Jack Walrath, Bobby Watson en silhouette, EuroJazz Festival d'Ivrea, Italie, 2000 © Photo Umberto Germinale-Phocus
Jack WALRATH
Comme en atteste son impressionnante discographie, Jack
Walrath est un trompettiste de grand talent qui a enrichi l’histoire du jazz aussi bien en leader qu’aux côtés de musiciens historiques, comme Charles Mingus, sa principale contribution comme sideman, Muhal Richard
Abrams, Charli Persip, John Hicks, Hamiet Bluiett… L'un des fidèles du grand contrebassiste dans les années 1970 jusqu'à sa disparition le 5 janvier 1979, Jack Walrath a perpétué sa musique, qu'il a contribué à écrire et à arranger, à la direction des orchestres qui continuent depuis d'honorer l’œuvre mingusienne, le Mingus Dynasty et le Mingus Big Band. Jack Walrath est né le 5 mai 1946 à Stuart, en Floride, a grandi dans le
Montana où il a commencé l'étude de la trompette à 9 ans, à Edgar où il vivait. Il s’est passionné pour le jazz traditionnel puis, au gré des
rencontres et de l'écoute des disques, il a parcouru l'histoire du jazz avant d’étudier au Berklee College of
Music, à Boston. Pleinement représentatif de l'esprit du jazz, il a tiré profit des
encouragements de ses aînés, joué le rôle de passeur dans de nombreuses master-classes à travers le monde, et il fait partie de ces musiciens réputés que tous les amateurs de jazz connaissent et respectent pour son activité inlassable au service du jazz, même s’il est souvent
resté, dans la mémoire des amateurs, une composante essentielle de l'univers de Charles Mingus, forcément la grande rencontre de sa vie. Ce qui frappe le plus, dans ce précieux et copieux entretien,
c’est la façon avec laquelle Jack Walrath raconte son parcours, sans tirer la
couverture à lui, sans réécrire l’histoire, évoquant, avec franchise et caractère, des musiciens
phares du jazz aussi lumineux que déchirés, partageant ses passions et ses
peines, décryptant la dureté comme la beauté de leurs parcours, et révélant ses choix esthétiques, aussi précis qu'exigeants. On trouve dans l'état d'esprit du trompettiste, dans sa musique en leader, cette liberté de ton très directe, ce petit grain de folie, cette énergie qui font le jazz et qui était aussi la marque du monde de Charles Mingus.
La gestion de la crise du covid n’a pas seulement
engendré une mortalité précoce qui atteint aussi le jazz, parfois déterminée par la rupture avec l'expression sur scène, elle continue d’entraver les
tournées internationales et plus largement la transmission de l'esprit du jazz. Nombreux sont les musiciens, et les aînés en
particulier, qui, aujourd’hui, ne parviennent plus à booker des dates et
sont ignorés des programmateurs de clubs et de festivals. Jack Walrath est un
trompettiste rare, magnifique, historique! Rêvons qu’il reprenne bientôt sa place sur les
scènes du jazz, européennes en particulier.
Propos recueillis par Mathieu Perez
Photos Umberto Germinale-Phocus, Photos tirées du site de Jack Walrath images extraites de YouTube avec nos remerciements
© Jazz Hot 2022
Jack Walrath © X, by courtesy of Jack Walrath (www.jackwalrath.net)
Jazz Hot: Vous êtes né en
Floride, mais vous avez grandi dans le Montana.
Jack Walrath:
Je suis né sur la Côte Est puis nous avons déménagé à Edgar, une petite ville dans
le Montana, puis à Joliet. C'est de là que mon père Jack était originaire. Il
était d'une fratrie de huit frères et sœurs. Ils travaillaient tous pour mon grand-père
qui avait une entreprise céréalière. Ma mère Velma ne travaillait pas en dehors de la maison; parfois,
elle faisait un peu de secrétariat pour mon père. C'était une époque où une seule
personne soutenait la famille entière.
Comment était-ce de grandir
dans le Montana dans les années 1950?
J'ai eu du mal… Il y avait
beaucoup de brutes et cette mentalité «redneck»*. Au lycée, les jeunes pensaient
que c'était très amusant de sortir le samedi soir et de se saouler la gueule.
Vos parents étaient-ils
musiciens?
Oh, non! Mais ma mère avait
joué un peu de violon au lycée; elle m'a toujours poussé à faire de la musique.
Vous avez appris la
trompette à l'âge de 9 ans.
Au début, je voulais jouer
de la guitare, mais il n’y avait pas de guitare, et personne n’en jouait. Alors,
j’ai pensé à la trompette parce qu’il y avait un orchestre à l’école; j’étais
dans une très bonne école primaire. J’ai pris goût à la trompette très
rapidement puis rejoint l’orchestre du lycée après seulement trois ou quatre
mois. Tout ce que je voulais, c’était jouer de la musique! Un an plus tard, en
1956, alors que j’avais 10 ans, Louis Armstrong est passé au Shrine Auditorium,
à Billings, une ville à côté de chez nous. J’y suis allé avec ma mère. Après le
concert, j’ai pu le rencontrer et lui parler dans les coulisses. Il laissait
les gens entrer dans sa loge, c’est inimaginable aujourd’hui. C’était très inspirant,
et c’était le premier concert d’un groupe professionnel auquel j’assistais.
Durant votre adolescence,
qui étaient vos héros?
J'écoutais beaucoup de dixieland, Louis Armstrong, Kenny Ball et les jazzmen d'Angleterre. J'aimais
tout ce qui contenait une trompette. Ensuite, je suis allé dans un summer camp
de musique à Carlsbad, en Californie. C’était en 1964, j'avais 17 ans; j'y suis
allé deux étés de suite. J'ai sympathisé avec quelques gars là-bas qui
écoutaient en boucle le disque Greatest Hits de Cannonball Adderley
(une compilation Riverside, 1962). Et je me suis lancé dans ce jazz-là! Ils n'aimaient pas les
disques de Monk ni de Miles; à l’époque, ils démolissaient Miles. Ensuite, j'ai
rejoint le Columbia Record Club où on écoutait des disques. Ce camp d'été a changé ma vie. Et j'y ai écrit mon premier arrangement pour big band; mais je
ne savais pas ce que je faisais… (Rires)
Avez-vous eu des
professeurs de trompette?
J'ai eu un professeur, oui.
Il s’appelait Jack Turner. En 2005, j'étais à un festival de jazz dans le
Wyoming. Le concert se jouait en plein air. A la fin, un type est venu vers moi,
un certain Don McComas, qui avait à peu près mon âge. Il m’a dit que nous
avions tous les deux étudié avec Jack. Mais lui a rejoint le National Symphony,
à Washington, D., puis a été première trompette dans l'Orchestre de
Philadelphie pendant 30 ans. C'est intéressant. Jack savait ce qu'il faisait: moi,
il m'a encouragé dans le jazz et Don dans la musique classique. J'ai découvert
plus tard que Jack avait joué avec l'Orchestre symphonique de Chicago pendant
un certain temps.
Jack Walrath, années 1960 © Photo X, by courtesy of Jack Walrath (www.jackwalrath.net)
Pourquoi avoir choisi d’étudier
au Berklee School of Music, en 1964?
Après ce summer camp,
je lisais Downbeat, j'achetais des
disques de jazz moderne, et je voulais étudier dans une école de jazz. A
l’époque, tout le monde voulait aller soit à Berklee, à Boston, soit à Westlake,
à Los Angeles. Pour moi, c’était Berklee, car plus proche de New York. Un
semestre à Berklee coûtait alors 400 dollars; aujourd'hui, c'est l'une des
écoles les plus chères du pays. Là-bas, j'ai passé quelques-uns des meilleurs
moments de ma vie.
Qui étaient vos professeurs?
Herb Pomeroy (tp), John
LaPorta (cl), Charlie Mariano (ts), Dick Wright (tb, arr), Ted Pease (dm). Très
franchement, je savais vaguement qui ils étaient quand je suis arrivé. Ce qui
était sympa, c'est qu’on s’appelait par nos prénoms. L’ambiance était
conviviale, presque familiale. Il n’y avait pas le sérieux de la relation
enseignant-élève.
Etiez-vous plus proche de
l'un de vos profs?
Herb Pomeroy m'aimait bien.
