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Les 75 ans de Jazz Hot



Fête des 75 ans de Jazz Hot
Caveau de La Huchette (Paris 5e), 23 mars 2010

© Jazz Hot n°651, printemps 2010


Nous procédons par étape, et l’une d’elle est aujourd’hui sous vos yeux. C'est une première approche de ce futur que nous préparons, surtout destinée à rendre disponible cette mémoire et à sentir vos réactions.
Nous commencerons ainsi à nous familiariser avec l’outil, à écouter aussi vos commentaires, et ainsi, nous continuerons à avancer dans l’histoire de Jazz Hot avec nos traditionnels numéros trimestriels, et d’autre part en enrichissant ce nouvel outil, autant pour vous que pour nous.
Voici donc une nouvelle étape pour Jazz Hot, nous remercions déjà les lecteurs et internautes, amateurs et professionnels qui nous suivent dans cette première étape, nous accompagnent de leur soutien, de leurs commentaires, de l'écho qu'ils apportent à notre effort.



Le Caveau de La Huchette avait un nouveau rendez-vous avec l’histoire du jazz et de la presse ce 23 mars 2010 puisque Jazz Hot y recevait ses invités à l’occasi
on des 75 ans d’une revue (exclusivement) de jazz, la plus ancienne de France et du monde encore en activité, n’en déplaise à nos aimables confrères de Down Beat et Orkester Journalen.
Pour cette occasion rare pour un média, a fortiori spécialisé, et malgré une journée de grève nationale, le Caveau de la Huchette retrouva ses allures des soirs de grande affluence, bondé des oubliettes jusqu’au bar pour une longue soirée de paroles et de musiques comme les prisent les amateurs de jazz. Côté « blabla », l’équipe de Jazz Hot était venue des quatre coins de l’Europe à la rencontre d’un public toujours friand d’anecdotes, de souvenirs, du mystère que constitue une revue indépendante, de discuter de jazz et d’actualités, avec ce qu’il faut de polémiques pour ne pas perdre la main. Le jazz est en effet cette musique spéciale dont on aime parler à l’infini, pratique qu’on retrouve dans peu de secteurs artistiques, et qui relève de la passion particulière, très populaire, qui porte cette musique. Il n’y a guère que les amateurs de foot pour en faire autant.
Côté public, il y avait les multiples plaisirs d’une soirée particulière en relation avec des personnes dont on ne connaît que les textes, d’une jam session prévisible, d’une nuit ad libitum et d’une atmosphère aussi chaleureuse que ce Jazz Hot le laisse supposer.
Côté musicien, il y avait une particularité dans cette soirée en deux parties, l’ouverture étant faite par le duo Brisa Roché (voc)-Laurent Epstein (p) sur une thématique de standards plutôt rares. La première rencontre sur scène des deux musiciens avait un charme intime bienvenu pour entamer cette longue soirée, restituant une atmosphère du jazz peu habituelle dans ce club dévolu à la danse. Le public en profita pour s’asseoir sur la piste de danse et écouter l’intensité du propos de la belle chanteuse, au phrasé évocateur de l’art de Billie Holiday, élégamment mis en valeur par l’inventif pianiste. Classique mais jamais vu et émouvant. Du reste, le remplissage du Caveau empêchait à ce moment toute idée de danse.

  • Première partie
  • Deuxième partie


  • Après une pause mise à l’honneur pour reprendre des conversations jamais terminées, c’était le moment ludique de la soirée, avec la belle formation réunie par la maîtresse de cérémonie, la dynamique Sarah Morrow (tb) : son quartet réunissait une fine équipe, Laurent Epstein à nouveau dans un autre registre, le profond Peter Giron (b) et un Mourad Benhammou (dm) au drive toujours aussi dévastateur, avec en invités spéciaux le grand Marc Fosset (g) véritable encyclopédie du jazz, de Django et Grappelli à John Coltrane, et l’excellent Dany Doriz, l’hôte de cet anniversaire, puisqu’il cumule la fonction de vibraphoniste et celle de patron du Caveau de La Huchette avec un brio tout aussi légendaire.
    Pour l’occasion, la jolie Sarah Morrow avait préparé un programme « spécial Jazz Hot », évoquant l’histoire depuis 1935, en introduisant un récitatif à caractère historique fort documenté en introduction de chacun de ses thèmes, tous liés pour une raison ou une autre à un moment de cette aventure : Duke, Louis, Django, John Lewis, bien entendu et comme la soirée débordait largement sur le 24, il y eut de nombreuses évocations dans cette seconde partie où les danseurs ont tenté de reprendre le dessus, imposant à leurs pas et leurs passes une économie de gestes pour éviter d’éborgner les voisins, les passants, les auditeurs.

    La fin de la seconde partie permit de reprendre la conversation interrompue, avant que le troisième set, celui évidemment de la jam, s’annonce. Vous verrez certainement quelques vidéos sur internet, quelques photos aussi, et comme les musiciens ont été nombreux à y participer, nous en oublions sans doute (mille excuses à tous), d’autant qu’il fallait parfois s’absenter de cette atmosphère très hot au sens thermique du terme pour reprendre sa respiration à l’étage. Certains invités n’en ont pas moins joué avec énergie pendant nos remontées à la surface. On a reconnu bien entendu parmi les habitués du Caveau la sémillante Gilda Solve (voc) avec son pianiste préféré Patrice Galas, dans un passage toujours aussi énergique, l’indéracinable Michel Denis (dm), les excellents Dominique Lemerle (b) et Nicola Sabato (b), Michael Rörby (tb) venu jammer avec sa consœur Sarah, un Ronald Baker (tp) toujours aussi tonique et souriant, une étonnante Eileina Dennis dont la voix tout droit venue des champs de coton et de l’église qui s’en nourrit, une tonitruante Sylvia Howard (voc), véritable boule de feu jazzique, et encore sur le tard un récitatif coltranien sur la grille d’« Impressions » en compagnie de Marc Fosset et Laurent Epstein. Invité surprise et non moins attachant, Pee Wee Ellis débarqua pour un moment fort de la jam où sa tranquille assurance donna tout à la fois de la profondeur et de l’épaisseur à tous les thèmes pour le plaisir de Sarah, Esaie Cid (as), Ronald et les autres, sans oublier un public aux anges.



    Les amateurs de ces moments spéciaux étaient encore là, un peu abasourdis comme souvent par une telle avalanche de musique quand vint Joe Lee Wilson pour une chanson très émouvante, avec ce filet de voix que lui a laissé sa récente maladie, mais avec ce swing, cette qualité et cette profondeur d’expression qui font toute la beauté de son art. Une ovation très spéciale a été faite à ce gentleman du jazz.

    L’anniversaire éteignait ses micros sur le coup des 3h du matin, mais il ne faut pas croire que tout s’arrêta brusquement, car sur le coup des 4h 30 on pouvait encore apercevoir quelques acharnés devant un verre racontant quelque histoire dont le prétexte était bien sûr le jazz ; mais était-ce vraiment un prétexte ?

    Ellen Bertet (Texte et photos)
    Georges Herpe (Vidéos)