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Roberto Magris © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy
Roberto Magris © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy

Roberto MAGRIS

From Trieste to Kansas City

 
Roberto Magris est né le 19 juin 1959 à Trieste, port septentrional de l'Adriatique enclavée dans la Slovénie, à la frontière orientale de l’Italie, qui fut sous domination austro-hongroise jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale où elle devint italienne, avant de passer trente ans plus tard, sous administration de l'ONU, à l’issue du second conflit mondial avant de réintégrer l'Italie en 1954, sans son arrière-pays qui resta, par traité, possession de la Yougoslavie en 1977, puis de la Slovénie érigée en République en 1991 après le démantèlement de la Yougoslavie et l’effondrement du bloc communiste en Europe de l’Est et dans les Balkans. On retrouve une tradition du jazz localement à Trieste mais aussi en Slovénie où existait dès l'époque yougoslave, une pratique, des clubs et des festivals de jazz (Ljubljana), sans doute favorisée par la présence alliée à la Libération puis la présence onusienne, anglo-américaine, jusqu'à 1953. 
L’héritage multiculturel ancestral de Trieste a suscité la curiosité de Roberto Magris dès son jeune âge, au moment même où, parallèlement, il déchiffrait sur son piano les disques de Bud Powell. Un intérêt qui explique qu’au début de sa carrière, il soit allé à la rencontre des jazzmen de Tchécoslovaquie, Pologne, Roumanie, Allemagne de l’Est, plutôt que vers les musiciens de Chicago ou de Kansas City, avec lesquels il ne nouera de relation qu’à compter du milieu des années 2000, avec la rencontre de Paul Collins, activiste du jazz à Kansas City, et la création du label JMood Records qui édite, depuis, la plupart de ses disques.
Tout le mystère et l'originalité de la personnalité musicale de Roberto Magris plongent sans doute dans cette richesse multiculturelle, et se trouvent dans sa capacité à assimiler, avec une curiosité en éveil, quelles que soient les époques et les lieux, le langage du jazz au point de côtoyer avec bonheur quelques-uns des grands artistes classiques de cette musique –d’Herb Geller et Albert Tootie Heath à Art Davis et Idris Muhammad, en passant par Ira Sullivan– auxquels il donne la réplique sur plusieurs albums où s’entendent ses qualités d’expression ancrées dans le swing et le blues, avec une dimension lyrique toute italienne mais également une culture savante pénétrée de la tradition de ce monde central des Balkans.
Sur les terres du jazz, Roberto Magris donne la pleine mesure de son talent, avec ses partenaires américains et européens. Son grand écart réussi entre Trieste et l'Amérique s'explique aussi par une personnalité entreprenante, hyperactive, une mobilité au propre et au figuré, capable de s'adapter à tous les contextes, américains ou du monde au-delà du rideau de fer, comme des cadres les plus informels ou à l'opposé institutionnels pour des projets de commande.
Même son détour par l’«acid-jazz» dans les années 1990, se place dans un registre où l'expression, le blues et le swing ont leur place. Le pianiste a élaboré une discographie quantitativement importante, en leader et coleader seulement, à la hauteur sur le plan qualititatif de ses inspirations, puisées notamment dans le monde post-coltranien, chez McCoy Tyner, Stanley Cowell, entre beaucoup d'autres, car nul doute que Roberto Magris est attentif aux grands artistes du jazz dans leur ensemble. Egalement compositeur et arrangeur, Roberto Magris construit ainsi une œuvre originale, à cheval entre plusieurs mondes, sans perdre ou galvauder l'esprit de ses inspirations, avec «respect» comme il le souligne.


Propos recueillis par Jérôme Partage
Photos Michele Giotto, H.-J. Marquet, X, Collection Roberto Magris by courtesy
Avec nos remerciements

© Jazz Hot 2021



Roberto Magris, sur le piano familial, Noël 1963  © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy


Roberto Magris, sur le piano familial, Noël 1963
© Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy




Jazz Hot:
Comment avez-vous découvert et appris le piano?

Roberto Magris:
Mes parents n’étaient pas musiciens mais ils m’ont offert quelques leçons de piano à titre d’essai. Comme j’ai eu une réaction positive, ils ont loué un piano sur lequel j’aimais passer du temps à jouer. J’ai étudié la musique classique pendant de nombreuses années, puis à l’adolescence, je me suis progressivement tourné vers le rock; on était alors au début des années 1970. J’aimais particulièrement Santana et ses albums Welcome et Caravanserai, sans savoir qu’ils avaient été influencés par Coltrane. Au lycée, j’aimais écouter à la radio le programme jazz de la RAI présenté par Adriano Mazzoletti(1). J’étais attiré par le swing et ces accords de piano que je n’avais jamais entendus auparavant. J’ai été spécialement impressionné par un morceau que j’avais enregistré lors de cette émission: une version de «Night in Tunisia» par Bud Powell. Je pouvais jouer le thème d’oreille, mais il m’a fallu des semaines pour reproduire approximativement les accords. C’est ainsi que j’ai appris le jazz: en écoutant des centaines d’albums, en transcrivant des solos et en jouant sur scène lors de jam sessions et de concerts.

Comment était alors la scène jazz de Trieste?

Trieste possédait une scène jazz du fait qu’avait été créé, après la Seconde Guerre mondiale, le Territoire libre de Trieste qui est resté sous administration anglo-américaine jusqu’en 1953. Il est arrivé la même chose à Berlin et à Vienne. Durant cette période, les troupes américaines basées à Trieste, qui était la frontière occidentale du monde communiste, ont suscité l’ouverture de nombreux clubs où jouaient les musiciens locaux auxquels on a demandé d’assimiler rapidement le langage du jazz qui venait des V-Discs. Ainsi, dans les années 1950, nous avions à Trieste une première génération de musiciens de jazz assez bons et modernes, également exercés par les jam sessions avec les musiciens américains qui servaient dans l’armée: Herbie Mann en fit partie. Quand j’ai commencé à jouer du jazz, à la fin des années 1970, beaucoup de ces jazzmen locaux étaient encore là, tandis que le Circolo Triestino del Jazz organisait des concerts dans les théâtres et les clubs. Assez rapidement, je suis parvenu à intégrer les sections rythmiques d’orchestres qui accompagnaient des artistes de passage comme Kai Winding, Eddie Lockjaw Davis, Sal Nistico et plusieurs jazzmen italiens d’importance.


Roberto Magris en 1981 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy
Roberto Magris en 1981 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy


Quelles ont été vos premières influences au piano?


Après mes premiers essais avec Bud Powell, le premier disque de jazz que j’ai acheté fut The Way I Really Play d’Oscar Peterson. Et c’est toujours l’un de mes préférés! Cependant, ma véritable influence est Bobby Timmons (Moanin’, This Here, Dat There, So Tired…) avec Les McCann, car j’aimais le «soul jazz». Avec mon premier groupe, au lycée, j’ai étudié et joué les classiques de Charlie Parker quand la plupart des musiciens en Italie jouaient alors du free. Puis, après avoir écouté Coltrane, McCoy Tyner est devenu mon héros. Plus tard, j’ai eu une période Monk dont les accords altérés ont marqué à jamais mon approche du piano. Il y eu aussi Bill Evans, enfin la découverte d’Andrew Hill qui m’a hypnotisé avec ses compositions dansantes et sa grande liberté musicale.  

Comment avez-vous débuté professionnellement?

