encore, mais c'est ce qui capte normalement votre attention en premier. Ensuite, plus tard, vous commencez à traiter tous les aspects analytiques et intellectuels.

Des quatre pianistes Thelonious Monk, Herbie Nichols, Bud Powell et Elmo Hope qui ont généré un renouveau du piano jazz après guerre, vous semblez avoir des liens plus spirituels avec Bud Powell en termes d'expression (débit, phrasé, intensité…), exact?

Ils l’ont tous fait à leur manière, je suppose, ils étaient tous avant-gardistes. Monk, étant l'aîné de ce groupe, a probablement joué un rôle de père au sein du mouvement. Bien que Monk n'ait que 5 ans au moment de la naissance de Bud, cela signifiait presque une génération musicale dans cette période de temps très énergique et en évolution rapide. Quoi qu'il en soit, Monk est devenu le mentor de Bud. Je pense que Mary Lou Williams a eu une grande influence sur tous. Tatum a cependant eu la plus forte influence sur Bud, je dirais, bien que Bud ait aussi d'autres influences, bien sûr. Et, oui, je nommerais probablement Bud comme étant mon influence la plus forte.

Pourquoi étiez-vous particulièrement sensible à lui?

Vous venez de mentionner le mot «spirituel» plus tôt. Quand j'ai commencé à écouter de la musique dès le début, j'ai été instantanément frappé et complètement captivé. J'étais assez jeune et je n'avais aucune expérience musicale ou connaissance de quoi que ce soit à l'époque. Par conséquent, il n'y avait aucun processus intellectuel impliqué. Mais j'ai ressenti et compris la musique à un niveau différent, et je suppose que c'était une expérience spirituelle. Et c'est ce qui s'est passé aussi quand j'ai commencé à écouter Bud plus tard, quelle que soit la grande complexité de son langage musical. J'avais déjà quelques connaissances musicales à ce moment-là, mais la musique de Bud était bien au-delà de ma compréhension sur le plan analytique. Et encore aujourd'hui, Bud est une source d'inspiration sans fin à tous les niveaux; je continue d'entendre de nouvelles choses tout le temps quand je l'écoute.

Comment avez-vous recherché l'origine de cette intensité pour pouvoir l’atteindre?

Ce qui est devenu une source très précieuse pour moi, en plus des enregistrements audio, ce sont quelques-uns des rares films qui existent de Bud (cf. «I Want to Be Happy», INA, 1961, ndlr). Maintenant, vous pouvez tout trouver en ligne pour rien, mais à l'époque, il était assez difficile non seulement de les trouver, mais même de savoir quel matériel existait en premier lieu. Je suis réellement fasciné en regardant simplement les mains de Bud, ses mouvements et son expression physique! Une autre clé était d'écouter certains des grands pianistes issus de ce mouvement comme Walter Davis, Jr. ou Sonny Clark par exemple. Sans vouloir diminuer leur contribution, les écouter était pour moi comme regarder Bud sous différents angles et perspectives. Un aspect essentiel cependant est de ne jamais perdre cet esprit de la musique. Il faut en être conscient, d'autant plus dans un environnement qui manque toujours de cette qualité. Je pense que de nos jours, de nombreux auditeurs potentiels se détournent du jazz non pas parce que la musique est trop exigeante, mais plutôt trop terne, superficielle ou même dénuée de sens. Il faut s'attendre, dans une société où les cats sont principalement préoccupés d'auto-marketing et de réseaux sociaux, à ce que la musique en soit le reflet, bien que la profondeur spirituelle de la musique ne dépende pas nécessairement d'un style en particulier.

Vous avez découvert leur musique très jeune…

Je devais avoir 8 ou 9 ans lorsque j'ai commencé à écouter des disques. Jusqu'à mon adolescence, j'écoutais des styles plus anciens, de l'époque du swing. Count Basie, Duke Ellington, Earl Hines, du blues, du stride, Fats Waller, et bien sûr Art Tatum. Vers 16 ans, j'écoutais des trucs plus avant-gardistes, comme Ornette Coleman. Mais Bud et Monk m'ont vraiment emballé.


Claus-Raible, 1985 © photo Christoph Raible by courtesy of Claus Raible



Claus-Raible, 1985
© photo Christoph Raible by courtesy of Claus Raible


Vos parents écoutaient-ils du jazz?

il y avait de la musique à la maison, ni trop ni pas assez. Et certainement pas de jazz en particulier. La musique dans la maison était principalement la radio, juste les programmes populaires omniprésents et réguliers dans tous les foyers de tous les âges. Mon frère aîné de plus de six ans était dans la musique rock et pop populaire de l'époque, mais ne jouait d'aucun instrument. Il y avait un peu d'intérêt pour la musique classique, mais pas de collection de disques ou de choses de ce genre. Mon père jouait de l'accordéon dans sa jeunesse. Pendant la mienne, il le sortait encore, peut-être une ou deux fois par an, principalement à ma demande, et jouait de vieilles chansons populaires qu'il connaissait par cœur. Un de mes oncles, du côté de ma mère, était prêtre catholique. Il était en Afrique avant la guerre. Il a été capturé par les Britanniques et, plus tard, après la guerre, il est allé aux Etats-Unis pour devenir ministre du culte de différentes communautés: l'une d'entre elles était une communauté noire à Bay City, Michigan. Il jouait en autodidacte l'orgue de l'église et dirigeait la chorale de l'église. Le père de ma mère était capable de jouer des chansons populaires au piano d'oreille, mais il n'a jamais eu de formation académique. Mon père avait étudié l'ingénierie et était assez innovant dans certains domaines: il avait développé un système de sécurité pour les centrales nucléaires basé sur des techniques de sonar. Il avait l'ambition, entre autres, de construire un orgue électronique. Ce projet ne s'est jamais terminé et au moment de sa mort prématurée, à 60 ans en 1990, les pédales n'étaient pas encore installées. Mais les deux claviers supérieurs de l'instrument étaient opérationnels bien qu'il y ait un ronflement constant dans les haut-parleurs. Ma mère, qui avait eu des cours de piano dans sa jeunesse, avait trouvé une certaine joie à jouer de cet orgue dans notre maison. Elle avait des livres de musique avec des chansons populaires des années 1930 à 1960. J'ai donc commencé à jouer un peu avec l'orgue moi-même; tout cela d'oreille bien sûr.
Cependant, ma première rencontre avec le jazz a eu lieu avant même que mon père ne commence à fabriquer cet instrument. Vers l'âge de 9 ou 10 ans, j'ai repéré un programme hebdomadaire sur la radio régionale bavaroise à partir de 78 tours. La première moitié de ce programme présentait de la musique des Etats-Unis, principalement des orchestres; ça m'a vraiment branché. J'ai été instantanément accro, et j'ai commencé à enregistrer ces émissions, tous les dimanches à 21h05. Je me souviens même de certains des premiers morceaux que j'ai écoutés: «Miss Thing» (Jimmy Mundy), «Ridin 'On a Blue Note» (Duke Ellington)… Façonné par ce type de musique de big band, j'ai commencé la trompette à l'âge de 12 ans. je m’y suis mis tout seul. J'étais  fasciné par les sons d’orchestres luxuriants, j'avais envie d'harmonies. Je n'étais pas content de l'orgue, je voulais un piano. Entre-temps, j'ai commencé à écouter Willis ConoverThe Voice of America Jazz Hour, et je me suis progressivement familiarisé avec le jazz moderne. A 14 ans, mes parents ont acheté un piano sur mon insistance, qui est devenu mon deuxième et finalement principal instrument. Le jazz m'a tout de suite emballé! Déjà à cette époque, le jazz était difficile à trouver dans les médias grand public. Je voudrais également mentionner que nous avions un excellent professeur de musique au lycée, M. Jürg Heydner. Il a créé de sa propre initiative un groupe de jazz, dont je faisais partie, et ça n'était pas au programme scolaire officiel. Mais ces toutes premières expériences se sont révélées extrêmement précieuses.

