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Eddie Palmieri

6 août 2025
15 décembre 1936, New York, NY - 6 août 2025 à Hackensack, NJ
© Jazz Hot 2025

Eddie Palmieri, West Oak Lane Jazz and Arts Festival, Philadelphie, PA, juin 2011 © Jérôme Partage
Eddie Palmieri, West Oak Lane Jazz and Arts Festival, Philadelphie, PA, juin 2011 © Jérôme Partage


Eddie PALMIERI

Latin Jazz


                           «On peut dire que la salsa est beaucoup plus influencée par le jazz aujourd’hui, et 
                           que les solos instrumentaux sont devenus une part importante de notre musique.» 
                                                                                             (Eddie Palmieri, Jazz Hot n°386-387, 1981)


Comptant parmi les pères du «latin jazz» made in New York, le pianiste Eddie Palmieri a été l’artisan d’une esthétique marquée par l’expression afro-caribéenne et tournée vers la danse. Il lui a apporté son toucher percussif qui s'apparente parfois à Thelonious Monk et McCoy Tyner, bien que lui-même révèle que ce soit plus une atmosphère d'époque et de lieu plus qu'une recherche volontaire. Eddie Palmieri se définit lui-même comme un artiste du latin jazz plus que du jazz latin. La discographie d’Eddie Palmieri ne le relie pas toujours directement au jazz, mais ses compagnonnages avec les jazzmen ont été nombreux, particulièrement ces trente dernières années, et il a toujours fréquenté et partagé la musique avec les artistes du jazz.



Eduardo Palmieri, dit Eddie Palmieri(1) est né le 15 décembre 1936 à Spanish Harlem ou El Barrio(2), à New York, et il a grandi dans le South Bronx où ses parents, Carlos et Isabel, tous deux immigrants portoricains, s'étaient établis et mariés en 1926. C'est là que vient au monde leur fils aîné, Carlos Manuel (1927-1988) qui deviendra pianiste et chef d’orchestre de salsa réputé sous le nom de Charlie Palmieri. Autodidacte depuis sa petite enfance, à 7 ans, Charlie est recruté par la Juilliard School, à l'époque située près de l'Apollo d'Harlem (non loin de South Bronx), afin d’éviter les frais d’inscription, la Grande Dépression faisant des ravages. C’est ainsi que le futur pianiste, chef d'orchestre, arrangeur, compositeur, Eddie, apprend la musique avec son frère et prend des leçons de piano classique à 8 ans; les deux prodiges participent à de nombreux concours de jeunes talents et, à 11 ans, Eddie donne son premier récital au Carnegie Hall en 1947, alors que cette même année, Tito Puente* (1923-2000), engage Charlie, professionnel depuis quatre ans, et que Dizzy Gillespie et Chano Pozo ouvrent au jazz le courant afro-cubain avec «Manteca» (www.youtube.com/watch?v=spAP-iSi6RY). Eddie se prend alors de passion pour la musique de Tito Puente, issu lui aussi de la communauté portoricaine de New York, délaisse le piano pour les timbales et intègre, à 13 ans, la formation d'un oncle: expérience abrégée par sa mère qui le remet au piano! A 19 ans, il devient professionnel dans différents groupes latins dont la formation du chanteur portoricain Tito Rodriguez (1923-1973) où il reste de 1958 à 1960. Avec Tito Puente (timb,perc,arr), Eddie gravera bien plus tard deux albums de la formation TropiJazz All Stars I et II, en 1996, accompagnés de David Sanchez (ts), Dave Valentin (fl), Hilton Ruiz, Michel Camilo (p,arr), John Benitez (b), Horacio El Negro Hernandez (dm). En 2000, Tito et Eddie sortiront leur dernier disque avant le décès du Roi des Timbales cette année-là, avec Masterpiece/Obra Maestra (Universal).

Mais revenons à  1961, quand Eddie Palmieri monte sa première formation, La Perfecta, remplaçant les violons des formations de charanga cubaine par des trombones, la salsa ayant rapidement gagné New York, après Cuba dans les années 1950. Eddie Palmieri and His Conjunto La Perfecta (Alegre, 1962) est le premier de ses cinq albums, directement en leader, jusqu’en 1966. Avec ce groupe, il enregistre ensuite avec le vibraphoniste Cal Tjader (Jazz Hot Tears n°396-1982): El Sonido Nuevo (Verve, 1966) et Bamboleate (Tico, 1967). La fin de La Perfecta en 1968 pour raisons financières et les évènements (assassinats politiques, mouvements étudiants, Guerre du Vietnam, embargo américain contre Cuba) amènent Eddie Palmieri, comme de nombreux musiciens à cette époque (cf. Charlie Haden Liberation Music Orchestra, Jazz Hot Tears 2014), à prendre position par sa musique sur le plan politique et social: de son album Justicia (Tico, 1969) qui amorce aussi le tournant de la fusion jazz-latin-funk-soul, aux concerts à Sing Sing (Recorded Live at Sing Sing, 1972, Tico) ou à l’Université de Porto Rico dans les années 1970 où il ajoute aussi des touches rhythm & blues, rock, fusion à sa musique, ses albums enchaînent les Latin Grammys. 

