Fano (Italie)
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1 sep. 2013
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Jazz by the Sea, 22 au 28 juillet 2013
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© Jazz Hot n°664, été 2013
Jazz by the Sea a célébré sa 21e édition avec un bilan positif, mais non sans fatigue, angoisse et courage. En fait, dans les mois qui précédèrent, quelques complications sérieuses – principalement liées à la difficulté d’obtenir le soutien adéquat de la part des institutions - nous avaient fait craindre l’annulation. La manifestation s’est déroulée entre les 22 et 28 juillet, abritant les événements principalement dans la charmante Corte Malatestiana, tandis que le concert final – allié aux pyrotechnies Funk Off – s’est tenu comme d’habitude à l’intérieur de la réserve naturelle de la Gola Del Furlo. Par rapport aux années précédentes une grande place a été réservée aux talents émergents, et en particulier aux musiciens de la région des Marches : on a pu les apprécier dans le cadre enchanteur de San Francesco, église désaffectée et sans toit, une sorte de théâtre à ciel ouvert. Dans ce contexte la prestation du batteur Matteo Fabroni, auteur de compositions densément structurées et basées sur de fréquents changements métriques, fut particulièrement intéressante. Pour en venir aux événements majeurs, du 22 au 25 juillet, on a vu se succéder le Brecker Brothers Band Reunion, le piano solo de Michel Camilo, le projet Spellbound de Trilok Gurtu et le duo allemand Michael Wollny (p)-Eric Schaefer (dm).
Le 26 Fabrizio Bosso s’est présenté avec son Enchantement Quartet, groupe désormais affirmé et d'une grande cohésion: Luca Mannutza (p), Rosario Bonaccorso (b), Lorenzo Tucci (dm). Bosso prouve comment on peut actualiser les éléments de filiation hard bop sous forme de jazz moderne, vivant et palpitant. Le trompettiste fait preuve d’une stupéfiante maîtrise des ressources techniques et expressives : attaques foudroyantes, phrasé limpide et articulé même dans les up-tempo plus soutenus, pauses savantes sur les tempos medium et lents, ample gamme de nuances de timbres produite également avec la sourdine plunger. Bosso a donc élaboré un langage résultant de la synthèse de divers composantes : les maîtres du bop (Clifford Brown en premier), les solistes de grands orchestres – surtout celui d’Ellington – et l’héritage du New Orleans. Des traces de modalité puissamment structurée et d’ingénieux changements métriques exaltent le travail des collègues. Au ton énergique et aux figures polyrythmiques de Tucci s’opposent le coup d’archet prégnant et les lignes mélodiques de Bonaccorso. Mannutza développe horizontalement le tissu harmonique avec des phrasés pénétrants à la Herbie Hancock renforcés par des blocks d’accords et des soutiens rythmiques à la Tyner, et par un feeling blues qui évoque des traits d’Horace Silver et Bobby Timmons.
Sur scène le 27 avec son quartet, le pianiste allemand Vana Gierig a mis en avant un style concis et essentiel, dans lequel l’arrière plan européen s’exprime dans l’organisation harmonique et dans les constructions mélodiques des thèmes, toujours complètements architecturés et marqués par de fréquents changements d’atmosphère. Avec le solide soutien de Matthew Parrish (b) et Marcello Pellitteri (dm), la matière rythmique multiforme s’enrichit d’allusions – parfois évidentes, parfois implicites –au Brésil (chôrinho, samba) et à la culture afro-cubaine. Avec évidence, Paquito D’Rivera se cale naturellement et avec sa maîtrise habituelle, que ce soit à la clarinette – où on trouve de pures traces de Buddy De Franco et Tony Scott – ou au contralto, sur la racine parkérienne filtrée par les leçons de son compatriote Mario Bauzá. Quant à sa contribution comme compositeur « Yo recuerdo a Dizzy » est un hommage à Gillespie, avec différentes citations dont « Manteca » et « Salt Peanuts », pour aborder finalement une relecture autre que celle escomptée de « A Night in Tunisia ». Se distingue ensuite par sa particularité « To Brenda With Love », où le thème rythmique d’origine samba converge tout droit vers une fugue à la Bach. Comme on l’a dit, le bilan final de Jazz by the Sea est plus que satisfaisant, comme le prouve le fait que, dans la difficulté, on peut produire de la culture, en mettant l’accent – pourquoi pas ? – sur la promotion des musiciens italiens.
Enzo Boddi Traduction : Serge Baudot
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