Jerome Harris en 2015 © Photo X, Collection Jerome Harris by courtesy
Jerome HARRIS
Jerome Harris est à l’aise dans toutes les
situations musicales, qu’il joue avec Sonny Rollins, Paul Motian, Julius
Hemphill, Jack DeJohnette, Bill Frisell, Amina Claudine Myers ou encore David
Krakauer. Il est l’un de ces rares musiciens à avoir une palette aussi large, à la
cultiver, à faire des allers-retours entre des pointures du jazz et des
musiciens d’autres contrées. Et parce qu’il est curieux de tout, et de musique
d’abord, il manie la basse électrique aussi bien que la guitare acoustique.
C’est ainsi qu’il s’est retrouvé à accompagner Sonny Rollins treize années
durant sur ces deux instruments, et Jack DeJohnette aux
percussions.
Jerome est né le 5 avril 1953, à Flushing, dans l’État de
New York. Pendant ses études à Harvard, qui le destinaient à une carrière
universitaire, il change de voie et s’inscrit à la New England Conservatory, à
Boston. Depuis lors, il a joué avec le gotha du jazz de ces quarante-cinq
dernières années. Il nous le raconte dans une interview passionnante, qui ne
saurait être exhaustive, où il parle aussi bien, et en détail, de son enfance à
Brooklyn que des musiciens qui ont jalonné son parcours. Nous y découvrons non
seulement un conteur, un témoin, un érudit, qu’un homme très fidèle en amitié. Il
était présent sur la scène parisienne avec Amina Claudine Myers, le 27 janvier
2023 au Kremlin-Bicêtre. Il l’était à
nouveau avec David Krakauer, le 10 mars, au Châtelet. L’année dernière, il
avait enregistré le disque The Wailing Sounds of Ricky Ford,
avec Ricky Ford, Mark Soskin et Barry Altschul –de vieux copains– marquant le retour du ténor aux
Etats-Unis.
Propos recueillis par Mathieu Perez Photos Jacky Lepage,
Andrew Hurlbut, Pat Kenny, Collection NEC by courtesy, Luisa Cairati, Deborah Feingold, Jerome Harris et X, Collection Jerome Harris by courtesy, avec nos remerciements.
© Jazz Hot 2023
Jazz Hot: Le 27 janvier 2023 au Kremlin-Bicêtre, à l’Espace Culturel André
Malraux, vous avez accompagné Amina Claudine Myers
(p, org, voc) et Thurman Barker (dm): un
concert magnifique! Vous avez enregistré trois disques avec Amina Claudine Myers; à quand
remonte votre rencontre?
Jerome Harris: J'ai commencé à jouer avec elle en 1984. Elle avait un gig
régulier au Greene Street Cafe, à Soho, à Manhattan. On jouait en duo, principalement
des standards. C’était un restaurant, mais on pouvait vraiment jouer. C'est là
que nous nous sommes rencontrés.
Qu’apprécie-t-elle chez vous?
Une de mes particularités, c'est que j'aime vraiment accompagner,
tout en exprimant ma voix musicale. C'est un élément très précieux et
traditionnel pour la section rythmique dans le jazz. Et j’aime quand le leader
veut une véritable interaction avec sa rythmique. Amina est comme ça. Je me
retrouve un peu en elle: au fil des années, elle a joué du straight-ahead, mais
aussi une musique plus exploratoire, du blues à Chicago, du gospel. A des
degrés divers de profondeur, j'ai cette expérience dans mon jeu. Je crois qu’elle
apprécie aussi que je sois quelqu’un de
professionnel. Le jazz, ce n’est pas un simple divertissement. Jouer en solo, c’est
une chose. Si vous ajoutez une basse, c’est un groupe. Un bassiste peut
vraiment changer la texture d'un instant ou d'une phrase musicale, parfois aussi
en ne jouant pas, en laissant entrer le silence. D'autres choses sont alors
mises en évidence.
A-t-elle beaucoup changé au fil des années?
Beaucoup? Non. Elle a exploré d’autres pistes. Je ne joue
pas dans tous ses groupes. Elle écrit de la musique pour un chœur, ce qui
n'implique pas de section rythmique. En concert, il y a des morceaux qu'on
jouait tout le temps et qu’on ne joue plus. Elle a changé son répertoire, mais
ce n'est pas un changement radical.
A la fin du concert, vous avez joué un blues. C’était vertigineux!
On s’est bien amusés. Amina peut vraiment jouer le blues!
Elle en a beaucoup joué à Chicago. Il y a le blues comme élément du jazz, mais
aussi le blues comme genre à part entier. C'est sympa de pouvoir jouer ça aussi
en concert, et à la guitare!
Une de vos caractéristiques musicales est votre très large
palette.
J’ai toujours été comme ça. Certaines personnes tombent
amoureuses d'un seul genre, et c'est tout ce qu'elles veulent faire. A une
époque, on pouvait aussi nous faire comprendre que telle musique était pour nous
mais pas telle autre. Dans le contexte américain, je pense à la musique noire
et à la musique blanche.
Vous ne venez pas d'une famille musicale?
Non, aucun de mes parents ne jouait d’un instrument. Ils n’allaient
pas non plus à des concerts ou en clubs. Ils n’étaient pas mélomanes, mais ils avaient
des disques de chanteurs de jazz comme Shirley Scott, Nat King Cole, Dinah
Washington, Dakota Staton… et aussi Mario Lanza (un chanteur lyrique et acteur américain d'origine italienne).
Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance à Brooklyn?
J'ai grandi à l’extrême Est de Brooklyn, dans le quartier
d'East New York, à la frontière du Queens. Je viens d’une famille ouvrière;
mon père travaillait dans le métro pour la Metropolitan Transit Authority. Au
début, il était cheminot puis il a été muté dans le département de la
distribution d'électricité. C'était un travail physique, pas de bureau. Ma mère,
pendant mes premières années, était femme au foyer, puis elle a commencé à
travailler comme aide-enseignante dans les écoles publiques de la ville de New
York. Par la suite, mon père a pris un travail de nuit à temps partiel à la poste. Nous
vivions dans un logement
social. A partir de 1960
environ, il y a eu un changement significatif, le White Flight (la «fuite des Blancs»); mes amis d'origine italienne
ou juive ont soudain déménagé; tout à coup, les habitants du quartier étaient
tous des Noirs, de plus en plus pauvres; j’avais 7 ans, je ne comprenais
pas ce qui se passait, mais je me souviens très bien de ça.
Où alliez-vous à l’école?
A l'école du quartier, à Brooklyn. Mais j'ai commencé à lire
tôt, et j’ai pu suivre des cours spéciaux, et pour ça je me rendais dans un quartier
voisin en bus. Là, il y avait plus d'enfants blancs. J’ai rencontré des jeunes de la classe laborieuse mais qui avaient plus d'argent que mes parents. Ensuite, j'ai passé un examen
pour entrer dans un lycée à Manhattan. Les lycéens appartenaient à la classe
moyenne.
Quels souvenirs gardez-vous de la culture afro-américaine à
Brooklyn?
Outre mon voisinage et les amis qui vivaient dans mon
bâtiment, j'avais une implication
limitée. Mon expérience à l'église était un peu étrange. Mes parents n'allaient
pas à l'église mais voulaient que j'aille à l'AME (African Methodist Episcopal
Church) et à l’office dominical. Jérôme Harris, autoportrait, fin des années 1960 © Collection Jerome Harris by courtesy
D’où venaient vos parents?
De Caroline du Nord où ils ont grandi dans des villes
voisines. Chaque été, nous passions nos vacances dans la famille. Le père de ma
mère était cultivateur de tabac. A partir de 13 ans, je travaillais dans les
champs de tabac avec mes cousins. A cette époque, il y avait encore la ségrégation; mes parents n’avaient pas encore acheté de voiture et nous faisions le voyage en bus.