Il m’incluait toujours dans le groupe d'enregistrement parce que Berklee enregistrait
un disque chaque année. Mais l'école était en train de changer. Lorsque Robert
Share (1928-1984) est devenu le patron de Berklee en 1964, il a changé pas mal
de choses, en pire.
Aviez-vous déjà une passion
pour les arrangements et pour les big bands?
Oui, j'avais ça depuis le
début. J'ai écrit mon premier morceau quand j'avais 10 ans. C'était un blues
avec un pont. A Berklee, j’aimais expérimenter, et des profs comme Herb
Pomeroy nous encourageaient à le faire. Une fois, j'ai apporté des chaînes de
vélo et les ai mises dans le piano pendant un cours, des trucs comme ça. (Rires) On nous apprenait la technique, et après je voulais faire les choses à ma façon. Puis, c'est devenu moins
inspirant; ils avaient alors une école dédiée à Duke Ellington; maintenant, ils
ont un cours consacré à Miles Davis ou à Ornette Coleman (Rires), ou des cours d'improvisation. Ils ont des cours pour vous
expliquer comment Bird faisait ce qu’il faisait… Tout cela est devenu très
intellectuel et a tué le jazz.
Qui étaient vos pairs à
Berklee?
Ernie Watts (ts, as, ss,
fl), Pat (ts, as, ss) et Joe LaBarbera (dm), Calvin Hill (b) ou encore Richie
Cole (as, ts, bar). Le premier groupe que j'ai eu était avec les frères LaBarbera.
Et il y avait un tas de gens que je ne connaissais pas, comme Donald Fagen (p,
voc) de Steely Dan (ndlr: groupe de jazz-rock), ou Howard Shore (comp).
Aviez-vous des gigs?
Au cours de ma dernière
année, je me suis marié… J’ai alors commencé à travailler avec des groupes du Top
40 qui jouaient du rhythm & blues, reprenaient des chansons d’Otis
Redding, de Motown, etc. Ce genre de groupe était très populaire dans les années 1960.
Il y avait tout un circuit.
J'ai lu que vous étiez
aussi dans un groupe avec Miroslav Vitous?
Non, nous n'avons fait que
quelques répétitions ensemble...
Avec qui avez-vous fait un
bœuf?
Le premier, c’était Roland
Kirk. J’écoutais beaucoup ses disques, même avant d'aller à Berklee. Kirk Live in Copenhagen (Mercury, 1963) est l’un de ceux que j’ai passé en boucle. Je suis monté sur la
scène avec l’un de mes amis, Jules Rowell, qui joue du trombone à valve. Roland
m'a demandé ce que nous voulions jouer. J'ai suggéré une de ses compos, «Mingus-Griff
Song». A la fin, Roland a pris le micro et a dit que nous étions de merveilleux
musiciens. Il a dit aussi que c'était la première fois de sa carrière que
quelqu'un demandait à jouer l'un de ses morceaux. Il nous a encensés pendant un
quart d’heure! Nous n'étions que des petits jeunes qui essayaient de jouer la
mélodie. Après une telle expérience, vous ne pouvez jouer que bien! (Rires) Peu de temps après, j'ai partagé
la scène avec Clark Terry. Il m'a suggéré de jouer «Embraceable You». Je
connaissais la mélodie, mais pas vraiment les harmonies; il vous faut vingt
ou trente ans pour les maîtriser. Mais bon, je me suis débrouillé. (Rires) Une fois, Peter Loeb (ts) a joué
avec Coltrane. C’était un de mes camarades, j’étais dans son groupe. Un type insupportable,
pas sûr de lui, alors il se promenait comme s'il était un don de Dieu. Je suis
allé voir Trane lors d’une matinée. Peter était dans le public et a sauté sur
la scène. Certains des étudiants de Berklee se sont moqués de lui, mais il a
très bien joué, il a tout donné. Ne pas être monté sur la scène ce jour-là est
l’un de mes grands regrets. Parce que si vous ne pouvez pas jouer bien avec ces
musiciens-là, alors vous ne pouvez rien jouer du tout. Une fois, Joe Ferguson
(as) et moi avons fait le bœuf avec Hank Mobley. Après, il nous a présentés
comme étant «Joe Jefferson et Jack Wallack». (Rires)
Aviez-vous des liens avec
le New England Conservatory?
Non. Mais, quand les choses
ont commencé à empirer à Berklee, beaucoup de gens y sont partis, comme Jaki
Byard. Je n'oublierai jamais ma dernière année à Berklee. C'était arrivé au
point où, en classe, on nous répétait à n’en plus finir comment écrire un
unisson. (Rires) Les cours étaient
terribles. Il n'y avait plus de groupe d'enregistrement, ni de jam sessions...
Bob Share a supprimé d'autres programmes. Tout ce qui l’intéressait, c’est que
Berklee puisse délivrer un diplôme en musique. Obtenir un diplôme signifie
simplement que vous avez réussi un test. Ensuite, ils ont embauché d'anciens
élèves comme enseignants. Des années plus tard, je leur ai dit que s’ils me
donnaient 1000 dollars par jour pendant cinq jours –mon tarif pour donner des
séminaires– je viendrais en faire un sur Mingus, et je parlerais de ce que j’ai
appris de lui. Ils ont accepté de me prendre pour une seule journée. A la fin,
le gars qui dirigeait le département était stupéfait. Il m’a dit que je leur
avais montré des trucs que lui-même ne savait pas. Je n'arrête pas de dire du
mal de Berklee… mais c'est parce que c'était un endroit merveilleux, et il n’a
fallu qu’un seul homme pour tout gâcher.
Quand était-ce?
En 1966, lorsque Berklee a
déménagé de Newbury Street à Boylston Street. Ma première année s’est bien
passée. Il y avait des jam sessions dès les premiers jours. Lors de ma
quatrième et dernière année, plus personne ne jouait. Tout à coup, le fake book** était la seule
référence. Les profs n’avaient plus rien à enseigner. Avant, vous alliez
étudier à Berklee, puis vous partiez en tournée avec un groupe. Mais Berklee
voulait absolument pouvoir délivrer un diplôme de musique. Maintenant, l’école
a plusieurs campus. Quand je fais des séminaires, j'utilise toujours la méthode
Herb Pomeroy: monter un groupe avec les élèves et jouer. J'aime aider les jeunes.
D’abord, je veux voir où ils en sont musicalement. Avant de composer un thème
collectivement, je leur demande ce qu'ils savent faire de mieux. L’un va écrire
le pont, un autre la deuxième mesure, etc. On fait ainsi plusieurs compos, et on
joue tous ensemble. Une fois lors d'un summer camp en Espagne, j'ai
rencontré un bassiste qui y enseignait. Sa méthode consistait à faire jouer
pendant deux semaines «Freddie Freeloader» au même groupe de jeunes. En plus,
il n’était pas sympa avec eux, il les rabaissait. Moi, j’enseignais à un groupe
de jeunes avec la méthode dont je vous parlais. A la fin des deux semaines, je
n’arrivais pas à croire que l’autre groupe jouait toujours «Freddie Freeloader».
Ces jeunes étaient malheureux comme tout. Au concert final, j’ai joué avec eux; là, on s’est bien amusés. Les profs devraient inspirer les jeunes, pas les
maltraiter. En termes de méthode, qui
avait les meilleures compétences pédagogiques à Berklee?
Herb Pomeroy et John La
Porta. Ils vous enseignaient la technique puis vous encourageaient à trouver d’autres
choses par vous-même. Ils vous incitaient à aller au-delà de ce qu’on apprenait
en cours. Les profs sont censés vous inspirer, pas seulement vous remplir la
tête avec un tas de techniques. J'ai eu des ennuis pour ça une fois: lors d’un
cours à des lycéens, j’ai dit que, pour créer quoi que ce soit, il faut
enfreindre les règles. Mais avant, il faut parfaitement les connaître. Les profs
se sont plaints que j'avais dit aux jeunes d'enfreindre les règles… Ils n’ont
rien compris!
