Après des débuts dans des orchestres locaux, une rencontre va définir sa personnalité musicale, lorsqu'il entre dans la formation du pianiste Johnnie Johnson avec un répertoire très american roots entre hillbilly, calypso, country où le blues est toujours présent.
Dès l'année 1954, il s'installe à Chicago qui est en pleine effervescence avec l'avènement du blues électrique. Sa rencontre avec Muddy Waters va être le déclencheur de sa carrière de leader car ce dernier lui présente les frères Chess, toujours à la recherche d’artistes authentiques et originaux pour élargir le public du label. Chuck Berry entre ainsi le 21 mars 1955 dans les studios Chess pour graver une partie de l'histoire du rock and roll avec deux titres sous la direction du célèbre compositeur et contrebassiste Willie Dixon, «Maybelline» une adaptation d'un thème obscure de country et un merveilleux blues «Wee Wee Hours» dont l'aspect vocal évoque la nonchalance d'un Charles Brown. Quelques mois plus tard, il renouvelle l'expérience avec les mêmes en y ajoutant le piano de son alter ego Johnnie Johnson pour un incendiaire «Thirty Days» avec toujours cette fameuse introduction de guitare qui est devenue sa marque de fabrique.
A partir de cette période vont se succéder dix années d'intense activité avec les musiciens hors pairs de l'écurie Chess tels les pianistes Otis Spann, Lafayette Leake, Johnnie Johnson, mais aussi la «Rolls Royce» des rythmiques emmenée par Willie Dixon, Odie Payne ou Fred Below.
Il y a dans la musique de Chuck Berry une forme de légèreté et d'insouciance propre à toute une génération. Aucun artiste n'aura autant représenté l'adolescence d'une certaine Amérique blanche et noire des années 1950, lui qui à l'aube de la trentaine apportait déjà son vécu à toute une frange de la jeunesse dans des textes abordant le sexe, l'argent, les voitures, le tout avec un humour ravageur et absurde à l'image de son «Roll over Beethoven».
Il est aussi un grand auteur de thèmes devenus d'incontournables standards repris dans le monde du rock et de la pop music, des Beatles aux Rolling Stones, modelant ainsi le futur de cette musique car si Chuck Berry n'est pas l'inventeur du rock and roll, il en est l'incarnation avec ses dérives et ses zones d'ombre. Chuck Berry est également au même titre qu'un B,B King le témoin de la condition de la communauté afro-américaine aux Etats-Unis avec cette lucidité face à l'adversité et ce besoin d'indépendance vis-à-vis du milieu impitoyable de l'industrie de la musique.
Après 1965, une certaine routine s'installe avec le label Mercury, puis un bref retour chez Chess dont le superbe San Francisco Dues semble être le sommet. A l'écoute de son œuvre, on oublie souvent l'excellent guitariste de blues qu'il reste car c'est quand même dans cet univers qu'il s'exprime le mieux. En 1986, Keith Richard, le guitariste des Rolling Stones, produit un film documentaire «Hail Hail Rock and Roll» se terminant par un mémorable concert où Chuck Berry partage la scène avec Eric Clapton, Robert Cray et Etta James. Un excellent document qui reflète à merveille la personnalité de l'artiste. L'art est intemporel tout comme la musique de Chuck Berry dont le fameux «Johnny Be Good» qui est un peu son histoire, celle d'un petit guitariste à la recherche de la gloire, est désormais entendu dans le fin fond de l'univers grâce à la sonde spatiale Voyager qui l'a emporté dans son programme musical.
Il y a peu il entrait en studio pour enregistrer un nouvel album, Chuck, qui sortira en juin prochain et dont le titre «Big Boys» reflète à merveille l'univers de l'artiste, avec quelques invités dont le guitariste et chanteur d'Austin, Gary Clark Jr. Un évènement, après une absence discographique de plus de trois décennies, qui ne l'empêche pas d'arpenter les scènes du monde entier jusqu'à 2011.
Je me souviens d'un excellent concert à la Halle aux grains de Toulouse avec Julien Bruneteau au piano et Guillaume Nouaux aux baguettes en 2007, où il n'avait rien perdu de son jeu de scène si personnel, ni de sa voix suave à la diction claire. On regrettera qu'il n'ait pas plus enregistré dans l'idiome du blues où il excellait.
David Bouzaclou
SELECTION DISCOGRAPHIQUE
1950-60. Johnny Be Good, His complete'50s Chess recordings, Hip O Select
1960/1966. You Never Can Tell, The complete Chess recordings, Hip O Select
1969/1974. Have Mercy : His complete Chess recordings, Hip O Select
1969/1974Live at Fillmore Auditorium, Mercury
1965. San Francisco Dues, Mercury
1986. Hail! Hail! Rock and Roll, MCA (BOF)
Any old way you choose it, Bear Family (L'intégrale de sa carrière studio et live)
DVD
1969. Rock and Roll Music, MGM
1982. Live at the Roxy, Image Intertainment
1986. Hail! Hail! Rock and Roll, MCA
VIDEOS
1969. Chuck Berry - Rock and Roll Music - Toronto, Canada
https://www.youtube.com/watch?v=1U_hRhImaBU
1972. Chuck Berry Live LIVE Rocking Horse at BBC Theatre
https://www.youtube.com/watch?v=YtrOr3WKmyY
1982. Chuck Berry Live at the Roxy
https://www.youtube.com/watch?v=C4c8nw9e2cE
2007. Avo sessions Switzerland
https://www.youtube.com/watch?v=cU0nQu0_txw