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Kahil El Zabar © Mathieu Perez
Kahil El'Zabar © Mathieu Perez

Kahil EL'ZABAR

The spirit of resistance

Enfant de Chicago, le percussionniste Kahil El’Zabar (né Clifton Blackburn, Jr., le 11 novembre 1953) est l’un des représentants éminents de l’Association for the Advancement of Creative Musicians (AACM), un mouvement qui, depuis sa fondation en 1965 à l'initiative de Muhal Richard Abrams, Jodie Christian, Phil Cohran, Steve McCall et Malachi Favors,  n’a cessé d’inciter les musiciens à saisir leur destin en organisant des concerts, en développant leurs tournées, en explorant l'ensemble des musiques du monde. Cette association historique, Kahil El’Zabar l’a rejointe à l’âge de 18 ans et en a été le président en 1975, comme il l'a raconté dans une précédente et passionnante interview (Jazz Hot n°659, 2012).
En 1973,  il était parti à la recherche de ses racines au Ghana, puis a fondé, à son retour, l'Ethnic Heritage Ensemble, avec lequel il tourne en Europe à partir de 1976, et, plus tard dans les années 1980, le Ritual Trio, formations q
ui réintroduisent la musique traditionnelle africaine dans sa vision personnelle de la Great Black Music. Explorer la musique, telle est le cœur de sa démarche. S’il a accompagné Dizzy Gillespie, Cannonball Adderley, Nina Simoneil a enregistré avec Archie SheppPharoah Sanders, David Murray, Kurt Elling, Hamiet Bluiett, Corey Wilkes et d'autres membres de l'AACM comme Wadada Leo Smith. Il a construit une œuvre consistante qu'on peut suivre dans une importante discographie en leader (en particulier pour les labels CIMP et Delmark, Jazz Hot n°659 et ci-dessous). Il accompagne par ailleurs Stevie Wonder, Paul Simon, Defunkt, écrit des musiques de film ou des arrangements (la comédie musicale The Lion King à Broadway)… 
Au fil des années, il n’a cessé de promouvoir les droits des musiciens, leur indépendance artistique et financière, la transmission des savoirs aux plus jeunes, par la création de festivals (Underground Fest, Express Your Self Fest), par la programmation de séries de performances (Ascension Loft, Traffic), par l’enseignement à l’Université du Nebraska, à Lincoln, à l’Université de l’Illinois, à Chicago, aujourd’hui, à la Chicago Academy of Music, dont il est le directeur artistique. Ces dernières années, il a élaboré un réseau social culturel, baptisé Ooh (pour Oracles of Humanity), conçu comme un outil d’expérimentation et de diffusion pour les musiciens et les artistes en général.
Kahil El’Zabar sera en concert à Paris, à La Petite Halle, le 8 novembre 2019.

Propos recueillis par Mathieu Perez
Photos de Mathieu Perez et X, by courtesy of Kahil El'Zabar 


© Jazz Hot 2019



1980-Ethnic Heritage Ensemble, Three Gentlemen From Chikago, Moers





Jazz Hot: Que vouliez-vous faire avec l'Ethnic Heritage Ensemble à sa fondation en 1973?

Kahil El’Zabar: Avec l'Ethnic Heritage Ensemble, l’idée était de faire comprendre aux gens que le rythme précède la mélodie. Le percussionniste est au milieu des deux souffleurs. Musicalement, personne n'a vraiment compris ce que je faisais. L'Ethnic Heritage Ensemble s’intéresse à un système de valeurs différent pour construire d’autres formes et explorer tous les aspects de la musique, harmoniquement, mélodiquement, polyphoniquement, de telle façon que le résultat ne soit pas celui d’une construction logique. Au début, il était difficile d'amener les musiciens à se tourner vers moi et à leur faire comprendre qu'il ne s'agit pas de jouer des thèmes dans une forme conventionnelle. Ce n'est pas un groupe de jazz habituel. Et l'idée traditionnelle qu’on se fait du leader ne fonctionne plus avec une telle formation. Nous devons comprendre ce qui différencie la musique de la représentation de la musique. Beaucoup de jeunes musiciens ne font même pas la différence. C'est pourquoi nous devons voir comment les musiciens pakistanais, indiens, etc., jouent, comprendre à quel point le tambour africain traditionnel est basé sur la langue et la phonétique. Nous commençons tout juste à comprendre comment le rythme est une interprétation intellectuelle très sophistiquée de la nature.