Jack Walrath, années 1970- Image extraite de YouTube (cf. vidéographie)
Plus tard, avez-vous gardé
contact avec Herb Pomeroy? Pas vraiment. A sa mort,
Berklee a fait un concert hommage et m'a appelé pour jouer. Il y avait
différents groupes, et une interview d’Herb était diffusée. A un
moment, Herb disait qu’en fait, en sortant de Schillinger House (rebaptisé
Berklee School of Music en 1954, puis Berklee College of Music en 1973), il ne savait rien. Et que c’est en jouant une
semaine avec Charlie Parker qu’il a tout appris. Le gars qui officiait en tant
que maître de cérémonie a alors pris le micro et dit que Herb plaisantait, bien
sûr. (Rires) Visiblement, personne
n’a écouté l’interview avant de la diffuser! (Rires)
Quels étaient vos rapports
avec les aînés? Il y avait deux catégories.
Ceux que j’appelle les seconds couteaux ou les imitateurs nous traitaient très
mal. Les autres, les grands, étaient sympas avec nous. Quand j'allais chez
Mingus à la fin, parce qu'il ne pouvait plus rien faire, Sonny Rollins traînait
chez lui. Sonny était très respectueux avec moi. Il m'a même dit qu'il voulait m’embaucher
avec Ricky Ford sur son
prochain disque, ce qui ne s'est pas produit. Sonny est l’un de mes musiciens
préférés. Quand on me demande qui est mon trompettiste préféré, je réponds Jack
Walrath, car il faut croire en soi. Mon second trompettiste préféré est Sonny
Rollins. (Rires) Quelqu'un qui a grandi
dans les années 1960 comprend ce que je veux dire par là. Maintenant, un
trompettiste doit forcément vénérer les trompettistes; moi, mes musiciens préférés
sont des saxophonistes. Ce que je vais dire va peut-être faire «vieux con», mais
s’il est vrai qu’aujourd’hui tout le monde joue mieux que les beboppers d’un
point de vue technique, je n'entends pas beaucoup de musique ni de feeling.
Miles Davis pouvait s’en tirer en jouant la gamme chromatique parce qu’il y
avait énormément de feeling. Maintenant, beaucoup le font, mais il n’y a pas
d’émotion dans leur jeu.
Quelle était la relation
entre Mingus et Sonny Rollins?
Je ne sais pas! Je sais
juste qu’il traînait chez lui.
Quels aînés vous appréciaient?
De grosses pointures comme
George Coleman, Larry Coryell, Art Blakey, Dizzy Gillespie m'ont fait de beaux compliments.
Dizzy, c'était lors d'une jam session en Europe. Quand je suis sorti de scène,
il m'a dit qu'il aimait les notes que je jouais. Une fois, George Coleman m'a dit
qu’il allait jouer au Village Vanguard et voulait que je fasse un bœuf avec lui,
mais je suis arrivé trop tard car je venais d’un autre gig. Art Blakey m’a
invité plusieurs fois sur scène. Mes solos n’étaient jamais longs, il me disait
toujours que j'aurais dû jouer plus. C'est un beau compliment!
Pourquoi
être parti à Los Angeles?
Après avoir obtenu mon
diplôme, j'ai commencé un groupe à Boston. Croyez-le ou non, Gary Peacock était
le bassiste. C'était l'époque du jazz-rock, des groupes comme Blood, Sweat
& Tears. Le premier groupe de ce style de musique était Electric Flag. Mais
nous allions plus loin, car nous aimions le disque Ascension de Coltrane.
Billy Elgart était le batteur, il venait d'enregistrer Mr. Joy avec Paul Bley
et Gary Peacock –J'aime bien ce disque– et il y avait quelques autres gars. On
pensait que ce groupe remporterait un grand succès à L.A., mais les musiciens
étaient dans une sorte de secte. En 1969, la macrobiotique est arrivée en
Amérique. Tout à coup, sur les quatre heures de répétition, on en passait trois
à parler de cuisine et de régime alimentaire, et une seule à jouer de la
musique… De ce fait, ce groupe n’a jamais décollé. A L.A., nous avions Roy
Estrada, le bassiste des Mothers of Invention de Frank Zappa. Zappa nous a
prêté son équipement à quelques reprises pour des concerts au Troubadour. Par
le plus grand des hasards, je me suis retrouvé à jouer avec Janis Joplin pour
une session d’enregistrement. Cela a duré une journée. Elle était l'une des
personnes les plus larguées que j'ai jamais rencontrées. Ce genre de session
vous flinguait votre technique. On commençait à 10h du matin et terminait
à 4h du matin le lendemain en jouant le même thème! Puis, je me suis
retrouvé en studio avec Zappa. Il enregistrait Hot Rats. Il m'a donné une
partition, mais ce n'était pas mon truc, c'était comme de la musique classique.
Pour vous dire la vérité, il m'est difficile d'écouter Zappa, pas seulement à
cause de cette expérience, mais parce que c'est tellement ringard parfois.
Combien de temps êtes-vous
resté à Los Angeles?
L’agonie a duré peut-être dix-huit mois. J’ai détesté cette ville. J’avais des gigs de rhythm & blues et
surtout avec des groupes de musique latine mexicaine. Et puis, j’allais souvent
à San Francisco, la musique y était meilleure. Je travaillais avec différents
groupes, notamment celui de José Chepito Areas, qui jouait des timbales avec
Santana. C'était sympa de jouer avec ces groupes latins. Je n'ai jamais écrit
pour eux, sauf un morceau pour un type à New York, qui s’intitulait «Rats and
Moles», mais il ne l’a jamais joué. Plus tard, Mingus l'a enregistré, en
changeant le titre, «Black Bats and Poles».
Comment avez-vous obtenu l'engagement avec Ray Charles en 1972?
J'avais entendu dire qu'il recrutait.
Joe Randazzo (tb) était à L.A., Mike Price (tp), aussi, qui avait travaillé avec
Buddy Rich, Stan Kenton, Toshiko Akiyoshi-Lew Tabackin Big Band. Mike et Joe
étaient amis. Joe venait de sortir d'une tournée avec Ray Charles, j'ai passé
une audition. La tournée a duré dix mois.
Quel personnage était-il?
C'était un connard! Jouer
avec Mingus, c'était comme jouer avec un angelot! Ray Charles faisait des trucs juste pour vous emmerder. Je ne pense pas lui avoir adressé dix mots de toute
l'année.
Etiez-vous proche de Blue
Mitchell?
Nous avons traîné quelques
fois ensemble. J'étais plus proche de David Newman. Puis, Blue Mitchell s'est
fait virer. Et je veux dire que Ray Charles a essayé de le réembaucher quelques
jours plus tard, mais il était déjà parti avec John Mayall pour 1500 dollars par
semaine. Ray payait environ 300 dollars par semaine. Après ça, je jouais tous
les solos. Ensuite, il a embauché un autre gars et lui a donné tous les solos.
Alors, je me suis mis en grève, et j'ai filé mes solos à d'autres musiciens de
l’orchestre. Ray Charles disait que je foutais en l’air sa musique. Mais s’il
disait ça et qu’il voulait que je joue mes solos, c’est qu’ils devaient être
bons. (Rires)
En termes de répertoire, c’était
une machine bien huilée?
Je passais des semaines
sans ouvrir le livre parfois. A ce moment-là, nous le connaissions par cœur.
C'était ma première vraie expérience en tant que musicien professionnel.
Comment s’est terminée la
tournée?
Après, ils m’ont rappelé!
Même si j’avais porté plainte contre Ray Charles. Car il faisait des émissions
de télévision en Europe, mais il ne payait rien en plus à ses musiciens. Chaque
année, des musiciens le poursuivaient en justice. La seule année où j'ai joué
avec lui, je suis allé au Syndicat des musiciens, et j’ai porté plainte. Nous
avons eu quelques dollars en dédommagement. Ensuite, on m'a rappelé pour une
autre tournée, mais une seule m’a suffi.
Que retenez-vous de cette
expérience?
Ça m'a appris à garder un
gig, je suppose, à ne pas devenir fou parfois à propos de conneries.
|
Après cette tournée, la
seule solution était d'aller à New York?
J'ai toujours voulu aller à
New York. J'y avais passé l’été 1967, avant de retourner à Berklee pour ma
dernière année. Je logeais dans l'ancien loft d’Eric Dolphy, près du pont de
Manhattan.
A New York, ce sont les
groupes latins qui vous ont d’abord employé?