Vous avez grandi à Munich. Quels ont été vos premiers concerts de jazz en tant qu'auditeur?

J'ai entendu des groupes locaux quand j'étais enfant. Au début de mon adolescence, je suis allé voir Count Basie et Ella, ce qui a été une expérience inoubliable. J'ai entendu plusieurs fois Oscar Peterson. Je me souviens avoir vu Joe Turner en concert. Mais le premier concert que je suis allé voir tout seul était au Domicile, un club légendaire. C’était McCoy Tyner avec Freddie Hubbard, un quartet, Louis Hayes était à la batterie. Je ne me souviens plus qui était le bassiste (prob. Avery Sharpe, ndlr). Ils étaient formidables!

Pourquoi êtes-vous passé au piano?

J'ai toujours été fasciné par les harmonies, même si la trompette était beaucoup plus attrayante! (RiresC’est un instrument puissant! Mais j'ai compris qu'il me faudrait jouer du piano pour exprimer tous les aspects harmoniques de la musique. Je voulais aller de plus en plus profondément dans l'univers harmonique. Vous savez, à 16 ans, je jouais déjà en concerts. Je jouais encore des deux instruments. Mais je me suis de plus en plus tourné vers le piano. La trompette n'est pas un instrument que vous pouvez jouer de façon intermittente.

Vous avez étudié la musique à Graz (1986-1992). Pourquoi cette école en particulier?

Oui, à l'époque, j'aurais pu aller à Cologne. Il y avait très peu d'écoles à l'époque en Europe. Graz était connue…

Que retenez-vous de Graz?

C’est un peu délicat. C'étaient des années importantes dans ma vie, mais je ne suis pas une personne très académique. C’est ma personnalité. Donc, pour moi, étudier à Graz n’était pas la meilleure façon d’apprendre la musique. Graz est une bonne école, mais certains systèmes sont probablement issus de Berklee, autrement dit, certaines méthodes, comme la théorie des gammes qui applique ces modes sur les harmonies fonctionnelles, puis certains accords, etc. Les gens du monde entier continuent d'apprendre ces méthodes. Pour moi, cela s'est avéré être une sorte de détour. J'ai essayé d’apprendre tout ça, mais ça ne sonnait pas bien, et ça ne sonnait pas comme je le voulais. Après, j'ai dû réapprendre ma façon de jouer. Vous savez, vous apprenez la musique principalement en l'écoutant, en l'imitant puis en trouvant une méthode qui fonctionne pour vous. Cela vient de la tradition afro-américaine et de la tradition orale. A l'époque, beaucoup de grands musiciens avaient une formation classique ou venaient de l'église, mais il n'y avait pas d'écoles de jazz. Donc, j'ai écouté les disques; mais cela n’est pas suffisant: vous devez côtoyer un maître du jazz sur scène, le regarder jouer et l’écouter. C’est pour cela que j’ai voulu aller à New York.


Claus Raible, Mark Murphy et Anna Lauvergnac, Paris, 1992 © photo X by courtesy of Claus Raible
Claus Raible, Mark Murphy et Anna Lauvergnac, Paris, 1992 © photo X by courtesy of Claus Raible

Qui étaient vos contemporains à Graz?

Des gens comme Claus Koch (ts), Anna Lauvergnac (voc), Karolina Strassmayer (as), Johannes Enders (ts, ss), Gregor Hilbe (dm)… Avec Claus Koch, j'ai une longue relation musicale, nous jouons ensemble dans plusieurs formations différentes, et il est également dans mon orchestre.

Vous étiez frustré de ne pas trouver de maîtres du jazz à Munich pour apprendre le jazz?

Oui.

Art Farmer et Claus Raible, 1992 ©  Ulla Hartleb, by courtesy of Claus Raible



Art Farmer et Claus Raible, 1992 ©
Ulla Hartleb, by courtesy of Claus Raible 




Vous avez joué avec Art Farmer. Mais je suppose qu'une tournée ne suffit pas pour apprendre ce que vous vouliez apprendre et créer une relation musicale.

C’est très juste. J'ai fait deux tournées avec Art Farmer. En fait, je commençais à avoir un lien avec lui. Et il m'aimait bien. Mais ce n’était pas suffisant pour approfondir les choses. A la fin de mon adolescence, Mal Waldron vivait à Munich; mais j'étais trop jeune, et j'ai appris qui il était plus tard. Au moment où j'étais prêt, il vivait dans un autre pays.

C’était comment de jouer avec Art Farmer? Qu'avez-vous appris de lui?

Je pense qu'Art était essentiellement un joueur d'oreille, bien qu'il ait été un bon lecteur à vue et ait eu une grande technique. Il a mentionné à plusieurs reprises que George Russell l’avait marqué, mais ce n'était que plus tard dans sa carrière. Aujourd'hui, beaucoup de gens ne comprennent peut-être pas qu'il puisse exister une figure aussi lumineuse avec peu de connaissances théoriques en termes académiques, mais c'était assez courant à l'époque. Art était connu pour être parfois dur avec les pianistes, mais avec moi, il était toujours sympa. Une chose qu'il m'a demandée était simplement de jouer plus fort. J'était très jeune, et avec tout le respect que j'avais pour Art, j'étais un peu timide. Mais il m'est venu à l'esprit que lorsque vous êtes sur la scène, vous devez être entendu; il n'y a pas de place pour la timidité. J'avais écrit quelques arrangements et un thème que nous avons interprété et qu'Art aimait beaucoup, alors je le lui ai finalement dédié. Cependant, j'ai appris d’Art et des autres grands des choses qui ne relèvent pas de la musique. Comment se présenter sur scène et dans la vie. Je n'ai compris qu'une partie de cela plus tard. En tant qu'artistes, nous nous présentons au public et nous nous ouvrons entièrement. Mais, quels que soient votre célébrité ou votre génie, il y aura toujours quelqu'un pour vous marcher dessus. Donc, vous devez être prudent. Etant exposé, vous devenez facilement la cible des cinglés. Je me souviens clairement d'un incident en Autriche, lorsqu'un homme âgé est venu me voir et a fait un commentaire raciste sur Art Farmer. J'étais choqué…

Pendant vos études à Graz, vous avez travaillé avec Andy Bey et Mark Murphy.

Andy a commencé très tôt en tant qu'enfant prodige, la musique est donc sa seconde nature. Son timing, son phrasé et son expression sont incomparables. Mark était sans doute considéré par certains comme un peu fou ou excentrique, mais il était surtout un esprit libre. Mark était un artiste.