Après Barry Rogers (tb, 1935-1991), élevé aussi à Spanish Harlem, avec lequel il grave douze albums jusqu’en 1990, et Bob Bianco(3) auprès duquel il travaille les harmonies jazz pendant vingt ans et fait quatre sessions d’enregistrement (1969-1971), il collabore à partir de 1970 dans le cadre de son groupe Harlem River Drive intégrant la soul, avec Bernard Purdie* (dm), Cornell Dupree* (g) et le sax baryton Ronnie Cuber (Jazz Hot Tears 2022) qui restera son sideman jusqu’à son dernier disque en 2018. Côté jazz toujours, les trompettistes Jon Faddis*, Lew Soloff* (en 1978), Brian Lynch (Jazz Hot n°563-1999) de 1989 à 2018, Conrad Herwig (tb) de 1993 à 2024 comme sideman et leader, Nicholas Payton* (en 2005), Craig Handy* (ts, bar) entre 2008 et 2024, les altistes David Sanborn (Jazz Hot Tears 2024) en 1989, Donald Harrison (Jazz Hot n°644-2007) entre 1993 et 2005 , Phil Woods** (2005), Regina Carter (vln) entre 2005 et 2010, Mike Stern* (g) en 1989, les bassistes Chris McBride* (1998-2010) et Luques Curtis entre 2005 et 2024, et bien sûr son frère Charlie (p,org,perc) entre 1962 et 1983 font partie de ceux avec lesquels le pianiste a joué, ayant fait partie du TropiJazz All Stars en 1996, et tournant avec l'Eddie Palmieri's Afro-Caribbean Jazz Sextet/Septet ou All Stars entre 2007 et 2018.


                           «On dit que j’utilise certaines structures d’accord de Monk. Je le prends comme un grand compliment (…). 
                           Mais je n’ai jamais vraiment appartenu au monde du jazz, c’est venu tardivement. La musique de danse 
                           latine était mon univers. Vers 1992, les arrangements ont commencé à changer et ça n’a plus été aussi 
                           intéressant et je me suis dirigé vers le latin jazz.» 
                                                                                                           (Eddie Palmieri, Jazz Hot n°631, 2006)


Eddie Palmieri, West Oak Lane Jazz and Arts Festival, Philadelphie, PA, juin 2011 © Jérôme Partage
Eddie Palmieri, West Oak Lane Jazz and Arts Festival, Philadelphie, PA, juin 2011 © Jérôme Partage


Eddie Palmieri joue en streaming pendant le covid et notamment en 2021 (cf. vidéographie) au Lincoln Center avec son dernier groupe de fidèles, Jonathan Powell (tp), Louis Fouché (as), Luques Curtis, Little Johnny Rivero (cga), Camilo Molina (timb). Parmi les disques possédant une couleur jazz marquée (cf. discographie), citons Palmas (1993, Electra Nonesuch), Listen Here! (2005, Concord Picante) et Simpático (2005, Artist Share), ou en sideman de Conrad Herwig sur The Latin Side of McCoy Tyner (2023, Savant). Vingt ans après son tournant jazz, en 2013, il devient d’ailleurs un NEA Jazz Master aux côtés de Mose Allison, Lou Donaldson et Lorraine Gordon, ce qui donne lieu à un magnifique concert organisé par Wynton Marsalis au Dizzy’s Club du Jazz at Lincoln Center avec notamment Randy Weston, Kenny Barron, Ron Carter, Jimmy Cobb, Lou Donaldson, Paquito D’Rivera, Jimmy Heath avec des hommages rendus par McCoy Tyner et George Wein (cf. vidéographie).

Dans sa carrière, Eddie Palmieri a participé à une vingtaine d'enregistrements pour le cinéma et la télévision (cf. IMDB infra), dont la bande originale du film de Brian de Palma L'Impasse (1993) dans lequel Al Pacino, Italo-Américain natif de Spanish Harlem, campe un ancien truand d'origine portoricaine.


