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Connie Han «Southern Rebellion» (CD Crime Zone, Mack Avenue) image extraite de la vidéo YouTube (cliquer sur l'image)
Connie Han «Southern Rebellion» (Connie Han, CD Crime Zone, Mack Avenue)
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Connie HAN

Iron Starlet

 
Connie Han est un miracle comme le jazz en produit souvent car il est généreux, mais un miracle étonne toujours. A seulement 25 ans, et après trois albums parfaitement réussis, conçus avec clairvoyance comme autant d'étapes de son développement artistique, la pianiste et compositrice démontre des qualités d'expression et de virtuosité qui se conjuguent avec une sensibilité intuitive au jazz. Une démarche qui relève d’une personnalité affirmée et d’une maturité précoce. Née dans une famille dévouée à la musique, traditionnelle et classique, dont elle a retenu une grande aisance instrumentale –une main gauche exceptionnelle et un beau toucher–, elle a choisi le jazz, «un art social» comme elle le définit, un langage dont elle a décidé qu'elle pouvait en respecter les fondements sans restreindre sa liberté de création et de femme libre du XXIe siècle. C'est par le regretté Kenny Kirkland (1955-1998), un pianiste de la fin du XXe siècle, qu'est arrivée la révélation de sa passion pour le jazz et, très rapidement, avec le conseil original du batteur Bill Wysaske qu'elle évoque ici, elle a choisi de s'inscrire dans la longue lignée des pianistes du jazz, d’Art Tatum et Mary Lou Williams  jusqu'à Mulgrew Miller, Kenny Kirkland et McCoy Tyner, dont elle disait: «il était l’une des dernières légendes vivantes de la mythologie jazz post-bop qui a façonné ma personnalité et mon âme» dans l'hommage paru dans Jazz Hot 2020
Elle entend prolonger le message à sa façon, en s'inspirant notamment des saxophonistes, en composant aussi ou en jouant des standards qu'elle revisite avec originalité
. Dans une interview à Brian Pace (cf. vidéographie), elle note qu'«il n’est pas besoin de déconstruire le jazz pour être originale.» 
Voilà pourquoi il faut écouter Connie Han sans s'appesantir sur une communication qui fait parfois référence à la science-fiction, ou focalise sur sa beauté naturelle comme cela arrive dans le jazz depuis toujours. Car la jeune femme est simplement une artiste bien décidée, et elle semble savoir d'où elle vient et où aller («Je pense dédier le reste de ma vie au jazz», interview déjà citée). On attend la suite avec impatience… Connie Han, de passage à Paris avant le confinement, est une artiste à découvrir (cf. vidéographie).

Propos recueillis par Jérôme Partage
images extraites de YouTube
Avec nos remerciements

© Jazz Hot 2021

 

2019. Connie Han, Iron Starlet, Mack Avenue




Connie Han:
Je suis est née le 4 février 1996 à Los Angeles, CA. Mon père est originaire de Shanghaï et ma mère de Taïwan. Je suis donc la première génération de Sino-Américains. Je ne parle pas le mandarin. D’ailleurs quand je suis au téléphone, les gens n’imaginent pas que je sois d’origine chinoise. Mes parents sont tous deux musiciens professionnels et spécialisés dans la musique traditionnelle chinoise. De plus, ma mère est professeur de piano classique. C’est elle qui m’a initiée à l’instrument dès l’âge de 5 ans et m’a donné les bases. J’ai ensuite suivi une formation classique.

 

Jazz Hot: Vous avez étudié dans un lycée spécialisé dans les arts. Vous aviez déjà envie d’être musicienne professionnelle?

 

Oui. Simplement, je ne savais pas encore que ce serait pour jouer du jazz. Mes parents m’avaient inscrite dans ce lycée car ils pensaient que ce serait un environnement stimulant pour moi. Cependant, connaissant les aléas du métier de musicien, ils m’encourageaient à suivre un cursus plus conventionnel. Je suis donc entrée à l’université, à 18 ans, dans le but d’obtenir un diplôme. Mais, au bout de trois semaines, j’ai réalisé que je voulais me consacrer à la musique à 100%. Etant par ailleurs d’un naturel très indépendant, j’ai préféré commencer directement à travailler pour gagner ma vie plutôt que d’entrer dans une école. Ça a d’abord inquiété mes parents, mais quand ils ont compris que je savais où j’allais, ils m’ont totalement soutenue.

 

Comment avez-vous découvert le jazz?