Dans une certaine mesure, vous aviez une certaine expérience avec des maîtres du jazz?

Oui. Mais j'ai trouvé ce que je cherchais à New York.

Etiez-vous seul à vouloir aller à New York?

Il y en avait quelques autres de Graz. De Munich, je ne me souviens pas que quiconque ait voulu y aller. Vous savez, au début des années 1990, il n’était pas aussi courant d’y aller. A l'époque, New York était très différent. Il n’y avait pas autant d’écoles, c’était plus dangereux. Times Square était dans un sale état. A Harlem, ça craignait. A East Village régnait un désordre total…


Claus Raible, New York City, 1992 © Anna Lauvergnac by courtesy of Claus Raible




Claus Raible, New York City, 1992
© Anna Lauvergnac by courtesy of Claus Raible




Aller à New York pour apprendre directement de la source, vous l'avez compris vous-même, rien qu'en écoutant les disques?

Absolument. C’est comme apprendre une langue. Pour l'apprendre, il faut aller là où les gens la parlent et parler aux natifs.

Qu'est-ce qui a déclenché le voyage à New York?

Après avoir terminé Graz, j'ai vécu à Vienne pendant une courte période. Et j'ai rompu avec ma copine à l'époque… C'était donc le bon moment pour aller à New York. (Rires)

Connaissiez-vous des gens là-bas?

Je connaissais quelques personnes. C’est très important, car je ne voulais pas y aller pour étudier, mais pour travailler, jouer et découvrir les grands musiciens. Donc, si vous n’y allez pas pour étudier, il est difficile d’être intégré socialement.

Où habitiez-vous?

J'ai vécu quelques temps à Brooklyn. Mais pour la plupart, je vivais entre la 105th Street et Columbus.


C'est proche du Smoke Jazz Club.

Exactement.

A l'époque, c'était le Augie’s.

Oui, j'y étais tout le temps!

Joris Dudli (Jazz Hot n°670, 2014-15) a également vécu à New York de 1986 à 1991. Il nous avait dit à quel point la vie y était difficile.

Oui, la vie était dure. Je n’ai pas rencontré Joris à l’époque. Mais nous avons joué ensemble à New York à un moment donné.

Quel a été votre premier gig important?

J'ai eu un gig régulier avec Manny Duran. C'était un trompettiste légendaire. Nous jouions en quartet principalement au Cleopatra’s Needle. Je ne me souviens pas comment j'ai eu le gig. Quelqu'un lui a probablement parlé de moi…

Qu'avez-vous appris de lui?

Manny est sorti de l'école Fats Navarro et a également eu quelques influences de Dizzy, bien sûr. Nous avons eu plusieurs engagements réguliers à New York. Manny connaissait un nombre incroyable de morceaux, tout comme Bim Strassberg, le contrebassiste qui était alors souvent dans le groupe. Une partie des thèmes qu'ils appelaient était nouvelle pour moi. J'ai dû apprendre sur le tas, car il n'y avait jamais de partitions. Ainsi, votre esprit devient très rapide, et vous développez une certaine fraîcheur et assurance en vous fiant à vos oreilles.

Quels clubs fréquentiez-vous? 

Le Augie’s, beaucoup; le Cleopatra’s Needl; le Visiones, parfois le Sweet Basil… Les deux derniers ont fermé. Le Smalls, le St. Mark’s Bar… Il y avait aussi des endroits à Harlem qui ont fermé depuis. Plus tard, quand je vivais à Brooklyn, je jouais souvent au Pumpkins qui s'est avéré être un excellent endroit pour essayer de nouvelles choses. Il y avait aussi le Up Over. Je trouvais toujours les endroits les moins connus et, de loin, les plus intéressants, stimulants et animés, plus que les grands clubs établis qui sont pour la plupart très commerciaux et touristiques. Pratiquement tous ces endroits avaient des jam sessions. Vous pouviez y rencontrer de grands musiciens. C’est ainsi que j’ai rencontré Brad Leali (cf. Jazz Hot n°618), par exemple; Jesse Davis traînait parfois. Roy Hargrove allait aux sessions quand il n’était pas en tournée. Mais il fallait pouvoir jouer, sinon vous ne montiez pas sur scène. Mais tout cela a changé maintenant; certainement en Europe, mais aussi à New York dans une certaine mesure. Désormais, la plupart des sessions sont organisées par des jeunes, et il n’est pas rare de les voir lire de la musique à partir d’une application depuis leur téléphone portable ou même de les entendre jouer leurs propres morceaux. Il me semble que ces sessions ont perdu une partie de leur importance de cette façon. De nombreuses sessions sont maintenant transformées en une extension des écoles de jazz et deviennent par conséquent un terrain de jeu pour les étudiants et les amateurs. Mais c’est compréhensible aussi, car il y a tellement d’écoles à l’heure actuelle! L'enseignement du jazz a toujours été un business; c’est maintenant devenu presque une industrie. Le nombre d'étudiants a augmenté de façon spectaculaire au cours des dix, vingt dernières années. Mais les occasions de jouer en concert ont plutôt diminué. A l'époque, les sessions étaient encore un élément important et intégrateur de la scène. Elles étaient dirigées par des pros, comme Manny Duran, Ralph Lalama, Vincent Herring, etc. Vous ne vouliez vraiment pas vous mettre dans l’embarras en public en vous plantant et en ne connaissant pas les thèmes.


Claus Raible Orchestra avec Brad Leali (as), 2011 © Photo X, by courtesy of Claus Raible
Claus Raible Orchestra avec Brad Leali (as), 2011 © Photo X, by courtesy of Claus Raible


Brad Leali est-il l'un des musiciens avec lesquels vous avez le plus fort lien musical?

Nous avions et avons toujours une connexion musicale très forte. Brad est une personnalité assez charismatique, et il possède des capacités de communication extraordinaires qui sont probablement enracinées dans ses antécédents familiaux. Son grand-père était un pasteur, une personnalité très importante de la communauté noire de Denver. Tout cela se reflète dans le jeu de Brad. Pendant un certain temps, nous avons eu un gig régulier dans l'East Village, la fin de soirée le vendredi soir. L'endroit était toujours rempli de jeunes. De nombreux musiciens venaient et faisaient un bœuf. C'était une atmosphère très énergique.

Etiez-vous proches de pianistes qui sont vos contemporains?

Sacha Perry (New York, 1970) et moi sommes en quelque sorte des contemporains. Parfois, on traînait ensemble. J'ai toujours adoré son jeu…

Quels sont les grands du jazz que vous avez pu voir?

J'ai vu Frank Hewitt (1935-2002) à plusieurs reprises au Smalls, mais je n'ai pas vraiment appris à le connaître personnellement. Il était un mentor pour Sacha. Barry Harris s'est avéré être important. Mais vous n’avez pas nécessairement besoin de parler aux grands musiciens. Il faut être à proximité, les regarder jouer, les écouter, absorber le son et l'atmosphère. Ecouter les disques peut parfois vous tromper. Vous devez voir les musiciens jouer en direct pour voir comment ils produisent leur son et comment ils remplissent la pièce de leur son. Un soir, j'ai entendu Hank Jones jouer avec Frank Wess. C'était un quartet ou quintet. Ils jouaient au Fat Cat. Je pense que Mickey Roker était à la batterie. Ce qu'ils ont joué ce soir-là, je n'ai jamais entendu Hank Jones le jouer sur un enregistrement. Il était incroyable!

