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Fats Domino

24 oct. 2017
26 février 1928, New Orleans, LA - 24 octobre 2017, Harvey, LA
© Jazz Hot n°681, automne 2017



Pionnier du rock & roll, Fats Domino a eu une longue carrière marquée par une première décade
(1949-1962) de grand succès commercial durant laquelle le pianiste aligne des tubes qui entreront tous au patrimoine: «The Fat Man»(1949), «Goin'Home»(1952) ou encore son titre le plus mémorable: «Blueberry Hill»(1956). Les décennies suivantes le consacrent comme une «légende vivante», croulant sous les hommages, une figure tutélaire pour nombre de musiciens, alors que, paradoxalement, sa notoriété auprès du grand public est en repli. Il va néanmoins promener, de tournées en tournées (notamment en Europe), son célèbre répertoire pour le plus grand bonheur des amateurs de blues, de jazz, de rhythm & blues, de rock & roll, au carrefour desquels il se situe. Représentant d’un temps révolu où la musique rock était encore un avatar du blues, fortement enraciné à la culture afro-américaine, Fats Domino aura été –avec Chuck Berry et Little Richard– l’initiateur d’une forme renouvelée du rhythm & blues, fortement marquée par ses origines créoles et ses influences musicales (gospel, blues, boogie woogie); autant d’ingrédients qui ouvrent la voie à des musiciens tels que Bill Haley, Elvis Presley ou encore Jerry Lee Lewis avant que la vague de la pop anglo-saxonne ne prenne le dessus. C’est donc une véritable icône du rock & roll et de la musique populaire américaine qui s'est éteinte le 24 octobre à Harvey (Louisiane). Antoine Dominique Domino Jr., dit «Fats» Domino (en raison de son embonpoint et en référence à Fats Waller) avait 89 ans.

On avait déjà annoncé sa mort lors de l’ouragan Katrina qui avait ravagé son manoir (il avait alors perdu tous ses souvenirs et ses archives personnelles) dans son quartier de toujours, du Lower Ninth Ward, en août 2015. Il avait fallu attendre trois jours pour que sa fille le reconnaisse sur une photo diffusée par les secouristes. A la suite de quoi il avait déménagé sur l’autre rive du Mississippi où il vient de s’éteindre. Son piano blanc Steinway, restauré, est exposé désormais dans le Quartier français comme un symbole de la renaissance de la ville, de sa musique et de sa tradition.


Né à New Orleans, le 26 février 1928
, le plus jeune fils d’une famille de huit enfants parle le créole avant l’anglais et s’initie très vite au piano sur lequel il s’exprime dès l’âge de 14 ans dans les bars, clubs et bordels de cette capitale de la musique. Il rencontre, à cette époque, Robert Buddy Hagans, un saxophoniste amateur qui devient son partenaire musical pour les vingt-cinq années suivantes. A ce duo, se joignent le batteur Victor Leonard et le guitariste Rupert Robertson. Baigné dans l’atmosphère chaude et colorée de la scène locale, Fats s’imprègne et s’exprime tout d’abord dans le jazz et le blues qui collent à la nuit. Il gagne ainsi ses médailles de jeune prodige et celle de fêtard aimant la bouteille et les femmes, une ressemblance avec son aîné Fats Waller.



En 1949, il entre dans le groupe de Dave Bartholomew qui l’emmène en tournée et ,devant le succès remporté par son poulain, en devient le producteur. En véritable manager, il est aussi l’arrangeur, co-compositeur et gestionnaire de l’artiste. En 1949 toujours, Fats Domino signe son premier grand succès, «The Fat Man», qui s’écoule à plus d’un million d’exemplaires, non seulement dans le circuit du marché réservé aux Afro-Américains
(Billboard Triple Crown Award) mais aussi grâce à son apparition dans les charts du marché du public euro-américain. Désormais installé dans les tournées de grandes salles (le bal du Patagon), il s’impose comme une vedette à part entière. En 1952-53 suivront «Going Home» puis «Going the River» qui assurent une véritable rente au pianiste-chanteur ainsi qu’à son manager. La paire signera un grand nombre de compositions placées sous le signe du succès: «I’m Walkin’», «All By Myself», «Poor Me». Fats Domino caractérise son jeu par une approche très syncopé du clavier qui le désigne, bien avant Little Richard ou Jerry Lee Lewis, qui vont s’affirmer, comme fondateur du style qui deviendra le rock & roll. Son jeu particulier hérité du blues, du ragtime et du boogie woogie, toutes formes inspirées du jazz, est surnommé «Big Beat», son jeu de scène minimal, vu sa taille, est renforcé par une expression plus intense du visage, une rapidité des doigts sur les touches, et son fameux coup de ventre qui déplace l’instrument (piano à queue compris) sur la scène. En 1955, la vague du rock & roll déferle sur l’Amérique blanche et noire. Aux côtés de Chuck Berry, Elvis Presley, il s’impose avec le titre «Ain’t It Shame» apparaissant parmi les grands du genre qui désormais règnent sur les charts américains. Il signe, entre autres, «I’m Love Again», «Whole Lotta Loving». Il reprend alors le standard «Blueberry Hill» qui devient son plus grand succès, lequel désormais s’étend aussi sur le Vieux Continent.