Oui, je jouais dans le
Bronx principalement, avec un type nommé Louis Cruz Beltran, puis, avec Pete
Escovedo (perc). C’était mon propriétaire à Oakland où j'ai vécu environ
18 mois, en 1970-1971. Sa fille, Sheila E. (Escovedo, perc, voc, née en 1957, ella a joué avec Carlos Santana, Herbie Hancock, Marvin Gaye…), avait environ 14
ans, je l'entendais pratiquer toute la journée. A cette époque, j'avais un
groupe là-bas avec Mike Clark et Paul Jackson; ils ont continué à jouer le
genre de musique que nous jouions.
Où viviez-vous à New York?
A la pointe de Coney
Island. Ce n'était vraiment pas cher. C'était loin mais à côté de l'océan. Et
c'est là que j'ai rencontré Paul Jeffrey, qui conduisait et arrangeait des
thèmes pour Mingus. J'ai traîné avec lui pendant un moment; c’est lui qui m'a
présenté à Mingus.
Alliez-vous dans les jam
sessions?
Jam sessions ou quoi que ce soit d'autre. On jouait aussi chez les musiciens, dans des
lofts, etc.
Comme
le Studio Rivbea?
Plus tard, oui.
De qui étiez-vous proche à
New York?
John Tank (ts), Alex Foster
(ts, as). Il y avait un batteur de Californie, dont j’ai oublié le nom. Il avait
un loft sur la 18e Rue. Il ne jouait
pas si mal, mais n'a jamais décroché un seul gig pendant qu'il était à New
York. Nous allions chez lui tous les jours. Victor Lewis est venu le jour même
de son arrivée à New York. Woody Shaw est passé une fois…
Comment avez-vous rencontré
Paul Jeffrey?
Je l'ai rencontré par
l'intermédiaire de mon ami John Tank (ts). Paul et moi étions voisins à Coney
Island. Je lui ai dit que je rêvais de jouer avec Mingus, et Paul lui a parlé
de moi. Mais Paul était quelqu’un qui aidait les gens puis qui sabotait les
choses. Par exemple, j’ai écrit la musique des deux derniers disques de Mingus.
Il devait y avoir un grand concert à l’occasion de Me, Myself an Eye. Paul
a réussi à me faire virer du concert… Ils ont joué ma musique, j'avais fait
tous les arrangements. Il disait à Mingus des choses que je n'avais jamais
dites. Dès que j'ai rejoint le groupe, je suppose qu'il est devenu jaloux. Ce
genre de coups tordus, Paul l’a fait à d’autres. On m’a dit qu'il était
bipolaire, je ne sais pas…
George Adams (ts), Jack Walrath (tp), Charles Mingus (b), Montreux Jazz Festival, été 1975, image extraite de YouTube (cf. vidéographie)
Votre rêve était de
travailler avec Joe Henderson ou Mingus. Pourquoi eux en particulier?
J'ai toujours ressenti ça
pour Mingus. Il a été l'un des premiers jazzmen que j'ai entendus. Quand je
vivais dans le Montana, après le dixieland, je me suis lassé du jazz moderne,
parce que le genre de jazz qui passait à la radio était de la musique west coast; j’aime les musiciens qui jouent avec leurs tripes, ce qui n’était pas
leur cas. Mais ce qui était le cas des musiciens de jazz traditionnel et de
Mingus, parce qu’il expérimentait. Et quant à Joe Henderson, c’était un
musicien exceptionnel. La seule fois où j’ai joué avec lui, c’était un soir
lors d’une tournée européenne avec le groupe de George Gruntz; il était venu jouer
quelques morceaux. Je me souviens l’avoir vu au Shelly's Manne-Hole, à
Hollywood, un jour de congé avec Ray Charles. On ne se rend pas
compte à quel point la musique de Joe Henderson était innovante…
Un soir, Paul Jeffrey vous
a amené au Village Gate et vous a présenté à Mingus.
Il m’a dit que Mingus
voulait me voir. J’ai fait un bœuf avec lui. Je venais de jouer un gig de
musique latine. J'avais bu quelques bières. J'étais très détendu. Nous avons joué
«Remember Rockefeller at Attica», «Number 3», «Big Alice» de Don Pullen, et
peut-être «Duke Ellington's Sound of Love», je ne me souviens plus. Je lisais à
vue. C'est comme ça que j'ai eu le gig. Je pouvais tout lire. Quelques jours
plus tard, Mingus m'a appelé pour le rejoindre au Village Vanguard pendant deux
semaines.
Quelle était la formation?
Mingus, George Adams, Don
Pullen et Dannie Richmond. Il existe un enregistrement du concert (Charles
Mingus, Village Vanguard 1975, Necromancer 20168, réédité par Blue Mark Music en 2006). Mingus ne m’a rien dit
pendant quelques semaines, il m’observait. Puis, il a commencé à dire que je sonnais
comme un cahier d’exercices. (Rires) Vous
imaginez? Puis, il a été très injurieux, etc. Mais, après, il s’excusait. J’étais
son bouc émissaire, mais si j’étais là, c’était pour une bonne raison.
Vous donnait-il des
consignes musicalement?
Quand je suis arrivé, j’avais
un son plus compact, il voulait des notes plus rondes. Alors, j’ai commencé à
interpréter sa musique.
Comment vous êtes-vous
intégré dans le groupe?
Ce n'était qu'un quartet,
Hamiet Bluiett était parti. Je me suis rapproché de George Adams, parce que
nous avions fait le circuit des groupes du Top 40, on se comprenait. Comme je
l'ai dit, Mingus m'a appelé pour le gig et je suis resté.
Comment a évolué votre
relation avec Mingus?
Ce n’était pas toujours
simple. Au début, par exemple, pour les disques Changes, il a embauché Marcus
Belgrave. Je devais jouer les parties et Marcus Belgrave les solos. Nous avons
joué «Duke Ellington's Sound of Love» avec le chanteur Jackie Paris et Marcus
Belgrave; puis, Mingus a renvoyé Belgrave chez lui. D’ailleurs, Mingus a
supprimé beaucoup de mes solos sur ces disques. Il s'est excusé plus tard de m'avoir
traité ainsi. Avant d’enregistrer les disques, Mingus a joué quatre soirs au
Five Spot; il m'a appelé après le premier set pour jouer les autres sets. Parce
que jouer cette musique, ça ne s’improvise pas! A un moment, Mingus m'a
dit qu'il me virerait et me remplacerait par Tommy Turrentine… Il m’a viré une
fois mais, en fait, il ne m'a pas viré. (Rires)
Tout le monde buvait beaucoup à cette époque. (Rires) Parfois, Mingus était sympa’, souvent, c’était un connard! Parfois,
il sonnait comme un gars qui joue de la contrebasse pour la première fois. Cela a été une
grande leçon d’apprendre que même les grands musiciens peuvent jouer mal; il
arrive que les jeunes jouent mieux. Cela créé une sorte d’égalité après un
certain temps. Mais à chaque fois que Mingus nous disait des horreurs, il
s’excusait; il était bipolaire. Je ne savais pas ce que
cela signifiait, j'avais 27 ans. A la fin, il m'a demandé d'écrire sa musique
pour lui.
Quand est-ce arrivé?
Quand j'ai transcrit «Nobody
Knows», enregistré sur Three or Four Shades of Blues. En le
transcrivant, j’ai glissé quelques-uns de mes accords. (Rires) Chose curieuse,
il n'aimait pas ce disque; c’est pourtant l’un de ses meilleurs. La fois
suivante, je suis allé chez lui à Woodstock. On composait non-stop; il se
mettait au piano et me montrait des trucs, c'était sympa. Il m'a montré des trucs
que je savais déjà et d’autres que j’ignorais. Une fois, j'ai joué une de ses
phrases musicales; il a crié depuis l'autre pièce: «Mais qu'est-ce que tu
fais à ma musique?!», parce que je la jouais au piano et je ne joue pas de
piano. Jimmy Knepper disait que ça arrivait souvent: Mingus écrivait
quelque chose qu’il n'aimait pas, et il préférait ce que Knepper composait. Durant
ces jours passés à Woodstock, Mingus était calme; je suis resté chez lui
quelques jours; Ricky Ford était là aussi, il avait apporté une compo’, mais
Paul Jeffrey s’était débrouillé pour qu’elle soit refusée tout en lui volant
des parties…
Dans ces moments-là,
était-ce une relation d’enseignant à élève?
Non, c’était une
collaboration, mais il me montrait des trucs. C’était l’occasion de voir au
plus près comment se fabriquait son langage musical. Il faisait des choses que
les profs vous disent de ne jamais faire, mais lui entendait la musique de
cette façon-là.