Alliez-vous au Bradley’s?

Non, malheureusement. Il fermait déjà.

Avez-vous trouvé ce que vous recherchiez avant de déménager à New York?

Oui, cette authenticité, cette énergie vibrante. Mais vous devez être déjà un musicien pour aller à New York. Si vous n’êtes pas prêt, cela n’a aucun sens. Vous devez déjà avoir une certaine force. Sinon, vous vous noyez.

A cette époque, vous avez également monté votre groupe. Quels musiciens avez-vous choisis?

J'avais différentes personnes dans le groupe. Parfois, Valery Ponomarev à la trompette. La plupart du temps, Brad Leali à l’alto, puis différents ténors. Pour le répertoire, on utilisait un mélange de compositions originales et d’arrangements originaux de classiques du bebop et de standards. C’est un format que j’utilise encore aujourd'hui, qui a été et est utilisé par de nombreux grands musiciens. Quand vous interprétez des thèmes que les gens connaissent, vous ne pouvez pas tricher. Vous devez trouver de quoi maintenir l'excitation et attraper l'auditeur.

Ces années semblaient très intenses!

Très intenses! Elles étaient très importantes. Musicalement, j'ai mis au point mon langage.

Pendant votre séjour à New York, vous avez étudié avec Barry Harris. Pourquoi cette rencontre est-elle importante pour vous? Qu'avez-vous appris de lui?

Je me suis rendu compte qu’en fait, il y avait un grand musicien qui pouvait vous montrer les choses en direct. Si vous transcrivez ses trucs, ce n’est pas la même chose. Vous devez les obtenir de lui personnellement. J'ai appris toute une série de mouvements, mélodiquement et harmoniquement. Sans oublier l’aspect rythmique dont il ne parle pas tellement, mais il le fait.

Combien de fois êtes-vous allé à ses cours?

Pas tout le temps… Le son que Barry peut produire avec une seule note est incroyable. Barry est magique! A un moment donné, j'ai joué «My Heart Stood Still» pour Barry. Il m'a jeté du piano et a voulu me virer! (Rires) Il m'a dit: «Tu n’as pas besoin du workshop. Tu devrais aller te faire rembourser!» (Rires) D'une certaine manière, c'est un compliment, mais en même temps, c'était assez dur aussi. Certaines personnes riaient, mais la plupart ne faisaient que regarder quand cela s'est produit. J'étais confus, et je ne savais pas vraiment quoi faire avec ça, car Barry avait quelque chose de légèrement violent.

J'ai demandé à Harold Mabern comment il avait trouvé son propre style; il m'a répondu: «Il suffit juste de jouer beaucoup!»

Intéressant. Il y a aussi une autre citation intéressante de Ravel. Il disait quelque chose comme: «N'arrêtez jamais de copier votre modèle. Votre propre personnalité ne sera jamais aussi forte que dans votre infidélité involontaire.» Tout cela signifie que votre style personnel se développe naturellement en le faisant, et pas nécessairement en restant assis, en réfléchissant dur et en attendant une soucoupe volante de l'espace. Vous devez cependant venir de la tradition. Sinon, il n'y a pas de profondeur. Mais quel que soit le style, mon idée est de jouer la musique ici et maintenant. Et vous devez regarder devant.

Avez-vous interrogé les grands du jazz que vous avez rencontrés qui connaissaient Bud et Monk?

Pas vraiment. Une chose qui m'a un peu déçu quand je suis arrivé à New York en 1992, c'est que les géants du jazz qui étaient toujours là ne traînaient plus ou ne jouaient plus à des sessions. Donc, vous ne croisiez plus vraiment ces gens… Mais, en fin de compte, j’ai rencontré des musiciens qui ont connu Bud, comme Sheila Jordan et Andy Bey, ou qui avaient joué avec Bud, comme Luigi Trussardi et Mimi Perrin à Paris, ou Ed Thigpen.

Vous avez dit que pendant ce séjour à New York, vous avez trouvé votre langage musical. Attribuez-vous cela à l'intensité de l'expérience?

Oui, rien qu’être exposé à vos contemporains qui sont dans le même bain que vous. C'est une concurrence, mais d'une manière saine.

Pouvez-vous expliquer?

Idéalement, vous voulez être dans un environnement stimulant qui nourrit votre esprit et votre puissance créative. C’est pourquoi, dans de nombreuses formes d’art comme la musique, les beaux-arts, la littérature, il existe des soi-disant écoles ou mouvements, où les gens s’inspirent mutuellement.

Comment s'est terminée l'expérience de New York?

Cela n’a pas juste fini. Je suis retourné à Munich en 1998 et, pendant longtemps, je faisais des allers-retours. Le fait est que New York est un endroit difficile à vivre. Je n'ai jamais fait de gigs commerciaux ou de mariages. Et je n’ai pas enseigné non plus. Je gagnais de l'argent uniquement avec des concerts de jazz. Et c’est très difficile, presque impossible. Donc, cela m'a demandé beaucoup d'énergie. Quand je suis revenu à Munich, je me suis senti soulagé. C’était plus tranquille! (Rires)

Vous avez trouvé des concerts de jazz à Munich?

Oui, et j'ai commencé à tourner en Europe. Mais j'ai continué à faire la navette entre l'Europe et les Etats-Unis.

Comment s’est fait Introducing the Exciting Claus Raible Trio, votre premier disque en trio?

J’ai été présenté à Thorsten Scheffner, qui dirigeait Organic Music. Un jour, il m’a dit qu'il voulait faire un disque avec moi, après m'avoir entendu en direct. Cette façon de faire –obtenir une offre comme celle-là– était assez exceptionnelle à l'époque et presque impossible aujourd'hui, car le marché du CD est devenu totalement chaotique.

Sur ce disque, il y a Paulo Cardoso (b) et Mario Gonzi (dm).

C'étaient des musiciens que j'avais rencontrés brièvement à mon retour en Europe. Et c'est en fait Paulo qui m'avait présenté Thorsten Scheffner. Après cela, j'ai fait un disque en sextet pour le même label, intitulé Loopin’ With Lea.

Giorgos Antoniou, Claus Raible, Alvin Queen, 2017 © Photo Bodo Gsedl, by courtesy of Claus Raible




Giorgos Antoniou, Claus Raible, Alvin Queen, 2017
© Photo Bodo Gsedl, by courtesy of Claus Raible



Giorgos Antoniou est sans doute le musicien avec qui vous jouez depuis le plus longtemps.

Nous avons fait de nombreux projets musicaux ensemble!

Comment le décririez-vous en tant que musicien?

Il comprend ce dont j'ai besoin. Vraiment! Et il connaît la musique, il en a la passion et l’amour. Avant tout, Giorgos fournit le type d'impulsion sur la contrebasse que je veux avoir. Il est très dévoué.

Vous prenez souvent des batteurs afro-américains, tels que Montez Coleman, Ben Dixon et Alvin Queen sur votre dernier disque, Trio!