En 1977, j’ai assisté à un séminaire jazz organisé à Venise par Giorgio Gaslini(2) où j’ai rencontré des musiciens qui m’ont introduit sur la scène de Vénétie. Le Gruppo Jazz Marca de Trévise, dirigé par le batteur Franco Polisseni, était à la recherche d’un nouveau pianiste. J’ai eu la chance de l’intégrer et, après les premières répétitions, la décision a été prise de revenir à une formule trio. Nous avions des engagements tous les week-ends. Notre inspiration venait en particulier de deux albums en trio que j’aime toujours écouter aujourd’hui: The Awakening d’Ahmad Jamal et Blues for the Viet Cong de Stanley Cowell.


Roberto Magris avec Eddie Lockjaw Davis, Trieste, Italie,1984 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy
Roberto Magris avec Eddie Lockjaw Davis, Trieste, Italie,1984 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy


La proximité de Trieste avec l’Europe centrale a été déterminante pour vous…


1985. Grupo Jazz Marca, Mitteleuropa, GulliverComme vous le savez, Trieste est une ville multilingue et multiculturelle avec un fort héritage provenant de l’ancien empire austro-hongrois. Durant le lycée, j’ai adoré creuser cet aspect, et j’ai ressenti une attirance particulière pour la culture de Vienne, Prague, Budapest, Cracovie et de l’Europe centrale. Je ne comprenais pas pourquoi, en Italie et généralement en Occident, personne n’accordait de considération aux cultures des pays de l’Est. Au début des années 1980, j’ai commencé à m’intéresser de plus en plus à ce qui se passait là-bas, et j’ai voulu aller voir par moi-même. Après avoir envoyé quelques lettres, j’ai été invité à participer au Festival de jazz de Prague, en 1984, où j’ai rencontré Frantisek Uhlir (b) et Pavel Smetacek (cl) avec lesquels je suis resté lié toute ma vie. Je suis également allé à Budapest où j’ai rencontré Tony Lakatos (s) et Janos Gonda (p) qui m’avait impressionné avec son mémorable album Sámánének/Shaman Song (Pepita). En 1986, j’ai joué au Sibiu Jazz Festival en Roumanie (créé en 1975) ainsi qu’au Tonne Jazz Club de Dresde. C’était le seul club qui existait officiellement en RDA à l’époque. J’y suis d’ailleurs retourné en 2019, et j’ai retrouvé le patron du club, trente-cinq ans après. C’était assez émouvant… Toujours est-il que dans ces années 1980, je suis devenu une sorte d’habitué du jazz au-delà du rideau de fer, particulièrement à Prague. D’un point de vue musical, je me sentais appartenir à ce courant du jazz d’Europe centrale, assez méconnu à l’Ouest, et j’essayais d’abolir les frontières. J’étais en phase avec ce jazz, inspiré par Coltrane et l’expérience modale, qui incluait également une relecture des mélodies du folklore et les influences romantiques. Je pense à la musique documentée par des labels d’Etat oubliés comme Supraphon, Poljazz, Hungaroton, Pannonton, Jugoton, Amiga… Quand je rentrais de voyage, j’explorais cette philosophie musicale avec le Gruppo Jazz Marca (Roberto Magris, Lilli Furlan, Franco Polisseni). L’album Mitteleuropa (Gulliver, 1985) est d’ailleurs tout à fait représentatif de cette démarche.

 1994. Roberto Magris Quartet, Maliblues



En 1987, vous avez fondé votre quartet italien…

Après l’expérience du Gruppo Jazz Marca –le batteur est mort soudainement–, j’ai formé mon quartet italien (Marco Castelli ts-ss, Luigi Rossi b, Davide Regazzoni dmavec une orientation post-coltranienne, straight modern jazz, travaillant essentiellement sur des compositions originales. Il y a eu deux versions de ce quartet en vingt ans, séparées par un entracte, ma période acid jazz, à la suite de laquelle j’ai totalement renouvelé les musiciens. Le premier quartet m’a aidé à grandir musicalement et professionnellement en Italie et en Europe. Avec le second quartet, j’ai développé encore davantage ma carrière internationale avec des tournées en Amérique latine, en Australie, en Asie, en Chine et en Extrême-Orient. J’ai dû arrêter en raison de mon implication grandissante dans Europlane et mes voyages aux Etats-Unis. 





Cette période acid jazz se situe dans les années 1990 avec la création des groupes DMA Urban Jazz Funk et Alfabeats Nu Jazz. Comment cela est-il venu?

Avec mon amour pour le soul jazz est née une passion pour le Hammond B3 (Jimmy Smith, Larry Young, John Patton, Eddy Louiss…). Quand l’acid jazz l’a remis au goût du jour, j’ai acheté un Hammond, et j’ai fondé le DMA Urban Jazz Funk qui comprenait, comme c’était la mode à l’époque, un «gentil» M.C., un rappeur qui ne délivrait pas un discours négatif mais des textes inspirés du jazz. Avec ce groupe, je me suis produit dans plusieurs grands festivals de jazz comme ceux de San Sebastian, Montréal et Du Maurier à Vancouver. Mais après quelques années, j’en ai eu assez de la musique groovy. J’ai donc remanié la formation qui est devenue l’Alfabeats Nu Jazz avec une nouvelle direction musicale orientée vers le jazz progressif, et un retour graduel au piano acoustique. Mais le caractère mixte de la musique rendait les engagements difficiles à trouver. C’est dommage car c’est, à mon avis, l’un des meilleurs groupes que j’ai eu en Europe…

1999. Europlane Orchestra, Plays Kurt Weill




Parlez-nous de la création de l’Europlane Orchestra en 1998.


L’opportunité s’est présentée en raison de la présence à Trieste du siège de l’Initiative centre-européenne (CEI, créée en 1989). L’Europlane Orchestra était un ensemble de jazz «ouvert» rassemblant des musiciens d’Europe de l’Est et de l’Ouest (avec également quelques invités comme Philip Catherine et Roberto Ottaviano) ce qui correspondait à la vocation de la CEI d’aider à l’intégration de l’Est avec l’Ouest. De plus, j’ai eu la chance de renouer avec des amis de vingt ans, de l’époque du rideau de fer, dans des conditions artistiques complètement différentes. C’était formidable! J’ai ainsi eu la tâche de composer et d’arranger un nouveau répertoire, ce qui ne fut pas simple mais pleinement satisfaisant. J’ai alors beaucoup appris de l’art de l’arrangement. Lorsque les derniers pays de l’Est ont adhéré à l’Union européenne, quelques années plus tard, notre mission était terminée et les fonds ont été coupés…



Vous avez tourné en Europe avec Herb Geller. Quand cela a-t-il commencé?

Nous nous sommes rencontrés pour la première fois en 2003 –il avait 75 ans– pour enregistrer l’album Il bello del jazz (Soul Note), et nous avons continué à jouer ensemble jusqu’à la fin, mais pas de façon continue en raison de sa santé fragile. Herb Geller était un gentleman, avec un sens de l'humour très vif –il adorait les films de Woody Allen– et il m'a fait entrer dans son magnifique monde de jazz bâti par Benny Carter, Strayhorn, Duke, Johnny Hodges, Basie, Al Cohn, Zoot Sims… Il aurait pu défier Jimmy Rowles sur sa fameuse connaissance des standards et des chansons du répertoire, et il aimait collectionner toutes sortes de partitions musicales. Quand je suis venu le chercher à l'aéroport pour la première fois, il m'a expliqué que devant se limiter à deux bagages à main, l’un était pour le sax alto et l’autre soit pour le sax soprano, soit pour les partitions… Evidemment, il avait choisi de prendre un sac plein de partitions. Il aimait presque autant le jazz que le baseball, et c'était un bon point de départ pour moi, car j'avais l'habitude de jouer au baseball dans mon adolescence. Avant chacune de nos réunions pour des concerts, je recevais généralement un appel de sa fille me prévenant qu'il devait bien manger, et suffisamment, bien dormir, ne pas faire de voyages pénibles, car il avait alors environ 80 ans. Il aurait d’ailleurs aussi pu être mon père. Herb était au courant de ces appels. Une fois à Turin, après le concert, au lieu de venir avec nous au restaurant, il me dit: «Je me sens un peu fatigué, peut-être vaut-il mieux que j'aille à l'hôtel pour récupérer et me détendre.» Pensant aux avertissements de sa fille, je l’ai encouragé en ce sens. Le lendemain, au petit déjeuner, je lui demande s’il s’était bien reposé. Il me répond avec un grand sourire: «Absolument parfait! Je n’ai pas du tout dormi, car je devais regarder en streaming les matchs de baseball de la ligue majeure que je ne pouvais pas manquer. Mais ne le dis pas à ma fille!».


