Réédition-Indispensable 15
titres
Titres
et personnel communiqués sur le livret Enregistré
en août 1955, le 15 janvier 1956, le 5 novembre 1957 et en janvier
1958, San Francisco, Los Angeles Durée :
1h 15' 35'' Fresh
Sounds Records 705 (www.freshsoundrecords.com)
Cigarette
coincée sous le bocal, joues gonflées, sax ténor à l’oblique…
Manque plus que le pork pie hat pour que la ressemblance au
beau modèle soit quasi totale ! Quelles qu’en soient les
raisons, Frère Brew n’avait pas besoin de ces artifices pour nous
dire à quel point il était un homme du Président, le vrai,
l’unique : sa « majesté » Prez himself.
Suffisait simplement qu’il souffle deux notes dans le tuyau
d’Adolf. C’est d’ailleurs ce que ce fils d’Indianola
(Mississippi) né en 1924 a parfaitement fait toute sa vie de
musicien durant, jusqu’au dernier souffle danois en 73. Cette
inestimable réédition des sessions en quartet et en quintet
enregistrées entre 55 et 58 est là pour le prouver. Au tournant
de ce XXe siècle triomphant, Brew Moore, apprécié des
amateurs de jazz est très busy. Homme d’une seule passion,
il est aussi l’homme d’une seule devise : « Je vais là
où il y a du travail » se plait-il à dire alors. Et si le
travail, ne manque pas à l’époque, ce sont les enregistrements,
témoignage habituel d’une intense activité, qui sont rares. Ces
quinze petites plages n’en sont donc que plus précieuses non
seulement parce que l’amateur curieux n’a pas grand chose à se
mettre sous l’oreille concernant l’époque considérée, mais
parce qu’elles obligent à écouter avec attention un jeu, un
phrasé, passé bêtement inaperçu ou jugé hâtivement
passe-partout. Repoussant les clichés qui viennent naturellement
sous les doigts, il se montre inventif en permanence plus préoccupé
par une subtile paraphrase que par la science pure des accords.
Discours cohérent, logique – filon intarissable ! – il
s’impose dans les ballades comme dans les tempi rapides. « Them
there Eyes » atteste de cette fraicheur d’une conversation
musicale menée avec maestria. Sideman un temps chez le vibraphoniste
Cal Tjader, c’est cependant en compagnie d’un de ses pairs, le
ténor peu connu et atypique Harold Wylie installé lui aussi à San
Francisco, vacataire chez Woody Herman, carrière en dents de scie à
la clef, que Brew Moore se montre plus convaincant, plus mordant,
comme si la présence d’un tiers l’obligeait à montrer ses
griffes. Les cinq plages gravées en compagnie de trois John
rythmiciens très cookers : John Marabuto au piano, John Mosher
à la basse et John Markham à la batterie sont à retenir en
priorité. A écouter en boucle le solo sur ce « Dues
blues » qui clôt l’album. Un modèle du genre.
Jean-Jacques Taïb
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