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Lucien Juanico

30 sep. 2020
7 août 1923, Alger (Algérie) - 30 septembre 2020, Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes)
© Jazz Hot 2020

Lucien Juanico, C.I.M., Paris, 25 mai 1982 © Michel Laplace
 



Lucien Juanico, C.I.M., Paris,
25 mai 1982 © Michel Laplace






Le trompettiste Lucien Juanico est décédé dans une maison de retraite à Juan-les-Pins. Selon ses proches, l'isolement dû au confinement l'aurait emporté... le lendemain de Michel Decourrière.

Lucien Juanico a étudié la trompette à Alger auprès de Clément Perrin. Il m'avait écrit: «J'ai débuté par le classique, et par goût je me suis mis au jazz puis à la variété». Il fréquente l'accordéoniste et chef d'orchestre à Radio-Alger, Lucien Attard (1928-2007). C'est avant Attard et son ami trompette Jean-Pierre Balzano que Lucien arrive à Paris. Il m'a dit avoir joué dans la Musique du 3e Régiment d'Infanterie Coloniale. Il complètera ses connaissances trompettistiques à Paris auprès de Raymond Sabarich. Dès 1951, il «fait le métier» en jouant pour les chefs d'orchestre de variétés jazzy et de jazz comme Eddie Warner (1952), Jacques Hélian, Michel Legrand, Jean-Claude Pelletier (1965), Fred Gérard (1965, au Casino de Biarritz, avec Roger Guérin, Alex Renard, tp) et Raymond Lefèvre. Il a travaillé au Lido et à  l'Olympia.

Je l'ai rencontré le 25 mai 1982, lors d'une répétition des New Old Sharks de Fred Gérard au C.I.M. d'Alain Guerrini, à Paris. Il y remplaçait Roger Guérin pour le travail de section, laissant la section rythmique seule dans les espaces de solos (j'ai comblé le trou dans «My Blue Heaven»). Charly Hernandez était au sax ténor tandis que le reste de la section outre Fred et lui, comprenait Michel Delakian et Jean Baissat. On le voyait encore à la télévision en mars 1992, avec Ben & sa Tumba.

Il s'est retiré à Juan-les-Pins où il fut le voisin de son ami Jean-Pierre Balzano. Son épouse était la chanteuse Paola. Lucien Juanico a enregistré pour André Persiani (1955, 1958, orthographié à l'époque «Persiany
»), Christian Chevallier (1955), Dany Doriz (mai 1966, arrangements de Gérard Poncet, avec Fred Gérard, Pierre Sellin, tp, Gaby Vilain, tb, Denis Fournier, as, Dominique Chanson, ts, Alphonse Masselier, b, Marcel Blanche, dm, EP Homère), les Trumpet Brothers de Jacques Jay (1961-65, avec Jean-Pierre Balzano, tp, Marc Steckar, tb, Harry Perret, ts, Véga) et sous son nom (1966, «OK Big Bill», 45-tours Homère 1011, notamment).


Fred Gérard, X, Lucien Juanico, C.I.M., Paris, 25 mai 1982 © Michel Laplace
Fred Gérard, X, Lucien Juanico, C.I.M., Paris, 25 mai 1982 © Michel Laplace

En 1973, ses préférés en jazz, m'avait-il dit, étaient Clifford Brown et Doc Severinsen. Le meilleur hommage que l'on puisse rendre à Lucien Juanico, c'est de réécouter les enregistrements remarquables des big bands français des années 1950 et du début des années 1960 (malheureusement, YouTube et autres ne donnent pas les personnels comme ci-dessous). Pour la trompette, à côté de solistes «jazz»(anciennement désignés «hot»)de classe comme Bernard Hulin, Fernand Verstraete, Fred Gérard, Pierre Sellin et surtout Roger Guérin, de premiers pupitres remarquables comme Robert Fassin, Henri Van Haeke, Pierre Thibaud, Georges Gay, Maurice Thomas et surtout, à nouveau, Fred Gérard, il y avait une multitude de musiciens de section, rompus au phrasé ternaire, comme, dans le désordre, Lucien Juanico, Vincent Casino, Michel Decourrière, Jacques Jay, Yves Lalouette, Jean Liesse, Loulou Vezant, Roger Deblock, Marcel Cimino, Al Mone, René Léger, Jean Baissat, Gilbert Dias, Alex Caturegli, Louis Laboucarié, Lucien Roman, Georges Bence, Michel Poli, Pierre Dutour et même Georges Jouvin (également soliste dit «mélodique») pour n'en citer que quelques-uns auxquels s'étaient intégrés les Alex Renard et Christian Bellest de la génération antérieure ou encore des reconvertis du traditionnel au mainstream comme Jean-Claude Naude. Sans eux pas de big bands, appelés grands orchestres à l'époque. Ils seront peut-être égalés par la suite (Ivan Jullien, Tony Russo, Michel Barrot, Kako Bessot), sauf dans le phrasé ternaire, mais jamais dépassés!