Durant plus de dix ans (1950-1962), sa collaboration avec Dave Bartholomew et le label Imperial Records est couronnée par une série de succès et nombre de ses chansons (plus de quarante) entrent dans le top des charts du rhythm & blues, et même dans le Top 10 pop.
«Tout le monde a commencé à appeler ma musique rock & roll. Mais ce n'était rien d'autre que le rhythm & blues que j'ai toujours joué à La Nouvelle-Orléans», a-t-il un jour remarqué. Ses concerts endiablés sont suivis par de nombreux fans et certaines soirées se terminent en émeutes, comme en 1956, à Louisville, où il doit s’échapper avec ses musiciens par une fenêtre alors qu’une bagarre générale a dégénéré dans la salle. Les années soixante seront moins glorieuses car, d’une part, les styles musicaux se diversifient, la variété pop anglaise s’étend sur le marché, tandis que les tenants du rock & roll des origines cèdent la place: Buddy Holly, Eddy Cochran sont morts, Chuck Berry est en prison, Little Richard étudie la théologie, Jerry Lee Lewis est poursuivi pour scandale, quant à Elvis Presley, il emprunte d’autres voies commerciales plus rentables. D’autre part, de jeunes artistes apparaissent sur la scène rhythm & blues (Sam & Dave, Otis Redding...) alors que Fats Domino paraît fatigué de cette vie de tournée et de fêtes. Enfin, ses choix musicaux, sur son nouveau label ABC Records, plus country, l’éloignent de son public habituel.

Dans les années soixante-dix, malgré une baisse de notoriété aux Etats-Unis, il continue à se produire régulièrement en tournée dans le monde entier, comme un gardien du temple rock & roll, même si c’est surtout son «Blueberry Hill» que l’on vient écouter. Il enregistre peu durant cette décennie (six albums dont un live). Installé à New Orleans dans une sorte de manoir, frappé de ses initiales, il en devient une des références et il est chaque année l’invité d’honneur du New Orleans Jazz & Heritage Festival. Il avait pour habitude de terminer ses concerts par le fameux «When the Saints Go Marching In», l'hymne officieux de la ville. En 1986, il refuse de se déplacer pour la cérémonie de son intronisation au Rock and Roll Hall of Fame.



A partir des années quatre-vingt, ses tournées et concerts deviennent plus rares, surtout en Europe où il apparaît néanmoins au Festival de Jazz de Nice.
Le 2 mars 1995, la Fondation du rhythm & blues remet à Fats Domino le «Ray Charles Lifetime Achievement Award» à Los Angeles. Cette même année, lors de sa tournée en Europe avec Ray Charles et Little Richard, il contracte à deux reprises une pneumonie qui le fragilise et le rend aphone, l’obligeant à quitter prématurément la tournée. Ça sera la dernière visite en Europe. Après le coup dur Katrina, sort un ultime album en 2006, Alive and Kickin', dont les bénéfices sont reversés aux musiciens de New Orleans. Il apparaît également dans la série télévisée Treme.

Crédité sur plus de trois milles références discographiques depuis les originaux et surtout de multiples rééditions, compilations, et surexploitation des catalogues, il laisse une centaine de LP/CD qui marque de son empreinte l’histoire de la musique afro-américaine. Paul McCartney, dit qu’il s’est inspiré de Fats Domino pour écrire «Lady Madonna», et le ska jamaïcain aurait fortement puisé, paraît-il, dans son contretemps pour développer un style qu’on retrouve dans le reggae. Véritable showman qui aura survécu une première fois à sa mort annoncée, pianiste autodidacte et virtuose, chanteur, Fats Domino aura richement contribué au patrimoine musical américain. Fait du hasard, le label Frémeaux & Associés a sorti au mois d’octobre un coffret retraçant ses années fastes: Fats Domino: The Indispensable 1949-1962. Une parade a eu lieu en son honneur, dans les rues de sa ville natale, le 1er novembre (voir le site NOLA.com).

