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Juan-les-Pins

1 oct. 2012
Jazz à Juan, 17 juillet

Sonny Rollins ©Umberto Germinale

Juan-les Pins
On connaît le lyrisme de nos amis italiens, et une fois n’est pas coutume, abandonnons la plume à un photographe, Umberto Germinale, pour évoquer avec poésie (d’où le titre), l’émotion qu’il éprouva à l’écoute du chant de Sonny Rollins sous les étoiles de la Pinède.


Sonny
Hier soir, mardi 17 Juillet, pour la première fois j'ai été remué à un concert de jazz, je veux dire bouleversé par une sensation partie du creux de l'estomac qui parcourt le corps entier et se transforme en frisson, en quelque chose d'autre enfin avant de faire couler quelques larmes, avec peut-être un sentiment injustifié de… honte – mais honte de quoi !? –  plutôt disons «embarrassé».
Sonny Rollins, 82 ans, a pris la scène à Juan-les-Pins marchant avec difficulté, un peu courbé, avec une claudication prononcée en raison de ses problèmes de hanche.
Les cheveux qu’il portait habituellement courts, ou tiré vers l'arrière, ont grandi en "liberté" prêt à défier les soirées sur la scène en plein-air ; la marche chancelante le porte au centre de la scène face à son groupe qui l’accompagne depuis des années.
Dès le premier instant, il joue, souffle dans le saxophone, et en dépit de ses problèmes de déplacement, incapable de rester assis au même endroit, il marche en avant et en arrière, élevant et abaissant son instrument.
Le son n'a pas toujours la puissance d’antan, c’est très compréhensible, mais il est «son» son, reconnaissable entre mille ; le phrasé est aussi impossible à confondre, fait de riffs, de phrases tirées de la matrice bop, un solo qui se dilue, soumis à l’écoute avec plus de parcimonie, comme pour dire : « Prenez votre temps, ne courez pas… », se réservant ça et là quelques rares incertitudes de doigté, ce qui rend tout plus beau, plus émouvant.
Et quand au cours d'un solo, de manière inattendue, surgit un sifflement de l’anche, on pense immanquablement à un autre grand du passé, son inspirateur pour le son, Coleman Hawkins, et pêchant dans les archives de la mémoire, il revient à l'esprit un « Yesterdays » d'une grande intensité enregistré live en Allemagne, à Essen en 1960, sous le nom de Bud Powell où Hawkins en plein solo incandescent laisse échapper ce même sifflement.
Fabuleux Sonny, une fois de plus, qui n’a pas compté ; notes, sons, musique à profusion, donnés devant un public enthousiaste qui, après le calypso final inévitable « Don’t Stop the Carnival » insiste pour un rappel. Un bis qu’il accorde, malgré la fatigue physique, un « Tenor Madness ».
Après la dernière note, il nous abandonne, marchant un peu courbé et boîteux. A le voir partir comme ça, c’est comme s’il portait sur ses épaules sa part de l'histoire du jazz, une grande page jouée avec Bird, Dizzy, Miles, Trane, Monk, Brownie et Roach, et tant d'autres, je me plais à imaginer qu’il  ploit simplement sous le poids de l'histoire du jazz.
Cher Sonny, merci !
Umberto Germinale
Photo Umberto Germinale