Bien sûr, ces noms ne sont guère connus des amateurs de jazz surtout intéressés par «le solo» au point d'assimiler dans un ordre hiérarchique d'intérêt ne correspondant pas à la réalité, le trompette solo au premier trompette de l'orchestre. Or dans la pratique, le soliste joue le plus souvent une partie secondaire (souvent dans l'expérience du signataire, la 2
e ou 4e trompette). Le premier trompette, rarement soliste, est le plus qualifié en technique notamment dans le registre aigu, mais il doit aussi connaître la musique, à savoir les styles jazz pour mener toute la section comme un seul homme selon une articulation pertinente et efficace des phrases écrites, avec un feeling simulant l'improvisation. Il en allait ainsi depuis l'invention du big band jazz par Fletcher Henderson (avant Duke) d'où la méconnaissance, par exemple, du talent d'un Russell Smith, premier trompette, chez les jazzfans et les «critiques». Il faut tout le talent d'artistes comme Lucien Juanico pour compléter en section les notes de l'harmonie en épousant le style imposé par le premier trompette. Lucien Juanico était aussi un bon soliste «mélodique». Toute une époque semble décidée à rejoindre l'ombre…

Texte et photos: Michel Laplace

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45t 1966. Lucien Juanico et sa trompette, OK Big Bill


SOURCE:
Le Monde de la Trompette et des Cuivres de Michel Laplace (2014-2020)


SELECTION DISCOGRAPHIQUE

Leader

45t 1966. Lucien Juanico et sa trompette, OK Big Bill, Homère 1011

 

Sideman

LP 1955. Christian Chevallier. Big and Small, Columbia FP 1056

LP 1955. André Persiany et son Orchestre. Jazz Stars Series, Columbia FP 1058

LP 1958. André Persiany et son Orchestre. Swingin' Here and There, Pathé 2C054-11721

45t 1966. Dany Doriz. Flirt à gogo, Homère 1012



1955. Christian Chevallier, Big and Small1955. André Persiany et son Orchestre, Jazz Stars Series1958. André Persiany et son Orchestre. Swingin' Here and There45t 1966. Dany Doriz. Flirt à gogo

VIDEOS

Christian Chevallier (p) et son orchestre: Fred Gérard (tp1), Lucien Juanico, Christian Bellest (tp), Roger Guérin (solo tp), André Paquinet (tb1), Nat Peck, Charles Verstraete (tb), Dave Amram (frh), William Boucaya, Jean Aldegon (as), Bobby Jaspar (solo ts), Jean-Louis Chautemps (ts), Armand Migiani (bass-sx), Pierre Michelot (b), Christian Garros (dm), Paris, May 26, 1955, Nice Joke

https://www.youtube.com/watch?v=7lOLxhv_TzE

 

André Persiany (p) et son orchestre: Fred Gérard (tp1), Lucien Juanico (tp), André Paquinet (tb1), Charles Verstraete (tb), Teddy Hameline, André Dabonneville (as), Armand Conrad (ts), Guy Lafitte (solo ts), Michel de Villers (bs), Benoît Quersin (b), Teddy Martin (dm), Paris, May 31, 1956, Swingin' the new A.P. Blues

https://www.youtube.com/watch?v=m-6R9hUsO7k

 

André Persiany (p) et son orchestre: Pierre Thibaud (tp1), Lucien Juanico (tp), George Gay (tp, solo en re-recording), Sandy Fall, Bill Tamper (tb), Teddy Hameline (as1), Michel Attenoux (as, solo en re-recording), Armand Conrad (ts), Georges Bessières (ts, solo en re-recording), Michel de Villers (bs: solo en re-recording), Pierre Cullaz (g), Paul Rovère (b), Christian Garros (dm), Paris, February 21, 1958, Jive at Five

https://www.youtube.com/watch?v=9hoUTfMRMng

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