Je revois encore des fontaines d'eau séparées dans le Maryland où le bus
faisait escale. A Washington, en Caroline du Nord, dans les snacks à
barbecue, les Noirs ne pouvaient commander des plats à emporter qu’à l'arrière.
Vos parents étaient-ils politisés?
Mon père était dans le syndicat des travailleurs du métro.
Une année, il y a eu une grosse grève, et il a participé au mouvement. Mais
aucun de mes parents n’allait aux manifestations pour les droits civiques, même
si la plupart des gens de la classe ouvrière sympathisait avec ce mouvement. On
s'inquiétait des violences policières, on ne pouvait pas se priver d’une
journée de travail pour faire grève, car il fallait nourrir sa famille. Je me
souviens des adultes parlant de la tactique à adopter. A l'époque, Robert F.
Williams avait publié le livre Negroes with Guns (ndlr: 1962). C'était un livre
controversé sur l'autodéfense; mon père en avait un exemplaire. Les adultes
s’interrogeaient: la stratégie non violente est-elle la meilleure? Faut-il
s’armer? Je me souviens de discussions un peu partout, chez des amis, au salon
de coiffure, etc.
Vos parents sont-ils restés à Brooklyn toutes ces années?
Ils se sont installés à Brooklyn en 1954, venant d'un logement social à Flushing (dans le Queens), et ils sont repartis en
Caroline du Nord vers 1971. Le père de ma mère avait décidé d'arrêter
l'agriculture et possédait du terrain. Il l’a divisé en fonction du nombre d’enfants
et le leur a donné. Sur leur parcelle, mes parents ont fait construire une
maison. Ma mère s'y est installée environ deux ans pour surveiller les travaux de construction.
Mon père est resté à Brooklyn un an ou deux pour toucher sa retraite à taux
plein.
A quoi ressemblait Brooklyn quand ils sont repartis?
Les immeubles n’étaient plus entretenus, le travail s’était
détérioré. Les hommes étaient partis laissant les femmes élever seules leurs
enfants, la criminalité augmentait. Il y avait des gangs dans les quartiers
voisins de l'East New York. Dans l’immeuble de mes parents, il y avait plus d’ordures,
des gens urinaient dans les escaliers… C’était devenu invivable.
Jerome Harris lors d'une répétition
de Ghetto Mysticism, Boston, années 1970
© Photo X, Collection Jerome Harris by courtesy
La guitare est-elle votre premier instrument?
Non, à la maternelle, j’ai commencé par l’accordéon. (Rires)
A l'école primaire, je voulais jouer du saxophone alto ou de la flûte, mais j'ai dû choisir un instrument à cordes, alors j'ai pris le violon. En fait, je
voulais un instrument avec lequel je pouvais chanter et jouer avec des copains.
C’étaient les années où la guitare était très présente dans la
musique. Au lycée, je jouais dans des groupes, dans des bals, je
répétais avec des copains au sous-sol de l'église. Je ne pensais pas qu’une
carrière était possible, j’aimais juste jouer de la musique. Ce n'est qu’à l’université
que ce choix s’est fait. Je suivais un cycle Bachelor of Arts en psychologie
sociale, à Harvard. Cela menait à une carrière universitaire, et ça ne
m’intéressait pas. En dehors des cours, je passais tout mon temps à la radio de
l’université, WHRB, où je travaillais. Il y avait une collection de disques
énorme, avec des départements
de jazz, de folk, de musique
classique, et plus tard, de pop/rock et de RnB. Je programmais des émissions et
les annonçais à l’antenne. Je passais plus de temps à la radio qu’à étudier! Et
puis, les Kuumba
Singers, la plus ancienne association
noire qui existe sur le campus d’Harvard, et qui a un chœur, cherchaient un
bassiste. Et je les ai rejoints. Est-ce que des groupes de jazz venaient à Harvard pour des
concerts?
Pas vraiment. Il faut savoir que la plupart des activités
parascolaires doivent se financer elles-mêmes, car elles ne reçoivent pas
beaucoup de soutien des universités. Parfois, des musiciens venaient jouer un
concert en solo. Je me souviens d’un concert de Cecil Taylor, j’avais assisté à
la répétition. Il jouait tout en octaves, c'était incroyable! Le concert était
incroyable! J'avais vu les Grateful Dead au MIT. Certaines écoles mettaient les
moyens… La région de Boston était un grand centre de musique folk et
acoustique. J’ai assuré le son au concert de James Taylor en solo, avec Bonnie
Raitt, alors étudiante à Radcliffe, en première partie.
Vous avez donc quitté Harvard pour étudier au New England
Conservatory, à Boston. Pourquoi le choix de cette école en particulier?
NEC avait la réputation de cultiver l'individualité de
chaque musicien. Le peu que j’en savais m’attirait. L'autre chose est que
Berklee semblait se composer d’une majorité de guitaristes et de batteurs qui y
passaient juste un an ou deux, acquéraient une certaine technique et partaient
sans même avoir terminé leurs études. Moi, je voulais savoir ce que faisaient
les pianistes, les trompettistes, les saxophonistes, etc. Et, au fond, je ne
voulais pas être avec un groupe de guitaristes comme moi. (Rires) J'ai postulé
à NEC et à Berklee, mais seul le NEC m'a offert une bourse. Ça tombait bien,
c’est là où je voulais aller.
Qui étaient vos profs?
Je suis un autodidacte, donc, suivre des cours de théorie
m’a fait beaucoup de bien. Mon prof de théorie de première année était Lyle Davidson, qui a enseigné
pendant plusieurs décennies au NEC. Il était brillant, j'ai beaucoup
appris de lui. Lyle était proche de la pianiste Luise Vosgerchian qui avait enseigné à
Harvard. Tous les deux avaient développé une formidable méthode d'exercices de
mélodie. A partir de deux à quatre fragments de notes qui dérivaient du chant,
du chant ancien notamment, il fallait composer des mélodies. Puis, Lyle
modifiait les paramètres, ça pouvait donner quelque chose de plus abstrait.
Cela m'a fait comprendre ce que sont les éléments fondateurs des mélodies, ce
qui les rend différentes les unes des autres. La mélodie n'est pas aussi
codifiée que l'harmonie. Pour beaucoup de gens, le rythme est peut-être davantage
codifié… en tout cas dans la musique occidentale. Lyle et Luise n’ont jamais
publié leur méthode. C’est dommage, cela aurait été un service rendu à
l'éducation musicale. Je n'ai pas beaucoup de regrets dans ma vie, mais je
regrette vraiment de ne pas avoir conseillé à Lyle de publier tout ça. Je n'ai hélas
plus mes notes de l’époque…
D’autres profs vous ont-ils marqué?
Mon prof de théorie de deuxième année était Joe Maneri (as,
ts, cl, p, 1927-2009). Ensuite, tout le monde dans le département de jazz devait passer au
moins un an à étudier avec George Russell son concept
chromatique lydien d'harmonie. En 2009, j'ai organisé un événement autour de
George, à l'occasion du 40e anniversaire du département de jazz du NEC, ça
s'est très bien passé. J’aurais aimé qu'il y ait plus de monde. La liste des
participants était incroyable. Gunther Schuller a attrapé la grippe, il n'a
donc pas pu y assister. Je me souviens durant mes années d’études de l'avoir vu
diriger du Schoenberg avec les élèves. C’est une musique difficile! Il
dirigeait également le big band. Les chefs d'orchestre tournaient. Il y avait
George, Gunther
Schuller,
Carl Atkins, Jaki
Byard, et des
invités.
Jerome Harris et Ran Blake, NEC, 1976
© Pat Kenny, Collection NEC by courtesy
Quels étaient vos rapports avec Ran Blake?
