Err

Bandeau-pdf-web.jpg
Actualités
Rechercher   << Retour

Jay Clayton

31 déc. 2023
28 octobre 1941, Youngstown, OH - 31 décembre 2023, New Paltz, NY
© Jazz Hot 2023

Jay Clayton à la Soapbox Gallery, New York, NY, 18 mai 2021, image extraite de YouTube
Jay Clayton à la Soapbox Gallery, New York, NY, 18 mai 2021, image extraite de YouTube


Chanteuse emblématique de l’esthétique avant-garde, Jay Clayton a eu, depuis les années 1960, une carrière de musicienne et de pédagogue très active, comptant une quarantaine d’enregistrements et de nombreuses collaborations avec Steve Lacy, Muhal Richard Abrams, Gary Peacock, Stanley Cowell, Lee Konitz, Fred Hersch, parmi bien d'autres. Elle prisait en outre les rencontres avec les autres chanteuses comme Jeanne Lee, Sheila Jordan ainsi que Norma Winstone, Urszula Dudziak et Michele Hendricks en compagnie desquelles elle avait formé le Vocal Summit.


Judith (dite Jay) Theresa Colantone, est née à Youngstown, une ville industrielle de l’est de l’Ohio dont l’activité sidérurgique attira plusieurs vagues d’immigrants, dont ceux en provenance d’Italie à partir de la fin du XIXe siècle, ainsi que l'arrivée de familles afro-américaines venues du Sud en quête de travail, au début du XXe siècle. Cette modification démographique entrainant la concurrence pour les emplois déclenche d’ailleurs des tensions communautaires dans les années 1920 et même des affrontements entre le Klu Klux Klan local, aussi anticatholique, et des habitants d’origines irlandaise et italienne. Italo-américaine de la deuxième génération, Judith baigne dans une atmosphère très musicale, au sein d'une communauté qui a développé une proximité naturelle avec le jazz et l'Afro-Amérique tout en ayant importé ses traditions, comme l’accordéon présent lors des mariages, et qui sera le premier instrument de Jay, tandis que sa mère nourrit le regret d’une carrière de chanteuse de jazz empêchée par un interdit paternel. A la maison, Jay chante ainsi les standards et délaisse rapidement l’accordéon pour le piano qu’elle étudie pendant plusieurs années. Au lycée, elle participe à une chorale avec laquelle elle effectue un premier voyage de quelques jours à New York pour se produire dans des églises. Ce séjour est un coup de cœur. Incitée par le directeur du lycée, elle passe l’été précédant son entrée à l’université au St. Louis Institute of Music, MO, puis suit le programme musical de la Miami University à Oxford, OH, première de sa famille à suivre des études supérieures. L’été d’après, elle retourne à New York et, éblouie par la vie jazzique, acquiert la certitude de sa vocation de chanteuse.



Ken Filiano (b), Sheila Jordan, Jay Clayton, Andrea Wolpe (voc), New York, 2020, image extraite de YouTube


En 1963, Jay obtient un engagement avec son groupe d’étudiants dans les Thousand Islands, à la frontière entre le Canada et l’Etat de New York, et décide de s’installer à Big Apple avec l’argent de son cachet. Là, elle prend un emploi de secrétaire tandis que la nuit elle écume les clubs et lofts bouillonnants des notes bleues de John Coltrane, Miles Davis, Charles Mingus, Thelonious Monk, Bud Powell et des centaines d’autres créant une pépinière géante pour les nouveaux arrivants du jazz (cf. Juini Booth et Freddie Redd). Dans le même temps, elle prend des cours de chant avec Paul Bain qui restera son professeur pendant cinq ans tandis que Steve Lacy devient son mentor, lui ouvrant de nouvelles perspectives consistant à articuler interprétation des standards et improvisation libre à la manière de Jeanne Lee. Par l’intermédiaire de Steve Lacy, elle se joint à la scène free jazz, rencontre Louis Worrell (b, 1934), Marc Levin (tp,flh,crt,fl) et Frank Clayton (dm,b) qu’elle épouse en 1967. Ils montent alors ensemble «Jazz at the Loft» dans leur maison de Lispenard Street, dans la tradition des jazz lofts initiés à partir de 1957 quand les clubs de jazz commencent à décliner suite à la mutation Tv-banlieue-voiture-loisirs de masse, les lofts eux-mêmes étant en péril à partir de 1965. Evoluant dans cet environnement de l’avant-garde new-yorkaise, Jay Clayton effectue également des tournées à travers les Etats-Unis et en Europe, développant dans son expression une forme de scat permettant de longues improvisations.

Parallèlement, alors qu’elle met au monde son fils Dov (1971) et sa fille Dejha (1972), elle commence à diriger des ateliers d’improvisation. En outre, elle travaille avec différents compositeurs, y compris de musique improvisée américaine, comme Steve Reich, à partir de 1971, lequel cherche une chanteuse de jazz sachant lire la musique et étant capable de chanter les parties de cuivres, et John Cage dont Jay Clayton enregistre la musique en 1977 (John Cage, Tomato). Elle est aussi présente sur l’album Spihumonesty (1979, Black Saint) de Muhal Richard Abrams.  