                           «Je tiens à préserver le fait qu’on peut danser sur ma musique (…). Je ne suis pas un pianiste de jazz, 
                           je me suis plutôt adapté à ce langage. Mais j’utilise ce savoir tout en conservant la trame essentielle 
                           de ma culture: son essence rythmique. C’est ce que j’appelle le «latin jazz» que je tiens à distinguer 
                          de certaines productions dans lesquelles on se contente d’ajouter un joueur de congas à une formule 
                          existante. On entre alors dans le jazz latin: la base est jazz, plus un touche de soleil.» 
                                                                                                                             (Eddie Palmieri, Jazz Hot n°519, 1995)


Le dernier disque enregistré en leader par Eddie Palmieri est Mi Luz Mayor (2018, Ropeadope), dédié à sa femme Iraida, disparue en 2014, avec laquelle il a partagé sa vie pendant soixante ans. Malade depuis plusieurs mois, il s’est éteint à l'âge de 88 ans, le 6 août 2025 dans sa résidence de Hackensack, NJ.

Jazz Hot partage la peine de ses cinq enfants et quatre petits-enfants.

Hélène Sportis & Jérôme Partage
Photos Jérôme Partage
Image extraite de YouTube
Avec nos remerciements


Eddie Palmieri et son groupe devant le public du West Oak Lane Jazz and Arts Festival, Philadelphie, PA, juin 2011 © Jérôme Partage
Eddie Palmieri et son groupe devant le public du West Oak Lane Jazz and Arts Festival, 
Philadelphie, PA, juin 2011 © Jérôme Partage



1. Féru de généalogie et d’histoire, le pianiste s'intéressait autant aux racines de sa famille remontant à la Florence du XIIIe siècle et à la Corse d’où ses ancêtres étaient partis au milieu du XIXe siècle pour s’établir à Porto Rico, qu'aux mouvements de déportation des populations africaines vers les Amériques et à leurs conséquences sur l’évolution de la musique mais aussi aux injustices raciales qui en ont résulté.

2. Ce quartier, aussi appelé «East Harlem» et distinct du Harlem afro-américain, est situé au nord-est de l’île de Manhattan et au sud du Bronx. Il a d'abord accueilli des populations originaires d'Europe au sein desquelles les immigrants italiens deviennent majoritaires à la fin du XIXe au point qu'on le surnomme «Italian Harlem». Déménageant dans d'autres quartiers de New York, les Italo-Américains sont progressivement supplantés, à partir des années 1930, par les vagues d'immigrants d'Amérique latine, et en particulier portoricains qui s'y succèdent depuis le début du XXe siècle.
Spanish Harlem est évidemment devenu le creuset new-yorkais de la salsa.

3. Eddie Palmieri parle de Bob Bianco (g, 1934-1991), membre du Harlem River Drive:


Site internet d'Eddie Palmieri: https://palmierimusic.com

Lien IMDB sur ses musiques à l'écran: www.imdb.com/fr/name/nm0658573


Source: NEA, 20 octobre 2013: www.arts.gov/honors/jazz/eddie-palmieri


EDDIE PALMIERI & JAZZ HOT

* Dans JAZZ HOT:
• Rubrique «Recherches dans Jazz Hot»: pour connaître les archives sur les musiciens et autres acteurs du jazz cités, les références données dans le présent article n’étant que parcellaires…
https://www.jazzhot.net/PBCPPlayer.asp?ID=2429560
• Table des numéros de Jazz Hot par année:
https://www.jazzhot.net/PBSCCatalog.asp?CatID=692881
• Index alphabétique des Tears en ligne**:
https://www.jazzhot.net/PBCPPlayer.asp?ADContext=1&ID=2202601
Table des index de Jazz Hot par rubrique:
https://www.jazzhot.net/PBCPPlayer.asp?ADContext=1&ID=2429540


n°386-387, 1981: interview Eddie Palmieri
• n°517, février 1995: chronique CD Cal Tjader & Eddie Palmieri, El Sonido Nuevo, Verve
• n°518, mars 1995: chronique CD Eddie Palmieri, Palmas, Elektra
n°519, avril 1995: interview Eddie Palmieri
• n°546, décembre 1997-janvier 1998: concert JVC Jazz Festival Paris
• n°610, mai 2004: concert Jazz en Artois, Vimy (59)
n°631, juillet-août 2006: interview Eddie Palmieri
• n°632, septembre 2006: concert Getxo Jazz, Espagne
• n°650, novembre 2009, concert Jazz by the Sea, Fano, Italie
• n°657, automne 2011, concerts Verona Jazz, Italie et Ronnie Scott’s, Londres
• n°661, automne 2012, concert Jazz à Toulon
• n°665, automne 2013, concert Ronnie Scott’s, Londres