Ricky Ford
nous racontait la fois où vous aviez transcrit plusieurs disques pour que
Mingus puisse renouveler ses droits.
J’ai fait ça à plusieurs reprises.
Une fois, j’ai dû transcrire cinquante de ses thèmes.
Etiez-vous également proche
des autres musiciens du groupe?
J’ai été très proche de Dannie,
encore plus quand il a quitté le groupe. Il m'appelait pour jouer dans sa
formation. J’étais proche de Don Pullen, aussi.
Au fil des années, Mingus a
eu différents pianistes, Don Pullen, Hugh Lawson, Danny Mixon, Bob Neloms…
Lawson n'était pas le bon pianiste
pour cette formation parce que, sur scène, il n'était pas aussi présent que les
autres musiciens. Walter Norris a fait une tournée avec nous. Puis, il a
déménagé en Scandinavie. Mingus adorait Danny Mixon mais, si vous écoutez bien,
Danny ne joue jamais de lignes. Il fait des arpèges tout le temps. (Rires) Une fois, Mingus et lui ont
failli en venir aux mains. (Rires)
Bob Neloms était l'ami de Ricky Ford. Il a assuré la dernière année. Ensuite,
Dannie Richmond a monté un groupe avec Cameron Brown. Nous étions encore plus
proches quand nous étions dans le groupe de Dannie que dans celui de Mingus.
Qu’avez-vous composé pour
Mingus?
La toute première chose que
Mingus faisait quand vous rejoigniez son groupe était de vous demander des morceaux.
J'ai apporté «Rats and Moles», qu’il a enregistré sous le titre «Black Bats and
Poles», «Hot Dogs for Lunch», qu’il n’a jamais joué, ou encore «Autumn on
Neptune».
A quel moment vous a-t-il confié
le rôle de directeur musical et la prise en charge des arrangements?
Vers la fin, quand il a
commencé à être malade. Mais il composait toujours. Pour «Three Worlds of Drums»,
sur Me Myself An Eye, Mingus n'avait pas de mélodie. Il avait des trucs
qu’il avait griffonnés sur un bout de papier. Il a pris ses gribouillis et m’a
dit de les assembler. J'ai fait ça plusieurs fois.
Sur le plan de la
composition, qu'avez-vous appris de lui?
A enfreindre les règles. Mingus
avait tout un langage harmonique très personnel.
Pourriez-vous comparer les
groupes avec George Adams et avec Ricky Ford?
C'étaient deux formations
très différentes. D’abord parce que Dannie était habitué à jouer avec George
Adams et Don Pullen; c'était un groupe un peu fou. Ricky a apporté autre chose, il sonnait comme un vieux musicien. Il était dans Coleman Hawkins. Cela a donné
une autre couleur au groupe. Même chose avec Bob Neloms qui n'était pas
tellement dans les trucs fous. Nous avons quand même joué des arrangements un
peu barrés, mais ce n'était pas comme avec George et Don. Mais, dans la période
Ricky, Mingus a écrit une musique beaucoup plus difficile. George et Don
étaient limités dans la lecture alors que Ricky et moi-même pouvions lire
n'importe quoi. Mingus nous apportait des arrangements vraiment durs comme «Three
or Four Shades of Blues», il écrivait ces longs morceaux, comme «Cumbia &
Jazz Fusion». Mingus a développé cette écriture après que Ricky et Bob
Neloms ont rejoint son groupe.
Mingus vous a-t-il conseillé d'avoir votre propre maison d'édition?
Non, il voulait tout
publier.
Y a-t-il un disque ou une
composition qui résume votre expérience avec Mingus?
«Music for Todo
Modo», sur Cumbia & Jazz Fusion, enregistré en
Italie. Pour moi, c'est le meilleur de l'expérience Mingus. J'ai écrit l'arrangement,
mais je n'étais pas autorisé à être dans la salle de mixage. A ce moment-là, certaines
personnes essayaient de faire le tri dans son entourage ou dans son groupe
parce qu'elles étaient jalouses de ne plus écrire de musique pour lui.
Qui était Mingus?
Un type qui avait ses démons.
Il pouvait être violent. Mais il s'excusait. Il pouvait être sympa, très
encourageant. Il l’a été avec moi à la fin. Je ne sais pas où je serais si je
n'avais pas passé ces années avec lui. Et puis, il m'a gardé tout ce temps.
Mingus vous traitait-il
différemment que Ricky Ford?
Quand Ricky a rejoint le
groupe, les mauvais traitements sont passés de moi à lui. Puis, c'est revenu de
Ricky à moi.
Vous viviez à Manhattan
Plaza à l'époque, ce gratte-ciel à Midtown dont les appartements étaient loués
aux artistes avec un loyer modique, et où ont vécu Dexter Gordon, Mingus, Ricky
Ford, etc.?
Oui. Ricky m'en avait
parlé, et j’y vis toujours. Je suis peut-être le seul gars qui
reste de cette époque, car Ray Mantilla est décédé il y a quelques mois. Mingus y a emménagé
après avoir cessé de travailler.
Après l'expérience Mingus,
dans quel état d'esprit étiez-vous?
C’était difficile… J'ai passé
une audition pour Horace Silver. Cela se déroulait en deux étapes. Le premier
jour s’est très bien passé. Il m’a demandé de revenir le lendemain. Mais, pour
vous dire la vérité, mon cœur n'y était pas. Passer de Mingus à Horace Silver,
j’avais l’impression de baisser d’un cran. Et c’était beaucoup moins payé. Cela
allait passer de 2000 dollars par semaine avec Mingus à 400 avec Silver. Il
était radin. Et sa musique n'était pas aussi ouverte. Ne pas avoir obtenu ce
gig ne me dérangeait pas, même si je me demande parfois si je n’aurais pas dû
faire plus d'efforts.
Avec qui travailliez-vous?
Je travaillais en
freelance. J'ai joué avec Joe Morello pendant un moment. Puis, j’ai rejoint le Superband
de Charli Persip, qui avait été formé par Gerry LaFern (tp, 1929-1988). Philly
Joe Jones était censé être le batteur à l'origine, mais il n'a pas pris le job. Donc,
Gerry a pris Persip. Gerry est mort peu de temps après que j’ai rejoint le
groupe.
Vous êtes resté longtemps
avec Charli Persip,
de 1978 à 1990. Il a enregistré quelques-unes de vos compositions, «Marching
Out and Dancing In», «Revenge of the Fat People», «On the Road», «Big Duke».
Oui, les premiers
arrangements du Superband étaient les miens. La même chose s'est produite avec
le Mingus Big Band. Quand cela a commencé, c'étaient essentiellement les
arrangements de Mingus et les miens. Persip travaillait dur pour que ce groupe
ait des gigs. Ce n’était pas simple à gérer, un big band. Je m'entendais très
bien avec Charli et j’aimais travailler avec lui.
L’idée du groupe de Dannie
Richmond (1979-1981), avec Cameron Brown, Ricky Ford et Bob Neloms, était de
maintenir la flamme Mingus en vie?
Exactement. Ensuite, chacun
a commencé à apporter ses compos. On exprimait notre manière de ce qui était
censé être l’esprit d’un workshop Mingus. Même chose avec Mingus Dynasty puis
le Mingus Big Band. Avec Dannie, il s’est passé ce qu’il se passe quand on joue
avec les mêmes personnes pendant longtemps. On ne pense à rien d’autre qu’à la
musique, on se débarrasse de son ego. Chaque instant devient un véritable acte
de création. C’est un sentiment génial. Puis, Ricky a quitté le groupe pour jouer
avec Bob Berg. J'ai quitté le groupe, j'étais très pris par Mingus Dynasty…
En 1989 et jusqu’au début
des années 1990, vous avez dirigé Mingus Dynasty.
Au départ, Jimmy Knepper
dirigeait l’orchestre. Une fois, je suis sorti de scène en larmes, tellement la
musique était mauvaise. Puis, Dannie Richmond est mort le jour où il devait
rejoindre le groupe. John Hicks et moi avons proposé Ronnie Burrage. Je ne sais
pas ce qui est arrivé à Jimmy Knepper, soit il a été viré, soit il est parti. J’ai
pris le relais. Le big band a commencé avec les arrangements de Mingus et les
miens. Pour certains critiques, c’était l’un des meilleurs orchestres du pays.