Ran dirigeait le département du Troisième courant. Il y
enseigne toujours! Ce département était très petit. Donc, il faisait appel à
des étudiants du département de jazz et d'autres. J'ai joué un peu avec Ran et
avec les étudiants du Troisième courant. J'ai rencontré Jezra Kaye, qui est
devenue mon épouse, en allant à un cours de Ran. (Rires) Elle étudiait avec lui.
Ran enseignait-il sa méthode d’apprentissage à l’oreille?
Tout à fait. Je n'ai pas officiellement étudié avec lui,
mais j'ai eu quelques interactions musicales. J'ai aussi pris des cours de
composition avec William
Thomas McKinley, dans le département de
composition.
Des profs de guitare?
Durant mes deux premières années, il n'y avait pas de prof
de guitare jazz. Robert Paul Sullivan enseignait la guitare classique. Il
jouait également de la mandoline classique. Certains des guitaristes classiques
trouvaient qu'il n'était pas le meilleur prof de guitare classique. Une chose
que je n'ai pas apprise de lui, c'est comment utiliser un métronome. (Rires) Je
l'ai appris d'un étudiant tromboniste. (Rires) Rappelez-vous que j'étais
autodidacte…
Qui étaient vos héros musicaux à cette époque?
Pour les guitaristes, j'aimais Wes Montgomery, George
Benson, Jimi Hendrix, Larry Coryell, Jim Hall, Doc Watson, Leo Kottke. Plus que
les guitaristes, j’adorais Miles Davis, Sonny Rollins, John Coltrane, Bird,
McCoy Tyner, Wayne Shorter. Je n’utilise pas trop le terme héros… Ils m’ont
tous inspiré. J'ai fait pas mal de transcriptions de solos, ou j’apprenais à
l’oreille. Je l'ai fait avec des thèmes de Miles, de Trane, avec le solo de
Larry Young sur «Monk Dream», de l'album Unity.
Gunther m'a fait découvrir le groupe d'Ellington avec Jimmy Blanton et Ben
Webster. Il transcrivait leurs thèmes pour le big band du NEC, cette musique a
été une révélation pour moi. Je connaissais un peu Ellington mais pas en
profondeur. Outre les compositions et les arrangements, je découvrais Jimmy Blanton. A son époque,
il n'y avait pas beaucoup de bassistes qui swinguaient aussi fort. Un disque
que j’adorais était celui de Jimmy Smith et Wes Montgomery, Jimmy & Wes: The
Dynamic Duo
avec des arrangements d'Oliver Nelson. (Rires)
Vous avez étudié l’histoire de la guitare jazz?
Je n'ai pas étudié toute l'histoire de la guitare jazz, j'ai
des points de repère. J’ai écouté les guitaristes pré-Charlie Christian, comme
Eddie Lang, George Barnes, Carl Kress, Lonnie Johnson. Mais je suis curieux de
toutes les dimensions du jazz. Je ne suis pas un guitariste qui n’écoute que des
guitaristes.
Qui étaient vos contemporains au NEC?
Au NEC, Fred Hersch, Ed Schuller, avec qui je jouais sous la
direction de Jaki Byard ou de son père, Gunther Schuller. Stanton Davis a
obtenu son diplôme juste avant que j’arrive; Alan Pasqua était un peu en avance
sur moi; Anton Fig… A Boston, il y avait Marty Ehrlich, Ricky Ford, Bill
Frisell. Dans le groupe de Stanton Davis, Delmar Brown jouait des claviers.
J'ai joué avec Bob Moses, j'ai fait une tournée européenne avec lui et Tiger
Okoshi.
Vous jouiez de la guitare?
Au NEC, je jouais de la guitare. Les concerts, je les
faisais à la guitare-basse. Du fait du rôle de la basse, ma connaissance de l'harmonie
était suffisante pour pouvoir fonctionner en situation de jazz. Mais j'ai dû
travailler pour arriver au niveau.
Comment s’est opéré le choix de la basse électrique plutôt
que de la contrebasse?
J'adore la contrebasse. Techniquement, c'est un instrument
différent de la guitare-basse. A un moment donné, j'ai pensé acheter une
contrebasse, mais j’aurais dû laisser tomber au moins la guitare-basse ou la
guitare le temps de développer ma technique. Très franchement, je ne voulais
laisser tomber ni la guitare ni la guitare-basse. Et j'avais une bourse
d'études pour étudier la guitare ainsi qu'un prêt étudiant. Je ne vivais pas
dans un dortoir mais dans un appartement. Pour payer le loyer et la nourriture,
je faisais des gigs à la guitare-basse. Je ne pouvais pas me permettre de ne
plus jouer de ces deux instruments.
Des souvenirs de jams?
Au Wally's Cafe, près
du NEC, il y avait des jam sessions régulières. C'était un pilier de Boston, un
lieu de rencontre pour les étudiants. J'ai rencontré le pianiste Dave Stewart qui
y jouait beaucoup avec Ricky Ford. Il y avait aussi la pianiste et chanteuse
Kathryn Farmer.
Vous vous liez alors avec Ricky Ford. Qu’est-ce qui le
distinguait des autres?
Ricky était un jeune phénomène au ténor. A cette époque,
beaucoup étaient sous l'emprise de Coltrane, Joe Henderson, Bob Berg, Dave
Liebman. Ils n’étaient pas nombreux à être aussi influencés par des ténors plus
anciens, comme Coleman Hawkins, Lester Young, Don Byas. Ceux-là, Ricky les étudiait.
Vous l’entendiez dans son expression ainsi que
dans la façon dont il aborde l'harmonie, cela le rendait différent. Et
puis, il était attiré par les aînés, par ce qu’il recherchait, par son
tempérament et par l’intérêt qu’il leur portait; il était accepté par eux. Pour
parvenir à cela, il faut avoir une certaine façon d'être au monde qui convient
à ces aînés. Il n'a jamais semblé avoir de difficulté à être adopté
professionnellement et dans une certaine mesure personnellement par des
musiciens comme Mingus; et Mingus était connu comme un leader sévère. Ricky a
aussi travaillé avec Mercer Ellington. C’est un musicien très ouvert, il veut swinguer.
Sa musique est très enracinée dans le blues.
Un souvenir avec Ricky en particulier?
Une des premières fois où j'ai vu Sonny Rollins, c’était au
Paul's Mall, à Boston. Ricky a tapé le bœuf avec lui. Les voir ensemble sur
scène, c’était comme voir le maître et son protégé. Il avait clairement
beaucoup étudié le jeu de Sonny. Et Sonny a été marqué par Coleman Hawkins. C’était
parfait! (Rires)
Boston était une des grandes destinations pour les groupes
de jazz. Quels concerts vous ont marqué en tant que spectateur?
Ornette avec Dewey Redman, Charlie Haden et Ed Blackwell.
Mingus, avec Roland Hanna, Dannie Richmond, je ne me souviens plus des autres.
Freddie Hubbard, je l’ai vu plusieurs fois, avec Junior Cook, Kenny Barron et
Louis Hayes. George Benson, évidemment… J'aimais beaucoup Woody Shaw. Charles Tolliver
et Stanley Cowell sont venus une fois au NEC. Je me souviens les avoir
rencontrés mais pas de les avoir vus en concert à Boston. Leur groupe Music Inc.
m'a fait une énorme impression. J'adorais le solo de Stanley sur «On the Nile».
Avez-vous étudié avec Jaki Byard?