Il est très difficile de trouver des batteurs de jazz en Europe. Pas impossible, mais difficile. Montez Coleman, Ben Dixon, Alvin Queen, ils ont tous quelque chose de magique. La batterie est l'expression profonde de la culture afro-américaine, et elle apporte une certaine dimension spirituelle à la musique. C'est très difficile à exprimer en paroles.


Pouvez-vous dire un mot sur Montez Coleman, Ben Dixon, Alvin Queen?

J'ai été le premier à faire venir Montez en Europe, bien avant qu'il ne tourne avec Roy Hargrove. En fait, Ben Dixon aussi. Il n’était pas allé en Europe avant que je le fasse venir ici. Ben était aussi un personnage unique, une personne formidable. Il avait un son et un beat très distinctifs, que je n’ai entendus de personne d’autre. Il était ami avec Max Roach et fortement influencé par lui. Ben était ce que vous appelleriez sans doute un bebopper de deuxième génération. J'avais rencontré Ben au Pumpkins, à Brooklyn. J'ai senti une connexion musicale instantanée. Il m'appelait «von Fürstenberg» parce que je viens d'Allemagne. Une personne très créative, il était également très impliqué dans la communauté et actif en tant qu'entraîneur de basket-ball. Ben est décédé il y a environ un an. Il me manque. Je pense qu'Alvin Queen est également influencé par Ben Dixon à certains égards. Pour son travail avec John Patton et Grant Green, Ben est devenu en quelque sorte un modèle pour les groupes d'orgue qui ont suivi. Billy Hart a également reconnu ce fait. Un autre grand batteur avec ces qualités rares est Jimmy Wormworth (1937, Utica, NY); il a enregistré avec Lou Donaldson et il est resté avec Annie Ross pendant un bon moment. Il a fait partie du groupe de Charles Davis ces dernières années. J'aimerais avoir la chance de jouer à nouveau avec lui.


Ben Dixon et Claus Raible, 2009 © Photo X, by courtesy of Claus Raible
Ben Dixon et Claus Raible, 2009 © Photo X, by courtesy of Claus Raible


Depuis que vous êtes revenu à Munich, vous avez joué avec de nombreux grands noms, Benny Golson, Ed Thigpen, Jimmy Cobb.

J'ai eu la plus longue association avec Ed Thigpen. Nous avons joué principalement en trio. J'ai joué une semaine avec Jimmy Cobb dans un festival. Avec Benny Golson, ce n'était qu'un seul concert. Je veux également mentionner le grand et regretté Charles Davis avec qui j'ai eu l'honneur de jouer à quelques reprises. C'était une grande source d'inspiration.

Aviez-vous eu un lien musical fort avec l'un d'entre eux?

Nous avons fait plusieurs tournées avec Thigpen. En plus de l'expérience musicale, cela signifiait aussi beaucoup de voyages. C'est là que vous apprenez à connaître les gens. Ed était également une personnalité complexe. C'était formidable d'avoir son point de vue sur les choses, car c’était un musicien historique.


Ed Thigpen et Claus Raible, Francfort, 2004 © Savas Bayrak, by courtesy of Claus Raible
Ed Thigpen et Claus Raible, Francfort, 2004 © Savas Bayrak, by courtesy of Claus Raible

Ainsi, vous avez gardé un lien fort avec la culture afro-américaine.

C’est très simple: si vous niez les racines afro-américaines du jazz, alors ce n’est pas du jazz. Par conséquent, il est très important de rester ancré. Il y a tout un lien spirituel avec la musique. Il est facile de perdre l’essence de cette musique si vous ne faites pas attention. En fait, je pense qu'il est vraiment temps de revenir à une approche plus spirituelle de la musique, car au cours des dernières décennies, les aspects techniques et intellectuels ont pris le dessus à un degré indésirable. Ce phénomène, je crois, ne concerne pas seulement le jazz, mais de nombreux types de musique et de formes d'art. Pour moi, beaucoup de gens médiatisés ces temps-ci dans le milieu du jazz ressemblent vraiment à des étudiants modèles, au mieux, avec tout le respect dû à leurs compétences techniques. Cela peut aussi être lié à l'essor de l'autopromotion et du «réseautage». Mais c’est loin de mon appréciation de la musique, et des artistes, qui ont quelque chose à dire, n’obtiennent pas de visibilité 
pour une raison ou une autre.

Claus Raible et Charles Davis, 2010 © Lena Semmelroggen, by courtesy of Claus Raible
Claus Raible et Charles Davis, 2010 © Lena Semmelroggen, by courtesy of Claus Raible

Dans votre dernier disque, Trio! (2018, Alessa Records), vous jouez des compositions originales, des standards, et vous revisitez trois morceaux de Monk («Thelonious», «Off Minor», «’Round Midnight»). Plus vous explorez la musique de Monk et Bud, plus vous trouvez des choses?


Oui, je trouve de plus en plus de choses. Parfois, je retourne à la musique de Bud, et je trouve encore de l'inspiration. Parfois, j'essaie d'écouter le plus purement possible. Par cela, je veux dire revenir au sentiment premier, lorsque j'ai été attiré par cette musique pour la première fois. La toute première fois, c'était juste du son. Il n'y avait aucun processus intellectuel.

Claus Raible et Benny Golson, Bingen, Allemagne, 2015  © photo X by courtesy of Claus Raible


Claus Raible et Benny Golson, Bingen, Allemagne, 2015
© photo X by courtesy of Claus Raible


Vous comprenez parfaitement le langage musical de Bud et Monk, et pourtant vous avez trouvé un style personnel. Cela revient-il à ce que vous disiez plus tôt: être enraciné dans une tradition et jouer de la musique ici et maintenant?

Eh bien, merci, c’est un beau compliment! Oui, jouer et être dans le présent est la clé, je pense. Être enraciné dans la tradition ne signifie en aucun cas se contenter de reproduire. En fait, tous les innovateurs sont issus de la tradition. Mais vous devez créer à partir de sources solides.

Il y a aussi cinq compositions originales, «Ridin 'High», «The Penguin», «Night Time Is My Mistress», «Boogaloo-Baloo», «Course de Ville». Les avez-vous composées pour ce disque? Quel est votre processus créatif en matière de composition?

J'ai écrit certaines d'entre elles pour ce disque, en effet. En général, je commence avec un motif mélodique fort, et je pars de là. Maintenant, vous ne pouvez pas vraiment forcer ces idées. Elles peuvent être en vous ou passer par vous et apparaître à un moment donné. Tout ce dont vous avez besoin est de rester ouvert, ce qui est parfois assez difficile.


Il y a aussi une belle interprétation en piano solo de «’Round Midnight» qui conclut le disque. Comment abordez-vous des standards aussi célèbres?

«Round Midnight» est une véritable composition de jazz. Vous devez donc enquêter sur certaines des versions de Monk, car le compositeur est le mieux placé. Cependant, s'il s'agit d'un thème du Great American Songbook, vous voudrez sans doute obtenir des partitions éditées ou vérifier une des premières versions enregistrées pour obtenir les bonnes progressions de mélodie et d'accords. Pas nécessairement une version jazz pour commencer, car celles-ci sont généralement déjà ré-harmonisées. Par conséquent, vous vous retrouverez coincé avec l’interprétation de quelqu'un d'autre.

Jouez-vous des concerts en solo?


