Au Duc des Lombards, le 3
septembre, Nicholas Payton (tp, p, elp) a beaucoup impressionné du
fait de son parti pris de jouer de la trompette et du piano
électrique simultanément. Est-ce vraiment ce qui était le plus
intéressant ? Le gimmick mis à part, la musique a été par
moment intense — et par moments plus anecdotique et
contrainte, du fait même de ce choix un peu artificiel d’assurer
deux instruments à la fois. C’est d’autant plus étonnant que
Payton est un trompettiste remarquable, avec une sonorité réellement
envoutante et des idées qui ne sont pas dénuées de fulgurances. La
pulsation et les couleurs apportées par les magnifiques musiciens
que sont Vicente Archer (b) et Adonis Rose (dm) ont contribué à
donner corps à la musique, faite de grooves funk, de ballades avec
des atmosphères un peu attentistes. Heureusement, Payton ne peut se
retenir d’être lui-même, que ce soit sur un « Round
Midnight » dépouillé un blues comme « SKJ » ou un
rythme de second line en final pour chanter « I Wanna
Stay Right Here in New Orleans ». Quelques très beaux moments,
mais il va falloir que Nicholas Payton mette en forme son talent de
manière plus cohérente. JS Au Café Universel, le 5 octobre,
Sarah Thorpe (voc) a présenté un répertoire original, entre Randy
Crawford et Nina Simone, Nancy Wilson et Aretha Franklin (« Everyday
I Have the Blues », « Feeling Good », « The
Masquerade Is Over », « I’m Gonna Leave You »).
Sa voix claire et juste, son interprétation sensible ont été
joliment mis en valeur par Richard Razafindrakoto (p), Clément
Blumen (b) et Thierry Tardieu (dm), accompagnateurs capables de
dynamisme sans jamais trop en faire. JP
Au Sunside, le 16 octobre, Gary
Smulyan (bs) a imposé sa stature impressionnante d’héritier de
Pepper Adams sur un répertoire toujours mélodique. Avec la présence
de Bernd Reiter (dm), l’invention d’Olivier Hutman (p) et
l’assurance de Michel Rosciglione (b), il a pu laisser éclater la
rondeur agressive de sa sonorité. Olivier Hutman partage avec lui
une grande musicalité et la capacité à monter en puissance
(« Sunny »). Le souci mélodique permanent de Gary
Smulyan et la vigueur trapue de sa présence sont un régal. Le duo
piano/baryton sur « Old Folks », le tour de force sur
« Seven Steps to Heaven » et la bataille de barytons avec
Fred Couderc furent de grands moments. JS
Le 17 octobre, à l’Eglise de
Bon Secours, dans le 11ème, Tom McClung (p, cnt) et
Jean-Jacques Elangué (ts) ont développé leur musique en lui
donnant les accents du lieu, à savoir des morceaux en soulignant les
racines gospel et blues. Tout démarre avec « Jubilation »
de Junior Mance puis des compositions personnelles (« MDMDS »).
De Monk à Ray Charles, en passant par Mingus, « Motherless
Child » et en terminant par un « When the Saints Go
Marchin’ In » joyeux avec McClung au cornet, les duettistes
ont été malicieux et soulful, forcément churchy et d’une grande
liberté. Les touches lumineuses de McClung et la voix rauque
d’Elangué sont parvenues à construire un dialogue à la fois
réfléchi et spontané, vivifiant et méditatif. Le superbe cantique
final apporta une touche apaisée à une soirée originale et dont la
musicalité aura dépassé toutes les considérations de genre. MP
Le 25
octobre au Sunside, Catherine Russell apporte une fraîcheur nouvelle
au chant jazzistique en puisant dans la tradition qu’elle
renouvelle avec talent et authenticité. Débutant comme choriste de
Paul Simon, David Bowie et du groupe Steely Dan, elle s’est
orientée assez tard vers le jazz pour en devenir une égérie comme
le montrent ses quatre albums récemment parus. L’académie du jazz
ne s’y est pas trompée d’ailleurs en lui décernant l’année
passée le prix du jazz vocal. Il ne fallait donc pas manquer son
passage au Sunset/Sunside, ce vendredi 25 octobre. Se situant dans la
lignée qui va de Bessie Smith à Dinah Washington, elle livra des
versions hautement personnalisées de « Back O’ Town Blues »,
rendue célèbre par Louis Armstrong, et de « My Old Daddy’s
Got A Brand New Way To Love » d’Alberta Hunter. Catherine
Russell est aussi très à l’aise avec les standards. Elle swingue
avec naturel et sa ligne vocale est ciselée avec élégance. Toutes
ces qualités en font une interprète de standards hors pair capable
de parer d’une nouvelle jeunesse des classiques comme « Every
Body Loves My Baby », « I’m In The Mood For Love »
et « A Kiss To Build A Dream On ». Mais c’est dans
« Romance In The Dark », qu’elle donna toute sa pleine
mesure en sublimant le morceau fétiche de Lil Green. Il faut
signaler l’excellence du soutien distillé par Mark Shane (p), Matt
Munisteri (g) et Tal Ronen (b), ses accompagnateurs habituels. Une
excellente soirée. AT
Le Duc des Lombards accueillait le
28 octobre le quartet du légendaire Buster Williams (b). C’était
l’occasion de découvrir un groupe original où chacun a brillé.
Entre Jackie McLean et Hank Crawford (influences revendiquées !),
Bruce Williams (as, ss) possède une présence flamboyante, capable
d’envolées survoltées (« Epistrophy ») ou de quiétude
songeuse (« Christina »). Joey Baron (dm), en coloriste
énergique, a apporté une certaine intensité, à défaut de
véritable moelleux rythmique. Avec sa sonorité et son style
inimitable, Buster Williams a mis en valeur sa musique (« Dual
Force », « Tokudo ») avec beaucoup de chaleur.
Parlant volontiers au public pour des échanges plein d’humour et
finissant même la soirée en chantant « For All We Know »
avec un bel accompagnement d’Eric Reed. C’est ce dernier qui aura
le plus brillé. Son drive et la tension que génère chacune de ses
interventions en font un des pianistes les plus passionnant
d’aujourd’hui. Son sens de l’espace et de la construction, son
toucher furent remarquables. Comme le dit si bien Buster Williams en
présentant ses musiciens — « How does he do that ? ».
JS Jérôme Partage, Mathieu Perez, Jean Szlamowicz et Alain Tomas
|