Tom McClung
|
14 mai 2017
|
4 avril 1957, New York, NY - 14 mai 2017, Moulins-la-Marche, Orne
|
© Jazz Hot n°680, été 2017
Tom McClung était un gentleman du piano. Son humour et son indéfectible amabilité donnaient un faux-air british à cet Américain installé en France depuis la fin des années quatre-vingt-dix. A n’en pas douter, le goût des bonnes choses a sans doute pesé dans ce choix. Il avait trouvé, ces dernières années, une nouvelle douceur de vivre avec son épouse Anne en Normandie. Figure de clubs parisiens, accompagnateur attitré d’Archie Shepp, Tom McClung se caractérisait par sa créativité, une polyvalence qui lui permettait d’aborder avec la même aisance le blues, le free ou la salsa. Privilégiant la mélodie, le rythme et l’inspiration, il se situait, à ce titre, dans la lignée des Kenny Barron, John Hicks ou encore Ronnie Mathews. Il nous avait accordé un entretien dans Jazz Hot n°596 (2002). Tom McClung a tiré discrètement sa révérence dans la nuit du 13 au 14 mai, à tout juste 60 ans. Un cancer a emporté en quelques mois ce poète du clavier qui avait encore tant à donner.
Né le 4 avril 1957 à New York, Tom McClung a passé son enfance à Amherst, ville universitaire du Massachussetts. Le jeune Tom grandit ainsi dans l’ambiance des campus auprès de parents mélomanes: Robert (écrivain et illustrateur de livres sur la nature et de romans historiques pour enfants) et Gale McClung (rédactrice en chef du magazine des anciens élèves de l’université de Mount Holyoke). Il débute le piano à 6 ans et se produit pour la première fois en public à 10 ans, après que son frère Bill l’ait mis au défit d’apprendre à jouer «Maple Leaf Rag» pour la fête paroissiale. Au lycée, Tom se met également à la trompette et au baryton tout en poursuivant l’étude du piano. C’est là qu’il découvre véritablement le jazz. Au Marlboro College (Vermont), il travaille la musique classique avant de s’initier au jazz à l’Université du Massachusetts, notamment auprès de Nigel Coxe (p) qui est pourtant professeur de musique classique. L’apprentissage jazz de Tom McClung demeure ainsi informel: il ne valide pas ses diplômes mais forge son expérience auprès des musiciens de Nouvelle-Angleterre, notamment ceux de la communauté portoricaine qui lui font découvrir la salsa, tandis qu’il joue le blues avec Tino Gonzalez.
Le pianiste participe à divers groupe locaux –comme le Paradise City Jazz Band ou l’Orquestra Juventud ’77 de Springfield–, écumant les mariages, les baptêmes, les communions ou les inaugurations de supermarchés. Son élasticité lui permet de s’adapter à tous les contextes et change de dimension quand il devient le sideman de Marion Brown et de Yusef Lateef. Il entre également dans la formation d’Archie Shepp qu’il suivra régulièrement et fidèlement (il se produisait encore avec lui, l’année dernière, au festival de Corbeil-Essonnes). Tom McClung se lie alors avec le batteur d’Archie, Steve McCraven qui s’installe à Paris et le persuade de le rejoindre. Il franchit donc le pas en 1998, et débute une nouvelle vie en France. Entre deux tournées avec Archie Shepp, il se joint au Jazz Unit de Gildas Scouarnec et aux Black Studies de Steve McCraven, anime le piano-bar du Relais de L’Isle, sur l’Ile Saint-Louis. A deux pas de là, on le retrouve aussi au Franc-Pinot qui, en ce début des années 2000, vit ses belles années, aux côtés d’Hal Singer, Joe Lee Wilson ou Bob Demeo.
Ayant organisé, dans le cadre de l’association Spirit of Jazz, plusieurs concerts avec le concours de Tom McClung, je peux témoigner des qualités tant musicales qu’humaines du personnage. Tom McClung aimait jouer et ne refusait jamais un projet qui pouvait le séduire. Il y travaillait avec sérieux et humilité. Les moments passés avec lui, avant et après les concerts, étaient marqués par sa simplicité et son humour. En octobre 2008, il s’inséra ainsi avec doigté (et sans répétitions !) dans le sextet que nous avions monté autour de Ted Curson (avec Ricky Ford, Sarah Morrow, Peter Giron et Doug Sides) pour une représentation mémorable dans l’amphithéâtre Richelieu de La Sorbonne (et dont il reste la trace sur le Ted Curson, Live in Paris paru chez Elabeth). En 2010, il acceptait de se prêter à un projet original, en trio avec Wayne Dockery et John Betsch, autour de la musique de McCoy Tyner, pour un concert unique à Sarcelles (95). Et en 2013, c’est dans l’église Bon-Secours, dans le 11e arrondissement, qu’il faisait raisonner son duo avec l’ami Jean-Jacques Elangué (qu’on peut retrouver sur l’album This Is You). A cette occasion, il nous avait fait la surprise d’amener sa trompette.
Accompagnateur très apprécié, Tom McClung enregistra peu pour son propre compte, ses disques les plus récents étant Declassified (Blang Music, 2007) et Burning Bright (2014, Archieball Rain, cf. Jazz Hot n°673).
Nos pensées vont à son épouse Anne avec laquelle il s’était établi en Normandie ces dernières années et à toute la famille musicale du jazz qui l'entourait, en particulier la petite colonie des musiciens de jazz américains installés à Paris, et dont nous partageons la peine.
Jérôme Partage
VIDEOS
2007. Tom McClung (p), «Butterfly», album Declassified https://www.youtube.com/watch?v=I78h5DGMwXA
2008. Ted Curson Sextet, «Tears for Dolphy», album Live in Paris (octobre 2008) Ted Curson (tp), Ricky Ford (ts), Sarah Morrow (tb), Tom McClung (p), Peter Giron (b), Doug Sides (dm) https://www.youtube.com/watch?v=K_6JAnWIBpk
2011. Tom McClung & Jean-Jacques Elangué, répertoire de l’album This Is You, Maison de la Radio, Paris (1er octobre 2011) http://www.dailymotion.com/video/xliczo_jazz-sur-le-vif-this-is-you-duo-jean-jacques-elangue-tom-mcclung_music
2014. Tom McClung, «There You Go», album Burning Bright Tom McClung (p), Matyas Szandai (b), Mourad Benhammou (dm) https://www.youtube.com/watch?v=RMRVyZiP9l8
2016. Archie Shepp Quartet, «Revolution (Mama Rose)», Jazzhouse, Copenhague, Danemark (16 octobre 2016) Archie Shepp (ss, voc), Tom McClung (p), Wayne Dockery (b), Steve McCraven (dm) https://www.youtube.com/watch?v=tpJpy_LfKQA
|
|
|