Paris en club
Avril 2014
Le 4 avril, le Petit Journal
Montparnasse accueillait les Three Wise Men + One. Le trio
se compose de Rossano Sportiello (p), Frank Roberscheuten (ts, as,
cl) et Martin Breinschmid (dm), une soirée organisée par le Hot
Club de France. Ce soir-là, en raison d’une urgence personnelle,
Breinschmid a dû sauter dans un avion et François Laudet le
remplaçait. Le « + One », c’est le tromboniste Patrick
Bacqueville, en pleine forme. Le swing de Roberscheuten et Laudet, la
passion des standards, tous les éléments pour une belle soirée
étaient réunis, sans oublier le jeu éblouissant du virtuose
Rossano Sportiello, dont le jeu naturel et élégant pioche chez Fats
Waller et Bill Evans. Au fil des morceaux, des amis du trio
rejoignent la scène. On retrouve Malo Mazurié (tp), David Lukacs
(cl), Sébastien Girardot (b) et Félix Hunot (g). Une scène bien
remplie où les titres sont joués avec fièvre et passion. S’il
fallait retenir un temps fort, le duo Louis Mazetier-Rossano
Sportiello au même piano était fabuleux ! Du grand art !MP
Les après-midis jazz, les dimanches
aux Ateliers du Théâtre du Chaudron, sont des rendez-vous
inégalables. Le 6 avril, Steve Potts invitait Alain
Jean-Marie (p), Darryl Hall (b) et John Betsch (dm), avec une belle
surprise, Hal Singer (ts). L’Atelier est plein à craquer. Des
amis, des curieux et des musiciens, Bobby Few, Sangoma Everett, et
bien d’autres. Le quartet se lance sur un thème de « Pierre
et le Loup » de Prokofiev, et voilà la toute puissance de
Steve Potts, la magie d’Alain Jean-Marie, la grâce de Darryl Hall
et la richesse de John Betsch. L’alchimie prend bien. Et voilà Hal
Singer dans un « Sentimental Mood ». L’alchimie prend
aussi sur le ténor, dans sa 95e année. Et le voilà qui
s’ouvre entièrement, régénéré par cette rythmique d’enfer.
Dans « So What », « Caravan », les musiciens
portent Hal Singer au meilleur, toujours avec la complicité de Steve
Potts. Un beau sentiment de camaraderie règne. Un beau sentiment
jazz envahit les lieux. Les deux saxophones partis, le trio livre un
superbe « Just In Time ». MP
Voilà un moment
que Freddy Cole n’était pas venu à Paris. Il jouait au Duc
des Lombards le 9 avril, accompagné de Kris Kaiser (g),
Herman Burney (b) et Curtis Boyd (dm). Cole, âgé de 82 ans, est un
pianiste et un chanteur bien sous-estimé, vivant depuis des
décennies dans l’ombre de ses deux frères, Nat et Ike. Il
interprète des titres de son dernier disque intitulé This and
That, « Never, Never, Never », « Where Are
You ? », « I Get Sentimental Over Nothing ».
Peu bavard, le pianiste n’aime pas parler entre les morceaux. Il
laisse parler la musique. Elle-seule suffit, surtout quand elle est
si bien servie par ces sidemen érudits. Freddy Cole est de ces
musiciens curieux de toutes les mélodies et à la mémoire
encyclopédique qui connaissent le songbook américain sur le bout
des doigts. Il faut être bien armé pour jouer avec lui. On passe
des grands standards aux frères Isley en passant par Aznavour et la
musique brésilienne. Une soirée lumineuse ! MP
A l’occasion de la parution de son
premier ouvrage, consacré à Tal Farlow, Paris Jazz Cornerorganisait le 10 avril au Studio de l’Ermitage une
soirée spéciale sur le guitariste avec, tout d’abord, une
rencontre avec ses deux auteurs, Jean-Luc Katchoura et Michele
Hyk-Farlow, la veuve de Farlow, puis un concert de Jack Wilkins (g),
accompagné d’Yves Torchinsky (b) et Simon Goubert (dm), et deux
invités, Olivier Ker Ourio (hmca) et Frank Tortiller (vib). Avant tout, un mot sur l’ouvrage.