Oui, parfois je l'ai fait. Mais tout cela était dans des salles de concert, jamais dans des clubs. C'est assez exigeant. Vous ne pouvez pas vous permettre un manque d'énergie. Si vous êtes concentré et aux commandes, c'est comme si vous aviez une section rythmique qui vous soutenait.


Claus Raible Bop-chestra, 2011 © Lena Semmelroggen,  by courtesy of Claus Raible



Claus Raible Bop-chestra, 2011 © Lena Semmelroggen,
by courtesy of Claus Raible 




Vous avez également fondé le Bop-chestra.

C’est le premier orchestre de dix musiciens que j’ai dirigé. Avant cela, je collaborais avec l'orchestre de Brad en tant qu'arrangeur. J'adorerais travailler davantage avec l'orchestre Bop, j'ai beaucoup de musique. Mais c’est très difficile à maintenir sans soutien financier.


Comment le
Bop-chestra a-t-il commencé?

Cela avait vraiment commencé après mon travail pour l’orchestre de Brad Leali. Brad a eu l'idée d'un orchestre condensé sous la forme d'un groupe de dix musiciens. Il a également proposé le thème «This Is for the Ladies». J'ai fait le reste, choisi le répertoire, écrit toute la musique, monté le groupe, etc. Et j'aime aussi écrire pour ce type de formation. Vous pouvez commencer à entendre des choses et essayer de les mémoriser ou de les esquisser. Plus tard, vous l’élaborez au piano. Lorsque les choses prennent forme, c’est comme une sculpture. Là encore, vous ne pouvez pas vous contenter de travailler selon les règles. Vous avez besoin de ressentir les couleurs, les contrastes, les proportions, etc.

Quand on regarde vos différents groupes, il y a souvent des musiciens de toute l'Europe.

Il y a des gens partout. Il suffit de les trouver. Malheureusement, le jazz n'est pas poussé dans les médias grand public.

En termes d'esthétique, vous sentez-vous proche des pianistes de jazz européens, comme Fritz Pauer, Dado Moroni, etc.? Et d’orchestre, comme le VAO de Mathias Rüegg?

Je connaissais très bien Fritz, et j’ai le plus grand respect pour lui. Il était en quelque sorte un mentor pour moi. Tout comme Harry Neuwirth, avec qui j'étudiais. Je connais un peu Dado et l'apprécie aussi. Il a assimilé une grande variété de styles différents. Un autre pianiste européen auquel je pense toujours beaucoup est Oliver Kent, de Vienne. Le VAO en tant que tel n'existe plus depuis un certain temps, mais je connais Mathias Rüegg et la plupart des membres du groupe. Je voyais le VAO plus comme une interprétation européanisée du jazz orchestral et, en tant que tel, plus comme un concept crossover. Cependant, en termes d'esthétique et d'expression, je ne me sens pas attiré par le jazz européen en général.
Je veux même dire qu'il y a du jazz joué en Europe, mais le jazz européen n'est pas un style en soi.

2016. Anna Lauvergnac/Claus Raible, Free Fall, Alessa Records


Vous ne semblez pas avoir travaillé avec beaucoup de chanteuses, mais il y en a une avec qui vous jouez depuis longtemps, c’est Anna Lauvergnac. Pouvez-vous dire quelques mots sur elle?

Anna a de grandes capacités de communication. Elle a de la personnalité et sait comment capter le public. Elle a un grand sens de l'humour, mais elle est très consciente et sérieuse dans le choix des thèmes et des paroles des chansons. Anna a du charisme.

Comment abordez-vous l’accompagnement pour une chanteuse?

En tant que pianiste, il n'y a pas beaucoup de différence entre un souffleur ou une chanteuse. Sinon qu'il faut être un peu plus prudent avec les chanteuses, car c'est un peu plus délicat en termes d'intonation. Je connais Anna depuis tant d’années… Vous pouvez l’entendre dans la musique. Je suppose qu'il y avait un lien musical certain avec elle depuis le début.

Qui d'autre avez-vous accompagné, à part Anna Lauvergnac?

Andy Bey, Mark Murphy, bien sûr. Depuis un certain temps, je travaille avec Jelena Jovovic, une excellente chanteuse serbe.

Vous enseignez également.

Oui, j'enseigne en privé et à l'Université de Munich.


Avez-vous une méthode spécifique?


Oui, vous ne me verrez jamais avec des partitions! (Rires) Le plus souvent, les jeunes sont perdus sans partition, ce qui est un désastre. Dans le cadre limité que j'ai, j'essaie simplement de leur réapprendre à utiliser leurs oreilles.


Quelles sont les choses les plus importantes sur lesquelles vous voulez que vos élèves se concentrent?


Aujourd'hui, les jeunes et les étudiants ont trop d'infos, trop de livres, sans parler des réseaux sociaux. Cela peut être déroutant. Ils doivent faire face à cela. Les gens d'avant ma génération ont dû faire face à un manque d'information. Si vous vouliez quelque chose, vous deviez le chercher. Ils doivent maintenant sélectionner, ce qui n'est pas forcément le moyen le plus simple si on ne vous donne pas d’instructions. Tout d'abord, je dis à mes élèves d'écouter la musique. Mais de nombreux aspects peuvent vous échapper si vous n'écoutez que des disques. Je les aide à aborder leur instrument, à produire un son, à bouger leurs mains, à être agiles et rapides, etc.

Dans cette interview, vous avez souligné à plusieurs reprises l'importance de jouer cette musique en live.


C’est vrai, je pense que cette musique est destinée à être jouée en direct. Cette dynamique communicative est vraiment sa force.

Comment analysez-vous la situation actuelle, en plein coronavirus, et les multiples fermetures qui tuent les scènes jazz du monde entier?


Je pense que la culture se nourrit de rencontres. Maintenant, pour le jazz que je connais, cette expérience du live ne peut pas être remplacée par le streaming. Déjà lors du premier confinement dans cette période pandémique, d'innombrables artistes ont diffusé des vidéos en streaming ou mis en ligne des exercices, de manière presque impulsive. Ce qui, à mon avis, provoque un effet négatif. Autrement dit, cela diminue la valeur de la musique pour la simple raison que tout ce qui est omniprésent sur le net est gratuit. Et tout ce streaming enlève le mystère et l'excitation d'une performance en live.