Au NEC, j'ai pris quelques leçons avec lui. Mais la façon
dont il enseignait ne me correspondait pas si bien. Je ne lui en veux pas. Je
n'étais qu'un débutant. Fred Hersch a écrit sur ses leçons avec lui. Il avait
plus de compétences en tant que musicien, et il était pianiste. Dans une
certaine mesure, l'enseignement de Jaki était centré sur le piano. Plus tard, à
New York, j'ai eu le culot de pourchasser Jim Hall et de lui demander une
leçon. Mais quand on s’est vus, tout ce qu'il a dit, c'est que j’étais sur la
bonne voie et de continuer à faire ce que je faisais… J’étais alors intrigué
par la façon dont il avait accompagné Bill Evans sur «My Funny Valentine» dans
le disque Undercurrent. Jim joue
quelques chorus de guitare rythmique derrière Bill, un peu à la Freddie Green.
C'est une compétence qui demande un travail certain, mais je
ne savais pas comment le développer. C’est ça que j’aurais aimé lui demander,
mais j'étais trop timide. Et il ne m'a pas demandé pourquoi je voulais le voir.
Un bon enseignement consiste à comprendre ce qui pourrait intéresser l'élève, même
si celui-ci ne le dit pas explicitement. Un bon élève, c'est celui qui pose les
bonnes questions. Parfois ça ne vient que de l'enseignant, parfois que de
l'élève. Parfois, cela fonctionne des deux côtés.
Comment expliquez-vous l’essor de la technique au détriment
du feeling?
C’est une question complexe. De manière générale, je dirais
qu’avec l'enseignement du jazz, certains aspects codifiables de la technique ont
été codifiés et enseignés. Il y a aussi moins de public très pointu
musicalement aux jam sessions, c’est-à-dire capable de réagir à ce que vous avez
joué. Il y a surtout moins de contextes pour se développer sur scène et se
faire botter les fesses par les aînés. Le jazz est une musique syncrétique,
historiquement. C'est un mélange de blues, de gospel, de musique populaire, de toute
l'expérience afro-américaine. Et puis, le jazz est devenu un genre à part
entière. Les musiciens maitrisent moins l’histoire globale, par exemple, de
Louis Jordan à Geri Allen, en passant par Illinois Jacquet, Arnett Cobb, Muddy
Waters, Miles, Bird, Keith Jarrett. Et ils sont donc moins nombreux à trouver cet
équilibre, comme a pu le faire Amina Claudine Myers, dont on parlait au début
de cet entretien.
Vous avez accompagné Sonny Rollins durant 13 ans.
Comment avez-vous rejoint son groupe?
Sonny m’a passé un coup de fil. Je pensais que c’était un
canular. Il m’a dit qu’il jouait au Paul’s Mall et qu’il avait besoin d’un
remplaçant pour son bassiste pour un soir. Je ne sais plus qui était son
bassiste. Le pianiste Webster Lewis, qui enseignait au NEC et qui connaissait
Sonny, m’avait recommandé. Sonny m’a dit d’acheter son dernier disque car on
jouerait des thèmes qui sont dessus, et qu’on se rencontrerait avant le concert
pour répéter. Le concert se passe, quelques semaines plus tard, Sonny m’a
rappelé pour me proposer du travail.
Dans quel état d’esprit étiez-vous?
J'ai eu beaucoup de chance, car j’étais préparé. Le
répertoire de Sonny se composait de thèmes de jazz, de thèmes de l'American
Songbook, de ses compositions originales et de calypsos. Il se trouve que
j'avais joué des thèmes de jazz, de l'American Songbook et des calypsos. A
Boston, j'accompagnais le saxophoniste Bill Thompson et le pianiste cubain
Orville Wright. Tous deux avaient des origines caribéennes. C'était à peu près
le même répertoire. Mais avec Sonny, le niveau d'intensité était beaucoup plus
élevé! Donc je comprenais son concept musical. Je me suis dit que je pouvais
l’accompagner.
Aviez-vous joué avec des musiciens de sa génération?
Non. Un peu avec Jaki Byard au NEC et avec son orchestre,
les Apollo Stompers.
L’amour vache caractérise les musiciens de cette génération.
Hou là! (Rires) Le truc avec Sonny est que lorsqu’il
n'aimait pas ce qui se passait sur scène, il le disait mais pas de façon
précise. Enfin, pas toujours. Avant Sonny, j'avais joué avec des musiciens plus
free, comme Oliver Lake et Michael Gregory Jackson. J'écoutais Dave Holland,
Anthony Braxton, j'aimais cette interaction avec les leaders. Ça s’entendait
dans mon jeu. Sonny ne voulait pas de ça. Parfois, si j’étais un peu trop
présent, il me faisait signe de retourner à ma place de bassiste dans la
section rythmique. De manière générale, ce n’était pas si précis. C’était à
vous de comprendre ce qui n’allait pas et de trouver une solution. C’est pour
ça que beaucoup de musiciens disaient de lui qu’il était old school. Parfois, c’était très frustrant quand moi et les autres
membres du groupe, on ne comprenait pas ce qu’il voulait. Par exemple, lors
d’une tournée au Japon. Le groupe se composait de Sammy Figueroa aux congas,
Mark Soskin au piano, Clifton Anderson au trombone, Al Foster à la batterie. On
jouait «The Cutting Edge». Sonny fait son solo et parfois il manque une
croche. Moi, je me demande si je vais avec Sonny ou si je reste avec Al. Est-ce
que la rythmique s’adapte à Sonny ou Sonny va-t-il s'adapter à nous? La
situation est devenue très inconfortable à plusieurs reprises. Une fois, nous étions
dans un avion, Sonny revient de la classe affaires pour me voir et me tend un
papier. Il avait écrit: «Joue juste l'ostinato». Ok! Malgré cela, le
problème n’était pas réglé. J’ai demandé à Al si ça venait de moi. Il m’a dit
que c'était Sonny. En fait, lorsque vous jouez, vous écoutez à la fois votre
moi intérieur et le groupe. Parfois, vous pouvez avoir une absence. J’ai fini
par redouter de jouer ce morceau. En sortant de scène, Sonny était furieux. Une
fois, Sammy a essayé de dire très diplomatiquement que le problème venait de
lui, mais pas explicitement. C'était la dernière tournée que Sammy a faite avec
Sonny pendant de nombreuses années. Il n'a jamais dit pourquoi. Plus tard, il
nous a virés, Mark et moi. On a appris qu’il jouait un concert au Bottom Line,
à New York, avec un autre bassiste et un autre pianiste. On a été hors du
groupe pendant trois ans et demi, de 1981 à 1983. Et puis, à l’été 1984, il nous
a rappelés et nous a demandé de revenir. Cela avait-il à voir avec ce qu’il
s’était passé avec «The Cutting Edge»? Je ne lui ai jamais demandé...
Quelle relation aviez-vous avec lui?
Sonny avait tendance à traîner
avec sa femme Lucille qui voyageait la plupart du temps avec le groupe, ou avec
des gens de son âge. Il y avait une séparation des générations. Parfois, en
voyage, on discutait. Il s’intéressait à la politique mais n’en parlait pas en public.
Il discutait des questions environnementales. Je me souviens de l'avoir vu lire le
périodique publié par le National Resources Defense Council. Cela m’avait
frappé. On a parlé des problèmes environnementaux, de la pollution. Vous pouviez
avoir une conversation amicale s'il était d'humeur, mais il y avait toujours une
distance. C’était une relation de travail; cela ne m'a pas dérangé du tout.
Au niveau musical?
Je l’ai accompagné durant sept ans à la guitare-basse et six
ans à la guitare. Je ne sais pas si je suis celui qui a joué le plus longtemps
avec lui, peut-être, peut-être pas… Combien de temps ont joué avec lui Bob
Cranshaw, Jim Hall, Bobby Broome, Russell Blake, Peter
Bernstein, Russell Malone? Je n’ai jamais regardé…
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Sonny Rollins, Jerome Harris, Clifton Anderson, Mark Soskin, Milan, 1987
© Luisa Cairati, Collection Jerome Harris by courtesy
Comment le passage s’est-il fait entre guitare-basse et
guitare?