Michel Antonelli



Fats Domino et Jazz Hot:
n°179, 1962 et n°444, 1987.


Site officiel : www.fatsdominoofficial.com


SELECTION DISCOGRAPHIQUE
Leader-Coleader
LP  1956. Rock And Rollin’ With Fats Domino, Imperial Records 9009
LP  1957. This Is Fats, Imperial Records 9040
LP  1957. Here Stands Fats Domino, Imperial Records 9038
LP  1958. The Fabulous Mr. D, Imperial Records 9055
LP  1959. Fats Domino Swings, Imperial Records 9062
LP  1959. Lets Play Fats Domino Swings, Imperial Records 906
LP  1960. Sings Million Record Hits, Imperial Records 9103
LP  1960. A Lot Of Dominos, Imperial Records 9127
LP  1960. I Miss You So, Imperial Records 9138
LP  1961. Let The Four Winds Blow, Imperial Records 9153
LP  1961. What A Party, Imperial Records 9164
LP  1962. Twistin’ The Stomp, Imperial Records 9170
LP  1962. Just Domino, Imperial Records 9208
LP  1963. Walking To New Orleans, Imperial Records 9227
LP  1963. Let’s Dance With Domino, Imperial Records 9239
LP  1963. Here Comes Fats Domino, ABC-Paramount 455
LP  1963. Here He Comes Again!, Imperial Records 9248
LP  1964. Fats On Fire, ABC-Paramount 479
LP  1965. Getaway With Fats Domino, ABC-Paramount 510 (CD King of Beat 3, Stard-Club Records 2160-SX3)
LP  1965. Fats Domino’65, Mercury, 135986
LP  1966. Fats Domino, Grand Award Records 33-267
LP  1968. Fats Is Back, Reprise Records 6304
LP  1970. Domino After Hours, Redita 140
LP  1971. My Blue Heaven, Pickwick/33Records 3295
LP  1971. Fats, Reprise Records 44113
LP  1974. ‘Hello Josephine’ Live at Montreux, Atlantic 50107
LP  1977. Live In Europe, United Artists 25610-I
LP  1979. Sleeping On The Job, Antagon 3215
LP  1979. Blueberry Hill, Koala 14161
LP  1979. Lady Madonna, Koala 14162
LP  1981. Fats Domino Vol. 1, International Joker Production 3895
LP  1982. Fats Domino, Phoenix 10 344
LP  1982. Creole Man, Phoenix 10 355
LP  1983. On Stage, Delta Records 1127
CD 1984. The Fat Man, Topline Records 110
LP  1984. New Orleans Rock’N’Roll, Imperial 1551833
LP  1984. Fats Domino-Self Titled, Audio Fidelity 344
LP  1984. Blueberry Hill, Premier 1003
LP  1986. The Fat Man Live, The Magnum 23
CD 1989. Antoine "Fats" Domino, Tomato 2696 632/Charly Records 8339-2
CD 1989. Whole Lotta Loving, Capitol 57243
CD 1990. It’s Never Till The Fat Man Sings, Eagle Records 90106
CD 1992. Be My Guest, Edition Atlas 3004
CD 1993. Christmas Is A Special Day, The Right Stuff 27753
CD 1999. Christmas Gumbo, The Right Suff 72438
CD 2003. Blues Kingpins, Blues Kingpins 72435
CD 2006. Live From Austin TX, New West Records 6103
CD 2006. Alive and Kickin’, Not On Label



DVD

2001. The Legends Of New Orleans-The Music of Fats Domino
2003. Fats Domino: Fats & Friends-Live Storyville Jazz Hall New Orleans, Sony/BMG

2006. Fats Domino, Blueberry Hill
2016. Live From Austin TX, New West Records
2016. Big Beat: Fats Domino & The Birth Of Rock N’ Roll, Shanachie
Fats Domino, Walking to New Orleans
Domino, Fats Live in Europe





Vidéos:

1955. Fats Domino, «Ain't That a Shame»
https://www.youtube.com/watch?time_continue=19&v=xbfMlk1PwGU

1962. Fats Domino, festival de jazz de Juan-les-Pins, «Blueberry Hill» (archive INA)
https://www.youtube.com/watch?v=AY3pE9WUMDI


1986. Fats Domino, Live From Austin (concert intégral)
https://www.youtube.com/watch?v=kFZrXw0ccwQ



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