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Ennio Morricone

6 juillet 2020
10 novembre 1928, Rome - 6 juillet 2020, Rome
© Jazz Hot 2020

Ennio Morricone, Vérone, 2002 (à gauche et au centre), Venise, 2007 (à droite) © captures d'écran YouTube
Ennio Morricone, Vérone, 2002 (à gauche et au centre), Venise, 2007 (à droite) © captures d'écran
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Ennio Morricone




Encore une légende de la musique, de films surtout, près de cinq cents à son actif, qui part. Pour les amateurs de cinéma, notamment italien mais pas seulement, de westerns spaghetti dont le lancinant harmonica1 est devenu le son d’une blessure grave à l’humain dans une époque de tensions extrêmes (*Il était une fois dans l’Ouest, Sergio Leone, 1968), Ennio Morricone restera un monument. Clint Eastwood perd un second compagnon de route de quarante ans –après Lennie Niehaus– pour lequel il avait traduit sur scène, lors de la cérémonie des Oscars en 2007, son discours, en lui remettant son prix pour l’ensemble de sa carrière; car Ennio Morricone était recordman de superlatifs en matière de distinctions, reflétant ses ventes mondiales de disques, décollant de 22 millions en 1971 pour s’envoler à 70 millions en 2016, l’année de ses 60 ans de carrière, quand il remporte enfin le «vrai» Oscar de la musique, à 87 ans, pour Les Huit Salopards (Quentin Tarantino, 2015): Lion d’or, Nastri d’Argent, Bafta, Golden Globe, British Academy Film Awards, Grammy Awards, César, David di Donatello, Disques d’Or et de Platine, Golden Plates, Hall of Fame 2009 pour Le bon, la brute et le truand (Sergio Leone, 1966), son œuvre parlait instantanément au public, à la place des mots, par une narration musicale très expressive car mélodiquement simple mais travaillée-arrangée sur les détails et nuances, ponctuée de hurlements de coyote, de coups de fouets, tirs, cloches, voix, sifflements, guimbardes, bruits concrets, insolites et sons inquiétants, stridents, dans les partitions, recréant la vie et l’émotion brute. La partition d’Il était une fois dans l’Ouest s’est vendue à dix millions d’exemplaires.
De la musique classique à la variété en passant par le contemporain, son apprentissage initial très construit au conservatoire lui avait laissé cette capacité imaginative de conter des histoires populaires en notes qui lui venait de son père, trompettiste d’orchestre de danse dans l’Italie fasciste de Rome ou de la Ciociara, terre pauvre de bergers au sud-est du Latium, où il fallait savoir tout faire, et avec très peu, pour capter l’attention et distraire du quotidien sinistre. Comme avant, longtemps après-guerre, l’Amérique (Il était une fois en Amérique, Sergio Leone, 1984) reste un phare pour l’Italie, le jazz y circule librement aussi parmi les musiciens de films comme Piero Piccioni (1921-2004), Armando Trovajoli (1917-2013) avec lesquels le désormais Maestro fonde le studio d’enregistrement romain, Forum Music Village en 1969, où il a écrit ses partitions sa vie durant; jazz de la libération, de la liberté, de la réalité populaire, du néo-réalisme (voir Riz amer, Giuseppe De Santis, 1949, musique de Goffredo Petrassi, 1904-2003, maître de composition d’Ennio Morricone au Conservatoire Sainte-Cécile), jazz aussi présent chez Nino Rota (1911-1979) et tous leurs amis réalisateurs ou écrivains-scénaristes de l’âge d’or du cinéma italien, une «école», une «pépinière» fourmillant d’échanges entre artistes de toutes disciplines, dont les têtes sont remplies de Il était une fois… (Il était une fois… la révolution, Sergio Leone, 1971)