1980. Jay Clayton, All-Out,Amina Productions



En 1980, elle grave son premier disque en leader, All-Out (Amina Productions) avec Jane Ira Bloom (ss). Deux ans plus tard, la famille Clayton déménage à Seattle, WA, où Jay prend un poste de professeur au Cornish College of the Arts. Elle y crée un programme pédagogique vocal qu’elle dirigera pendant vingt ans et monte un ensemble vocal mêlant étudiants et professionnels auquel se joint ponctuellement Jeanne Lee. En novembre 1982, elle est invitée au New Jazz Meeting de Baden-Baden (R.F.A.), organisé par le journaliste-producteur Joachim-Ernst Berendt, avec d’autres vocalistes: Lauren Newton, Urszula Dudziak (1943), Jeanne Lee, Bobby McFerrin. Il en résulte un album live (Sorrow Is Not Forever-Love Is, Moers Music) et un collectif, Vocal Summit, qui enregistrera en 1990 Conference of the Birds (ITM-Pacific) avec Norma Winstone, Urszula Dudziak et Michele Hendricks. Elle publie plusieurs albums sous son nom: Sound Songs (1985, JMT), Live at Jazz Alley (1987, ITM-Pacific) avec les musiciens enseignants du Cornish College –Julian Priester (tb), Gary Peacock (b), Jerry Granelli (dm) qui constituent le groupe Quartett –auxquels se joint Stanley Cowell
(1), Beautiful Love avec Fred Hersch (1994, Sunnyside) et Circle Dancing (1996, Sunnyside). Par ailleurs, elle participe à l’album Helium Tears (1988, NewEdition) de Charlie Haden.  

Son activité d’enseignement très soutenue donne lieu à de nombreuses master-classes des deux côtés de l’Atlantique et à la publication d’un livre en 2000: Sing Your Story: A Practical Guide for Learning and Teaching the Art of Jazz Singing (Advance Music). De même qu’à la suite de sa réinstallation sur la Côte Est, à New Paltz, NY, en 2001, elle intègre le Peabody Institute de Baltimore, MD, puis l’Université de Princeton, NJ. Elle continue à se produire sur les scènes américaines (Jazz at Lincoln Center, Kennedy Center…) et européennes (North Sea Jazz Festival aux Pays-Bas, Jazzhus Montmartre au Danemark, Festival de Donaueschingen en Allemagne…) et à enregistrer, notamment Brooklyn 2000, (Sunnyside), Alone Together avec Jerry Granelli (2014, Sunnyside), Unraveling Emily avec le pianiste Kirk Nurock (2017, Sunnyside).


Gary Versace (p), Jay Clayton, Ed Neumeister (tb), Soapbox Gallery, New York, NY, 18 mai 2021
Gary Versace (p), Jay Clayton, Ed Neumeister (tb), Soapbox Gallery, New York, NY, 18 mai 2021

 
Elle donne son dernier concert en décembre 2022, peu avant de tomber malade. Elle s’est éteinte à son domicile de New Paltz, le 31 décembre 2023, laissant dans la tristesse ses enfants Dov et Dejha et ses deux petits-enfants.

rôme Partage et Hélène Sportis
Images extraites de Youtube
Avec nos remerciements

 


1. Cf. le témoignage de Jay Clayton sur Stanley Cowell dans Jazz Hot 2020.


SITES INTERNET:
https://jayclayton.com



*


VIDÉOGRAPHIE

Documentaire "Jay Clayton: A Free Voice" de Suzanne Edison, années 1980, image extraite de YouTube
Documentaire "Jay Clayton: A Free Voice" de Suzanne Edison, années 1980, image extraite de YouTube


Chaîne YouTube de Jay Clayton
https://www.youtube.com/channel/UCCbK3ZZ8LQD5bTDwsMcPOZA

1978. Jay Clayton, Kirk Nurock (p), «My Funny Valentine», émission télévisée
https://www.youtube.com/watch?v=swhNZkIGQe8

1980. Jay Clayton, Jane Ira Bloom (as), Larry Karush (p), Harvie Swartz (b), Frank Clayton (dm,perc), Bill Buchen (perc), Becca Armstrong (voc), «7/8 Thing», album All-Out, Amina Productions, New York, NY, octobre
https://www.youtube.com/watch?v=pe0CklTGcgw

1985. Documentaire Jay Clayton: A Free Voice de Suzanne Edison, Viacom
https://www.youtube.com/watch?v=k0YfJG-n8xI

1994. Jay Clayton, Fred Hersch (p), album Beautiful Love, Sunnyside, studio Acoustic Recording, New York, 17-18 mai
https://www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_n2nQbvV_zK0iLjQY-LNX79K_HfL9lh_bk

2017. Jay Clayton, Ken Filiano (b), Arts for Art concert series, New York, NY, 19 janvier
https://www.youtube.com/watch?v=8dF_qxecWmE

2020. Jay Clayton, Sheila Jordan, Andrea Wolpe (voc), Ken Filiano (b), New York, NY

2021. Jay Clayton, Gary Versace (p), Ed Neumeister (tb), Soapbox Gallery, New York, NY, 18 mai
https://www.youtube.com/watch?v=lSZ1jhITOEU

2021. 80 ans de Jay Clayton, Gary Versace (p), Ed Neumeister (tb), Jay Anderson (b), Billy Drummond (dm), Roulette Theater, Brooklyn, NY
https://www.youtube.com/watch?v=ogFelVfXt9A


*