L'Ethnic Heritage Ensemble est né à votre retour d’Afrique…

J’ai passé un an au Ghana. J’ai fait un programme d'échange entre Lake Forest College et l’Université du Ghana, de Legon à Accra. Quand je suis revenu d’Afrique, j'ai dit à mon père que j'avais eu cette idée de monter une formation avec deux souffleurs et un batteur/percussionniste. Il m'a dit que ça avait l'air sympa’, mais que je n'allais jamais gagner ma vie avec (rires). D’ailleurs, vous savez comment j’ai eu mon gig avec Dizzy Gillespie? A l’époque, l’Ethnic Heritage Ensemble était encore tout jeune. Mickey Roker avait parlé de moi à Dizzy. Je rencontre Dizzy. On parle. Il me demande si j'ai un groupe. Je lui dis que j’ai un trio, avec deux ténors. Il me demande si je trouve des gigs avec une formation comme ça. Je lui réponds qu’on joue dans des festivals. Il m'a embauché comme ça (rires). Quand je lui ai dit qu'il ne m'avait pas encore entendu, il a dit: «Ce n’est pas la peine. Si tu travailles avec un groupe de ce genre, c’est que tu dois faire quelque chose correctement.» (Rires) Je suis resté trois ans avec Dizzy. J'ai beaucoup appris.

1999-Ethnic Heritage Ensemble, Freedom Jazz Dance, Delmark




Quel a été l’impact de votre séjour au Ghana sur votre approche du jazz?

Au Ghana, mon professeur de balafon, qui me surnommait «Peau claire» de façon sardonique, m'a demandé de lui jouer un blues. Il m'a alors dit que c'était ça mon expérience sociale. Tout le monde pense que les Afro-Américains n’ont pas d’origine ethnique parce que le lien avec l’Afrique a été initialement rompu, comme le lien avec la langue. C'est pourquoi mon groupe s'appelle Ethnic Heritage Ensemble.

Le blues comme étant votre expérience sociale, qu’est-ce que cela signifiait pour vous?

Quand il m'a dit que le blues était ma langue, cela m’a centré. Et j’ai pu embrasser le blues, le funk, le jazz, toutes ces musiques qui ont un lien avec l’Afrique mais aussi les musiques européennes, la musique classique, etc., parce que j’avais désormais trouvé mon point d’ancrage.

Quels sont les batteurs qui vous ont marqué?

Max Roach, Sid Catlett, Art Blakey, Mongo Santamaria, Chano Pozo. Chano est vraiment celui qui a écrit tous ces thèmes qui ont changé l’histoire du jazz. Il y a aussi Steve McCall. J’ai étudié avec lui pendant quinze ans. Il avait une approche très singulière du temps et du non-temps. Il a été influencé par Elvin Jones.

Comment s’est définie votre autre formation, le Ritual Trio, par rapport à l'Ethnic Heritage Ensemble?

J'avais besoin de quelque chose de plus proche de ce que les gens appellent le jazz. Pour vous donner un exemple, avec le Ritual Trio, la kalimba est une couleur. Avec l’Ethnic Heritage Ensemble, c'est un élément essentiel. J’ai façonné le Ritual Trio sur le modèle du Sonny Rollins Trio avec Wilbur Ware et Billy Higgins ou Elvin Jones. Sonny a réinventé le trio.

1999-Kahil El’Zabar Ritual Trio, Conversations, Delmark






De qui se composait ce trio à ses débuts?