Site internet: www.clausraible.com


CLAUS RAIBLE & JAZZ HOT:


*


SELECTION DISCOGRAPHIQUE
par Mathieu Perez et Jérôme Partage

 

Leader/coleader
CD 1999. Introducing the Exciting Claus Raible Trio, Organic Music 9714

CD 2000. Claus Raible Sextet, Loopin' With Lea, Organic Music 9724

CD 2004. Claus Raible/Ed Thigpen/Martin Zinker, Live at Birdland, Birdland Neuburg 007

CD 2006. Clause Raible, Don't Blame Me, Pirouet Records 3025

1999. Introducing the Exciting Claus Raible Trio2000. Claus Raible Sextet, Loopin' With Lea2004. Claus Raible/Ed Thigpen/Martin Zinker, Live at Birdland2006. Clause Raible, Don't Blame Me


CD 2008. Brad Leali-Claus Raible Quartet, D.A.'s Time, TCB Records 28912

CD 2012. Claus Raible & The BOP-chestra, A Dedication to the Ladies, TCB Records 30942

CD 2015. Herwig Gradischnig-Claus Raible Quintet, Searchin' for Hope, Alessa Records 1042
CD 2016. Anna Lauvergnac/Claus Raible, Free Fall, Alessa Records/Jazz & Art 1060

2008. Brad Leali-Claus Raible Quartet, D.A.'s Time2012. Claus Raible & The BOP-chestra, A Dedication to the Ladies2016. Herwig Gradischnig-Claus Raible Quintet, Searchin' for Hope2016. Anna Lauvergnac/Claus Raible, Free Fall

CD 2018. Herwig Gradischnig/Claus Raible/Steve Fishwick/Giorgos Antoniou/Matt Home, «Mo is On», The Music of Elmo Hope. Vol. 2, Trio Records 604

CD 2018. Claus Raible, Trio!, Alessa Records 1081

2018. Herwig Gradischnig/Claus Raible/Steve Fishwick/Giorgos Antoniou/Matt Home, "Mo Is On": The Music of Elmo Hope. Vol. 22018. Claus Raible, Trio!














Sideman
CD 1990. Mark Murphy/Karlheinz Miklin Quartet, Just Jazz, Jazzet BP 027

CD 1998. Franz Dannerbauer's Music Liberation Unit, Birdland & Altes Kino. Live '98, MLU Records

CD 1999. Peter Kunsek, 21st Century Rag, Jive Music 2030

CD 1999. Al Porcino Big Band, Live!, Organic Music 9717
1990. Mark Murphy/Karlheinz Miklin Quartet1998. Franz Dannerbauer's Music Liberation Unit, Birdland & Altes Kino. Live '981999. Peter Kunsek, 21st Century Rag 1999. Al Porcino Big Band, Live!

CD 2001. Anna Lauvergnac, Anna Lauvergnac, TCB 21132

CD 2001. Roman Schwaller Nonet, The Original Tunes, JHM Records 3629

CD 2002. Claus Koch, Snooki-Ing, Nagel Heyer 2029

CD 2003. Michael Lutzeier & Artbop, Gleichmut, Comusication Record

2001. Anna Lauvergnac 2001. Roman Schwaller Nonet, The Original Tunes2002. Claus Koch, Snooki-Ing2003. Michael Lutzeier & Artbop, Gleichmut


CD 2004. Brad Leali Jazz Orchestra, Maria Juanez, TCB 26902

CD 2004. Claus Koch & The Boperators, Afro Cuban Jazz Colors, YVP Music 3126

CD 2009. Charles Davis All Stars, A Tribute to Kenny Dorham, TCB 30402

CD 2010. Duško Gojković & Soul Connection Big Band, Balkan Project, B92 Records 121

2004. Brad Leali Jazz Orchestra, Maria Juanez2004. Claus Koch & The Boperators, Afro Cuban Jazz Colors2009. Charles Davis All Stars, A Tribute to Kenny Dorham2010. Duško Gojković & Soul Connection Big Band, Balkan Project


CD 2011. Cannonsoul (
Patrick Bianco/Claus Raible/Giorgos Antoniou/Bernd Reiter), Remembering Cannonball Adderley, autoproduit

CD 2012. Anna Lauvergnac, Unless There’s Love, Alessa Records 1020

CD 2013. Anna Lauvergnac, Coming Back Home, Alessa Records 1032

CD 2016. Scott Hamilton, Meets the Piano Players, Organic Music 9774
2011. Cannonsoul (Patrick Bianco/Claus Raible/Giorgos Antoniou/Bernd Reiter), Remembering Cannonball Adderley2012. Anna Lauvergnac, Unless There’s Love2013. Anna Lauvergnac, Coming Back Home 2016. Scott Hamilton, Meets the Piano Players


DVD
DVD 2005. Jam Session Festival Burghausen, SWR



*


VIDEOGRAPHIE
par Hélène Sportis et Mathieu Perez


Claus Raible, Paris 1992 © Anna Lauvergnac by courtesy of Claus Raible

Claus Raible, Paris 1992 
© Anna Lauvergnac by courtesy of Claus Raible


Chaîne YouTube de Claus Raible:
https://www.youtube.com/channel/UCYGxUs62_HBY7yD_VU-Fjtg 

1999. Claus Raible Trio, Paulo Cardoso (b), Mario Gonzi (dm), «Lunar Web», album Introducing the Exciting Claus Raible Trio, Organic Music-Allemagne
https://youtu.be/gwMPjxa7JLE
 
2001. Claus Raible Sextet, Brad Leali (as) Greg Nagorski (tb), Hank Gradischnig (bs), Marc Abrams (b), Montez Coleman (dm), «Loopin' with Lea», album Loopin' with Lea, Organic Music-Allemagne
https://youtu.be/kYfV3VIIVp4
 
2006. Claus Raible Trio, Giorgos Antoniou (b), Ben Dixon (dm), «Our Delight», «Basement Blues», album Don’t Blame Me, Pirouet-Allemagne, 20-21 juillet
https://youtu.be/rHX2X2sR9_M
https://youtu.be/IYJekZ_EtJ4

DNC. Claus Raible Trio, Claus Raible (p), Giorgos Antoniou (b), Ben Dixon (dm), «Monopoly», live at the JazzKeller Frankfurt, Allemagne
https://youtu.be/SW8RoiyDY5I

2009. Claus Raible and BOP-Chestra, feat. Ben Dixon (dm,voc), «Cantaloupe Woman», live at Jazz Club Unterfahrt, Munich, Allemagne, Août
https://www.youtube.com/watch?v=qdUlKTCzXro

2009. Claus Raible, Charles Davis (ts), Tom Kirkpatrick (tp), Giorgos Antoniou (b), Bernd Reiter (dm), live at Le Pirate, Rosenheim, Allemagne, 30 septembre
https://www.youtube.com/watch?v=c3qk0nlDvyQ
 
2009. Claus Raible, Charles Davis (ts) All-Stars, Tom Kirkpatrick (tp), Giorgos Antoniou (b), Bernd Reiter (dm), «Prince Albert», album Tribute To Kenny Dorham, Live at the Bird's Eye Jazz Club, Bâle, Suisse, TCB Records, 2-3 octobre
https://youtu.be/X2pTLvokkSI

2010. Claus Raible-Brad Leali (as) Quartet, Giorgos Antoniou (b), Darrell Green (dm), «Salt Peanuts», «I’ll Keep Lovin' You», live at the JazzKeller Frankfurt, Allemagne, 2 novembre (infos: https://radaris.com/p/Giorgos/Antoniou)
https://youtu.be/hPDrKlFroNM
https://www.youtube.com/watch?v=f7YD9dOMnAA
https://www.youtube.com/watch?v=BJAdU4Z8isM


2011. Claus Raible (p,arr,prod) and BOP-Chestra, Brad Leali (as), Claus Koch (ts), Maximilian Schweiger (bs), Florian Jechlinger/Steve Fishwick (tp), Mathias Götz/Hermann Breuer (tb), Giorgos Antoniou (b), Alvester Garnett (dm), A Dedication to the Ladies, Künstlerwerkstatt Pfaffenhofen, Allemagne, ©Medienhaus Kastner, 16 mai
https://www.youtube.com/watch?v=MFkaamJ5-bw