Intitulé Tal Farlow. Un accord parfait / A Life in Jazz Guitar,
cette biographie publiée en français et en anglais est une petite
merveille. Le format, la maquette très soignée, les textes nourris
et la richesse des illustrations, photos et autres archives
personnelles font de cette « biographie illustrée » un
objet rare de l’édition jazz. Les amateurs seront aussi ravis d’y
trouver un CD composé d’extraits d’interviews et de performances
en concert, sélectionnés et commentés par Yves Torchinsky. Dans la salle, des journalistes bien
sûr pour cette conférence de presse mais aussi des musiciens.
Saluons l’ami Dominique Cravic qui accompagna Tal Farlow avec
Torchinsky dans les années 1980, et Lenny Popkin et Carol Tristano,
proches d’Arnaud Boubet et Paris Jazz Corner. D’ailleurs, Popkin
est aussi un proche de Lee Konitz et Roger Mancuso, qui
enregistrèrent tous les deux avec Farlow… L’itinéraire de
Jean-Luc Katchoura est celui d’un passionné. Architecte de
profession, passionné de jazz, lecteur de Jazz Hot depuis
l’adolescence, il rencontre Tal Farlow
pour la première fois en 1983 lors de la seconde édition du
festival de la guitare de Dreux qu’il co-organise. L’année
suivante, il prend en charge sa tournée européenne avec une date à
Aix-en Provence. Farlow est alors accompagné de Francis Varis,
Dominique Cravic, Yves Torchinsky, et Jean-Claude Jouy. Michele
Hyk-Farlow salue la patience de Katchoura. Ce livre est le fruit
d’années de travail, long et méticuleux à retracer un parcours,
sélectionner les documents, etc. Remarquable.
Puis vient le concert. Très à l’aise
avec son trio, Jack Wilkins se lance dans « How Deep Is The
Ocean », « April In Paris », rappelle Tal Farlow,
taquine le public. Ce technicien si chaleureux, trop peu présent sur
les scènes françaises, est un musicien à la musicalité
incomparable. Entre la fièvre créative de Torchinsky et la solidité
de Goubert, les doigts du guitariste s’envolent. Une soirée de
lancement très réussie. On souhaite aux auteurs et à Paris Jazz
Corner une soirée de lancement similaire à New York, qui aurait du
sens, où l’esprit de Tal Farlow n’est pas si loin et où les
excellents guitaristes, comme ce géant du jazz qu’est Jack
Wilkins, ne manquent pas. MP
Le 19 avril, Jacques Vidalse produisait au Caveau des Légendes accompagné de Richard
Turegano (p) et Jean-Claude Jouy (dm). Le contrebassiste pioche dans
son répertoire de prédilection, Charlie Parker, Philip Catherine,
Heitor Villa-Lobos, Mal Waldron et bien sûr Charles Mingus. La
justesse de Vidal, l’énergie de Turegano et la force de Jouy
mettent à l’honneur ces compositeurs interprétés avec élégance
et finesse. Chacune des soirées de Jacques Vidal au Caveau sont des
moments de grâce. MP
Le22 avril, à la Cave du 38 Riv', Linus Olsson (g) a donné un
bon concert autour de ses compositions, entouré de Guilhelm André
(s), Hugo Barré (b) et Stéphane Adsuar (dm). Du jazz aux teintes
rock, funk avec des hommages à Coltrane. Olsson a soutenu l’ensemble
et dirigé l’interprétation de ses morceaux avec maîtrise. Tantôt
en dédoublant la mélodie du sax d’André, tantôt en déployant
des variantes rythmiques, enfin en appuyant
le travail harmonique de Barré. Olsson a également offert des improvisations contenues,
quoique vigoureuses et d’une belle complexité. Adsuar, énergique,
a livré de bons solos et une coloration rythmique remarquable, bien
que manquant un peu de finesse dans les moments plus intimistes.