 

Mon lycée avait un programme jazz de très bon niveau. Et j’ai commencé à suivre des cours pour débutants, à écouter les grands classiques qu’on nous recommandait comme Soul Station d’Hank Mobley ou Kind of Blue de Miles Davis. J’ai entendu des choses que je n’avais jamais entendues ailleurs. Mais ce qui m’a vraiment fait basculer dans le jazz c’est le trio de Kenny Kirkland et sa composition «Chance» avec Chris McBride et Jeff Tain Watts. Il y avait une telle alchimie, une telle connexion avec le rythme. Je me suis alors dit: «C’est ce que je veux faire quand je serai grande!» (Rires) J’avais 14 ans.



Bill Wysaske (dm), studio de WRTI 90.1, Philadelphie, PA, 15 mars 2019, image extraite de la vidéo YouTube (cliquer sur l'image)Ivan Taylor (b), Connie Han (p), studio de WRTI 90.1, Philadelphie, PA, 15 mars 2019, image extraite de la vidéo YouTube (cliquer sur l'image)
Bill Wysaske (dm), Ivan Taylor (b), Connie Han (p), studio de WRTI 90.1, Philadelphie, PA, 15 mars 2019,
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C’est dans ce même lycée que vous avez rencontré Bill Wysaske qui était alors votre professeur…

Bill est un excellent communicant, et il a des principes pédagogiques pour le jazz très particuliers mais qui devraient être plus largement adoptés. Bien que n’étant pas mon professeur de piano, il était capable de susciter chez moi des idées musicales sophistiquées. C’est une approche qui va à l’encontre des habitudes: généralement, les jeunes pianistes se forment auprès de pianistes plus âgés. Je pense que les jeunes musiciens n’étudient pas assez avec des musiciens jouant d’un autre instrument. Or, c’est ce qui permet d’apprendre à jouer avec les autres, donc d’être musicien de jazz. Bill m’a aidée à développer mon sens du rythme, mon approche des harmonies et à jouer en petite formation. Alors que j’apprenais les changements d’accords, il m’a expliqué que c’était juste une palette de sons, et que tu peux choisir ceux que tu veux du moment que tu respectes les règles fondamentales. Il a été le premier enseignant à me parler comme à une artiste adulte. Cela m’a permis d’explorer la musique d’une façon plus mature que les autres élèves de mon âge. Et de professeur, Bill est devenu mon producteur, mon partenaire, le batteur et le directeur musical de mon trio. Les choses se sont faites progressivement: tout d’abord, il a souhaité produire; ensuite je lui ai proposé de rejoindre mon trio. Les artistes doivent prendre leurs propres décisions, mais je crois que c’est aussi important de prendre conseil auprès de gens plus expérimentés. Cela rend votre musique meilleure. Aujourd’hui, nous travaillons sur un pied d’égalité autant que possible. Nous échangeons nos idées musicales en sachant précisément quel son nous voulons. Nous avons la même source d’inspiration: la génération des «Young Lions» des années 1990 dont le pionnier a été Wynton Marsalis avec Black Codes (Columbia, 1985). Mais aussi le Joe Henderson des années 1960 et le Kenny Garrett des années 1990. Je suis très intéressée par la résurgence de ce qu’on appelle le «néo-bop» et j’ai envie de l’intégrer à ma musique.

Connie Han «A Shade of Jazz» (Joe Henderson) image extraite de la vidéo YouTube (cliquer sur l'image)
Connie Han «A Shade of Jazz» (Joe Henderson)
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Quelles sont vos principales influences au piano?

 

McCoy Tyner, Mulgrew Miller et Kenny Kirkland pour ce qui est du piano jazz moderne. Mais j’aime aussi d’autres styles de pianistes: j’ai beaucoup étudié Hank Jones, qui est l’un des pianistes les plus complets, ainsi qu’Art Tatum dont j’ai fait beaucoup de transcriptions. J’ai appris la musique en écoutant et en transcrivant les solos. Mais au fur et à mesure que je gagne en maturité comme improvisatrice, j’ai envie de phraser davantage comme un cuivre. De ce fait, j’écoute beaucoup Joe Henderson, Sonny Rollins et John Coltrane.


Connie Han «Passion Dance» (McCoy Tyner), image extraite de la vidéo YouTube (cliquer sur l'image)
Connie Han «Passion Dance» (McCoy Tyner)
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Quand avez-vous obtenu votre premier engagement professionnel?

 

A 17 ans, dans un restaurant de Los Angeles. C’est à partir de là que je me suis vraiment projetée en tant que musicienne professionnelle et leader. En outre, c’était pour moi le moment d’expérimenter les conséquences des erreurs que je pouvais commettre. A l’école, les erreurs sont sans conséquence puisqu’on est en apprentissage. Il s’agissait donc de me confronter à la réalité, celle du musicien professionnel. C’est pourquoi, mon passage à l’université, l’année suivante, a été très bref. J’ai alors commencé à travailler avec Bill sur mon premier album et à jouer dans la région.  

 

2015. Connie Han Interprets the Richard Rodgers Songbook, Autoproduit


Ce premier album était consacré aux compositions de Richard Rodgers. Pourquoi?