La première fois que j'ai joué de la guitare avec Sonny, ce
n'était pas techniquement avec lui. On enregistrait le disque Dancing in the Dark, en 1987. Je jouais de la guitare-basse sur
cette session. J'avais une certaine connaissance du reggae. J'avais joué avec
Oliver Lake dans Jump Up. J'écoutais déjà
du reggae quand le film The Harder They
Come (de Perry Henzell) est
sorti en 1972. Avant cela, j’avais l'album de Jimmy Cliff Wonderful World, Beautiful People. La façon dont les bassistes
reggae abordent le jeu de la basse m'a influencé. Donc, on a enregistré une
prise de «I'll String Along With You» puis on a fait une pause. Marvin Smitty Smith
et moi, on traînait dans la salle d'enregistrement. Je me suis mis à jouer ce
morceau dans un style reggae. Et Smitty s’est mis à jouer du reggae. Il s’avère
que Sonny avait tout entendu, car il venait d’entrer dans la salle
d’enregistrement. Ce qu’on jouait lui a plu. Clifton Anderson savait que
j’avais une guitare à l'hôtel, que j’avais apportée juste pour m'entraîner. Il
a dit à Sonny que le thème sonnerait bien avec une guitare rythmique. Et c’est
ce qui s’est passé. Je pense que c'est la première fois que Sonny m'entendait
jouer de la guitare. Des mois plus tard, il m'a appelé pour faire quelques gigs
et a précisé qu'il voulait que je joue de la guitare. Ça m’a surpris, je ne
cherchais pas à jouer de la guitare dans son groupe. J'étais très content de
jouer de la guitare-basse.
Qu’est-ce que cela a changé pour vous?
Cela n'a certainement pas affecté ma relation avec le
bassiste qui était Bob Cranshaw, j'adorais jouer avec lui! C'était un rôle
différent dans le groupe, un rôle que j'ai dû trouver, créer, faire évoluer.
Avoir deux instruments à cordes dans un groupe peut nécessiter une certaine adaptation,
en particulier dans une situation de jazz. Sonny préférait que le piano soit l’accompagnateur
principal, il fallait que je trouve ma place. Sur certains morceaux, je faisais
des solos. L’équipe était soudée: Al Foster est devenu le batteur principal
pendant une bonne partie de cette période où j'étais à la guitare. Il y a eu
aussi Tommy Campbell, un peu Yoron Israel, Greg Williams, et puis Billy
Drummond.
Jerome Harris (avec Sonny Rollins), Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, avril 1989 © Jacky Lepage
Qu’appréciait Sonny Rollins chez Mark Soskin?
Mark était solide, tout ce dont Sonny avait besoin était là.
A un moment, il y a eu Delmar Brown. Mais il avait une approche trop personnelle
pour lui. Je pense que Sonny voulait quelqu'un de plus traditionnel, ce qu’était
Mark.
Et chez vous?
A la guitare-basse, je pense qu'il appréciait que je puisse
swinguer. J'ai été très chanceux d'être l'un des bassistes qu'il a utilisés. Il
n'y avait pas beaucoup de musiciens de sa génération qui s'intéressaient à cet
instrument. Il y avait cette idée que les joueurs de guitare-basse ne savent
pas jouer. Alors qu’on peut swinguer dur! A la guitare, pareil. Je voulais
servir sa musique, sans être envahissant. Je suis très reconnaissant d’avoir
été dans le groupe quand Sonny a décidé de jouer «Tennessee Waltz». C'était un thème
country mais version Sonny, et dans une tonalité où je pouvais jouer dans une
veine pedal steel guitar. Et ça marchait!
C'était sympa de pouvoir faire ça. Je pense aussi que Sonny aimait ma façon de
jouer du calypso.
Y avait-il des mauvais soirs?
Très franchement, non. Quand on était tous connectés, on
jouait une musique d’une intensité et d’un niveau supérieur. Il y a eu des
échanges incroyables entre lui et Al Foster
Quand on parle des échanges entre certains grands leaders, en particulier les
saxophonistes, avec leurs batteurs, on pense à Ornette Coleman et Billy Higgins
ou Ed Blackwell, Trane et Elvin. Je mettrais Sonny et Al à ce niveau-là. Sans hésiter!
Un souvenir de concert en particulier avec Sonny Rollins?
A Austin, au Texas, au Armadillo World Headquarters.
Ce n’était pas un club de jazz, il y avait toutes sortes de musique. La salle
avait une scène surélevée. Devant, il y avait un espace ouvert devant les sièges du premier
rang. Pour terminer
le set, on a joué une ballade. Tout à coup un certain nombre de couples se sont
levés et ont commencé à danser. J'ai compris que cet espace devant était en
fait la piste de danse. Quand les spectateurs se sont mis à danser, Sonny nous a
fait signe de continuer. Il est allé chercher au plus profond de son être le Coleman
Hawkins qui est en lui. Ce qu’il a joué était sublime! On était tous bouche bée.
Jerome Harris (g), Bob Cranshaw (eb), Greg Williams (dm), Sonny Rollins (ts), Clifton Anderson (tb), Vitcor See-Yuen (cga, à l'arrière), Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, 11 octobre 1993 © Jacky Lepage
Où jouiez-vous avec Sonny Rollins?
Dans beaucoup d’universités, il a pu entrer dans ce circuit.
Il y avait aussi les festivals. Quand je l’ai rejoint, il avait presque arrêté
de jouer dans les clubs. En 1979, par exemple, on a joué au Rockefeller à
Houston, au Texas. Puis, au Middlebury College, dans le Vermont, et à
l'Université de Binghamton, NY. A chacun de nos déplacements, on faisait trois
ou quatre concerts. En 1980, on a joué à Tampa, en Arizona, au Roxy, à Los
Angeles, au Great American Music Hall à San Francisco. On n'était pas sur la
route toute l’année. En 1980, j’ai compté treize périodes de travail, dont une
tournée européenne (cf. vidéographie) de deux semaines et demie. A l'époque, c'était beaucoup, et
c'était juste avec Sonny!
Avec quels autres groupes travailliez-vous au début des
années 1980?
En plus de Sonny Rollins, je travaillais avec le groupe Jump
Up d'Oliver Lake. En 1983, par
exemple, on a joué quatre fois au Sweet Basil mais aussi à l’Irving Plaza, au Danceteria,
au Soundscape, au Hurrah, au Tear 3, des clubs new-wave. J’accompagnais aussi des
chanteuses locales de New York, j’ai enregistré un album de démo avec Richard
Lyon, un excellent compositeur qui n'a jamais réussi à faire carrière. J’ai travaillé
avec le guitariste Michael Gregory Jackson, Bob Moses, j’ai fait des concerts
avec Stanton Davis…
Oliver Lake (as) et Jerome Harris (g) avec Jump up, Abidjan Radio Broadcast, 1982
© Photo X, Collection Jerome Harris by courtesy
Avez-vous participé à la scène loft?
Je me souviens d'être allé à des concerts au Studio Rivbea (chez Sam et
Bea Rivers à NoHo, NYC), j'y ai peut-être joué une fois lors d'une
jam session.
Aviez-vous un club de prédilection?
J’allais peut-être plus souvent au Sweet Basil parce que j'y
jouais souvent et j'y allais aussi pour écouter des musiciens que je
connaissais.
Lorsque vous n’étiez pas avec Sonny Rollins, vous travailliez
avec des groupes plus free. Était-ce un choix artistique?