André, rempli d’idées, a eu son moment grâce au bon leadd'Olsson. Du jazz empli de jeunesse mais tamisé par la tempérance de
la maturité. SZ
Le24 avril, Laurent Doumont (voc, ts) présentait son album Papa
Soul Talkin’ auPetit Journal Montparnasse. De la soul, oui, mais avec le blues en
point de départ. Et un quartet franco-belge composé de Raphaël
Debacker (p), Bruno Schorp (b) et Julie Saury (dm). S’il y a une
richesse de genres chez Doumont (soul, blues, jazz, funk, boogaloo),
il y de même un dispositif scénique bien calculé et une voix
pleine de caractère. Sous les baguettes de Saury l’invitation à
la danse a été constante. La basse, sobre et efficace, a été le
complice idéal pour les moments où le ténor atteignait des sommets
mélodiques, mais aussi pour contribuer à la construction des riffs
périodiques qui tissaient l’ambiance club. Enfin, le piano a été
une vraie révélation, Debacker jouant un dialogue impeccable sur
le plan du rythme et de l'harmonie. Un alter
egonécessaire pour équilibrer la présence puissante de Doumont. Doux
quand il le fallait, audacieux, il a fait le contrepoint. « Cocaine
Blues », « Love or Leave », « Do me Wrong »
: des moments de bonne musique pour rendre hommage aux grands de la
soul et pour proposer de nouveaux chemins. Compositeur, saxophoniste
et chanteur "old school", Doumont embrasse la
musique afro-américaine dans son ensemble et emballe le public. SZ
Mathieu Perez et Santiago Zuluaga
Banlieues Bleues
Bobigny, Saint-Ouen (93), mars-avril 2014
Banlieues Bleues a inauguré son
édition 2014 le 14 mars avec Kahil El’Zabar Ritual Trioet Randy Weston & Billy Harper à l’Espace 1789 de
Saint-Ouen. El’Zabar (perc, dm), en trio avec Junius Paul (b) et
Ari Brown (p, ts), puis en quartet avec Dwight Trible, le chanteur
puissant de Los Angeles, qui évoque Andy Bey, jouent les titres de
son dernier album Follow The Sun. El’Zabar (Jazz Hotn° 659), membre de l’Association for the Advancement of Creative
Musicians (AACM), a fondé le Ritual Trio et le Ethnic Heritage
Ensemble dans les années 1970. Le set défend toujours l’état
d’esprit de ce mouvement. Les chants scandés par El’Zabar, le
groove de Trible, la musicalité de Junius Paul et l’aisance de Ari
Brown donnent une profondeur d’âme à ce set intense, pénétrant
et mystique. Le set de Randy Weston & Billy Harper
pourrait reprendre le titre d’un autre album d’El’Zabar, The
Ancestors Are Amongst Us. Weston (Jazz Hot N°
576), 87 ans, et Harper (Jazz Hot n° 658), 71 ans,
interprètent les titres de The Roots Of The Blues, leur
premier album en duo. La rencontre des deux musiciens remonte à 1972
lors du Tangier Festival of African and
Afro-American Music, au Maroc. Depuis, le dialogue n’a
jamais cessé. Chaque composition du pianiste, « Blues To
Nigeria », « Blues To Senegal », « The
Healers », a son histoire et son rapport à l’Afrique. Weston
saisit le blues comme une expression de l’héritage africain. Billy
Harper est tout aussi spirituel et habité par un même désir de
vérité, comme le montre sa composition If
One Could Only See, qu’il joue en
solo. La puissance, la clarté, la chaleur du saxophoniste, qu’on
ne voit hélas pas assez en Europe, se marie avec excellence au son
et à philosophie du pianiste. Une soirée qui vogue au rivage de la
méditation. MP
Le 4 avril, au cœur du
béton de Bobigny, c'était une autre belle affiche avecTomeka Reid (cello) en remplacement de sa fréquente partenaire