Le trio original, c’était Lester Bowie, Malachi Favors et moi. Puis, Lester était occupé, alors Billy Bang (vln, Jazz Hot n°547 et n°617) l’a remplacé. Billy était un grand improvisateur. Mais ça marchait mieux avec Ari Brown (Jazz Hot n°595), parce qu’Ari, Malachi et moi, nous étions tous à Chicago. Comme saxophoniste, Ari maîtrise le langage de Ben Webster, Coleman Hawkins, Trane, Sonny Rollins, et il a son propre système. C'est pourquoi des gens comme Elvin et McCoy ont utilisé Ari. Il joue aussi du piano. C’est un grand connaisseur de l’histoire du piano. Avec ce trio-là, on est devenu la section rythmique de toutes sortes de groupes.

En 2016, Archie Shepp et Pharoah Sanders ont été nommés NEA Jazz Masters. Ce sont deux musiciens que vous connaissez bien et avec qui vous avez enregistré. Comment est né l’album Conversations du Ritual Trio avec Archie Shepp en 1999?

Je suis très content pour eux. Archie Shepp et Pharoah Sanders méritent d’être NEA Jazz Masters (National Endowment for the Arts). Ce sont des musiciens historiques. Archie et moi, on se connaît depuis longtemps. Nous avons eu de nombreuses discussions sur le jazz. Un jour, ce devait être en Allemagne, Archie me dit qu'il aime mon thème «Brother Malcolm» et qu’il aimerait bien l’enregistrer. Je lui ai proposé qu’on le fasse. Et nous l'avons fait. Puis, sur «Kari», il a voulu jouer du piano. Et comme il aime le jeu d'Ari, il voulait jouer du piano avec Ari au ténor. Je suis très fier d’avoir fait ce disque.

1999-Kahil El’Zabar Ritual Trio, Africa N’da Blues, Delmark




Et l’album Africa N'da Blues du Ritual Trio avec Pharoah Sanders, la même année?

J’ai joué avec Pharoah pendant vingt ans. J'ai commencé en 1974. Je travaillais alors avec Rahsaan Roland Kirk. Pharoah étant un grand fan de Rahsaan, il m'a demandé un jour si je voulais jouer avec lui. J’ai dit oui tout de suite! Si Lawrence Killian ou Pablo Landrum n'était pas libre, il m’appelait pour jouer des congas. Pour cet album, j'ai d’abord écrit le thème «Africa N'da Blues». Et qui est plus l’Afrique et le blues que Pharoah Sanders? Puis j'ai écrit «Pharoah’s Song». Pharoah peut tout faire. Il est le cosmos et la méditation. Jouer avec lui est l'expérience la plus profonde de ma vie.

Vous avez aussi un lien très fort avec David Murray.

David Murray est un peu mon alter-ego. Nous avons enregistré trois ou quatre albums. Quand on joue ensemble, c’est télépathique.



Kahil El'Zabar & David Murray © Photo X, by courtesy of Khalil El'Zabar


Kahil El'Zabar & David Murray © Photo X,

by courtesy of Kahil El'Zabar






En 2011, vous avez sorti l’album It’s Time, à la croisée du jazz, du funk, de l’acid jazz, avec la vocaliste Nona Hendryx.
Comment ce projet est-il né?