Roberto Magris avec Herb Geller, Padova Jazz Festival, Italie, 2009 © Michele Giotto, Collection Roberto Magris by courtesy
Roberto Magris avec Herb Geller, Padova Jazz Festival, Italie, 2009 © Michele Giotto, Collection Roberto Magris by courtesy



Que retenez-vous en particulier de votre relation?


Nous avons enregistré deux albums et donné de nombreux concerts ensemble. Avec lui, j'aimais jouer d'une manière un peu différente de mon style habituel, plus tournée vers la tradition, en pensant aux pianistes de la West Coast et même à Teddy Wilson. Il adorait ça, même quand je ne pouvais pas éviter d’ajouter quelque chose «out», de temps en temps. Il a joué au sommet jusqu'à la fin, avec ses phrases bop vibrantes et son ton romantique dans les ballades. Ce fut un honneur pour moi de passer du temps et de partager la scène avec lui. Herb me racontait tout le temps des anecdotes sur sa carrière, et il m’a donné beaucoup de ses partitions anciennes. Il me parlait de la nécessité que des gens comme moi gardent en vie le jazz –il entendait le jazz «classique». Il craignait que ces belles musiques et partitions soient oubliées. Il m’a donc confié une sorte de devoir. De façon surprenante, quelques années plus tard, Art Davis, bien que dans une perspective musicale complètement différente, m’a donné une mission similaire. J'adore me souvenir des deux!


Roberto Magris (p), Art Davis (b), Tony Lakatos (ss), John Alesi (dm), Catalina Jazz Club, Los Angeles, CA, 2006 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy
Roberto Magris (p), Art Davis (b), Tony Lakatos (ss), John Alesi (dm),
Catalina Jazz Club, Los Angeles, CA, 2006 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy




Roberto Magris avec Art Davis, Mutual Musicians Foundation, Kansas City, KS, 2007 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy



Roberto Magris avec Art Davis, 

Mutual Musicians Foundation, Kansas City, KS, 2007

© Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy


Comment est né JMood Records…

 

En 2006, le promoteur de jazz de Kansas City, Paul Collins, m'a invité à me produire pour la première fois aux USA, après avoir écouté mon album Check-In (Soul Note) avec Tony Lakatos, qu’il a également fait venir à Los Angeles, au Catalina Jazz Club et à la Jazz Bakery, avec Art Davis (1934-2007) à la basse. Les concerts s’étant très bien déroulés, il m'a de nouveau invité à jouer, cette fois à Kansas City, en trio avec Art Davis, que tout le monde appelait «Dr. Art», et Jimmy Junebug Jackson (dm). A cette époque, je travaillais avec le label Soul Note, et j’ai proposé à son propriétaire, Flavio Bonandrini, d’enregistrer le trio. Du coup, Paul Collins a organisé une session à Kansas City. Mais nous avons eu une mauvaise surprise: peu après, les labels Black Saint et Soul Note de Bonandrini ont été rachetés par CAM Jazz qui ne voulait pas de ces bandes(3). Paul a donc décidé de sortir le disque lui-même et a créé ainsi JMood Records. Au demeurant, Kansas City Outbound aurait dû être publié sous le nom d’Art Davis, mais il a souhaité que ce soit sous le mien, car il m’avait demandé de choisir les titres et que, pour lui, le leader d’un trio est toujours le pianiste. J’ai sinon une anecdote très drôle à propos de cet enregistrement: Paul Collins avait réservé le studio pour une session nocturne afin d’économiser de l’argent. Mais quand nous sommes arrivés sur place, nous nous sommes aperçus que le piano était désaccordé. J’avais un vol retour le lendemain, donc impossible de reporter la séance. Le propriétaire du studio a immédiatement téléphoné à l'accordeur de piano: sa femme a répondu qu'il était sorti pour prendre des bières avec des amis, mais qu’elle lui demanderait de rappeler à son retour. Dr. Art, Junebug et moi attendions affalés sur le canapé, désespérés… Dr. Art, qui était assez énervé, a allumé la télévision. Juneburg nous a proposé de regarder le dernier Rocky, et on a commencé le film. Pendant ce temps, l’accordeur est arrivé. Au moment du film où intervient le match final de Rocky Balboa, Paul Collins est entré et a déclaré: «L’accordeur a terminé son travail, nous sommes prêts à commencer!». Mais nous avons répondu en chœur: «Ah non, maintenant on veut finir le film!». Je me souviens encore du visage de Paul retournant dans la cabine du studio et expliquant à l’ingénieur du son que nous voulions finir de regarder Rocky… Et après que Rocky ait remporté son dernier match, nous sommes retournés au studio, encore tout émus, et nous avons réalisé une belle séance!


 

Roberto Magris avec Paul Collins et Idris Muhammad, Mad Dog Burbank Recording Studio, Los Angeles, CA, 2008 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy




Roberto Magris avec Paul Collins et Idris Muhammad

Mad Dog Burbank Recording Studio, Los Angeles, CA, 2008

© Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy


Deux ans après Kansas City Outbound, vous avez enregistré à Los Angleles, CA, Mating Call avec Idris Muhammad (1939-2014)

 

Art Davis souhaitait enregistrer de nouveau avec son ami Idris Muhammad. Ainsi, après Kansas City Outbound, Paul a prévu une autre session d'enregistrement en trio, mais quelques mois plus tard, Dr. Art est décédé. Un soir, sa femme l’a trouvé, de retour d’un concert, près de sa voiture comme endormi sur sa contrebasse. Il avait eu une crise cardiaque. Quant à Idris, il avait quitté le trio d’Ahmad Jamal, car il n’y trouvait plus sa place depuis que celui-ci avait ajouté un percussionniste. Quand nous nous sommes rencontrés à Los Angeles, il ne voulait plus se produire en trio. Notre décision, à la suite du décès de Dr. Art, d’enregistrer en quintet, lui allait donc très bien. Le groupe comprenait également les ténors Paul Carr de Washington, DC, et Michael O'Neill de San Francisco, CA, ainsi que la jeune bassiste, Elisa Pruett, qui est devenue alors l'un de mes bassistes préférés aux Etats-Unis. A cette époque, j’écoutais Mating Call de Tadd Dameron et John Coltrane, et j'ai été tellement impressionné par cette composition hypnotique que j'ai décidé d'essayer un nouvel arrangement, en ayant également à l'esprit la batterie groovy d'Idris. La veille de l’enregistrement, nous avons joué à la Jazz Bakery (Santa Monica, CA). Quelques jours plus tard, au moment de quitter Los Angeles, Idris m'a donné sa carte et m'a dit: «Appelle-moi chaque fois que tu as besoin d'un batteur.» J'étais flatté, mais j'ai rapidement répondu: «Même si j'ai un concert en trio?» Et il a répondu en riant: «Oui, bien sûr!». Malheureusement, nous ne nous sommes par revus car Idris est mort quelques temps après.  