Nicole Mitchell (fl) pour évoquer la musique contemporaine de
Chicago. La violoncelliste s’est déjà distinguée auprès
d’Anthony Braxton, George Lewis, Roscoe Mitchell. Avec Jason
Adasiewicz (vib), Josh Abrams (b) et Tomas Fujiwara (m), elle a
présenté une musique qui ne manquait pas de présence rythmique
même si les ambiances un peu uniformes prennent le pas sur
l’invention mélodique. Jason Adasiewicz évoque fortement Khan
Jamal et Walt Dickerson, jouant de la pédale pour construire des
ambiances évanescentes trop systématiques. Le modèle déclaré (le
dialogue Eric Dolphy-Bobby Hutcherson de Out to Lunch) était
malheureusement beaucoup plus fertile et volcanique que cette
prestation plaisante mais sans relief. La seconde partie fut en
revanche passionnante, avec un Charles Tolliver (tp) certes en
retrait mais dont la voix imprime à la musique un cachet évident.
Le lyrisme énigmatique du trompettiste s’est élevé grâce à ses
compositions célèbres de la période Strata East (le blues avec
« Abscretions », la valse avec « Effi » de
Stanley Cowell, le très rapide « Drought »). Le lumineux
Theo Hill (p) et le bluesy Bruce Edwards (g) ont davantage pris la
parole que le leader, soutenus avec efficacité par Devin Starks (b)
et Gene Jackson (dm). JS
Le festival finissait
en beauté ce 11 avril avec Roy Nathanson (as) et Cassandra
Wilson (voc) au MC93 à Bobigny. Nathanson jouait avec Sotto Voce, son
nouveau projet, aux côtés de Sam Bardfeld (vln, voc), Curtis
Fowlkes (tb, voc), Tim Kiah (b, voc), Jérôme Harris (b, g, voc) et
Napoleon Maddox (vocal perc), pour présenter leur album Complicated
Day. Après les Jazz Passengers, le nouveau groupe du
saxophoniste ne manque pas de chaleur. Chacun des titres, « On
A Slow Boat To China », « The Nettle Tree », etc.,
sont justes, plein d’âme. Nathanson est un poète musicien dans le
sens le plus noble, il scande les textes, les psalmodie presque. Sans
oublier le merveilleux Curtis Fowlkes dont le trombone fait parfois
oublier la belle voix. Une première partie sublime. Puis vient
Cassandra Wilson accompagnée de Grégoire Maret (hmca), Brandon
Ross (g), John Cowherd (p), Lonnie Plaxico (b) et John Davis (dm).
Pour fêter les vingt ans de son disque Blue Light ‘TilDawn, sorti en 1993 chez Blue Note, la chanteuse a décidé de
l’interpréter intégralement, en suivant l’ordre des titres.
L’ensemble est intense, la voix de Wilson toujours aussi profonde.
Si les musiciens excellent dans leur art, Lonnie Plaxico est le
pilier du groupe. Complice de Cassandra Wilson depuis l’aventure
M-Base dans les années 1980, la musicalité de Plaxico redouble par
la discrétion du personnage, comme en retrait. Plus les chansons
défilent, plus nous descendons dans les profondeurs de l’âme
humaine. Bissée, la chanteuse interprète « Strange Fruit ».
Une soirée riche en émotions. MP
Mathieu Perez et Jean Szlamowicz
Clovis Nicolas Quintet
Le Cri du Port, Marseille (13), 17 avril 2014
L'association historique du jazz à
Marseille continue de proposer un programme de jazz régulier (les
jeudis en général), dans un cadre parfait (autant pour le confort
d'écoute que pour celui des musiciens) et à des tarifs très
abordables, avec une programmation principalement inspirée par la
découverte, avec une part de risque assumée comme une nécessité
pour promouvoir de nouveaux talents dans une salle taillée pour
cette vocation.
