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Art Blakey's Jazz Messengers

18 avril 2010
Tokyo 1961 + London 1965 & Live in San Remo
Tokyo 1961 + London 1965
11 titres
Art Blakey (dm)
Avec Lee Morgan (tp), Wayne Shorter (ts), Curtis Fuller (tb), Bobby Timmons (p), Jymie Merritt (b) le 11 janvier 1961, Tokyo
et avec Lee Morgan (tp), John Gilmore (ts), John Hicks (p), Victor Sproles (b) le 7 mars 1965, Londres
Durée : 86’
Impro-Jazz 519 (Socadisc)

Live in San Remo
6 titres
Art Blakey (dm), Freddie Hubbard (tp), Wayne Shorter (ts), Curtis Fuller (tb), Cedar Walton (p), Reggie Workman (b)
Enregistré le 23 mars 1963, San Remo (Italie)
Durée : 53’ 15”
Impro-Jazz 531 (Socadisc)

En dépit de la qualité moyenne des images, voici des documents indispensables à l’amateur de jazz car sont réunies ici parmi les plus beaux combos de Monsieur Blakey. Par la grâce de l’enregistrement d’émissions de télévision (à Tokyo ou Londres) et d’un concert dans le mythique festival de San Remo, on a ainsi une vision non dénuée de nostalgie de ce que fut le grand creuset des Jazz Messengers de 1961 à 1965, sous la forme de trois moutures de luxe. La première, à Tokyo en 1961, est certainement la plus explosive tirée par d’exceptionnels Lee Morgan et Bobby Timons, et poussée par un Art Blakey au sommet de son énergie qui n’a pourtant jamais été faible. Le répertoire (« The Summit », « Dat Dere », un incendiaire « A Night in Tunisia », « Yama », « Moanin’ », « Blues March ») est à la mesure de ce déferlement et même Wayne Shorter qu’on a vu plus tranquille s’emporte dans cette vague. Jymie Merrit est ce grand bassiste qui a donné aux côtés de Blakey cette couleur explosive sans pareille. Il possède un son très mingusien (puissant marqué par le blues) qui a cette qualité de dynamiser. Les performances du batteur comme celle de Lee Morgan sont hors normes, le sommet de l’Art avec et sans jeu de mot car l’intensité de l’origine côtoie la virtuosité expressive. On note la présence d’un big band local de Nobuo Hara sur deux titres qui aurait pu s’abstenir tant cette musique ne supporte pas l’exécution. Cela dit, ça ne dérange pas l’explosif Lee Morgan (qui mène « Pierre et le loup » dans « Blues March »), ni le swing churchy de Timmons.
Si on veut respecter la chronologie, on abordera d’abord le concert de San Remo en 1963 (l’autre DVD), en sextet avec le regretté Freddie Hubbard, les excellents Curtis Fuller, Cedar Walton, Reggie Workman, et toujours Wayne Shorter. Le tempérament est important, et quand les Morgan, Merritt et Timmons ne sont plus là, quelle que soit la puissance de Blakey, le discours s’infléchit vers plus de virtuosité et de suavité, mais beaucoup moins d’intensité, et dans ce nectar des dieux, la mouture de 1961 se situe à un nuage au-dessus.
Retour de Lee Morgan en 1965 dans une formation à l’intensité plus intériorisée (« Lamont for Stacy »), marquée par cette tonalité d’époque qui donne plus de gravité à l’ensemble. Pour cette émission présentée par Humphrey Littleton (qui évoque Jazz Hot dans un de ses commentaires), c’est une formation rare avec John Gilmore (dans l’esprit des grands ténors du temps, Rollins et Coltrane) qui deviendra plus tard l’un des piliers de l’orchestre de Sun Ra, le jeune John Hicks qui bien entendu a écouté McCoy Tyner.
La distance qui sépare 1965 de 1961 n’est pas très importante en durée et pourtant il y a un monde entre l’atmosphère presque joyeuse de 1961 et celle tendue de 1965. L’histoire et le quartet de John Coltrane sont passés par là, le nouveau quintet de Miles Davis aussi, et si la musique reste profonde, elle porte moins la marque du leader Art Blakey, dont le jeu est même parfois dénué de ses signatures habituelles pour faire place à des nappes de sons sur ses cymbales. Pour nous résumer, il n’y a rien là que de l’essentiel !
Yves Sportis