 


Roberto Magris avec Albert Tootie Heath, Chapman Recording Studio, Lenaxa, KS, 2009 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy



Roberto Magris avec Albert Tootie Heath,

Chapman Recording Studio, Lenaxa, KS, 2009

© Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy


En 2009 et 2010, vous avez effectué quatre sessions en studio avec Albert Tootie Heath…

 

Paul voulait produire un album dédié à Lee Morgan, un autre consacré à Elmo Hope et à d’autres pianistes bebop oubliés, d’autant que Kansas City est la ville de naissance de Charlie Parker. Il m'a ainsi proposé de travailler sur le choix des morceaux et les arrangements. Et il a invité Tootie Heath qui avait été, à Philadelphie, un copain et un partenaire de Lee Morgan. Tootie avait plein d’anecdotes à ce sujet et, du coup, on a inclus une longue interview sur la dernière piste du CD. Nous avons enregistré Morgan Rewind: A Tribute to Lee Morgan Vol. 1 après un concert au Phoenix Jazz Club de Kansas City, le 14 décembre 2009. Le volume 2 a été gravé le 1er novembre 2010 avec un groupe complètement différent constitué d’Elisa Pruett, et deux jeunes musiciens appelés à recevoir une reconnaissance internationale: Brandon Lee (tp) et Logan Richardson (as).  Quant au One Night in With Hope and More Vol. 1, nous l’avons enregistré le 15 décembre 2009 avec Elisa et Tootie. J’ai adoré passer du temps avec lui. C’était quelqu’un d’une grande ouverture d’esprit, plein de blagues et de belles histoires. Et un grand maître de la batterie, bien entendu. Tootie a demandé, lui aussi, que le premier disque sorte sous mon nom. L’histoire s’est encore reproduite avec Idris Muhammad, de retour à Los Angeles, et avec le saxophoniste de Philadelphie Sam Reed. Donc, je peux dire que j'ai gagné «sur le terrain» le leadership des nombreux projets lancés par le JMood et le rôle de «directeur musical» du label. Année après année, j’ai sorti dix-huit albums aux Etats-Unis et, après des premiers disques-hommages (Lee Morgan, Cannonball Adderley, Elmo Hope, Charlie Parker et les maîtres du bebop de Kansas City), j’ai commencé à enregistrer ma propre musique, en accord avec mes objectifs artistiques. Ça a été possible grâce aux retours positifs des critiques américains.

 

Comment les sessions étaient-elles organisées? Il est arrivé, comme avec Tootie Heath, que vous enregistriez plusieurs albums durant le même séjour à Kansas City!

 

«La magie est dans la première prise», comme disait Idris. Je conçois une session d'enregistrement comme un concert joué en studio avec deux ou trois sets d’environ une heure chacun. Avec trois heures de musique, il arrive qu’un producteur fasse deux CDs. Il est important de recréer les mêmes conditions d'un concert live lorsque les musiciens essaient d'être créatifs et prennent des risques lors de leurs solos. La musique jazz doit être fraîche et improvisée, en studio aussi. Quant à novembre 2010, nous avons alterné trio et septet en studio, donc le même jour nous avons enregistré Morgan Rewind: A Tribute to Lee Morgan Vol. 2. Cela s’est particulièrement bien passé, mais cela n’est pas toujours le cas, bien sûr. C'était une exception. Quant au troisième album en deux jours, nous avons profité de l’enregistrement de Cannonball Funk’n Friends alors que le batteur Alonzo Scooter Powell était en ville. Il a fait sa carrière dans les studios de Los Angeles et était rentré chez lui pour rendre visite à sa mère à Kansas City, juste pour quelques jours, en parfaite coïncidence avec nos séances en studio. Cependant, tout faire en seulement deux jours a été un tour de force pour moi car il était assez difficile de garder sa concentration en continu durant tout ce temps.

 


Roberto Magris avec Sam Reed, Chapman Recording Studio, Lenaxa, KS, 2011 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy




Roberto Magris avec Sam Reed,

Chapman Recording Studio, Lenaxa, KS, 2011

© Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy


En 2011, vous avez enregistré avec Sam Reed(4)

 

Tootie avait mentionné Sam Reed comme un héros du jazz à Philadelphie. Ainsi Paul et moi nous sommes renseignés sur lui et Paul l’a contacté. En raison de son âge et de son état de santé, il était resté longtemps en retrait de la scène. Il a pourtant accepté de venir à Kansas City et de se remettre à la pratique de son instrument; mais il n’avait pas l’énergie pour s'occuper du programme musical. Alors, encore une fois… on m'a demandé de m’en charger! Paul a également invité un jeune tromboniste, Kendall Moore, qui s’est plus tard installé à Houston, TX, où il est devenu l’un des grands noms de la région. La séance en studio avec Sam n’a pas été facile car il était épuisé par le voyage, et nous avons dû fréquemment faire des pauses, ce qui m’a donné l’idée d’utiliser l’orgue Hammond qui était dans un coin du studio. Cela a donné un bel album groovy, honnête, qui honore un musicien, Sam Reed, qui mérite d'être reconnu comme l'une des figures historiques de la scène jazz de Philly.

 


Roberto Magris avec Ira Sullivan, Criteria Studios, Miami, FL, 2017 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy



Roberto Magris avec Ira Sullivan,

Criteria Studios, Miami, FL, 2017

© Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy


Sur Sun Stone (2017), vous jouez avec des musiciens de Miami, mais également avec Ira Sullivan (1931-2020) qui lui est un citoyen adoptif de Chicago, bien que né à Washington, DC…

 

Après le succès de Live in Miami@The WDNA Jazz Gallery (2016), on m'a demandé de revenir à Miami pour des concerts et un autre enregistrement. Paul a décidé de changer de groupe pour y inclure le grand multi-instrumentiste de Chicago Ira Sullivan, qui vivait à Miami depuis de nombreuses années. Mon ami Mark Colby (1949-2020), un saxophoniste vivant à Chicago mais ayant vécu à Miami, était très proche d’Ira qui revenait chaque année dans sa ville natale pour se produire au légendaire Jazz Showcase de son ami de toujours Joe Segal (1926-2020). Ira y a joué avec Charlie Parker, Lester Young, Wardell Gray et Red Rodney, pour ne citer que quelques noms qu'il m'a mentionnés. Ira y a joué aussi avec Mark, et j'y ai joué également avec Mark, mais pas avec Ira. La connexion Chicago-Miami-The Jazz Showcase était donc opérante pour nous. Je veux dire quelques mots sur Mark, qui est mort également en 2020, après avoir lutté contre une vilaine maladie, que Dieu le bénisse! Il n'était pas très connu en Europe, même s'il était l’un des ténors les plus respectés au monde. Sans doute parce qu’il est peu venu en Europe après son installation à Chicago où il enseignait dans les universités d'Elmhurst et DePaul. Il a été le directeur musical du Maynard Ferguson Big Band et de Bob James, et il a joué et enregistré avec Phil Woods et Stan Getz qui était son principal mentor. Quant à Ira, je l'ai rencontré dans une forme physique et musicale étonnante. C'est un cat à l'ancienne qui peut facilement passer d'un instrument à l'autre (trompette, saxophones, flûtes, percussions), sans trop se soucier des partitions et des tonalités. C'était un homme de spiritualité  (il m'a donné la copie d'un CD assez inhabituel du pianiste Scott Earl Holman, He Will Be Immanuel, basé sur des hymnes religieux et des versets de la Bible, auquel il avait participé en 2014) et nous nous sommes facilement accordés sur le concept spirituel de Sun Stone. Du point de vue musical, je me suis concentré sur un programme bluesy, allant du bop au jazz modal, en hommage à Ira, retraçant son histoire d'un point de vue stylistique. Ira était tellement content de ce projet qu'au cours de la session il a surgi pour proposer d'essayer un moment «free jazz» sur «Amazing Grace», hors programme convenu. C'était tellement drôle! J'étais prêt à le faire, mais Paul nous a arrêtés… car le temps de studio était serré et cher… et Paul est tout sauf un amateur de free… Quel dommage! Malheureusement, je n’aurai plus l’occasion d'essayer de nouveau du free jazz avec Ira.