Ainsi le 10 avril, l'Orbiting Quartet d'Aruan
Ortiz, pianiste cubain apprécié au sein du quintet de Wallace
Roney, laissait présager le meilleur, d'autant que Rez Abbasi (g) et
Gerald Cleaver (dm), deux musiciens au talent confirmé, partageaient
l'affiche avec Josh Ginsburg (b). Hélas, il n'en fut rien, et la
soirée fut difficile pour le maigre public que la prétention de
cette musique artificielle et maniérée ne convainquit pas.
Une
semaine plus tard, c'est un habitué des lieux, l'excellent Clovis
Nicolas (b), maintenant installé à New York, qui présentait son
album, Nine Stories, avec son New York Quintet, groupe
international où l'on trouvait deux Américains, Riley Mulherkar
(tp) et Samora Pinderhugues (p), un Suisse, Luca Stoll (sax), un
Italien, Luca Santaniello (dm) et donc le leader français.
Retrouvant une salle et un public
devant lequel il débuta, le bassiste se fit un plaisir d'exposer une
musique, tendue et bien finie, énergique dans l'esprit de la musique
de New York, même si en fait aucun des musiciens n'en est
originaire. Le répertoire était composé d'originaux qu'on retrouve
dans le disque (« Pisces », « Juggling »…)
et de standards de Sonny Rollins (« The Bridge »), Kenny
Dorham ou Burwell/Parish (« Sweet Lorraine »), également
présents dans le CD de Clovis Nicolas.
Une bonne musique de jazz
post bop dans l'esprit, avec swing, énergie, où l'on distingua un
excellent trompettiste, un pianiste original dans ses choix et ses
improvisations, et un leader très appliqué dans sa musique qui se
libéra davantage dans un bon rappel avec ses compagnons.
Une excellente soirée au final, devant
un public fourni, contrastant avec la semaine précédente, qui
montre que l'expression n'étant pas une science exacte,
organisateurs et publics de jazz doivent aussi savoir prendre le
risque de la découverte.
Yves Sportis
Ray Blue Trio
Jazz Hot à L'Improviste (Paris 13e), 10 avril 2014
Le 10 avril avait lieu la première
soirée « Jazz Hot à L’Improviste » lors de laquelle
la péniche jazz propose une soirée en partenariat avec votre revue
préférée. C’est avec Ray Blue (ts), bien connu des lecteurs
de Jazz Hot, qu’a eu lieu ce nouveau rendez-vous, accompagné
d’une formation inédite comprenant Olivier Hutman (p) et Michel
Rosciglione (b). Le saxophoniste a débuté par quelques ballades :
« There Will Never Be Another You », « Wave »,
« In a Sentimental Mood ». « Je suis un homme
romantique », a alors déclaré Blue qui a poursuivi son
récital non sans audace : une fausse note, une autre note
élargie pendant plusieurs mesures. « Body and soul » et
« We’ll You Needn't » – bien enchaînés – hors le
temps, hors le tempo, et le premier set s’achève avec un vibrant
« I Got Rhythm » et la belle prise de parole du
contrebassiste, tout à son aise. Le second set a été marqué par
l’insolence harmonique d’Olivier Hutman. Le "climax" est
arrivé après « Cheese Cake » de Dexter Gordon et
« Classical Meeting » (une ballade composée par Ray
Blue) : une basse précise, un saxophone modal, un piano à la
recherche du point d’insertion ont tissé un blues délicieux,
occasion de la meilleure improvisation d'Olivier Hutman. Conversation
entre instruments, défis, regards entrecroisés ont offert le final
parfait pour nous faire attendre avec impatience la prochaine
proposition de Jazz Hot à L’Improviste.