Mais quand c’est trop bon, Sue Mingus s’inquiète. Elle a besoin de tout contrôler.
Et elle a peut-être senti qu’avec le succès du big band, elle perdait le
contrôle. Le groupe fonctionnait bien. Nous en étions arrivés au point où nous
passions d'un morceau à un autre puis revenions au morceau précédent. On faisait
toutes sortes de choses. Mais Sue n’arrêtait pas de se plaindre, même après un
concert où nous avions une standing ovation de 3000 personnes. (Rires) George Adams est venu à une
répétition mais n’est jamais revenu. Aujourd’hui, on ne m’appelle plus pour
jouer avec l’orchestre. Mais je suis toujours là. Et le groupe joue encore
certains de mes arrangements. Les mêmes arrangements de «Invisible Lady» et «Duke
Ellington's Sound of Love» ont été enregistrés trois fois! Sur Nostalgia in
Times Square (Dreyfus, 1993), Tonight at Noon... Three or Four Shades of
Love (Dreyfus, 2001) chanté par Elvis Costello, et sur Mingus Sings (Sunnyside,
2014). Cet orchestre n’existerait pas sans moi.
Est-ce vous qui recrutiez
le personnel?
Non, la seule personne qui
embauchait les musiciens était Sue. Au début, l’idée était d’avoir des personnes
qui avaient joué avec Mingus. Et de garder le même personnel pour avoir un
groupe soudé. Maintenant, il y a des musiciens différents à chaque concert. Le
problème, c’est que Sue ne voulait pas payer de leader, même si je dirigeais le
groupe… En 1991, je suis allé en Chine avec George Gruntz pendant trois
semaines. A mon retour, je n'étais plus le leader. J'ai été rétrogradé. Plus
tard, lors d’un concert, Sue s'est plainte. Je lui ai dit que, forcément, sans
leader et avec des musiciens différents tout le temps, la musique perdait en
fraicheur. Elle a dit: «Tu penses que tu
devrais être le leader? Mais tout le monde déteste ta façon de diriger, tes arrangements
et tes solos!». (Rires) Je suis
parti. Elle a même été surprise que j'arrête. (Rires) Sue et moi avions ce type de relation. Elle jouait la carte
raciale, ce que je n’aimais pas. Elle voulait qu’un musicien noir dirige un
set, surtout quand il y avait la presse dans la salle, pour que ce soit plus
légitime.
A cette époque, Hank Jones
a enregistré l'un de vos morceaux, «On the Seventh Day», sur Hank Jones Meets
Louie Bellson and Ira Sullivan.
J’ai fait un disque et Red
Rodney l’a entendu, et il voulait des morceaux. D’abord, il avait un groupe
avec Billy Mitchell (p). Ensuite, il a fait un duo avec Ira. Quand ils ont
commencé, ils utilisaient certains de mes arrangements.
Vous sentiez-vous plus à
l’aise lorsque vous jouiez avec Sam Rivers (1979-1984) et Muhal Richard
Abrams (1988-1991)?
Muhal Richard Abrams m'a beaucoup
encouragé. En 2014, il m’avait appelé pour jouer avec lui au Kennedy Center, à
Washington, DC, mais j’ai dû annuler… C’était l’un de ses derniers concerts. Sam
Rivers (cf. Jazz Hot n°605 et Jazz Hot n°658) m'a entendu jouer une fois et m'appelait chaque fois qu'il jouait avec
son big band. La première fois que je l'ai vu, c'était à Boston dans la rue.
Nous étions tous en train de prendre un trip au LSD. (Rires) Oui, leur musique était plus libre, mais j'aime aussi les
autres trucs, j'aime les changements d'accords, j'aime jouer de la musique.
Comment décririez-vous la
musique de Muhal?
Ah, je ne sais pas… Il pouvait
vraiment faire de très belles choses à la Ellington avec son orchestre. Il
était Muhal. C’est difficile d’expliquer avec des mots… J'ai joué aussi dans sa
petite formation.
Pendant toutes ces années
où vous travailliez en freelance, faisiez-vous des arrangements?
De temps en temps. Une
fois, Mel Lewis m'en a demandé un, mais je suppose que ce n'était vraiment pas adapté
à son groupe.
Comment vous êtes-vous
retrouvé sur le concert de Miles Davis à Montreux? (cf. vidéographie)
J’étais en tournée avec
George Gruntz et son orchestre. Wallace Roney était dans le groupe. J’ai appris
que nous allions soutenir Miles à Montreux mais que la veuve de Gil Evans
voulait utiliser le groupe de son défunt mari. C’est pour cela que nous étions
si nombreux sur scène. A Montreux, il y avait une répétition prévue à midi.
Miles est arrivé à 23h. Il était complètement largué. C'est pourquoi Wallace a
tant joué. De temps en temps, Miles improvisait un peu. Il n'était pas prêt à
jouer quoi que ce soit. Miles n'avait pas l'air en bonne santé. Vous avez vu la
vidéo, j’imagine? C'est moi à l'arrière, au milieu du groupe. Je suis le seul à
porter un manteau noir. J'avais acheté ce smoking new age un peu bizarre, parce qu’accompagner Miles, c’était un
événement! Mais on nous a dit de porter des t-shirts blancs à l’effigie du
festival de Montreux. Howard Johnson et moi avons décidé de nous en tenir à ce
que nous avions.
Est-ce que Miles a eu un
impact sur votre développement?
Adolescent, je voulais être
Miles. Je suppose que c’est le cas pour tous les trompettistes. Je jouais ses
solos, je l’accompagnais sur ses disques. Puis, j'ai grandi et j'ai commencé à
écouter Sonny Rollins et des musiciens comme ça. La première fois que j’ai vu
Miles, c'était à Boston. Une autre fois, il n'avait pas de
pianiste. J’ai ouvert pour lui à Madrid au Festival de Jazz. (Rires) Je jouais avec un groupe d’anciens
étudiants à moi appelés A-Free-K (Eladio Reinón, tp, Perico Sambeat, as, Ramon
Cardo, ts, Joan Marcet, g, Albert Bover, p, Mario Rossy, b, Jorge Rossy, dm).
Le concert a été enregistré sur A-FREE-K & Jack Walrath (Justine
Records, 1986). Mais Miles me perdait avec les trucs électriques. Je ne sais pas
ce qu'il essayait de faire. A la fin, il disait lui-même qu'il ne jouait pas de
jazz, parce qu'il doublait des solos de trompette sur des morceaux et tout. Ce
n'est pas du jazz.
Curtis Lundy, Jack Walrath, Victor Lewis, Bobby Watson, Italie, 2000 © Umberto Germinale-Phocus
Jack Walrath, Bobby Watson, EuroJazz Festival d'Ivrea, Italie, 2000 © Umberto Germinale-Phocus
Quels souvenirs gardez-vous
du Jazz Tribe, le groupe de Bobby Watson (as) et Ray Mantilla (cga)?
Beaucoup sont morts… Ray
Mantilla, Walter Bishop, Jr., Charles Fambrough… Tant de musiciens sont morts,
Carter Jefferson et James Williams. Même les plus jeunes nous quittent, Joey
DeFrancesco en août dernier.
Vous avez enregistré de
nombreux disques en leader, et beaucoup de compositions originales. Est-ce le
désir d’avoir un répertoire personnel?
Peut-être. J'ai juste fait
ce que je voulais faire. J'ai fait un disque où il n'y avait que des reprises,
mais je les ai arrangées dans mon style. J'ai des centaines de morceaux qui ne
seront jamais entendus, mais j'essaie de les enregistrer quand je peux.
Quel genre de compositeur
êtes-vous?
Je compose quand ça vient.
Je m'assois et j’écris.
Dans vos groupes en leader,
Michael Cochrane a été votre pianiste de prédilection.
J’aimais beaucoup son
feeling. C’était un gars discret. Je me souviens l’avoir vu dans le groupe de Sonny
Fortune (cf. Jazz Hot n°504, n°665 et n°685) , c’était magnifique! Un autre musicien, avec qui j’ai beaucoup travaillé
au fil des années, est Ronnie Burrage. Mais je n'ai pas joué avec lui depuis un
moment.
Ces dernières années, vous
avez ce groupe magnifique, qui se compose de Abraham Burton (ts), George Burton
(p), Boris Kozlov (b), Donald Edwards (dm).