Comment avez-vous réparti votre temps entre l’Europe et les Etats-Unis jusqu’en 2019?

 

Quand j'ai commencé ma collaboration avec Paul Collins en 2006, j’avais de bonnes relations avec les ambassades italiennes et les instituts culturels opérant à l'étranger, donc, outre l’Italie, je me produisais dans différents endroits en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Mais il devenait de plus en plus difficile de continuer alors que l’essentiel de mes projets se passaient aux Etats-Unis, vivant successivement à Los Angeles, Kansas City, Miami puis Chicago. En 2016, j'ai eu la surprise de recevoir une offre de mon vieil ami Frantisek Uhlir pour monter un trio basé à Prague, comprenant également une autre ancienne connaissance, le batteur Jaromir Helesic: le MUH Trio, l'acronyme de Magris/Uhlir/Helesic. Frantisek a proposé de s'occuper de la promotion des concerts, ainsi entre 2016 et 2019, j'ai coordonné mes activités aux Etats-Unis avec les tournées de concerts saisonnières du MUH Trio en Europe. Jusqu'à présent, nous avons joué plus d'une centaine de concerts en Europe centrale, et nous avons également enregistré deux albums, Prague After Dark (2016) et A Step Into Dark (2019). J'ai un lien particulier avec Prague, où j'ai commencé à donner des concerts dans les années 1980, à l'époque du rideau de fer, et que je considère comme une deuxième maison. Idem pour Cracovie, où j'ai joué plusieurs fois au fil des ans, et où j'ai de très bons amis; l'un d'eux est le regretté saxophoniste Janusz Muniak(5).



Roberto Magris avec le MUH Trio: Frantisek Uhlir (b) et Jaromir Helesic (dm), IG Jazz, Freiberg, Allemagne, 2019 © H.-J. Marquet, Collection Roberto Magris by courtesy
Roberto Magris avec le MUH Trio: Frantisek Uhlir (b) et Jaromir Helesic (dm),
IG Jazz, Freiberg, Allemagne, 2019 © H.-J. Marquet, Collection Roberto Magris by courtesy



Ressentez-vous une différence lorsque vous jouez avec des musiciens américains et des musiciens d’Europe centrale?

 

Le jazz est comme un langage, avec ses règles et ses particularités. Une fois que vous l'avez appris, vous pouvez parler avec les autres, où que vous soyez dans le monde. Bien sûr, le contenu de ce que vous dites est important. Les musiciens de jazz sont des individus: chacun avec leur propre type et niveau de créativité, de culture, d'art et de spiritualité. De même, comptent aussi la scène jazz et la société dont viennent chacun d’eux. Bien sûr, les grands maîtres du jazz sont pour la plupart des Afro-Américains, mais la scène jazz européenne aussi, dans sa variété, a apporté une grande contribution au jazz. Comme vous êtes français, on peut citer les exemples de Stéphane Grappelli, Jean-Luc Ponty, Martial Solal ou Michel Petrucciani, qui ont pu être de grands musiciens de jazz sans perdre leur identité européenne. D'un autre côté, si vous écoutez Weather Report ou le Cannonball Adderley Quintet avec Joe Zawinul, vous ne devinerez jamais que le pianiste est un Européen né à Vienne. Donc, je pense que l'individualité, ce que vous avez dans votre propre bagage, prévaut sur les conditions extérieures. Quant à moi, j'ai mes goûts et mon sens du jazz mais j'essaie de les adapter aux différentes circonstances musicales lorsque je joue aux USA ou en Europe. C’est toujours ma musique, mais mon son est légèrement différent à cause du contexte et des musiciens impliqués. En tous cas, où que je sois, je n'oublie jamais la tradition du jazz afro-américain ni que je suis un musicien de jazz européen et, surtout, je me demande depuis toujours si je peux trouver la musique que j’aime dans celle que je joue. 

Les règles et les particularités du langage jazz continuent d’évoluer à partir de la tradition établie par les maîtres. La question n’est donc pas ce que vous jouez (standards ou originaux) mais comment vous le jouez, quel langage vous utilisez et en quoi cela s’inscrit dans l’histoire du jazz. Aujourd'hui, on appelle «jazz» certaines musiques qui ne comportent aucun élément provenant de Duke, Monk, Mingus, Coltrane, Ornette, ni aucune trace de blues ou aucune sorte de rythme lié au rythme afro-américain, de Baby Dodds à Sonny Murray en passant par Milford Graves. Donc c'est une grande confusion, surtout pour les jeunes qui aimeraient aborder notre musique pour la première fois. Quand j'étais jeune, je jouais de la musique classique, et je pouvais clairement faire la différence entre le classique et le rock. Ça peut être intéressant de tout mélanger, si cela a du sens artistiquement, musicalement, commercialement… Mais je pense que le langage du jazz doit être appris, parlé et compris par les musiciens qui se présentent comme des musiciens de jazz. Sinon, je suis désolé de dire, il s’agit alors de fake news et cela arrive de plus en plus fréquemment.



Roberto Magris (p), Eric Hochberg (b), Mark Colby (ts), Eric Jacobson (tp), Greg Artry (dm), P.J. Aubree Collins (voc), Joe Segal's Jazz Showcase, Chicago, IL, 2018 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy
Roberto Magris (p), Eric Hochberg (b), Mark Colby (ts), Eric Jacobson (tp), Greg Artry (dm), P.J. Aubree Collins (voc),
Joe Segal's Jazz Showcase, Chicago, IL, 2018 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy

 

 

Et l’acid jazz…

 

En fait, je n'ai jamais cessé d'utiliser un langage jazz (phrasé jazz, harmonies jazz, blues et formation dans la tradition jazz) durant cette période. J’ai été aidé en cela par les nombreuses références aux organistes de jazz, ma passion pour le jazz soul, Bobby Timmons, Les McCann, etc. Ainsi, je ne me suis jamais senti loin du jazz. Au contraire, j'ai continué à le jouer dans un environnement musical différent –l’acid jazz peut swinguer– et cette expérience n'a jamais été en conflit avec mon feeling musical et le fait d’être un pianiste de jazz straight ahead. J'ai eu la chance de creuser davantage quelques instruments électriques (Fender Rhodes, Hammond, claviers) et d'apprendre quelque chose sur le groove; pour être tout à fait honnête, j'ai commencé en pensant aux groupes de Cannonball Adderley. C'était une expérience musicale pleine de fraîcheur: les gens dansaient sur notre musique, ce qui est très inhabituel pour moi! 

 

Pourquoi ne pas avoir sorti d’album à l’orgue dans l’esprit Les McCann, Brother Jack McDuff ou Richard Groove Holmes?