Spirit of Life Ensemble + guests
Spirit of Jazz, Université Paris-Sorbonne (Paris 5e), 27 mars 2014
Le 27 mars eut lieu un bel événement
à la Sorbonne avec la venue d’une version inédite du Spirit of
Life Ensemble afin de rendre hommage à deux de ses membres
éminents récemment décédés, Joe Lee Wilson (couverture du Jazz
Hot N°574, 2000) et Ted Curson (couverture du Jazz HotN°553, 1998). Daoud-David Williams (perc) avait organisé un line-up
où d’anciens membres comme Bob Ferrel (tb), stupéfiant d’agilité
et d’expressivité (« Eulipian’s Lament »)
rencontraient de nouveaux comme Chip Shelton (fl, as) et des invités.
Le premier set fut consacré au répertoire du SOLE et mit en valeur
les excellents David Robinson (ts), Katy Roberts (p), Rob Henke (tp),
directeur musical aux couleurs inspirées. L’intensité des
interventions de Bob Ferrel et David Robinson fut remarquable. Quant
à Dwight West (voc), il eut la lourde tâche d’évoquer Joe Lee
Wilson, ce qu’il fit avec une classe majestueuse (« Jazz
Ain’t Nothing But Soul »). Le soutien rythmique de deux
figures historiques que sont Calvin Hill (b, ex-McCoy Tyner) Doug
Sides (dm, Hancock, Johnny Griffin) fut d’une vigueur indéfectible.
La visite surprise de Bobby Few (p, voc) sur « Let It Rain »
avec Rasul Siddik (tp) fut un moment fort touchant. Avec la
participation de Philippe Combelle (dm, perc), le second set permit
d’entendre d’autres invités comme le magnifique Adrien Varachaud
(ss) sur « Violet for Your Furs » ou Ronald Baker (tp),
qui s’imposa avec détermination sur le blues. Le final réunit
tous les musiciens sur scène, illuminant l’amphithéâtre
Richelieu d’une nostalgie qu’auraient appréciée Ted et Joe Lee.
Champian Fulton
Jazz aux Esselières, Villejuif (94), 20 mars 2014
Le
20 mars, l'association Jazz aux Esselières, accueillait Champian
Fulton. Joliment soutenue par Gilles Naturel (b) et Mourad Benhammou
(dm), la jeune pianiste et chanteuse a été une véritable
révélation pour le public de Villejuif. Malgré un piano droit un
peu fatigué, la jazzwoman a brillé par son swing et son énergie.
Possédant un jeu de piano très percussif (et plutôt viril, diraient
certains !) et un timbre de voix fait pour le jazz, cette fille de
trompettiste – Stephen Fulton – revisite les standards avec un
tel naturel que la langue jazzistique paraît plus vivante que
jamais : « Social Call », « Hallucinations »,
« All Too Soon », « It's a Sin to Tell a Lie »,
ainsi que « Bring Enough Clothes for Three Days », une
composition de son père. Champian a ainsi fait le régal des fidèles des Esselières et de son programmateur, Dan Vernhettes, pour sa 21e année d'exercice.
Jérôme Partage
Larry Browne - Donna Lorraine Quintet
River Café, Issy-les-Moulineaux (92), 7 mars 2014Il est un lieu aux portes de Paris dont il est bon de signaler une programmation jazz régulière et de qualité : le River Café, restaurant-péniche au cadre superbe. Le 7 mars Larry Browne
(voc, tp) et Donna Lorraine (voc) s'y produisaient accompagnés par le beau
trio de Nicola Sabato (b), c’est-à-dire l’excellent Florent Gac
(p), et le très sûr Sylvain Glévarec (dm). Le duo vocal a fonctionné avec beaucoup
d’entrain, d’humour et de swing, privilégiant les standards
historiquement associés aux duos (« Cheek to Cheek »,
« Tea for Two », « Let’s fall In Love »,
« Baby It’s Cold Outside ») et se permettant
d’audacieux arrangements comme d’interpréter deux morceaux à la
fois (« In Walked Bud et « Blue Skies », par
exemple). L’aisance de Larry Browne et de Donna Lorraine aboutit à
un groupe original dont la fraîcheur était mise en valeur par des
musiciens talentueux.