Oui. Cela dit, il y avait des gigs straight-ahead avec des
chanteuses. J'aime différents styles de jazz et de musiques en général. Une
fois, j'ai joué deux soirs avec le Walter Davis Trio au Tin Palace
(à Bowery,
NYC), en 1980. J’ai aussi fait quelques concerts avec le
saxophoniste ténor Dwight Andrews que j'ai connu sur la scène de New Heaven. Je
crois que c’est là-bas que j’ai rencontré Pheeroan akLaff, Jay Hoggard. Marty
Ehrlich de qui j’étais proche connaissait tous ces musiciens et jouait avec
eux.
Y avait-il un sentiment de communauté entre les guitaristes,
comme il pouvait y en avoir un entre les batteurs?
Il y avait une communauté du jazz en général. Il n'y avait
pas autant de guitaristes à l'époque. Mais il y en avait quelques-uns. J'ai
joué avec Brandon Ross dans Jump Up. Parfois,
il y avait deux guitaristes dans ce groupe. J'ai rencontré Ed Cherry qui
travaillait avec Dizzy Gillespie. Nous n'étions pas très proches, mais on se
connaissait. James Emery… J'ai travaillé avec Michael Gregory Jackson…
De quels musiciens étiez-vous le plus proche?
Marty Ehrlich, Tommy Campbell, Pheeroan akLaff; il y avait
une camaraderie avec Jay Hoggard, Dwight Andrews, le bassiste Billy Grant qui
était dans Jump Up; Mark Soskin, de toutes les
années passées à jouer avec Sonny.
Vous avez toujours vécu à Brooklyn?
Oui. Quand j'ai déménagé pour la première fois à New York,
j'ai cherché un appartement à Manhattan, je n'ai rien trouvé que je puisse me
permettre, sauf à Brooklyn.
De nombreux musiciens avec qui vous avez été associé sont
membres de l’AACM. Vous n’avez jamais désiré rejoindre cette organisation?
Très franchement, l'idée ne m'est jamais venue. (Rires) J'étais
tellement impliqué en tant que sideman, même si j'ai fait un disque en leader en
1986. Je n'essayais pas de devenir un leader. Donc, je ne sais pas si j'aurais
été un membre approprié pour l’AACM.
De gauche à droite: Don Alias, Jack DeJohnette, Michael Cain, Jerome Harris, 1997 © Deborah Feingold, Collection Jerome Harris by courtesy
Vous avez travaillé avec certains des musiciens de jazz les
plus créatifs. Jack
DeJohnette semble
tenir une place de choix.
Je n'ai enregistré que deux fois avec lui. Oneness et un live du quintet au Yoshi à
Oakland. Mais j'ai joué avec lui dans plusieurs autres configurations jamais
enregistrées. Après le départ de Don Alias, Oneness a continué en trio. Je
jouais de la guitare-basse, de la guitare et des percussions parce que cet
élément nous manquait. Je suis comme un batteur frustré, et j'ai étudié un peu
la percussion. Donc, j’étais la première personne à monter sur scène et la
dernière personne à partir, car je devais emballer la guitare, la guitare-basse
et les percussions. C'est Jack qui m'a encouragé à me mettre aux percussions
lorsqu’on répétait chez lui. Le groupe faisait déjà de la musique improvisée pour
passer d’une composition à une autre. Je pouvais passer de la guitare au
tambourin ou au djembé. Me voilà à jouer
des percussions avec Jack DeJohnette! (Rires) J’ai travaillé dur, je devais
m'assurer que j’étais très solide! (Rires) Ce trio n'a jamais été enregistré. Il
y avait aussi un groupe avec Bill Frisell. Un autre avec John Surman, son fils Ben
Surman et la chanteuse Marlui Miranda. John jouait du saxophone soprano et des
claviers, Ben du sax électronique. J'ai fait une tournée européenne avec eux. Jack
avait aussi un trio avec Foday Musa Suso, joueur de kora. Jamais enregistré. Il
y a eu une tournée en quartet avec Danilo Pérez et John Patitucci. Jamais
enregistré. Jack avait son groupe latin avec Don Byron (cl), Edsel Gomez (p),
Giovanni Hidalgo et Luisito Quintero (perc). Jamais enregistré. Le quintet avec
George Colligan (p), Rudresh Mahanthappa (as), David Fiuczynski (g), a été
enregistré live. Donc, j’ai beaucoup joué avec Jack. C’est un leader et un
compositeur très inspirant. Il vient de me contacter pour jouer avec le
guitariste Marvin Sewell, plus tard cette année.
Comment votre relation musicale avec lui a-t-elle évolué ?
Ce que j’aime chez lui, c’est qu’il a trouvé un équilibre entre
un jeu traditionnel et un jeu ouvert. Il y a des musiciens qui ont tendance à
être d'une manière ou d'une autre. Jack incarne une fusion intéressante de ces deux
éléments. C'est inspirant de travailler avec quelqu’un qui reste très ouvert
tout en étant très ancré. Cela correspond aussi à mon esthétique personnelle.
Je fais ce que la situation musicale exige. Au début de notre collaboration,
j’avais du mal à me connecter musicalement à Jack. J'ai dû apprendre à lui
faire confiance. Parfois, j'étais perturbé par certaines choses qu'il jouait. Et
puis, j'ai compris que je devais me détendre, garder le rythme, et tout irait
bien. Que ce soit Jack ou Elvin Jones, chaque batteur a son propre microtiming.
Et cela peut varier dans une même mélodie. Repérer où ils se situent, aller là
où ils sont et savoir où je suis, c'est la responsabilité d'une bonne
rythmique. Quand j'ai compris tout ça, j'ai su que je pouvais jouer avec lui.
Vous avez participé à des tournées organisées par le
Département d’État des Etats-Unis. Où êtes-vous allé?
La première, c’était avec Oliver Lake et son groupe Jump Up,
en 1982. Cela a duré un mois. On est allé au Togo, au Libéria, au Malawi, au
Swaziland et en Côte d'Ivoire. C’est une expérience qui a changé ma vie.
C'était ma première fois sur le continent africain, ce qui a une signification
particulière pour les Américains de la diaspora africaine. En voyant comment
vivaient certaines personnes, je me suis dit que ce n’était pas si loin de ce
que mes grands-parents avaient pu connaître en Caroline du Nord, d'une certaine
manière. En ce qui concerne l'expérience musicale, c’était super, les gens
appréciaient ce que nous faisions. Ils avaient déjà entendu du jazz et du reggae,
et ont aimé la façon dont on en jouait. Quand je suis parti en Inde avec Jamie
Baum, dans le cadre d’une autre tournée du Département d’État, l’expérience
était très différente. Lors d'un concert, on a compris qu’on était les premiers
occidentaux que le public voyait.
Vous êtes retourné en Afrique en 2002 avec Sam Newsome et
Marvin Sewell.
On est allé au Malawi, à l’Ile Maurice, à Madagascar, au
Botswana, au Mozambique. C'était peut-être la première fois de Sam en Afrique. Pendant
cette tournée, je me souviens d'avoir fait plus de workshops avec des musiciens
locaux. On a vu des joueurs de balafon au Mozambique et de valiha à Madagascar.
Marvin Sewell (g), Sam Newsome (ss), Jerome Harris (g), Nairobi, 2002 © Photo X, Collection Jerome Harris by courtesy
Quels souvenirs gardez-vous de votre tournée en Inde avec
Jamie Baum et Kenny Wessel?
Au départ, on devait y aller en septembre 2001. Puis le 11
septembre s'est produit et tout a été repoussé d’un an. En 2002, je suis allé
en Afrique avec Sam et en Inde avec Jamie. A Chennai (ex-Madras, au sud-est de l’Inde),
on a rencontré Karaikudi Mani, le maître sud-indien du mridangam, tambour
classique de l'Inde du sud en forme de tonneau. On a fait un concert télévisé. Mani
avait écrit une composition pour qu’on joue avec lui et son ensemble de huit
musiciens.