Nona Hendryx a toujours été dans l’avant-garde. La première fois que je l'ai rencontrée, c'était au début des années 1970 au Uptown Theatre de Chicago. Elle jouait avec Patti LaBelle et les Bluebelles. On s’est, tout de suite, très bien entendu. Moi, je travaillais avec les Artistics, qui chantaient notamment cette chanson «I’m Gonna Miss You». Puis, je suis parti en tournée avec les Bar-Kays. Je jouais avec ce genre de groupes quand l'Ethnic Heritage Ensemble était jeune. J’ai travaillé aussi avec Donny Hathaway, Stevie Wonder... Du coup, Nona et moi, on se croisait tout le temps. Un jour, elle m’a dit qu’elle avait entendu mon Ethnic Heritage Ensemble, dont je ne parlais jamais dans ce contexte. J'étais très surpris et honoré. Nous avons alors parlé de faire quelque chose ensemble. Pour le festival African Arts Chicago, j’ai monté un orchestre avec Nona, David Murray, Joe Bowie, Bobby Irving, Roy Ayers, à la batterie, Steve Cobb, Jamaaladeen Tacuma et moi-même. C'était quinze ans avant qu’on fasse le disque It’s Time (2010). Dans cet orchestre, hormis Steve Cobb, je n’avais réuni que les musiciens de l’avant-garde. J'avais rencontré Jamaaladeen Tacuma avec Ornette. Joe Bowie travaillait avec l’Ethnic Heritage Ensemble. Fareed Haque, je le connaissais bien avant qu'il joue avec Sting. Il était mon étudiant à l'Université Northwestern. Tous pouvaient jouer du funk. Joe Bowie avait son groupe Defunkt. David Murray avait commencé avec des groupes de funk de San Francisco et des groupes religieux. On était capable d’apporter une touche différente avec Nona à la tête de cet orchestre. Nona est incroyable. Elle a l’autorité d’une Nina Simone moderne. Elle est profondément ancrée dans le funk.

2010-Kahil El’Zabar Ethnics-It's Time, autoproduit



Quand s’est fait l’album?

J'ai convaincu un producteur d’enregistrer Nona, mais il n'a rien fait avec les bandes... Quand vous écoutez It’s Time, les quatre premiers titres sont issus de cette session d’il y a quinze ans. Puis, on en a enregistré de nouveaux. Bobby Irving m'a aidé à produire l’album. Il a travaillé avec Miles Davis, il avait fait «Time After Time» ... Entre son savoir-faire et ma sensibilité, je me suis dit qu’on formerait une équipe intéressante. L’album n’a intéressé personne. (Rires) Quand on a voulu amener ce groupe en Europe, les producteurs nous ont dit que Nona et moi, on était trop vieux pour faire ce genre de musique. (Rires)

Dans un autre genre, vous avez monté le projet JUBA Collective, cette fois à la croisée du jazz, du hip-hop, de la house.

Downbeat a dit que je vieillissais (rires). Je voulais intégrer le hip-hop, la house, et aussi la langue française, espagnole... J'ai eu un autre projet avec des DJs, qui s’appelait Deeper Soul Remix Project Sample. Tout le monde l’a descendait. Le plus frappant, c’est personne ne s’est demandé pourquoi j'ai fait tous ces projets. Les origines du jazz, c’est la danse. C’était une musique sur laquelle on dansait. Puis, ce sont des thèmes à partir desquels les musiciens se sont mis à improviser. Certains musiciens très sérieux, comme Steve Coleman ou Ornette, ont creusé des voies très personnelles. Mais peu ont cherché une nouvelle forme d’expression. Et de nouvelles formes d’expression déboucheront sur de nouvelles formes musicales. Le sampling, qui est une technique, a changé l'industrie de la musique. C’est pour ça que je me suis intéressé à ça.

Vous avez toujours navigué entre différents types de musique.

Oui, toujours. Dans les années 1970, quand j’allais à New York, je restais deux, trois, quatre mois. Je faisais des concerts avec Defunkt, je jouais des congas avec Neneh Cherry et son groupe, je faisais des jams dans les lofts... On se retrouvait tous en fin de soirée au Tin Palace, à Ali's Alley... Aux concerts de Defunkt, le DJ entre les sets était Jean-Michel Basquiat. Warhol venait parfois aux concerts. Il m’agaçait toujours, parce qu’il pensait que tout était génial, que tout beau. (Rires) À l'époque, Defunkt était plus populaire que Basquiat et Keith Haring.

Lors de votre dernier passage à Paris en 2014, au festival Banlieues Bleues, votre Ritual Trio se produisait avec le vocaliste Dwight Trible.