Jean Szlamowicz
Paris en clubs
Février et mars 2014
Le 19 février, au Cercle Suédois,Gilda Solve (voc) a démontré avec un professionnalisme consommé,
qu’elle savait remuer un public. Avec la fine expertise de Patrice
Galas (p), Patricia Lebeugle (b) et d’un Sylvain Glévarec (dm)
très en verve, elle a développé un répertoire à la fois cohérent
et varié, où l’on a remarqué « Sugar » de Stanley
Turrentine, « Nica’s Dream » et « Black Coffee ».
Elle s’est même permis de faire intervenir le public sur « Can’t
Buy Me Love » avant de conclure sur « Route 66 ».
Beaucoup de présence et de bonnes vibrations. JS
Le 28 février, c'est une
formation new orleans franco-britannique qu'on pouvait entendre auPetit Journal Montparnasse. Un sextet emmené par Pete
Allen (cl, as) avec Irakli (tp), Patrick Bacqueville (tb), David
Herridge (p), Jean-Claude Bénéteau (b) et Vincent Cordelette (dm).
Au programme : Sidney Bechet, bien sûr, dont Pete Allen est un
interprète assidu (« Promenade aux Champs-Elysées » ou
encore « Petite Fleur » avec un très bon solo d'Allen à
l'alto). La présence d'Irakli fut l'occasion d'une sorte de duo
virtuel entre Bechet et Armstrong ainsi que d'une imitation vocale de
Satchmo (une des spécialités de Pete Allen, qui amuse toujours le
public, moins l'amateur de jazz plus exigeant). Pauline Atlan fut par
ailleurs invitée sur « Basin Street Blues ». Une
chanteuse sympathique mais aux capacités limitées. Outre la
personnalité saillante de Pete Allen, on peut saluer un groupe de
qualité, notamment la section rythmique marquée par le swing
élégant de David Herridge et la maîtrise de Jean-Claude Bénéteau.JP
Le 4 mars, Selmeraccueillait Ricky Ford pour les 60 ans du saxophoniste. Ce fut
l’occasion pour Ford de partager ses recherches autour de l’œuvre
de Neyzen Tevfik (1879-1953), un poète et musicien turc, inconnu en
dehors des frontières de la Turquie. Il doit cette découverte à
l’un de ses élèves alors qu’il enseignait à la Istanbul Bilgi
University de 2000 à 2006. Ford, curieux de toutes les cultures et
de tous les répertoires, ne pouvait qu’être passionné par la vie
et le charisme de Tevfik. Le joueur de ney, qui passa une grande
partie de sa vie en exil, s’intéressant à toutes les formes de
l’art, n’écrivit jamais sa musique par écrit. Vestige de la
tradition orale. Ford a donc transcrit ces œuvres, dont les
partitions s’étirent sur des dizaines de mètres. Durant cette
performance, Ricky Ford nous a plongé dans une œuvre qui se déploie
avec naturel, qui sonne comme des improvisations, et dévoile un
versant inédit de l’artiste saxophoniste. Il tient d’ailleurs
volontiers le poète turc pour un précurseur de l’improvisation et
de l’état d’esprit jazz. Le jeu de Ford est puissant, nerveux,
et surtout intègre et libre. Magistral ! MP
Au Sunside, le 7 mars, leBlack Label Swingtet de Christian Bonnet (ts) et sa chanteuse,Sylvia Howard, reprenaient le répertoire de Duke Ellington.