Oui, ça fait un moment, dix
ans ou quelque chose comme ça. Nous avons enregistré trois disques chez
SteepleChase. C'est un sacré groupe. J'aimerais faire un autre disque avec eux.
Et jouer en concert, mais le covid a rendu les choses plus difficiles.
Jack Walrath et Abraham Burton, Moody Jazz Café, Foggia, 2009- Image extraite de YouTube (cf. vidéographie)
Pourquoi avez-vous choisi
ces musiciens-là en particulier?
Jouer dans le Mingus Big Band
m’a permis de rencontrer d’autres musiciens, comme Donald Edwards et Boris
Kozlov. Au départ, j'avais Orrin Evans, puis il a demandé à George Burton de le
remplacer. Ce quintet est aussi bon que n'importe quel groupe avec lequel j'ai
joué. Cela inclut les géants. Il y a des moments où ça sonne juste, vous savez,
parce qu’on joue ensemble depuis longtemps. On se connait, on est un groupe.
Même quand on ne joue pas ensemble pendant quelque temps, on est toujours aussi
soudés. J’ai eu ce sentiment pour mes groupes avec Abraham Burton, avec Michael Cochrane,
avec Mike Clark.
Dans quel état d’esprit
êtes-vous aujourd’hui?
J’ai 76 ans, j’aime jouer.
Je ne connais plus ceux qui dirigent les clubs ou les maisons de disques. Je
pense avoir quelques connaissances, j’ai 15 000 disques de jazz, et quelques
belles expériences à mon actif. Et il me reste encore beaucoup à apprendre. Je
ne suis pas près de prendre ma retraite. Je suis toujours à la recherche de l'accord
perdu. (Rires)
Orrin Evans, Jack Walrath, Joe Martin, Ronnie Burrage, (Wayne Escoffery, absent sur l'image), Smalls Jazz Club, New York City, 3 décembre 2021 - Image extraite de YouTube (cf. vidéographie)
* Redneck: Mot à mot, cou ou nuque rouge. Terme péjoratif dans la société américaine désignant la population de la campagne ou des petites villes de l'Amérique profonde, euro-américaine, supposée plutôt primaire dans ses choix de vie ou ses choix politiques, avec parfois un sous-entendu sur la violence et le racisme. La traduction fréquente par «plouc» en français rend insuffisamment le mépris qui accompagne son emploi, dans une société bâtie sur les exclusions de toutes natures, le racisme en particulier.
** Le fake book est un recueil artisanal de partitions de standards et compositions du jazz, éditées en toute illégalité pour permettre le travail des musiciens, donnant la ligne mélodique d'un thème et sa grille harmonique de manière synthétique (grille d'accords, mélodie minimale). Les premiers ont été édités dans les années 1940. Trente ans plus tard, les étudiants de la Berklee School of Music ont constitué un nouveau recueil de transcriptions, le Real Book, supervisée par Steve Swallow, alors professeur dans l’école, et Paul Bley.
*
|
A PROPOS DE CHARLES MINGUS, SUE MINGUS, MINGUS BIG BAND, MINGUS ORCHESTRA, MINGUS DYNASTY & JAZZ HOT
• Site Charles Mingus: https://www.charlesmingus.com/sue-mingus
• Charles Mingus: l’intégrale Charles Mingus dans Jazz Hot
• Sue Mingus: Jazz Hot n°484, 1991 Jazz Hot n°608, 2004 (livre) Jazz Hot n°638, 2007 Jazz Hot 2022 (tears)
* |
DISCOGRAPHIE LP 1979. Jack Walrath, Demons in Pursuit, Gatemouth 1002 LP/CD 1980. Jack Walrath, In Montana, Labor Records 7005 LP 1981. The Jack Walrath Group, Revenge of the Fat People, Stash Records 221
(=CD Hi Jinx, Stash Records 576 avec 6 titres inédits de 1982) LP 1982. Jack Walrath Quintet, In Europe, SteepleChase 1172 (=CD 31172)
CD 1986-87. Jack Walrath, Master of Suspense, Blue Note 7 46905 2 CD 1986. Jack Walrath, Wholly Trinity, Muse 600612 CD 1988. Jack Walrath, Neohippus, Blue Note 7 91101 2 LP 1988. A-Free-K & Jack Walrath, Justine Records C-075 CD 1990. Jack Walrath and The Masters of Suspense, Out of the Tradition, Muse 5403
CD 1990. Jack Walrath and The Masters of Suspense, Gut Feelings, Muse 5422 CD 1992. Jack Walrath & Larry Willis with Steve Novosel, Portraits in Ivory and Brass, Mapleshade Records 02032 CD 1992. Jack Walrath & The Masters of Suspense, Serious Hang, Muse 5475 CD 1995. Jack Walrath and The Masters of Suspense, Hipgnosis, TCB 01062
CD 1998. Jack Walrath & Hard Corps, Journey, Man!, Evidence 22150-2 CD 2000. Jack Walrath & Corrado Canonici, Sonage by Duplexus, PH Music Worx 000808CW CD 2001. Jack Walrath & The Masters of Suspense, Invasion of the Booty Shakers, Savant 2038
CD 2007. Jack Walrath, Ballroom, SteepleChase 31650
CD 2008. Jack Walrath, Heavy Mirth, SteepleChase 31683 CD 2010. Jack Walrath, Forsooth!, SteepleChase 31722 CD 2012. Jack Walrath, To Hellas and Back, SteepleChase 31760 CD 2013. Jack Walrath, Montana Wild Cats, Sweetgrass Music 0011 (avec Philip Aaberg et Kelly Roberti) CD 2014. Jack Walrath, Unsafe at Any Speed, SteepleChase 31795
Sideman LP 1970. King Errisson, The King Arrives, Canyon Records 7703 CD 1973. Cold Blood, Vintage Blood: Live! 1973, West Coast Spirit 104 LP 1974. Charles Mingus, Changes One & Two, Atlantic 1677/8 CD 1975. Charles Mingus, Village Vanguard 1975, Blue Mark Music 2006
CD 1975. Charles Mingus @Bremen 1964 & 1975, Sunnyside 1570 CD 1975. Charles Mingus, Live at Montreux 1975, Eagle Rock Entertainment 2014132
LP 1975. Dannie Richmond, Jazz A Confronto #25, HORO 101-25 CD 1976. Charles Mingus, Keystone Korner, Jazz Door 1219
LP 1977. Charles Mingus, Cumbia & Jazz Fusion, Atlantic 8801 (=CD 8122-71785-2) LP 1977. Charles Mingus, Three or Four Shades of Blues, Atlantic 1700 (=CD 7567-81403-2) LP 1977. Charles Mingus Quintet, The Charles Mingus Memorial Album, Burning Desire 010 LP 1977. Charles Mingus, Stormy & Funky Blues, Moon Records 064
LP 1977. Charles Mingus, Lionel Hampton Presents: The Music of Charles Mingus, Who's Who’s in Jazz 21005
(=CD Last Recordings, Who’s in Jazz 610016) LP 1978. Charles Mingus, Me Myself and Eye, Atlantic 8803 (=CD 75679 3068-2) LP 1978. Charles Mingus, Something Like a Bird, Atlantic 8805 (=CD 8122-79660-5) LP/CD 1980. Dannie Richmond and The Last Mingus Band, Plays Charles Mingus, Timeless SJP 148
LP 1980. Dannie Richmond Quintet, Gatemouth 1004 (=CD The Last Mingus Band A.D., Landmark 1537-2) LP 1980. Mingus Dynasty, Live at Montreux, Atlantic 16031 (=CD Collectables 6168)
LP 1981. Ricky Ford, Tenor For The Times, Muse 5250
CD 1981. Dannie Richmond Quintet, Three or Four Shades of Dannie
Richmond Quintet, Tutu Records 888 120
LP/CD 1982. Mingus Dynasty, Reincarnation, Soul Note 1042
