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Udine (Italie)

1 sep. 2013
Udin & Jazz, 28 et 29 juin 2013
© Jazz Hot n°664, été 2013
Dario Cornovale, Paolino Dalla Porta, Luca Colussi, Udine 2013©Morlotti Studio by courtesy of Udin & Jazz

Sous le titre significatif « d’Austerity », la 23e  édition d’Udin & Jazz à dû tenir compte des énièmes coupes dans le budget : chose devenue maintenant une triste pratique en Italie, où une classe politique myope semble avoir remisé la culture au dernier poste de son agenda. Malgré cela, grâce aux efforts de l’association Euritmica, le festival n’a pas renoncé à son identité, et dans l’éventail d’une douzaine de jours, du 21 juin au 2 juillet, il a maintenu ferme le lien avec le territoire, répartissant quelques événements au centre de la Province et valorisant pour l’avenir des talents et des jeunes, leviers de scène locale et féconde. Dans cette optique on a proposé des ateliers et des séminaires, et en même temps on a pensé à réserver un espace pour d’autres disciplines.
Par exemple, l’événement clou pour le clôture du festival a été confié – en plus du jeune et toujours plus convainquant pianiste Giovanni Guidi – au groupe reconstitué, Van Der Graaf Generator, groupe de pointe du rock progressif anglais des années 70. Malgré un public hétérogène de par l’état-civil et ses goûts musicaux  on a pu apprécier la projection du film Greetings from Tim Buckley de Daniel Algrant, centré sur la figure du chanteur Jeff Buckley et sur son rapport complexe avec son père Tim, génial auteur-chanteur mort en 1975 à l’âge de 28 ans. Entre autres, le film compte la présence du  formidable violoncelliste Hank Roberts (vieux collaborateur de Tim Berne et Bill Frisell) en charge de la direction musicale du groupe accompagnateur et des arrangements du guitariste Gary Lucas.

Maurizio Brunod et Miroslav Vitous, Udine 2013 ©Morlotti Studio by courtesy of Udin & JazzSur le versant strictement jazzistique le festival a enregistré le retour du trompettiste Roy Pacci à la tête du groupe CorLeone, remarquable talent qui s’est adonné pendant trop d’années à la musique commerciale, et il a mis en avant quelques projets d’un absolu relief parmi lesquels, dans la Corte Morpurgo, le trio du contrebassiste Paolino Dalla Porta, avec Luca Colussi (dm) et Dario Carnovale (p).
Le 28 juin, le Palamostre a abrité une soirée dédiée à la marque vénitienne Caligola, avec un double duo. Le premier avec les protagonistes Maurizio Brunod et Miroslav Vitous. Sous l’égide de quelques duos enregistrés sur le récent Duets signé par le guitariste, Brunod et Vitous on développé un « interplay » quasi télépathique, une dialectique touffue et riche de surprises. Du reste, Vitous tend à « faire des feintes » à son collègue, lui proposant de nouvelles idées, ou lui indiquant  des variantes imprévues à travers  des suspensions, des anticipations et des retards. En faisant ainsi aucune solution n’est prévue, que ce soit aussi bien à l’intérieur des compositions du guitariste que dans le cadre des relectures. Sous cet ultime aspect on recommande une version « d’Interplay », de Bill Evans, riche d’entrelacements géométriques, et d’une fragmentation du thème « St Thomas » de Sonny Rollins, qui épuise la nature originaire du calypso. Que ce soit sur l’instrument électrique ou sur l’acoustique, Brunod est prodigue de nuances de timbres et d’heureuses intuitions harmoniques ; Vitous utilise avec équilibre les coups d’archet avec distorsions et déploie des lignes plastiques et essentielles avec son pizzicato dense et proverbial.

Claudio Cojaniz et Franco Feruglio, Udine 2013 ©Merlotti Studio by courtesy of Udin & JazzDans l’autre duo le  contrebassiste Franco Feruglio s’était adjoint au pianiste Claudio Cojaniz au lendemain de la publication de Blue Africa. Parfois Cojaniz explore des formes rythmiques puisées de la tradition sud-africaine, du Sénégal, du Niger, du Ghana et d’autres pays africains. Il les élabore et y superpose d’autres éléments de son propre bagage expressif : l’inaliénable substrat du blues ; la matrice monkienne de certaines lignes asymétriques ; des métriques impaires ; un certain souffle solennel venant d’Abdullah Ibrahim ; l’amour pour d’autres formes afro-américaines, comme par exemple la rumba. Il est intéressant de noter combien nombre de ces caractéristiques, de concert avec  la sècheresse des phrases et un fréquent travail sur les octaves centrales, rapprochent beaucoup ce Frioulan avec des racines serbo-bosniaques, de la poétique de Randy Weston. Un festival austère, donc, mais riche de points de réflexion.
Enzo Boddi
Traduction : Serge Baudot