 

J’avais 19 ans, et je ne me sentais pas encore assez mûre en tant que compositrice. Par ailleurs, il est important de comprendre et d’apprendre l’American Songbook et en particulier Richard Rodgers qui en est l’un des plus grands contributeurs. C’était aussi un challenge d’essayer d’interpréter ce répertoire dans un style de jazz moderne en réinventant les harmonies, la structure rythmique. Cela revient d’une certaine façon à composer, et à mettre en valeur ce patrimoine.

 



2018. Connie Han, Crime Zone, Mack Avenue


Q
uelle était votre inspiration pour le suivant, Crime Zone?

 

Le titre et le visuel de la pochette sont une référence au film de science-fiction Blade Runner (Ridley Scott, 1982). Je ne dirais pas que c’est également le cas pour la musique, mais pour l’attitude et le style, oui. Consciemment, j’ai choisi de revendiquer une apparence différente de ce que l’on attend généralement des femmes dans le jazz. Pourtant le jazz porte dans ses origines quelque chose de sensuel et de brut. J’ai vu une interview de Hank Jones dans laquelle il racontait que son père lui demandait de ne pas jouer cette «musique du diable», alors qu’aujourd’hui le jazz et devenu très convenable. Tant mieux, mais je ne crois pas pour autant qu’affirmer sa féminité soit un problème. On peut avoir l’air d’une rock-star et jouer cette musique dans la tradition.   




Qu’est-ce que le jazz pour vous?

 

Tout en ayant une dimension intellectuelle, il exprime les instincts primaires humains. Cela vient spécifiquement du rythme et de ses racines africaines. Il permet d’exprimer ce que vous ne pouvez pas dire avec des mots: ce que c’est d’être un humain et les relations avec les autres humains.  

 

Parlez-nous de votre nouvel album, Iron Starlet

 

Il est dans le prolongement du précédent. Il s’agit d’être moderne en célébrant la tradition. Mais avec encore un peu plus de maturité. 

 

A 25 ans, vous avez déjà trois albums en leader à votre actif. Imaginez-vous aussi accompagner des musiciens sur leurs propres projets?

 

Absolument! J’espère avoir l’occasion de le faire. Pour l’instant, je suis concentrée sur mon travail de leader.  


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CONNIE HAN & JAZZ HOT (chroniques de disques): Jazz Hot 2019, Jazz Hot 2021

SITE INTERNET: www.conniehan.com


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DISCOGRAPHIE


Leader
CD 2015. Connie Han Interprets the Richard Rodgers Songbook, autoproduit
CD 2018. Connie Han, Crime Zone, Mack Avenue 1140

CD 2019. Connie Han, Iron Starlet, Mack Avenue 1171


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VIDEOGRAPHIE
par Hélène Sportis

Connie Han, New York City's Steinway Hall, NY, 2020, image extraite de la video YouTube (cliquer sur l'image)
Connie Han, New York City's Steinway Hall, NY, 2020, image extraite de la vidéo YouTube (cliquer sur l'image)


Chaînes YouTube de Connie Han

https://www.youtube.com/channel/UCZUhzUrX6oXmTKcSu-cMG9w/playlists

https://www.youtube.com/c/ConnieHanJazz/videos

 

2018. Connie Han, Edwin Livingston (b), Bill Wysaske (dm), «Grüvy», live at the Dirty Dog Jazz Cafe, Grosse Pointe Farms, MI, 29 septembre

https://www.youtube.com/watch?v=_Ec8fIglwbU

 

2019. Connie Han, Ivan Taylor (b), Bill Wysaske (dm), Live from the WRTI 90.1 Performance Studio, 15 mars 2019

https://www.youtube.com/watch?v=wcyleuJt3Dg

 

2019. Connie Han, interview et musique, The Pace Report live at the Jazz Standard, New York, NY, Ivan Taylor (b), Bill Wysaske (dm), Brian Vincent Pace (dir, prod), Outward Media Group

https://www.youtube.com/watch?v=NGknkriZsLw

 

2020. Connie Han compositrice, Jeremy Pelt (tp), Walter Smith III (ts), Ivan Taylor (b), Bill Wysaske (dm), «Mr. Dominator», album Iron Starlet, Mack Avenue Records

https://www.youtube.com/watch?v=FJXTkhwKURw

 

2020. Connie Han soliste-interprêtre, «Girl Talk», New York City's Steinway Hall, NY

https://www.youtube.com/watch?v=k3i0-h2c2WY

 

2020. Connie Han, Ivan Taylor (b), Bill Wysaske (dm), live at Subculture in Manhattan/NYC Winter Jazzfest, NY, 10 janvier

https://www.youtube.com/watch?v=KeztlazsaFA



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