Dwight suivait ce que je faisais depuis des années. Un jour, le World Stage de Billy Higgins, à Los Angeles, m’a invité à faire un concert. J’y suis allé avec Ernest Dawkins et Corey Wilkes. Dwight est venu. Je l'ai invité sur scène. On a chanté ensemble, juste avec les souffleurs, je ne jouais pas. C'était tellement profond qu’après ça, il fallait que nous fassions quelque chose ensemble. Dwight est le directeur du World Stage depuis quelques années. C’est un vocaliste formidable. Il n’est pas assez reconnu.

2012-Kahil El’Zabar Ritual Trio, Follow the Sun, Delmark




Vous avez enregistré Follow the Sun (2012) avec le Rital Trio et Dwight Trible.

Avec lui, on peut tout jouer, de «Body & Soul» à «Grandma’s Hands», «Footprints» et des compositions originales. Dans cet album, il y aussi Duke Payne (ts, as, cornemuse), qui est un des mentors de Ari Brown. A la fin des années 1960, Duke a joué avec Odell Brown et les Organ-izers, qui avaientt fait «Mellow Yellow» à la façon de Charles Earland et Jimmy Smith. Moi aussi j’ai joué avec ce groupe. Puis, Duke est devenu un prof de maths à Chicago et jouait localement. C’était important qu’il soit sur ce disque. Pour la petite histoire, Odell Brown a ensuite été embauché par Marvin Gaye, Stevie Wonder. Il joue aussi sur «Bad» de Michael Jackson. Rien ne s'est jamais passé avec Duke Payne. C’est un grand saxophoniste. Il a 80 ans maintenant. J’ai aussi fait appel au jeune contrebassiste Junius Paul.

Depuis 2015, vous êtes le directeur artistique de la Chicago Academy of Music. Que pensez-vous du niveau des élèves d’aujourd’hui?

Quand je suis devenu président de AACM en 1975, il y avait alors des musiciens qui avaient plutôt une fibre RnB, d’autres plutôt straight-ahead, d'autres encore plus avant-garde. Et c'était à peu près tout. Aujourd’hui, à la Chicago Academy of Music, il y a de très bons musiciens classiques, mais aussi de jazz, Latin etc. Et tous suivent des enseignements transversaux. L’école compte 26 professeurs. Il y a, par exemple, le trompettiste Stephen Burns, qui a joué avec certains des plus grands orchestres classiques. Victor Garcia, un des meilleurs trompettistes latins. Le percussionniste Ian Ding, qui est venu de Detroit faire un workshop. Pour les nouveaux, je commence toujours par leur proposer un workshop pour voir s'ils sont à l’aise dans cet exercice et s’ils sont de bons pédagogues.

Que voulez-vous développer davantage?

Les nouvelles pédagogies et une approche transversale de la musique. Chaque année, nous levons aussi des fonds afin de pouvoir attribuer des bourses d’études à des étudiants défavorisés. Aujourd’hui, 13 étudiants en bénéficient sur un total de 130. C’est peu, mais chaque année, on essaie d’en financer plus.

2013-Kahil El’Zabar-, What It Is!, Delmark





Avec votre background dans l’AACM, comment expliquez-vous le recul de l’activisme chez les musiciens?