1964. Ennio Morricone, Per un pugno di dollari

Ennio Morricone est né à Rome le 10 novembre 1928 d’un père trompettiste, Mario, et de son épouse, Libera Ridolfi, artisan textile, autant dire deux esprits indépendants, nés à Rome, bien qu’originaires d’Arpino, au sud-est désolé de la capitale. En digne passeur, Mario transmet à Ennio l’art de la trompette, la pratique d’autres instruments dont le piano et lui apprend à lire la musique. La famille qui compte trois filles et deux garçons vit dans le Trastevere, cœur populaire de Rome qui deviendra aussi celui du cinéma néo-réaliste. En 1938, Ennio rencontre Sergio Leone (1929-1989, Rome) sur les bancs de l’école, ils ont 10 et 9 ans: le père de Sergio, premier réalisateur de western -muet- en 1913, et sa mère actrice, sont dans le collimateur du fascisme du fait de leur liberté d’esprit, son parrain est l’habile réalisateur Mario Camerini. La vie ne redonnera rendez-vous aux deux condisciples qu’en 1964 pour un pastiche –entre Akira Kurosawa, Yojimbo (1961) et Carlo Goldoni, Arlequin serviteur de deux maîtres (1745)–, avec le film Pour une Poignée de Dollars sortant Clint Eastwood de sa série Rawhide et Gian Maria Volonté, alias John Wells au générique américanisé. Ennio sera la voix musicale de Sergio qui a toujours regretté le cinéma muet de son père, avare de dialogues, minimaliste en diable: pour lui, Ennio était son coscénariste. En 1940, Ennio entre au Conservatoire Sainte-Cécile où il apprend l’harmonie, la composition, l’arrangement, la musique chorale, et il développe une passion pour le jeu d’échecs qu’il pratiquera en tournoi la plus grande partie de sa vie; l’année qui suit, il part déjà en tournée en Vénétie (Goffredo Petrassi y est surintendant de la Fenice) avec l’orchestre de l’Opéra, et il joue aussi dans les orchestres de danses avec son père sur le temps libre. Il obtient un diplôme de trompette en 1946 et de composition en 1954. Dès 1950, il fait des arrangements jazz, de musique populaire ou de chants religieux pour des émissions de radio où il rencontre Luciano Salce, son futur premier réalisateur. Il travaille pour le théâtre, la RAI, mais en indépendant afin de composer librement, ce qu’il fait depuis 1946; il prépare ses concerts, enregistre chez RCA (1958-1966) et compose pour les chanteurs du label tels Paul Anka. En 1956, Ennio se marie avec Maria Travia, romaine native de Sicile qui devient sa parolière. Ils ont trois garçons et une fille dont un chef d’orchestre-compositeur Andrea (qui travaille avec Ennio sur la musique de Cinéma Paradiso de Giuseppe Tornatore, 1988) et Giovanni, cinéaste à New York.