 

Mon problème est que je n'ai jamais eu d'instrument Hammond B3 à la maison, pour profiter, pratiquer, expérimenter. Avec mon groupe d'acid jazz, j'ai utilisé un simple clavier Hammond d'origine et quelques claviers supplémentaires, car c'était beaucoup plus simple pour les déplacements et les balances sur scène. Le studio de Kansas City possédait un vrai Hammond B3, donc je peux dire que j'ai appris un peu à en jouer quand j'ai pu y passer du temps. C'est un instrument tellement gros et lourd; en plus, c'est un ampli... assez compliqué. J’imagine que la plupart des organistes étaient en résidence dans des clubs spécifiques, car c’est un instrument difficile à faire circuler. Du coup, mon clavier Hammond, qui a le même son, est très correct, mais il est limité dans l'éventail des possibilités pour le jazz pur. La mauvaise nouvelle, c'est que Paul m'a dit que le studio d'enregistrement de Kansas City a fermé entre-temps –effet Covid?. De toute façon, il va falloir en trouver un autre. S'il a un Hammond B3 à l'intérieur, cela pourrait être une bonne première étape pour essayer un album de jazz d'orgue à l'avenir. Oui, j'adorerais!

 

Comment choisissez-vous les musiciens qui vous accompagnent sur les sessions aux Etats-Unis? S’agit-il de suggestions de la part de Paul Collins?

 

Oui, Paul me fait des propositions et nous choisissons ensemble. Nous avons des musiciens de Kansas City, Miami et Chicago qui font partie de la «JMood Team», et que nous «employons» selon diverses combinaisons. Pour autant, cette équipe est toujours ouverte à de nouveaux venus, notamment les jeunes musiciens que Paul aime garder sous son radar.



Paul Collins et Roberto Magris, Chicago, IL, 2018 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy
Paul Collins et Roberto Magris, Chicago, IL, 2018 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy

 


Comment le catalogue de JMood s’est-il constitué?

 

Le catalogue est le reflet de l’activité de Paul comme promoteur de concerts. Il s’est construit projet après projet, année après année. Il n'y avait pas de plan initial prévoyant que je serais le principal artiste du label, cela s’est trouvé en raison des circonstances que j’ai évoquées. Pour ce qui est de l’avenir, Paul réfléchit à basculer progressivement vers des sorties uniquement en numérique, comprenant également des singles et des EP, en particulier pour les jeunes artistes émergents. Aux Etats-Unis, la tendance est à la disparition du disque physique qui, à terme, risque d’être réservé aux collectionneurs… lorsqu’il est disponible. Quelle tristesse de mon point de vue! On constate également que les jeunes artistes de pop et de rap vivent principalement de leurs concerts, dont les places sont vendues le plus cher possible, car les revenus provenant du téléchargement et du streaming ne sont que résiduels. Il est difficile de dire comment le jazz sera affecté par cette tendance. Quant à moi, je ne peux accepter que mes prochains albums ne sortent qu’au format digital. On verra… d’autant que la pandémie pourrait encore modifier la donne.

 

Votre jeu est très ancré dans le blues. Comment l’expliquez-vous? De même, on entend vos proximités avec votre «héros» McCoy Tyner…

 

Ma femme plaisante en disant que dans une vie antérieure, je devais être un musicien noir de Kansas City… Simplement, je me suis senti bien avec le blues. En outre, j’ai écouté de nombreux musiciens grâce auxquels j’ai appris à consolider cet esprit, à commencer par Bobby Timmons, Les McCann et Horace Silver, puis Wynton Kelly, Tommy Flanagan, Oscar Peterson, Monk, Randy Weston et bien d’autres. Mais sinon, oui, mon héros, c’est McCoy Tyner! Non seulement pour son style de piano, blues inclus, mais aussi parce que sa façon de jouer et sa musique ont toujours eu un effet positif sur moi, délivrant un message d'amour, de paix et de spiritualité. Il est dans la lumière avec sa musique et représente pour moi l'un des meilleurs exemples de musiciens de jazz cherchant et trouvant une beauté positive dans sa musique, sa façon de jouer et, last but not least, dans sa façon d’être en public. Bien sûr, pour l'histoire, son nom restera à jamais lié à Coltrane, mais il ne faut pas oublier qu'il a su le quitter lorsque sa direction a changé. J'en ai aussi parlé avec Art Davis. Le choix de Tyner a été de suivre son propre chemin, en développant son concept de beauté spirituelle, issu de son humanité positive. Une fois, il y a de nombreuses années, je me suis produit dans un festival juste avant son trio, mais j'étais trop timide et respectueux pour l'approcher dans les coulisses. Le respect est un mot important, dans le jazz aussi.

 

Dans les notes du livret de Suite! (2018), vous laissez entendre que ce disque est une sorte de manifeste. En quoi?

 

Toute ma vie musicale j'ai voulu faire un album comme celui-ci et, enfin, quand j'ai eu le sentiment que j'étais prêt, je l'ai fait. Outre la musique, ce disque a une dimension spirituelle et sociale avec en partie des textes récités et des paroles sur les musiques. La plupart des thèmes sont des originaux, mais j'ai également inclus des chansons de King Crimson, Santana, John Lennon et quelques standards du jazz avec de nouveaux arrangements. Pour autant, ces deux CDs n’ont rien d’étrange ou de sournoisement «tendance»: il s’agit juste d’un album de jazz moderne joué avec amour et inspiration, comme un résumé de ma carrière.

 


Roberto Magris avec Mark Colby, Transient Recording Studio, Chicago, IL, 2019 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy



Roberto Magris avec Mark Colby,

Transient Recording Studio, Chicago, IL, 2019
© Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy


Avez-vous des enregistrements en réserve non encore publiés par JMood?

 

Après la sortie de Shuffling Ivories cette année, qui est un duo avec Eric Hochberg (b) en hommage à la tradition du jazz afro-américain, d'Eubie Blake à Andrew Hill, nous prévoyons de sortir en 2022 l’album Match Point que j’ai enregistré en 2018, à Miami, avec un quartet latin comprenant Alfredo Chacon au vibraphone et aux congas (Dion Kerr, b et  Rodolfo Zuniga, dm). J’ai deux autres disques en réserve: l’un enregistré en duo à Chicago avec le regretté Mark Colby et l’autre intitulé High Quote, que j’ai gravé à Kansas City en 2012 –mais qui avait été laissé de côté–  avec un «small big band», sur un programme inspiré par Oliver Nelson et Gerald Wilson.

 

Votre discographie ne semble pas comporter d’albums en sideman. Vous n’avez donc enregistré qu’en leader ou coleader?

 

Je n'y ai jamais pensé auparavant, car j'ai joué des centaines de concerts en tant que sideman, en club, avec plein de musiciens différents, mais c'est drôle à dire, vous avez tout à fait raison: je n'ai encore jamais fait partie du groupe d’un autre musicien qui aurait réalisé une session en studio. Ça ne s’est simplement pas produit.

Vous avez donné un concert en hommage à Jay McShann (1916-2006), à Kansas City. L'aviez-vous rencontré?