2011. Claus Raible (p,arr,prod) and BOP-Chestra, Brad Leali (as), Claus Koch (ts), Maximilian Schweiger (bs), Florian Jechlinger/Steve Fishwick (tp), Mathias Göetz/Hermann Breuer (tb), Giorgos Antoniou (b), Alvester Garnett (dm), «Cleopatra's Dream», «Whatever Lola Wants», «Jessica’s Birthday», album A Dedication to the Ladies, BR-Bayerischer Rundfunk, Studio Franken, Nuremberg, Allemagne, TCB Music, 17-18-19 mai
https://youtu.be/Xq0WsQKtemY
https://youtu.be/neiO_OfNuSc
https://youtu.be/sBlhgRTbDAw


2012. Claus Raible, Anna Lauvergnac (voc), «Since I Fell for You», live at Trieste Loves Jazz Festival, juillet, ©Nevio Costanzo
https://www.youtube.com/watch?v=gCx2yZuuXL0
 
2013. Claus Raible, Claus Koch (ts) & the Boperators, Giorgos Antoniou (b), Matt Home (dm), «Boogaloo in Blue», live at Le Pirate, Rosenheim, Allemagne, janvier
https://youtu.be/TKiBzatkwac

2013. Claus Raible (p,arr), Brad Leali (as,lead) Jazz Orchestra, Arlington Jones (p), Darius Luckey (voc), Alvester Garnett (dm), Cory Powell (guest speaker), UNT Gospel-Jazz Choir/Jennifer Barnes, dir., «Three for "D"»,«Maria Juanez», «Soul Interlude», «What Is Music», «Imagine Me», Gospel meets Jazz, Voertman Hall, College of Music, University of North Texas, 17 février
https://www.youtube.com/watch?v=fBWtG5IOG_A
https://www.youtube.com/watch?v=1jXyMAW1mG8
https://www.youtube.com/watch?v=CGQMz70jG60
https://www.youtube.com/watch?v=twqsXGtIAfU


2014. Claus Raible, Brad Leali (as) Jazz Orchestra, live au Sandaga 813, Dallas, TX, Usa, «Whatever Lola Wants», «Currawong», «I Left My Heart in San Francisco», «Even Ivan», «Lazy Daisy», «Three for D», 7 janvier
https://www.youtube.com/watch?v=NfZ27hGGO2g
https://www.youtube.com/watch?v=pL_NNZ8ypCA
https://www.youtube.com/watch?v=tkkDP80Jd3o
https://www.youtube.com/watch?v=eshADutPFVY
https://www.youtube.com/watch?v=EbPDnr5gQh8
https://www.youtube.com/watch?v=gIya36rBlxM


2014. Claus Raible/Hank Gradischnig (ts) Quintet, Mario Rom (tp), Giorgos Antoniou (b), Esteve Pi Ventura (dm), «Roll On» et «Into the Orbit» (2 compositions d’Elmo Hope), «For Heaven's Sake», «Exploring The Future», Kammerlichtspiele, Klagenfurt, Autriche, 3 mai
https://www.youtube.com/watch?v=GRgM5q5X2Qg
https://www.youtube.com/watch?v=pXL9C8JJ0bg
https://www.youtube.com/watch?v=kk_3X6b35Tw
https://www.youtube.com/watch?v=JCc9v0YRGlo


2014. Claus Raible, Anna Lauvergnac (voc), Giorgos Antoniou (b), Steve Braun (dm), «Soft Winds», Bühne frei im Studio 2, Bayerischer Rundfunk, Munich, Allemagne. Radio BR-Klassik, 29 octobre, ©Felix Hentschel
https://www.youtube.com/watch?v=eilT9_mazSs

2015. Claus Raible and BOP-Chestra, Brad Leali (as), Claus Koch (ts), Michael Lutzeier (bs), Florian Jechlinger/Steve Fishwick (tp), Mathias Göetz/Johannes Herrlich (tb), Giorgos Antoniou (b), Darrell Green (dm), «Lazy Daisy», «Dinah Might And Nick At Night», «Yesterdays», Altes Kino Ebersberg, Allemagne, 12 mars
https://www.youtube.com/watch?v=xWlI3XB69YE

2016. Claus Raible, Anna Lauvergnac (voc), «Lover Come Back to Me», «Detour Ahead», «Blow Top Blues», album Free Fall, enregistré à Trieste-Italie, Alessa Records-Autriche (chronique dans Jazz Hot)
https://youtu.be/X3IVe6dmk4k
https://youtu.be/vYjsyT4fobc
https://youtu.be/iY0cJpJB6lg


2017. Claus Raible Trio, Giorgos Antoniou (b), Alvin Queen (dm),Wasserschloss Taufkirchen, Vils
, Allemagne, 28 janvier
https://www.youtube.com/watch?v=5VbvP2eskC0
https://www.youtube.com/watch?v=BV5nS9DgLdg
https://www.youtube.com/watch?v=ixJDIpum8oE


2017. Claus Raible, Claus Koch (ts) & The Boperators, John Marshall (tp), Giorgos Antoniou (b), Xaver Hellmeier (dm), «The Sidewinder», «Un Poco Loco», live at Jazzclub Unterfahrt, Allemagne, septembre, ©Oskar Henn
https://youtu.be/eOUy9_tlqCg
https://www.youtube.com/watch?v=teUGoDcNwO4
 
2018. Claus Raible, Alvin Queen (dm) Quartet feat. Scott Hamilton (ts), Giorgos Antoniou (b), «Cherokee», live at the Half Note, Athènes, Grèce, 26 février
https://youtu.be/7raqvfFduYs
 
2019. Claus Raible Trio, Giorgos Antoniou (b), Alvin Queen (dm), «Ridin’ High», «Off Minor», «Boogaloo Baloo», «Round Midnight», album TRIO!, Alessa Records-Autriche
https://youtu.be/Qpsi_qD_ZcM
https://youtu.be/knFUN5Y1wbs
https://youtu.be/BP6J-FlFeUQ
https://youtu.be/NJP9ki9qtZI


2019. Claus Raible, Giorgos Antoniou (b), Alvin Queen (dm), «Embraceable You», «A Night in Tunisia», live at Jazzclub Q4, Rheinfelden, Suisse, 21 janvier
https://www.youtube.com/watch?v=ZfoaxNWAoqA
https://www.youtube.com/watch?v=Lv6w5AYcicQ


2020. Claus Raible, Claus Koch (ts) & The Boperators, Giorgos Antoniou (b), Xaver Hellmeier (dm), Charlie Parker's100' Birthday, live at the JazzKeller Frankfurt, Allemagne, 27 septembre
https://www.youtube.com/watch?v=bQebmEsFN3I
https://vimeo.com/462329772



DOCUMENTATION

Chaîne YouTube de Bud Powell:
Chaîne YouTube de Thelonious Monk:  
Cf. Jazz Hot n°673, interview de Bertha Hope-Booker

Chaîne YouTube d’Art Tatum:  
Cf . Jazz Hot numéro Spécial 2002

Chaîne YouTube de Mary Lou Williams
Cf. Jazz Hot n°24 et n°25-1938, n°44-150, n°351/352-1978


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