1976. Gruppo Improvvisazione Nuova Consonanza, Musica Su Schemi

1961 marque le début de son travail
 dans le cinéma, rapidement intensif et prolifique, de la comédie à la science-fiction en passant par les films politiques, historiques, de gangsters et même d’horreur qui lui permettent d’investiguer des bruits et sons étranges et inconnus; il retrouve Luciano Salce avec lequel il fait sept films, puis Sergio Leone pour lequel il fait sept musiques mythiques de westerns entre 1964 et 1975 et une saga historique, Il était une fois en Amérique (1984). Il travaille aussi pour de nombreux autres réalisateurs: Lina Wertmuller, Pier Paolo Pasolini (six films dont Teorema, 1968, où apparaît également la musique de Ted Curson, voir Vidéos), Mauro Bolognini (seize films dont Metello, 1970 et l’Héritage, 1976), Gillo Pontecorvo (quatre films dont La Bataille d’Alger), Giuliano Montaldo (douze films dont Sacco et Vanzetti, 1971 et Les Lunettes d’or, 1987), Giuseppe Tornatore (dix films de 1988 à 2016), Bernardo Bertolucci (six films dont 1900), Carlo Lizzani (six films), Luigi Comencini (trois films dont Qui a tué le chat?, 1978), Ettore Scola (trois films), Alberto Lattuada (trois films), Liliana Cavani (trois films), Elio Petri (sept films dont La Classe ouvrière va au paradis, 1971), Alberto Negrin (treize films), Edward Dmytryk (deux films), Brian De Palma (Les Incorruptibles, 1987), Roman Polanski, Warren Beatty, Adrian Lyne, William Friedkin, John Carpenter, Richard Fleisher (deux films dont un arrangement & orchestre pour le compositeur Mario Nascimbene, 1913-2002, lequel a joué avec Mario Bauzà2), Oliver Stone, Margarethe Von Trotta, Henri Verneuil (six films dont Le Clan des Siciliens, 1969), Edouard Molinaro-Georges Lautner (La Cage aux folles, 1-2-3), Sergio Corbucci (sept westerns spaghetti), Sergio Sollima (cinq westerns spaghetti), Pedro Almodovar, Dario Argento (cinq films), Roland Joffè, Samuel Fuller, Quentin Tarantino (cinq films dont Django Unchained, 2012), Terrence Malick (Les Moissons du ciel, 1978).
Parallèlement, Ennio participe à un groupe de musique expérimentale
, Nuova Consonanza
(GINC) de 1964 à 1980, toujours à la recherche de nouveaux matériaux sonores, de textures permettant de traduire les tensions, les atmosphères, les perceptions, d’aiguiser les nerfs, accentuer l’humour, créer les gags, l’ambiguïté voire le malaise.
Son
père décède en 1974 et sa mère, vingt ans plus tard; la famille, la stabilité sont des ancrages importants pour le musicien débordant d’activités. Son œuvre hors cinéma comprend plus de cent opus et Ennio Morricone fera des concerts à travers la planète surtout à partir de 2001. Ennio Morricone n’a jamais quitté l’Italie pour Hollywood, mais il semble que ses masters auraient été détruits en Californie dans l’incendie d’Universal en 2008 (source New York Times). A l'automne 2014, Giuseppe Tornatore commence un documentaire, Glance of Music (2016) sur Ennio Morricone, qu’il remanie (90 mn) pour le ressortir sous le titre Ennio: The Maestro qui devrait sortir en 2021.


Ennio Morricone, Life Notes, 2016


Toujours aussi dynamique, Ennio Morricone continue ses tournées de concerts dans le monde, dédie une messe au Pape François, reçoit une commande pour le 200
e anniversaire de l’Ordre des Jésuites à Rome, compose la musique des Huit Salopards pour Quentin Tarantino (2015), celle du film La Correspondance de Giuseppe Tornatore (2016), travaille de nouveau pour Terrence Malick (Voyage of Time, 2016) et fait une tournée mondiale pour ses 60 ans de carrière. Le 26 mars 2017, Ennio perd un autre ami d’enfance et compagnon de travail, Alessandro Alessandroni, né en 1925, compositeur, multi instrumentiste et siffleur attitré des westerns. En 2018, il compose pour A Rose in Winter de Joshua Sinclair; en novembre, il fait un concert d’adieu à Paris, puis à Berlin en janvier 2019, et en mai 2019, il se produit encore dans les Arènes de Vérone.
Autant dire, que, bien qu’âgé, le décès du Maestro dans la nuit du 5 au 6 juillet 2020, des suites d’une chute (fémur brisé), met un triste point d’orgue à un esprit artistique qui avait encore des milliers d’histoires à raconter, en pleine faillite du système sanitaire italien et du système d’entraide européen. Un’ Bella Ciao, Maestro! 
Hélène Sportis



1. From Beat to Beat, Memoirs of the Man of the Harmonica. 50 Years of Music and Cinema as experienced, par Franco De Gemini 260.p. Cosi insegnai a Charles Bronson ad impugnare l’armonica…, voir Jazz Hot n°651-2010.