Non. Je devais le rencontrer à Kansas City et recevoir des partitions originales de sa part, mais il est décédé peu avant. J’ai donné un concert en sa mémoire le 1er juillet 2007, dans la Blue Room de l’American Jazz Museum de Kansas City et, le même jour, le maire m’a fait citoyen d’honneur de la ville. Avant le concert, la fille de Jay McShann m’avait invité chez son père pour prendre un café, jouer sur son piano et m’offrir quelques partitions écrites de sa main. Le lendemain, j’ai rencontré son petit-fils dans un café pour parler des archives de son grand-père, dont certaines remontent à Charlie Parker, et qui restaient à organiser. Mais il venait de rentrer d’Irak, où il avait servi comme soldat volontaire, et il était encore sous le choc. Il a commencé à me raconter ce traumatisme… J’ai essayé de replacer la conversation sur Jay McShann, mais c’était impossible… Ce fut pourtant une belle rencontre, et comme je venais de composer un nouveau morceau, une sorte de blues un peu oriental, je l’ai appelé «Iraq Blues»! Je me suis alors posé la question de le jouer à l’American Jazz Museum. L’idée amusait beaucoup Dr. Art mais pas du tout Paul… Je me suis dégonflé, et j’ai annoncé au public le titre «Oriental Blues» et Dr. Art a lancé en rigolant: «Je ne connais pas ce morceau, tu veux jouer autre chose?». Le concert d’après, j’ai enfin osé annoncer le véritable titre, et tout s’est bien passé. Depuis j’ai enregistré cet «Iraq Blues» plusieurs fois, et je suis toujours parvenu à repartir des Etats-Unis sans problème! (Rires)


 le petit-fils et la fille de Jay McShann, Roberto Magris et Paul Collins,  American Jazz Museum, Kansas City, KS, 2007 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy
le petit-fils et la fille de Jay McShann, Roberto Magris et Paul Collins, 
American Jazz Museum, Kansas City, KS, 2007 © Photo X, Collection Roberto Magris by courtesy

 

 

Comment vivez-vous la crise du Covid-19?

 

Things ain’t what they used to be… J'ai peur que nous soyons encore au milieu de la troisième guerre mondiale, et je ne me sens pas encore prêt à planifier mes futures activités musicales. J'ai reçu une invitation d’un festival de jazz en Israël cet été que j'espère pouvoir concrétiser. Le jazz est né dans des petits clubs où les musiciens font face aux auditeurs. J'aime, et j'ai absolument besoin pour ma musique de cette dimension. Je n'aime pas jouer en streaming dans une pièce vide ni pour un nombre limité de personnes assises séparément, une chaise devant l'autre. Donc, si quelqu'un m'appelle dans les prochains mois, je viendrai, mais je suis prêt à rester en retrait jusqu'à la «nouvelle Renaissance». Nul doute que cela viendra, et tant que mes enregistrements réalisés continueront à sortir, je creuserai la musique que j'aime. Je vais essayer quelque chose de différent, de me préparer pour pour le nouvel «après-guerre». J'espère confronter mon expérience et mes connaissances musicales avec les nouveaux venus et être prêt à témoigner du monde jazz d'où je viens aux jeunes musiciens, comme l’ont fait pour moi Herb Geller et Art Davis. J'aime beaucoup ce que Gil Evans a fait dans les dernières années de sa carrière. Bien sûr, je ne me sens pas si vieux à 62 ans, mais je pense que cette pandémie est un avertissement pour notre société. Il y aura un avant et un après.


1. Adriano Mazzoletti (Genova, 1935) est un journaliste, homme de radio et de télévision, producteur de disques et auteur de plusieurs ouvrages sur le jazz (Quarant'anni di jazz in Italia, 1965; Eddie Lang, 1997; Il jazz in Italia, 2 volumes, 2004-2010), d'un dictionnaire du jazz. Il a dirigé une encyclopédie du jazz, créé et animé plusieurs programmes sur le jazz à la RAI. 
2. Giorgio Gaslini (Milan 1929-Borgo Val di Toro, 2014) est un pianiste et compositeur. Il a notamment accompagné Don Cherry, Gato Barbieri, Jean-Luc Ponty, Roswell Rudd, Max Roach. il est l'auteur de la musique du film 
La Notte de Michelangelo Antonioni (1961), et il a transposé la musique d'Albert Ayler et Sun Ra pour piano. Auteur de musique classique et contemporaine (opéras, symphonies) dès les années 1970, il a aussi composé pour l'Italian Instabile orchestra de Carlo Actis Dato.
3. Cam jazz est un label italien créé en 2000, qui a racheté les labels Soul Note et Black Saint, et qui propose à son catalogue Marc Johnson, Kenny Wheeler, Joey Baron, Dave Douglas, Martial Solal, Enrico Rava, une vision moins hot et ouverte du jazz, loin de l'esprit de ce que furent Soul Note et Black Saint de Flavio Bonandrini.
4. Sam Reed est né
à Kingstree, SC,.en 1935, comme Albert Tootie Heath qui lui est originaire de Philadelphie.
5. Janusz Muniak (Cracovie, 1941-2016) est un saxophoniste ténor qui a joué avec 
Tomasz Stańko (tp) et avait ouvert, en 1992, un club de jazz à Cracovie.


ROBERTO MAGRIS & JAZZ HOT
(chroniques de disques):
621-2005, 650-2009, 656-2011, 657-2011 (2 chroniques), 670-2014, 673-2015, 682-2017 (2 chroniques), 686-2018, Jazz Hot 2019, Jazz Hot 2021 (3 chroniques)

SITE INTERNET DE JMOOD RECORDS:
https://jmoodrecords.com



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DISCOGRAPHIE

2018. Roberto Magris, Suite!, JMood
2018. Roberto Magris, Suite!, JMood


Leader/coleader

LP  1981. Gruppo Jazz Marca, Comunicazione Sonora, International Audio Film 6001 (=CD Arision 018)    

LP  1982. Gruppo Jazz Marca, Aria di Città, International Audio Film 6002 (=CD Arision 045)

CD 1985. Gruppo Jazz Marca, Mitteleuropa, International Audio Film 6003

CD 1990. Roberto Magris Israsextet, Live in Israel, Jazzis 1012

1981. Gruppo Jazz Marca, Comunicazione Sonora1982. Gruppo Jazz Marca, Aria di Città1985. Gruppo Jazz Marca, Mitteleuropa1990. Roberto Magris Israsextet, Live in Israel











CD 1990. Roberto Magris & The D.I. Project, Music of Today, Splasc(H) 355-2

CD 1994. Roberto Magris Quartet, Maliblues, MAP 0103

CD 1997. DMA, Urban Jazz Funk, Tring 019

CD 1998. Europlane Orchestra, Live at Zoo Est, Zoo Est 101
CD 1999. Europlane Orchestra, Plays Kurt Weill, Pull 2208

1990. Roberto Magris & The D.I. Project, Music of Today1994. Roberto Magris Quartet, Maliblues1998. Europlane Orchestra, Live at Zoo Est1999. Europlane Orchestra, Plays Kurt Weill












CD 2001-03. Roberto Magris & The Europlane Orchestra, Current Views, Soul Note 121425

CD 2003. Roberto Magris Europlane, Il bello del jazz, Soul Note 121395 (avec Herb Geller)

CD 2003. Roberto Magris Europlane, Check-In, Soul Note 121325 (avec Tony Lakatos)

CD 2003. Roberto Magris 4tet, Live in Melbourne, RSP 2020-4

CD 2005. Alfabeats Nu Jazz, Stones, Oasis

2001-03. Roberto Magris & The Europlane Orchestra, Current Views2003. Roberto Magris Europlane, Il bello del jazz 2003. Roberto Magris Europlane, Check-In2003. Roberto Magris 4tet, Live in Melbourne












CD 2007. Roberto Magris Trio, Kansas City Outbound, JMood 000 (avec Art Davis)

CD 2008. Big Band Ritmo-Sinfonica Città di Verona Plays the Music of Roberto Magris: Restless Spirits, Velut Luna 175

CD 2008. Roberto Magris Quintet, Mating Call, JMood 001 (avec Idris Muhammad)

CD 2009. An Evening with Herb Geller & the Roberto Magris Trio: Live in Europe 2009, JMood 012