Jamie Baum, Ken Wessel, Jerome Harris, Bangladesh © Photo X, Collection Jerome Harris by courtesy
Et avec Jay Hoggard, où êtes-vous allé?
En Egypte, au Soudan, en Syrie, en Jordanie et brièvement en
Inde. J'ai ramené un tas de K7 de musique égyptienne. Un de nos jours de congé,
on est allé à Gizeh. Le groupe se composait de Jay, Pheeroan akLaff, Onaje
Allan Gumbs et Vernon Reid.
Ces dernières années, vous accompagnez David Krakauer.
Quelle relation avez-vous avec la musique klezmer?
Au NEC, un groupe d'étudiants avait été formé par Hankus
Netsky: il s’appelait le Klezmer Conservatory Band. C’est là que j'ai entendu
de la musique klezmer et j'ai aimé ça. Dans les années 1970, il y avait le
renouveau du klezmer. Le Klezmer Conservatory Band a participé de ce mouvement.
Le klezmer a un certain rapport avec le jazz des années 1920 et 1930, avec
l'improvisation et les solos. Le pianiste Anthony Coleman, qui a travaillé avec
John Zorn, était un de mes camarades de classe au NEC. Je jouais avec lui. C’est
par lui que j’ai rencontré David Krakauer qui est venu jouer avec nous une fois.
Plus tard, il y a eu les Klezmatics dont David faisait partie pendant un temps.
Puis, j'ai vu son groupe Klezmer Madness. J'ai renoué avec lui. Il m'a dit
qu'il avait besoin d’un remplaçant pour la basse parce que Nicki Parrott était
de plus en plus occupée par sa propre carrière. Lorsqu’elle a quitté le groupe,
je l’ai rejoint. Je m'amuse beaucoup, j'aime cette musique, j'aime le concept
musical de David. Il mélange des thèmes traditionnels avec ses propres
compositions qui ne sont pas du tout traditionnelles. Il est un clarinettiste virtuose.
Une grande partie de son approche de l'improvisation est influencée par le
pré-bebop. Sidney Bechet est l'une de ses grandes références. Il a également joué
de la musique improvisée. Donc, c'est une combinaison différente de beaucoup de
musiciens jazz new-yorkais. Il y a eu une évolution au fil des années. Il a
rencontré ce DJ canadien, Josh Dolgin, alias Socalled, qui joue du piano, de
l'accordéon et chante. Il a apporté l'élément hip-hop. Pendant un certain
temps, David a changé le nom du groupe en Ancestral Groove. C'est toujours
influencé par le klezmer mais ça change du point de vue sonore. Puis David et
Socalled ont abordé Fred Wesley. Un nouveau projet est né, appelé Abraham Inc.
C’est funk, klezmer, hip-hop. En raison de la taille du groupe, il est parfois
difficile de trouver des engagements, mais on a fait un certain nombre de
tournées. Sur le dernier album, j'ai signé une compo aux influences égyptiennes,
qui s'appelle «Get Down Moses».
Vous avez aussi enregistré quatre albums en leader, dont Hidden In Plain View (New World Records,
1995) en hommage à Eric Dolphy, avec Marty Ehrlich (as, bcl), E. J. Allen (tp),
Ray Anderson (tb), Don Byron (cl), Bill Ware (vib) et Bobby Previte (dm). Pourquoi
ce choix?
J'adore la musique de Dolphy. Je pense qu'il occupe une
place importante en tant que musicien, et je voulais explorer certains de ses
morceaux. De plus, à l'époque, il y avait des musiciens de la scène
new-yorkaise qui ne l'aimaient pas et qui disaient que Dolphy ne savait pas
vraiment jouer. Cela m'a rappelé la façon dont les gens parlaient d'Ornette
Coleman. Donc, je me suis dit que ce serait bien d'entendre certains de ses thèmes.
J'ai réussi à convaincre un label de monter ce projet. Je suis heureux du
résultat. Il y a deux cuivres, deux clarinettistes. Parfois, ils jouent tous
les quatre, parfois c’est juste le saxo ou la clarinette.
Ce sont des musiciens avec qui vous travailliez?
Eddie Allen et Bill Ware sont ceux que je connaissais le
moins, mais assez pour faire appel à eux. En ce qui concerne le choix du
répertoire, j'avais les disques de Dolphy, bien sûr. J'ai choisi des thèmes que
j'aimais. Avec les compos sélectionnées, on avait de quoi créer quelque
chose de cohérent où les musiciens pouvaient s’exprimer.
Trois de vos disques ont un vibraphoniste, Jay Hoggard (In Passing, Muse Records, 1990), Bill
Ware, et Steve Nelson (Rendezvous, Stereophile, 1998).
J'adore cet instrument! J'aime le piano mais le vibraphone est
peut-être un peu moins dense, d’un point de vue sonore. Steve Nelson est
incroyable! J'aimerais me rappeler où et comment je l'ai entendu la première
fois... Je pense que son sens mélodique et harmonique est sans égal. Cet album
est la seule fois où j'ai joué avec lui. Il passe un peu inaperçu parmi les
vibraphonistes actuels, c’est bien dommage.
Vous composez?
Ah, je devrais écrire tous les jours… Je le fais quand j'ai
un projet. J'ai tout
écrit pour Rendezvous,
sauf «Hand By Hand» que j'avais déjà sous le coude. Il y a maintenant une
version dans le dernier disque de Bob Stewart qui chante la mélodie.
Jerome Harris, Pheeroan akLaff, Oliver Lake, 2007, Photo X, Collection Jerome Harris by courtesy
Oliver Lake avait enregistré votre thème «Sun People».
Je ne pense pas qu'il m’ait spécifiquement demandé un thème.
Il était ouvert à ce que les membres du groupe lui en proposent. Quand on
compose, il y a à la fois l'artisanat et la chance. Il y a un passage
intermédiaire dans ce morceau. Il m'a fallu des mois pour le trouver, j’ai vraiment
lutté avec ça! (Rires)
Vous êtes impliqué dans Music Workers Alliance,
une nouvelle organisation américaine de plaidoyer et d'activisme dédiée aux
indépendants (interprètes de musique, DJ, ingénieurs du son, etc.).
Dès les années 1980, je me demandais s’il était vraiment
viable d’être un musicien professionnel. Ça a commencé avec la montée en
puissance des DJs, puis il y a eu la digitalisation. Au début du covid, Marc Ribot (g) m'a contacté car il venait de cofonder cette organisation pour
soulever ces inquiétudes. Je suis maintenant membre du comité directeur avec
des musiciens comme John Medeski et Gene Perla. L’idée est d'être une
plate-forme où les musiciens peuvent discuter, notamment du rôle de la
Fédération américaine des musiciens qui représente assez bien les intérêts des
musiciens d'orchestre, de théâtre, des musiciens qui travaillent dans de
grandes tournées, etc. Mais pas les musiciens de jazz ou ceux qui travaillent
dans des genres moins traditionnels. On veut donner aux indépendants les moyens
de contribuer à la viabilité culturelle et financière de leur musique. On
réfléchit sur la violation du droit d'auteur ou les taux de streaming, par
exemple. Pour le moment, la plupart de nos membres sont à New York.