Franco De Gemini (10 septembre 1928, Ferrare, Italie - 20 juillet 2013, Rome), voir Jazz Hot n°666, hiver 2013-2014

2. Mario Bauzà et le jazz afro-cubain: voir Jazz Hot n°496-1993 et Jazz Hot n°497-1993.



SOURCES

Site officiel d’Ennio Morricone: http://www.enniomorricone.org

 

Œuvres musicales dont musique de films et filmographie intégrale:

http://www.enniomorricone.org/the-music

https://www.imdb.com/name/nm0001553

 

Autobiographie

Life Notes, 2016


Ecrits et partitions

https://www.goodreads.com/author/list/505037.Ennio_Morricone



VIDEOS


Chaîne YouTube d’Ennio Morricone

https://www.youtube.com/channel/UCUAwOBo-ZZ8S8cIH0SGoXpg

https://www.youtube.com/user/EnnioMorricone

 

2002. Concert live d'Ennio Morricone, Arènes de Vérone, 28 septembre

https://www.youtube.com/watch?v=S5Ahe_1KZcg

 

2007. Concert live d'Ennio Morricone, Venise Piazza San Marco, 10 et 11 septembre

https://www.youtube.com/watch?v=5cP7gTe8ueA

 

2017. Concert live d'Ennio Morricone, Arènes de Vérone

https://www.youtube.com/watch?v=j3lxpiV2BWQ

 

2018. Concert live d'Ennio Morricone, Paris, 23 novembre

https://www.youtube.com/watch?v=6XxPVtEshxM

https://www.youtube.com/watch?v=_NgHGnbEcqM

https://www.youtube.com/watch?v=Nyt-GXUspEo

https://www.youtube.com/watch?v=Z3MZflLgUv4

https://www.youtube.com/watch?v=LSrsp-gy-vU

https://www.youtube.com/watch?v=11cqiDSG2B8

 

2019. Concert live d'Ennio Morricone, Arènes de Vérone, 18 mai

https://www.youtube.com/watch?v=CUhrIyFRO94

https://www.youtube.com/watch?v=bls0lSnVrL4

 


Curiosités jazz


1962. Chet Baker, Ennio Morricone and His Orchestra

https://www.youtube.com/watch?v=-rvFidLeKKM

 

1968. Teorema, Pier Paolo Pasolini/Ennio Morricone, «Tears for Dolphy» de Ted Curson (1964)

https://www.youtube.com/watch?v=S3L0xNPeQi8

 

1972. Forza G, film de Duccio Tessari, «Psichedelico jazzistico»

https://www.youtube.com/watch?v=OMitBnu8xhM

 

1986. John Zorn Plays the Music of Ennio Morricone, The Big Gundown

https://www.youtube.com/watch?v=m7bIhV-Zckk

https://www.youtube.com/watch?v=GFQU9P0j5CU

 

2010. Pat Metheny, Charlie Haden, «Cinema Paradiso» (Ennio Morricone), BR-alpha TV, émission Jazz oder Nie, Allemagne

https://www.youtube.com/watch?v=qEwXcgwzIYE

 

2014. Jens Thomas Plays Ennio Morricone, Paolo Fresu, Antonio Salis, Act

https://www.laut.de/Jens-Thomas/Songs/Overture-To-You-Cant-Keep-A-Good-Cowboy-Down-22814

https://www.laut.de/Jens-Thomas/Songs/The-Man-With-The-Harmonica-22815

https://www.laut.de/Jens-Thomas/Songs/The-Good,-The-Bad-And-The-Ugly-22816

https://www.laut.de/Jens-Thomas/Songs/Cockeyes-Song-22817

https://www.laut.de/Jens-Thomas/Songs/Once-Upon-A-Time-In-America-22818

https://www.laut.de/Jens-Thomas/Songs/Deborahs-Theme-22819

https://www.laut.de/Jens-Thomas/Songs/The-Battle-Of-Laatzen-22820

https://www.laut.de/Jens-Thomas/Songs/Once-Upon-A-Time-In-The-West-22821

https://www.laut.de/Jens-Thomas/Songs/Poverty-22823

https://www.laut.de/Jens-Thomas/Songs/Pioggia-22824

https://www.laut.de/Jens-Thomas/Songs/Heres-To-You-22825

https://www.youtube.com/watch?v=dC1eXienKPc

https://www.youtube.com/watch?v=ybg42PxKx9A


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