2007. Roberto Magris Trio, Kansas City Outbound2008. Big Band Ritmo-Sinfonica Città di Verona Plays the Music of Roberto Magris: Restless Spirits2008. Roberto Magris Quintet, Mating Call2009. An Evening with Herb Geller & The Roberto Magris Trio: Live in Europe 2009

CD 2009. Roberto Magris Quintet, Morgan Rewind: A Tribute to Lee Morgan Vol. 1, JMood 002 (avec Albert Tootie Heath)

CD 2009. Roberto Magris Trio, One Night in With Hope and More Vol. 1, JMood 003 (avec Albert Tootie Heath)

CD 2009-10. Roberto Magris Trio, One Night in With Hope and More Vol. 2, JMood 008 (avec Albert Tootie Heath)

CD 2010. Roberto Magris Septet, Morgan Rewind: A Tribute to Lee Morgan Vol. 2, JMood 007

2009. Roberto Magris Quintet, Morgan Rewind: A Tribute to Lee Morgan Vol. 12009. Roberto Magris Trio, One Night in With Hope and More Vol. 12009-10. Roberto Magris Trio, One Night in With Hope and More Vol. 22010. Roberto Magris Septet, Morgan Rewind: A Tribute to Lee Morgan Vol. 2


CD 2010. Roberto Magris Quintet, Cannonball Funk'n Friends, JMood 005

CD 2011. Ready for Reed: Sam Reed Meets Roberto Magris, JMood 006

CD 2011. Roberto Magris Quartet with Voice, Canzoni Italiane in Jazz, Pop-Eye

CD 2012. Roberto Magris Space Trek, Aliens in a Bebop Planet, JMood 004

CD 2013. Roberto Magris, Enigmatix, JMood 010

 2010. Roberto Magris Quintet, Cannonball Funk'n Friends2011. Ready for Reed: Sam Reed Meets Roberto Magris2012. Roberto Magris Space Trek, Aliens in a Bebop Planet2013. Roberto Magris, Enigmatix


CD 2013-14. Roberto Magris, Need to Bring Out Love, JMood 013

CD 2015-16. Roberto Magris, World Gardens, JMood 016

CD 2016. Roberto Magris Sextet, Live in Miami@the WDNA Jazz Gallery, JMood 014

CD 2016. The MUH Trio, Prague After Dark, JMood 015

2013-14. Roberto Magris, Need to Bring Out Love 2015-16. Roberto Magris, World Gardens2016. Roberto Magris Sextet, Live in Miami @ The WDNA Jazz Gallery 2016. The MUH Trio, Prague After Dark


CD 2017. Roberto Magris Sextet, Sun Stone, JMood 017 (avec Ira Sullivan)

CD 2018. Roberto Magris, Suite!, JMood 018  

CD 2019. The MUH Trio, A Step Into Light, JMood 020  

CD 2019. Roberto Magris & Eric Hochberg, Shuffling Ivories, JMood 021

2017. Roberto Magris Sextet, Sun Stone2018. Roberto Magris, Suite!2019. The MUH Trio, A Step Into Light2019. Roberto Magris & Eric Hochberg, Shuffling Ivories


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VIDEOGRAPHIE
par Hélène Sportis

Roberto Magris, image extraite de la video YouTube (cliquer sur l'image)
Roberto Magris, image extraite de la video YouTube (cliquer sur l'image)



Chaîne YouTube Roberto Magris

https://www.youtube.com/channel/UC4YaHDxSYZP1txSRr5YP6bQ

https://www.youtube.com/user/scheckkl5/videos

dont la série piano solo: «Jazz From the Lockdown», 2020-2021

 

1981. Gruppo Jazz Marca, Roberto Magris, Franco Testa (b), Franco Polisseni (dm),  album Comunicazione Sonora, label International Audio Film, studio Harmony, Trévise (Vénétie-Italie), 9 mai

https://www.youtube.com/watch?v=KpNA_ImGxyw

https://www.youtube.com/watch?v=i67gB6uR02o

 

2004. Roberto Magris, «Una sera a Treviso» (composition Roberto Magris), Big Band Ritmo-Sinfonica "Città di Verona" et Orchestra Giovanile del  Veneto, direction Marco Pasetto, Teatro Camploy, Verona, Italie, concert de Noël, 22 décembre

https://www.youtube.com/watch?v=bpt65IefZQQ

 

2007. Roberto Magris, Art Davis (b), Jimmy "Junebug" Jackson/Zack Albetta  (dm), album Kansas City Outbound, Chapman Recording Studios, Kansas City, MO, vidéo promo PCAMI, 2-3 juillet 2007

https://www.youtube.com/watch?v=ooF_hC5JD9k

 

2009. Roberto Magris, Herb Geller/Denis Rakumovic (as), Nikola Matosic (b), Enzo Carpentieri (dm), live at "Novi Sad Jazz Festival 2009 », Novi Sad, Serbie, 19 novembre

https://www.youtube.com/watch?v=WnZdxuixfgE

https://www.youtube.com/watch?v=jIcdUoDUHjA

 

2016. Roberto Magris, Bryan Lynch (tp), Jonathan Gomez (ts), Chuck Bergeron (b), John Yarling (dm), Murph Aucamp (cga), live at the WDNA Jazz Gallery - 88.9 FM Public Radio, Miami, FL, et album Roberto Magris Sextet Live in Miami @ The WDNA Jazz Gallery, label JMood Records, 6 février

https://www.youtube.com/watch?v=_SDhnwVvqeE

https://www.youtube.com/watch?v=jsjDztpOtqc

 

2016. Roberto Magris, Nikola Matosic (b), Gasper Bertoncelj (dm), «Song for An African Child», Cultura Nuova Jazz, Passons (Udine), Italie, 30 juillet

https://www.youtube.com/watch?v=EVw6nnzRWgg

 

2016. Roberto Magris,  Frantisek Uhlir (b), Jaromir Helesic (dm), MUH Trio, Jazz Club Reduta, Prague, Tchéquie,13 octobre

https://www.youtube.com/watch?v=RsJU9zJk56U

 

2017. Roberto Magris, Frantisek Uhlir (b), Jaromir Helesic (dm), TriesteLovesJazz, 20 juillet

https://www.youtube.com/watch?v=9R8PsXASsY8

 

2017. Roberto Magris, Ira Sullivan (ss,fl), Mark Colby (ts), Shareef Clayton (tp), Jamie Ousley (b), Rodolfo Zuniga (dm), album-titre Sun Stone (composition Roberto Magris), label JMood Records, Criteria Studios/The Hit Factory, Miami, FL, 7 décembre

https://www.youtube.com/watch?v=Uk4nQcR6m14

https://jmoodrecords.com/sun-stone-roberto-magris-sextet-jm-017

 

2017. Roberto Magris, Ira Sullivan (ss), Mark Colby (ts), Shareef Clayton (tp), Jamie Ousley (b), Rodolfo Zuniga (dm), «Look at the Stars» (composition Roberto Magris) live at the WDNA Jazz Gallery - 88.9 FM Public Radio, Miami, FL, 8 décembre

https://livestream.com/accounts/14242321/events/7967414/videos/166992818

https://www.youtube.com/watch?v=o3_u7W26h9w

 

2020. Roberto Magris, Frantisek Uhlir (b), Jaromir Helesic (dm), live at the Birdland Jazz Club Neuburg an der Donau/Neubourg sur le Danube, Allemagne, 18 janvier

https://www.youtube.com/watch?v=Cw8HpLqG8no
https://www.youtube.com/watch?v=oPplzUBDICA


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