De « Sophisticated Lady » à « Perdido », la
formation a honoré le compositeur de Washington D.C. avec un souci
pédagogique. Et si le groupe joue avec cœur, le niveau reste celui
de musiciens semi-amateurs. L'atout majeur de cette formation est
bien sûr la grande Sylvia Howard, qui a enregistré en 2012
(seulement !) son premier album en leader avec celle-ci (Jazz
Hot N°662). Bouleversante sur « Come Sunday », a
démontré une fois de plus la puissance de son art. JP
Le 12 mars, Willie Jones III (dm)
apporta au Duc des Lombards un groupe d’une musicalité énergique,
du genre qui met les pendules jazzistiques à l’heure de
l’indiscutable. L’âpreté bluesy de Justin Robinson (as), le
lyrisme introverti d’Eddie Henderson (tp), l’élégance de Danny
Grissett (p) et la précision inspirée de Darryl Hall (b) ont été
propulsée par le leader dont le drumming constamment passionnant
valait le détour. De « Daahoud » à « Con Alma »,
la plénitude rythmique du dialogue Hall-Jones et les interventions
acérées des solistes ont affirmé sans s’embarrasser de grands
discours la vitalité du jazz contemporain. JS
Le 28 mars, on pouvait entendreTrenet Manouche au Sunside-Sunset. Le trio, qui se
compose de Tony Bonfils (cb,
voc), David Gastine (g, voc) et Eve-Marie Bodet (vln, voc), rejoint
par l’excellent Samy Daussat (g), rend hommage à Trenet, à sa
légèreté et poésie. Bonfils a d’ailleurs enregistré avec
Trenet… Le quartet chante les titres fameux du répertoire, « L’âme
des poètes », « La mer », « Ménilmontant »,
etc., et compose une jolie chanson « Mr Trenet ». La
sincérité du quartet est réelle comme la complicité de ces
musiciens enjoués. MP
Jérôme Partage, Mathieu Perez, Jean Szlamowicz
Tina Brown & The Gospel Messengers
L'Astrada, Marciac (32), 21 décembre 2013
Le
concert annuel de gospel à Marciac nous a offert l’occasion de
partager un moment avec un ensemble de Chicago mené par Tina Brown,
disciple de Mahalia Jackson. Ces Gospel Messengers sont Rhonda
Preston, Deborah Jackson, Nancy Millsap, Frederic Bose (voc) et Frank
Menzies (p, voc). Tina Brown a débuté par un hommage à Mahalia
Jackson (« Didn’t It Rain »). Elle a ensuite donné à
chacun(e) l’occasion d’être soliste. Tout d’abord un classique
entre tous, « Down By the Riverside » par Frank Menzies.
Puis Rhonda Preston chante avec ferveur et swing un « Nobody
Like Jesus ». C’est a capella que le groupe interprète
« Lily of the Valley » avec Frederic Bose en soliste. La
plus jeune, Deborah Jackson, mène « I Got to the Rock ».
La voix d’alto de Nancy Millsap aura son moment de gloire avant une
version brutale de Frank Menzies de « Why Did You Call Jesus,
Jesus ? ». Tina Brown termine ce set avec « Oh Happy
Day » qui fait toujours un succès. Au cours de la deuxième
partie, le répertoire s’étend aux chants de Noël : « Holly
Night » en duo par Frederic Bose en falsetto accompagné avec
fantaisie par Frank Menzies, et « We Wish You A Merry
Christmas » par Tina Brown. Le feeling blues s’échappe de
« Lord You’ve Been Good to Me » par Nancy Millsap (plus
ancienne complice de Tina Brown) avec le piano de Menzies. Double
référence de Tina Brown avec accompagnement de piano dans « Come
Sunday » : à Mahalia Jackson et à Duke Ellington. Deux
bis, « Lean On Me » sur un rythme vaguement reggae, et un
incontournable, « Amen ». Un bon concert.
Michel Laplace
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