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Kirk Douglas

5 fév. 2020
9 décembre 1916, Amsterdam, NY - 5 février 2020, Beverly Hills, CA
© Jazz Hot 2020


Kirk Douglas dans Young Man with a Horn, 1950 (image tirée de la bande-annonce)


 
 
Kirk Douglas dans Young Man with a Horn, 1950
(image tirée de la bande-annonce)





Qui eût dit que le Fils du Chiffonnier (titre d’un de ses livres, première partie de son autobiographie parue en 1988) deviendrait acteur, producteur, réalisateur et interprèterait, aux côtés d’Hoagy Carmichael (Jazz Hot 2019), Young Man with a Horn (Le Jeune homme à la trompette), titre mal traduit en français par La Femme aux chimères, pour le film réalisé en 1950 par Michael Curtiz, relatant la vie, moitié légende-moitié alcool et assez tragique, de l’ami d’Hoagy, Bix Beiderbecke (1903-1931); Harry James (1916-1983) double l’acteur à la trompette. Le film avait été tiré du livre éponyme de Dorothy Baker écrit en 1938, traduit par Boris Vian, le trompettiste traducteur jazzoteux, et publié en extraits dans Jazz Hot en hommage à Bix (n° 27, 28, 29, 31, 34, 35 en 1948-49). Cette traduction sera éditée chez Gallimard en 1951 (collection La Méridienne). 
En 1955, Kirk Douglas, le comédien, crée sa société de production Bryna (du nom de sa mère adorée), suite à l’exemple de son ami Burt Lancaster, et comme d’autres artistes dans le cinéma et le jazz qui cherchent à se libérer des compagnies (voir l’exemple d’Erroll Garner avec Octave en 1959).


En dehors du jazz, Kirk Douglas a tenu à interpréter le rôle de Vincent Van Gogh (Lust for Life de Vincente Minnelli-George Cukor, 1956), un autre artiste passionné, puis il a fait partie de l’aventure du film Les Sentiers de la Gloire de Stanley Kubrick interdit en France de 1958 (sa sortie) à 1975, et il produit trois films avec Donald Trumbo, le scénariste brillant d’Hollywood pourchassé pour sa liberté de penser, dont le premier avec son nom au générique, Spartacus (Stanley Kubrick, 1960), l’esclave vecteur de liberté, un symbole pour l’Amérique enferrée dans les mouvements contre la chasse aux sorcières, pour les droits civiques, contre l’armement nucléaire, et déjà impliquée dans la guerre du Vietnam. De Spartacus, Kirk Douglas fera un livre (I am Spartacus, 2012) sur l’Amérique délétère, entre racismes de toutes sortes et reniement des valeurs de liberté, d’égalité et de justice des Pères Fondateurs.
Il  produit ensuite Seuls sont les Indomptés (Lonely Are the Brave, David Miller, 1962), sur l’histoire d’un cow-boy qui refuse de se soumettre à la société normalisatrice, de consommation de masse naissante. L’acteur interprète aussi pour Elia Kazan le très autobiographique The Arrangement (1969) qui interroge cette société très corrompue du nouveau monde; 
l’année-même du tournage, en 1968, Martin Luther King a été assassiné, ce qui provoque des émeutes notamment à Chicago ou Baltimore et dans plus de 130 villes. Pour ce film comme pour d’autres, Elia Kazan, choisit pour la musique le compositeur multi-instrumentiste, très impliqué dans le jazz, David Amram (1930), dont l'engagement ne laisse aucun doute.
La vie de Kirk Douglas mérite qu'on s’y arrête longuement (il a laissé une œuvre et des pistes autobiographiques pour cela), autant pour son parcours artistique qu’humain. Ce n’est ni un concours de circonstances, ni une suite d’opportunités, mais une démarche consciente et délibérée dans une Amérique qui lutte, pour une partie de sa population, avec générosité et excellence, mais qui peine à sortir des impasses et des égoïsmes engendrés par l’autre partie de sa population, un conflit d’autant plus inquiétant qu’il reste toujours non résolu depuis la Civil War, dite Guerre de Sécession, et c’était il y a 150 ans.
Chapeau l’artiste!


Hélène Sportis

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