Il y a un précédent historique. Les années 1980, les années Reagan, ont été celles de l’argent. Les magnats de l'entreprise se sont mis à faire du lobbying intensément. Cela a donné lieu à une censure qui a d'abord frappé la communauté artistique. En 1990, pour la première fois, un conservateur de musée, Dennis Barrie à Cincinnati, a été poursuivi en justice pour avoir présenté une exposition du photographe Robert Mapplethorpe. Ces photos-là étaient considérées comme de la pornographie. Cette histoire a fait réfléchir les fondations et les gros donateurs. Le raisonnement était celui-ci: si c'est notre argent qui finance des expositions, on devrait avoir notre mot à dire. A partir de là, les fondations ont changé leur façon de faire, et les critères d’attribution des aides ont été modifiés. Beaucoup d’aides individuelles ont été supprimées. Le NEA (le National Endowment for the Arts est une agence culturelle fédérale des Etats-Unis), qui soutenait depuis les années 1960 des actions artistiques nouvelles, a pris le modèle les fondations privées. Les institutions artistiques ont suivi la même voie et les musées, les universités, etc., se sont mis à raisonner de la même manière. Dans les années 1980 et 1990, si vous parliez de ces questions de censure à des musiciens, beaucoup l’associaient avec la lutte pour les droits des homosexuels, parce que c’étaient les années sida... Ils ne comprenaient pas que tout ça, c'était un appel à l'activisme. La censure a aussi frappé le monde de la musique lorsque la radio publique nationale a réduit de 90% la diffusion de musique. Le conservatisme des années 1990 jusqu’à aujourd'hui a été très marquant dans la façon dont on a fait taire les artistes. Alors, comment faire pour que les artistes puissent exprimer à nouveau leur voix? Et redonner de l'enthousiasme aux gens, aux étudiants, à la communauté en général, et l’envie de croire à l’art?

Votre réponse est «Ooh». En quoi cela consiste-t-il?

Je suis en train de développer un réseau social culturel. Ooh, ce sont les initiales de «Oracles of Humanity». C'est une communauté d'artistes. L’idée, c’est de les aider à partager leurs créations avec le plus grand nombre. Je travaille à cela depuis des années… C’est un projet très difficile à monter. La technologie change très vite, et les investissements nécessaires sont très lourds. En 2006, j'ai reçu mon doctorat du Lake Forest College. Ma thèse portait sur le concept de réseau social culturel dans le phénomène des réseaux sociaux. En 2008, sans aucune connaissance en matière de technologie, j'ai soumis ce projet à l’un des concours du MIT (le Massachusetts Institute of Technology, situé à Cambridge, est un institut de recherche dédié aux technologies de pointe). Je suis arrivé à la deuxième place. Mais je ne veux pas faire un Facebook pour les artistes. J’ai refusé une grosse proposition pour cette raison. Un tel projet ne peut voir le jour que s’il est réalisé de toutes parts avec intégrité.

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CONTACT: team@spiritmuserecords.com


Kahil El' Zabar et Jazz Hot:
354-1978, 659-2012

DISCOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE
• de 1980 à 2012, Jazz Hot n°659
• depuis 2012

Leader
CD 2012. Follow The Sun, Delmark 5013 (avec Ritual Trio)
CD 2014. Black Is Back (40th Anniversary Project) (avec Ethnic Heritage Ensemble), Katalyst Entertainment ‎10055

LP/CD 2019. Be Known: Ancient/Future/Music, Spiritmuse Records SPM-KEZ001 (avec Ethnic Heritage Ensemble)

 


VIDEOS
1999. Kahil El'Zabar's Ritual Trio, «Brother Malcolm»
Kahil El'Zabar (dm, perc), Archie Shepp (ts), Ari Brown (ts, p), Malachi Favors (b)
https://www.youtube.com/watch?v=1d-MWVGPDTY

2000. Kahil El'Zabar's Ritual Trio, «Pharoah's Song»
Kahil El'Zabar (dm, perc), Pharoah Sanders (ts), Ari Brown (ts, ss, p), Malachi Favors (b)
https://www.youtube.com/watch?v=L8sJKoczf1o

2014. Ethnic Heritage Ensemble, «Who's Yo Mama, Who's Yo Daddy»
Ernest Dawkins (ts), Corey Wilkes (tp), Kahil El'Zabar (voc, dm, perc)
https://www.youtube.com/watch?v=dNzYnG8NKgo

2017. Kahil El'Zabar (perc) & David Murray (bcl)
https://www.youtube.com/watch?v=xI72c-D0QVU


2019. Ethnic Heritage Ensemble, «Black Is Back»
Alex Harding (bs), Corey Wilkes (tp, perc), Ian Maksin (cello), Kahil El'Zabar (voc, perc)
https://www.youtube.com/watch?v=UeXbhGyHtHA

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