Jerome Harris avec le NEC Contemporary Improvisation Ragtime Ensemble, Boston, 2018
© Andrew Hurlbut, Collection NEC by courtesy
SITE INTERNET: www.jeromeharris.com
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DISCOGRAPHIE
1998. Jerome Harris Quintet, Rendezvous, Stereophile
Leader
LP 1986. Jerome Harris, Algorithms, Minor Music 1011 CD 1989. Jerome Harris, In Passing, Muse 5386 CD 1995. Jerome Harris, Hidden in Plain View, New World 80472-2 CD 1998. Jerome Harris Quintet, Rendezvous, Stereophile 013-2
Sideman LP 1978. Sonny Rollins, Don't Stop the Carnival, Milestone 55005 (=CD 00025218550529) LP 1979. Sonny Rollins, Don't Ask, Milestone 9090 (=CD 00025218691529) LP 1979. Michael Gregory Jackson, Gifts, Arista Novus 3012 LP 1979. Michael Gregory Jackson, Heart and Center, Arista Novus 3015 LP/CD 1981. Brian Eno/Jon Hassell, Fourth World Vol. 1: Possible Musics, Editions EG 7 K7 1981-82. Alfonia Tims & His Flying Tigers, Future Funk/Uncut !, ROIR A112 LP 1982. Oliver Lake, Jump Up, Gramavision 8106 LP 1982. George Russell’s New York Band, Live in an American Time Spiral, Soul Note 1049 (=CD 1049) CD 1982-83. Oliver Lake & Jump Up, Plug It, Gramavision 8206
LP/CD 1983. Henry Threadgill, Just the Facts and Pass the Bucket, About Time Records 100 CD 1984. Bill Frisell, Rambler, ECM 1287 LP 1985. Jay Hoggard, Riverside Dance, India Navigation 1068 CD 1986. Amina Claudine Myers Sextet, Country Girl, Minor Music 1012
CD 1987. Bob Moses, The Story of Moses, Gramavision 18-8703
CD 1987. Sonny Rollins, Dancing in the Dark, Milestone 98.190 CD 1988. Julius Hemphill Big Band, Elektra Musician 960 831-1 U CD 1988. Harry Miller, Open House, Optimism, Incorporated 3214
CD 1988. Amina Claudine Myers, Amina, Novus 3030
CD 1988. Bob Stewart-First Line Band, Goin' Home, JMT 834 427-1
CD 1989. Mark Helias, Desert Blue, Enja Records 6016 2
CD 1989. Amina Claudine Myers, In Touch, Novus 3064 CD 1989. Sonny Rollins, Falling in Love with Jazz, Milestone 99 926 CD 1990. Bobby Previte, Empty Suits, Gramavision 79 447-2 CD 1990. Hank Roberts and Birds of Prey, JMT 834 437-2 CD 1991. Samm Bennett and Chunk, Life of Crime, Knitting Factory Works 110
CD 1991. Bobby Previte, Music of the Moscow Circus, Gramavision R2 79466
CD 1991. Sonny Rollins, Here's to the People, Milestone 9194-2
CD 1992. Jeanne Lee, Natural Affinities, Sunnyside 3509 CD 1993. John Clark, Il Suono, CMP Records 59
CD 1993. Henry Threadgill, Song out of My Trees, Black Saint 120 154-2 CD 1993. Robert Dick, Third Stone From the Sun, New World Records 80435-2 CD 1993. Bobby Previte's Empty Suits, Slay the Suitors, Avant 036 CD 1994. Ray Anderson, Don't Mow Your Lawn, Enja 8070 CD 1995. Ray Anderson Alligatory Band, Heads and Tales, Enja 9055 CD 1995. Ned Rothenberg Double Band, Real and Imagined Time, Moers Music 03006 CD 1995-96. Bob Stewart, Then & Now, Postcards 1014
CD 1997. Jack DeJohnette, Oneness, ECM 1637
CD 1997. Bobby Previte's Latin for Travelers, My Man in Sydney, Enja 9348 CD 1997-98. Ned Rothenberg's Sync, Port of Entry, Intuition Records 3249 2
CD 1998. Ray Anderson, Funkorific, Enja 9340
CD 1998. Arthur Lipner, Portraits in World Jazz, Jazzheads 9508
CD 1998. Bobby Previte's Latin for Travelers, Dangerous Rip, Enja 9324 CD 1999. Marty Ehrlich, Malinke's Dance, OmniTone 12003 CD 2000. Don Byron, A Fine Line, Blue Note 7243 5 26801 2 2 CD 2000. Ed Ware, Ed Ware's Tree, EW 7240 CD 2001. Thurman Barker, Time Factor, Uptee Productions
CD 2001-03. Ned Rothenberg, Harbinger, Animul Records 104
CD 2004. Paul Motian Band, Garden of Eden, ECM 1917
CD 2004. Sam Newsome's Groove Project, 24/7, Satchmo Jazz Records 00067J CD 2004. Ned Rothenberg Double Band, Parting, Moers Music 03012 CD 2005. Marvin Sewell, The Worker's Dance, Llewes Recordings 234 CD 2006. Tina DeVaron, Water Over Stones, IMAH Records 49755-2 CD 2006. Ned Rothenberg's Sync, Inner Diaspora, Tzadik 8114 CD 2008. Abraham Inc., Tweet Tweet, Label Bleu 6711
CD 2010. Marty Ehrlich/Hankus Netsky, Fables, Tzadik 8155 CD 2010. Hank Roberts, Everything is Alive, Winter & Winter 910 174-2 CD 2012. David Krakauer, Pruflas: The Book of Angels Vol. 18, Tzadik 7396 CD 2014. David Krakauer’s Ancestral Groove, Checkpoint, Label Bleu 6715 CD 2015. Arthur Lipner, Two Hands, One Heart, MalletWorks MediaCD 2021. Ricky Ford,The Wailing Sounds of Ricky Ford, Whaling City Sound 135
DVD DVD 1980. Sonny Rollins Quartet, Jazz Jamboree 1980, JazzShots 2869095
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VIDEOGRAPHIE par Hélène Sportis
Jerome Harris avec le quartet de Sonny Rollins, Jazz Jamboree,
Varsovie, Pologne, 23 octobre 1980, image extraite de YouTube
Chaînes YouTube de Jerome Harris https://www.youtube.com/@jeromeharrismusician2226/featured https://www.youtube.com/channel/UCoU1r9rueKvJIqtBRNRTStw/playlists
1980. Jerome Harris (b), Sonny Rollins (ts), Mark Soskin (p), Al Foster (dm), Jazz Jamboree, Varsovie, Pologne, 23 octobre https://www.youtube.com/watch?v=PTIksjmOLrM https://www.youtube.com/watch?v=QWE83meaNME
2008. Jerome Harris (b), David Krakauer (cl), Fred Wesley (tb), SoCalled/Josh Dolgin (clav,acc,dj), Curtis Taylor (tp), Brandon Wright (ts), Allen Watsky/Sheryl Bailey (g), Michael Sarin (dm), C-Rayz Walz (voc), groupe Abraham Inc, Live at Apollo Theater, Harlem, NYC, 3 mai https://www.youtube.com/watch?v=vmOSIbagWYw
2011. Jerome Harris (b), David Krakauer (cl), Fred Wesley (tb), SoCalled/Josh Dolgin (clav,acc,dj), Freddie Hendrix (tp), Brandon Wright (ts,fl), Allen Watsky/Sheryl Bailey (g), Michael Sarin (dm), C-Rayz Walz (voc), groupe Abraham Inc, 21e Jewish Culture Festival, Cracovie, Pologne, TVP2, 2 juillet https://www.youtube.com/watch?v=sKHUNJokZhE
2020. Jerome Harris, Amina Claudine Myers (p,orh,voc), Reggie Nicholson (dm), Vision Healing Soul, the Clemente, New York NYC, Arts for Art/Vision, 10 octobre https://www.youtube.com/watch?v=wOJxZ1lRovI
2021. Jerome Harris, Album The Wailing Sounds of Ricky Ford, Mark Soskin (p), Barry Altschul (dm), Whaling City Sound 135
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