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DISCOGRAPHIE

2018. Eddie Palmieri, Full Circle, Uprising Music


Discographie 1962-2005: n°631-2006

Complément
Leader-coleader

CD 2005. Eddie Palmieri, Listen Here!, Concord Picante 2276
CD 2005. The Brian Lynch-Eddie Palmieri Project, Simp
ático, Artist Share 0057
CD 2013. Eddie Palmieri Is Doin’ It in the Park, G.R. Music 8817436079
CD 2018. Eddie Palmieri, Full Circle, Uprising Music 101
CD 2018. Eddie Palmieri, Mi Luz Major, Uprising Music 102
2005. Eddie Palmieri, Listen Here!, Concord Picante2005. The Brian Lynch-Eddie Palmieri Project, Simpático, Artist Share2013. Eddie Palmieri Is Doin’ It in the Park, G.R. Music2018. Eddie Palmieri, Mi Luz Major, Uprising Music

Sideman
CD 2006. Conrad Herwig, The Latin Side of Wayne Shorter, Half Note 4535
CD 2008. Conrad Herwig, The Latin Side of Herbie Hancock, Half Note 4544
CD 2010. Christian McBride, Conversations With Christian, Mack Avenue 1050
CD 2023. Conrad Herwig, The Latin Side of McCoy Tyner, Savant 2216
CD 2024. Conrad Herwig, Reflections-Facing South, Savant 2227
2006. Conrad Herwig, The Latin Side of Wayne Shorter, Half Note2008. Conrad Herwig, The Latin Side of Herbie Hancock, Half Note2023. Conrad Herwig, The Latin Side of McCoy Tyner, Savant2024. Conrad Herwig, Reflections-Facing South, Savant

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VIDÉOGRAPHIE

Eddie Palmieri (kb), Luques Curtis (b), Jose Claussell (dm), Little Johnny Rivero (cga), Orlando Vega (timbales), Estival Jazz Lugano, Suisse, 5 juillet 2013, image extraite de YouTube
Eddie Palmieri (kb), Luques Curtis (b), Jose Claussell (dm), Little Johnny Rivero (cga), Orlando Vega (timbales), 
Estival Jazz Lugano, Suisse, 5 juillet 2013, image extraite de YouTube


Chaîne YouTube d'Eddie Palmieri
https://www.youtube.com/@EddiePalmieriOfficial

2003. Eddie Palmieri Ensemble, Newport Jazz Festival, RI, 10 août
https://www.youtube.com/watch?v=bGL7BUrSfq4

2013. Eddie Palmieri, concert NEA Jazz Masters 2013 avec Mose Allison, Amy Allison, Sheila Jordan (voc), Randy Weston, Kenny Barron (p), Ron Carter (b), Jimmy Cobb (dm), Lou Donaldson (as), Paquito D’Rivera (cl), Jimmy Heath (ts), Dave Liebman (ss), Dizzy Club, Jazz at Lincoln Center, 14 janvier

2013. Eddie Palmieri Afro-Caribbean All Stars: Jonathan Powell (tp), Louis Fouché (as), Luques Curtis (b), Jose Claussell (dm), Little Johnny Rivero (cga), Orlando Vega (bongos,timbales), Estival Jazz Lugano, Suisse, 5 juillet
https://www.youtube.com/watch?v=y6CVzxavttY

2016. Eddie Palmieri piano solo, NPR Music Tiny Desk Concert, Washington, DC, 19 août
https://www.youtube.com/watch?v=oUGukMLPQJs

2018. Eddie Palmieri Afro-Caribbean Jazz Sextet: Jonathan Powell (tp), Louis Fouché (as), John Benitez (b), Camilo Molina (timbales), Little Johnny Rivero (cga), Princeton University, NJ, 5 mai
https://www.youtube.com/watch?v=fJckQYh5g6Q

2020. Eddie Palmieri, Luques Curtis (b), Bobby Sanabria (dm), paroles et musiques, 40e anniversaire de l’émission «Latin Jazz Cruise», WBGO, New York, NY, 23 novembre
https://www.youtube.com/watch?v=XqoJYwFWiCc

2021. Eddie Palmieri, Jonathan Powell (tp), Louis Fouché (as), Luques Curtis, Little Johnny Rivero (cga), Camilo Molina (timb), concert livestream, Lincoln Center, New York, NY, 6 juin


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