LP 1982. James White & The Blacks, Sax Maniac, Animal Records 204 979-320 (=CD Infinite Zero 74321 32944 2) LP 1983. Dannie Richmond Quintet, Dionysus, Red VPA 161 CD 1984. Charli Persip & Superband, In Case You Missed It, Soul Note 1079 CD 1987. Charli Persip & Superband, No Dummies Allowed, Soul Note 121 179-2
CD 1988. Lou Rawls, At Last, Blue Note B2-591937 CD 1989. The Mike Clark Sextet, Give the Drummer Some, Stash Records 22 CD 1989. The Muhal Richard Abrams Orchestra, The Hearinga Suite, Black Saint 120103-2 CD 1990. Lou Rawls, It's Supposed to Be Fun, Blue Note 7938412
CD 1990. The Jazz Tribe, Red Record 123254-2 CD 1990. The Muhal Richard Abrams Orchestra, Blu Blu Blu, Black Saint 120117-2 CD 1991. Mingus Dynasty, The Next Generation Performs Charles Mingus Brand New Compositions, Columbia 468387 2 CD 1991. Miles Davis & Quincy Jones, Live at Montreux, Warner Bros. Records 9362-45221-1
CD 1992. The George Gruntz Concert Jazz Band, Beyond Another Wall (Live in China), TCB 94102 CD 1992. Manhattan New Music Project, Mood Swing, Soul Note 121207-2 CD 1992. Suzanne Pittson, Blues and the Abstract Truth, Vineland Records 7759 CD 1992. Bob Nell, Why I Like Coffee, New World Records 80419-2
CD 1993. Pee Wee Ellis, Blues Mission, Gramavision R2 79486 CD 1993. Muhal Richard Abrams, Familytalk, Black Saint 120132-2 CD 1993. Mingus Big Band 93, Nostalgia in Times Square, Dreyfus Jazz 36559-2 CD 1993. Cecil Brooks III, Smokin' Jazz, Muse 5521
CD 1994. Charli Persip & Superband, Natasha Imports 4028 CD 1994. Joe Lovano, Rush Hour, Blue Note 7243 8 29269 2 4 CD 1994. John Hicks-Elise Wood, Single Petal of a Rose, Mapleshade Records 02532 CD 1995. John Tank, So in Love, TCB 95602
CD 1995. Hamiet Bluiett Sextet, Young Warrior, Old Warrior, Mapleshade Records 02932 CD 1995. Rebecca Kane Sextet, A Deeper Well, Mapleshade Records 04932 CD 1997. Herbie Kopf, Who Shot the Piano Player, Brambus Records 200035-2 CD 1998. Burhan Öçal & Jamaaladeen Tacuma, Groove Alla Turca, Double Moon 0004
CD 1998. Satoko Fujii Orchestra, Jo, Buzz-Records ZZ 76008
CD 1998. The Dave Taylor Octet, The Atomic Bomb Blues, Naxos 51766 CD 1999. The Jazz Tribe, The Next Step, Red Record 123285-2 CD 2000. Manhattan New Music Project-Paul Nash, Soul of Grace, Soul Note 121317
CD 2000. Mel Martin & Bebop & Beyond, Friends and Mentors, Quixotic Records 5006
CD 2003. Mike Clark, Summertime, JazzKey Music 6374
CD 2004. Mingus Big Band, Orchestra & Dynasty, I Am Three, Sue Mingus Music/Sunnyside 3029 CD 2005. Mingus Big Band, Live in Tokyo, Sue Mingus Music/Sunnyside 3042 CD 2005. George Gruntz Concert Jazz Band, Tiger By the Tail, TCB 26702 CD 2006. Richie Cole and The Alto Madness Orchestra, Risë's Rose Garden, Jazz Excursion 103/104 CD 2007. Bill Moring & Way Out East, Spaces in Time, Owl Records 00122 CD 2014. Upper Austrian Jazz Orchestra Featuring Jack Walrath, You Got My Wife, But I Got Your Dog, ATS Records 0822 CD 2014. Ku-Umba
Frank Lacy & Mingus Big Band, Mingus Sings, Sue Mingus Music/Sunnyside 1407
*
|
VIDEOGRAPHIE par Hélène Sportis
Jack Walrath, Jazz Standard, New York, 2012, image extraite de YouTube
Chaîne YouTube de Jack Walrath
1975. Jack Walrath, Charles Mingus, «Free Cell Block F 'Tis Nazi USA, Sue’s Changes, Devil’s Blues, Goodbye Pork Pie Hat, Take the A Train», George Adams (ts, voc), Don Pullen (p), Dannie Richmond (dm), + Gerry Mulligan (bar), Benny Bailey (tp), Live At Montreux
1977. Jack Walrath, Charles Mingus, «Duke Ellington's Sound of Love», Ricky Ford (ts), Robert Neloms (p), Dannie Richmond (dm), live audio in Buenos Aires, Argentine, 3 juin
1977. Jack Walrath, Lionel Hampton (vib, Prod) Presents the Music of Charles Mingus (comp,b), Paul Jeffrey (ts,arr), Ricky Ford (ts), Woody Shaw (tp), Peter Matt (frh), Gerry Mulligan (bar,ss), Dannie Richmond (dm), Philips 9123 603, Studio 21, New York City, 6 novembre
1981. Jack Walrath, Kenny Garrett (as), Bob Neloms (p), Cameron Brown (b), Dannie Richmond (dm), album Dannie Richmond Quintet-Three Or Four Shades Of Blue, Live at Munster, TUTU Records 888 120, République Fédérale d’Allemagne, 12 juillet
1983. Jack Walrath, Glenn Ferris (tb), Michael Cochrane (p), Antony Cox (b), Mike Clark (dm), album At Umbria Jazz Festival, Vol. 2, Red Records VPA186, Perugia, Italie, 18 juillet
1986-1987. Jack Walrath album Master Of Suspense, Steve Turre (tb), Kenny Garrett (as), Carter Jefferson (ts), James Williams (p), Anthony Cox (b), Ronnie Burrage (dm), Willie Nelson (g,voc,5 et 7), 19 septembre et 9 juin, Blue Note 46905
1990. Jack Walrath, album The Muhal Richard Abrams Orchestra-Blu, Blu, Blu, New York, NYC, Black Saint 120 117, 9 novembre et 6 décembre
1991. Jack Walrath, Miles Davis et Quincy Jones, Live in Montreux, Suisse, 8 juillet
2001. Jack Walrath Master Of Suspense, album Invasion of the Booty Shakers, Jack Walrath (tp,prod,voc,perc), Miles Griffith (voc,perc), Bill Bickford (g,perc,voc), Hill Green (b), Cecil Brooks III (dm), Dwayne Dolphin (pic eb), Art Baron (perc,didjeridoo), Dean Bowman (Hurdy Gurdy)
2004. Album I Am Three: (1) Mingus Big Band: Jack Walrath, Randy Brecker, Jeremy Pelt, Walter White, Kenny Rampton (tp); Kuumba Frank Lacy, Conrad Herwig (tb); Earl McIntyre (btb,tu); Alex Foster, Jaleel Shaw, Miguel Zenon, Craig Handy (as); Seamus Blake, Wayne Escoffery, Abraham Burton (ts); Ronnie Cuber, Scott Robinson (bar); George Colligan, John Hicks, Orrin Evans (p); Boris Kozlov (b); Johnathan Blake, Donald Edwards (dm) (2) Mingus Dynasty: Kenny Rampton (tp), Kuumba Frank Lacy (tb), Craig Handy (as,fl), Seamus Blake (ts), Orrin Evans (p), Boris Kozlov (b), Donald Edwards (dm) (3) Mingus Orchestra: Kenny Rampton (tp), Bobby Routch (frh), Kuumba Frank Lacy (tb), Craig Handy (as), Seamus Blake (ts), Douglas Yates (bcl), Michael Rabinowitz (basson), Jack Wilkins (g), Boris Kozlov (b), Donald Edwards (dm), New York, 10 octobre & New Jersey, 7 novembre, Sunnyside/Sue Mingus Music 3029
2009. Jack Walrath, Abraham Burton (ts), Orrin Evans (p), Boris Kozlov (b), Donald Edwards (dm), live au Moody Jazz Cafè, Foggia, Italie, 16 mars
2012. Jack Walrath, interview Philly Jazz
2012. Jack Walrath, Orrin Evans (p), Tim Warfield (s), Vicente Archer (b), Obed Calvaire (dm), Philly Jazz, live au Jazz Standard, New York, NYC, été
2021. Jack Walrath, Wayne Escoffery (ts), Orrin Evans (p), Joe Martin (b), Ronnie Burrage (dm), live au Smalls Jazz Club, New York City, 3 décembre |
|