Ronnie Burrage au Sunside, Paris, 13 janvier 2023 © Jérôme Partage
Ronnie BURRAGE
Ronnie –James Ronaldo– Burrage est né le 19 octobre 1959 à Saint-Louis, MI, dans une atmosphère familiale dédiée aux arts. Ses abondantes curiosités qui l'ont conduit à étudier ne l'ont pas empêché d'être un artiste précoce expérimentant rapidement le monde du jazz dès son enfance et adolescence. S’il appartient pleinement au monde du jazz, son savoir, qui tient à l'étude mais plus encore au vécu artistique au contact du meilleur du jazz depuis la fin des années 1960 (il croise la route de Duke Ellington à 9 ans en 1969), l'a amené à ne pas limiter son expression à l’un des moments ou à l’une des esthétiques du jazz qui se sont mêlées depuis sa découverte du jazz. Il a multiplié les rencontres avec les plus grands artistes du hard bop, comme du free jazz au sens le plus large, de Charles Mingus à l'AACM en passant par le monde post-coltranien, ce que racontent sa discographie et son récit. Il a ainsi participé à toutes sortes de créations dans le jazz, ne se privant pas de s'affirmer en leader, batteur exceptionnel mais aussi pianiste, compositeur, percussionniste, et aujourd'hui comme un maître du jazz et un aîné qui poursuit la transmission. Son ancrage solide fait de lui l'un des porteurs de la flamme du jazz qui a plus que jamais besoin de repères et de personnalités affirmées. Il nous relate ici son beau chemin constellé d'étoiles, et nul doute que Ronnie Burrage est déjà l'une d'elles…
Propos recueillis par Mathieu Perez Discographie par Jérôme Partage,
Vidéographie par Hélène Sportis Photos Jérôme Partage Collection Ronnie Burrage, by courtesy
Image extraite de YouTube Avec nos remerciements © Jazz Hot 2024
Cosandra Burrage à 17 ans © Photo X,
Collection Ronnie Burrage by courtesy
Jazz Hot: Vous appartenez à une lignée artistique et musicale…
Ronnie Burrage: Mon grand-père, Allan David Mahr, était un poète reconnu.
Pendant mon enfance, des personnes de Londres ou d'Inde venaient le rencontrer. Mon arrière-grand-père maternel excellait au hautbois et au trombone dans le premier cirque américain qui a évolué pour devenir le célèbre Barnum & Bailey. Son frère Ike jouait du cornet. Le frère de ma grand-mère, John Saunders (s), a partagé la scène avec des artistes tels que Bessie Smith à Chicago et à Saint-Louis, en tournée dans la région. Nous vivions avec mes grands-parents, et lorsque Oncle John venait, son groupe l'accompagnait pour des jam sessions dans le salon. Lors de ma maîtrise au Goddard College en 2016, à Plainfield,
Vermont, j'ai
consacré ma recherche à mon arrière-grand-père, John Saunders, découvrant
qu'il avait fait partie de la compagnie de P.G. Lowery, un cornettiste noir et
directeur de cirque de divertissements afro-américains. Notons au passage
qu'Archie Shepp, lui aussi diplômé de Goddard College, a généreusement
contribué financièrement à la réalisation de mon Master of Fine Arts.
Ma mère, Cosandra Burrage (née Lee Mahr), avait initialement
des aspirations de pianiste professionnelle, mais ma naissance à ses 17 ans a
changé sa trajectoire. Elle a travaillé pour AT&T (American Telephone & Telegraph), participant également aux
toutes premières formations sur l'utilisation des ordinateurs. Bien que ses
cinq frères soient tous musiciens, seuls moi, Rasul (Siddik),
et son jeune frère Ahmad, saxophoniste, avons embrassé la profession. Du côté
de mon père, James Otis Burrage, une partie de la famille était originaire du
Mississippi où je passais mes étés. Là-bas, j'ai appris à traire une vache dans la propriété de mon
oncle, ainsi que de nombreuses autres techniques agricoles, de chasse et de
survie. Ces expériences ont façonné ma vie jusqu'à mon départ de
Saint-Louis à l'âge de 17-18 ans.
Rasul Siddik à 33 ans © Photo X,
Collection Ronnie Burrage by courtesy
Parlez-nous de Rasul Siddick…
Rasul était le quatrième plus jeune frère parmi les huit enfants, et ma mère était l'aînée. Il a joué un rôle majeur dans mon initiation à la musique. Assis à ses
côtés, j'écoutais des maîtres tels que Woody Shaw, Miles Davis et Freddie
Hubbard dès le début de mon apprentissage musical. Rasul, avec une décennie de
plus que moi, partageait son amour de la musique. Mon père et mon oncle McCoy
ont fréquenté l'école avec John Hicks, une véritable
star à Saint-Louis. Grâce à Rasul, j'ai eu l'occasion de rencontrer Hicks et
d'assister à l'un de ses concerts en 1968 ou 1969, à l'âge de 9 ou 10 ans, lors
de son retour à Saint-Louis.
Qu'avez-vous
appris de votre professeur Joe Charles (dm,b, 1954-2022)?
Bien que Joe Charles n'ait pas été mon professeur officiel, j'ai eu la chance de le rencontrer durant mon enfance. Il m'a invité chez lui et m'a enseigné les subtilités du swing.
Ces leçons informelles, répétées à trois reprises, ont été une contribution
précieuse à ma formation musicale. Contrairement à beaucoup, je n'ai jamais eu
de professeur de batterie formel. Mon apprentissage s'est forgé en observant de
nombreux batteurs en concert. Le piano aurait pu être mon instrument
de prédilection, mais la batterie exerçait sur moi une fascination unique. Mes
premiers échos mélodiques sont venus naturellement au piano, une passion que
j'ai toujours entretenue.
Quelle
était l'importance du Black Artists Group (BAG) à Saint-Louis?
Le BAG occupait une place cruciale à
Saint-Louis. La ville regorgeait de culture afro-américaine, avec des clubs de
jazz, des centres communautaires, des rencontres artistiques dans les
bibliothèques, les églises et le YMCA. Mon implication dans ces activités a été
constante, influencée par la participation de mes oncles au BAG (Rasul Siddik
entre autres). J'ai grandi entouré de poésie, de danse, de concerts de jazz
et de rythmes africains chaque semaine, façonnant ainsi mon parcours musical.
Ronnie Burrage à 9 ans avec Duke Ellington,
Washington University in St. Louis, 1969
© Photo X, Collection Ronnie Burrage by courtesy
Pouvez-vous
nous décrire la scène jazz de Saint-Louis?
La scène jazz de Saint-Louis était marquée par des lieux
emblématiques tels que le Casa Club. A l'âge de 14 ans, j'y ai rencontré Art Blakey pour la
première fois. A cette époque, j'avais déjà formé mon propre groupe, et c'est
ma mère qui en assurait la gestion. Nous nous produisions dans divers endroits,
du centre correctionnel aux mariages, en passant par les pique-niques. Ma mère
dénichait des festivals de musique dans différents quartiers pour nous donner
l'occasion de jouer. Au sein de mon groupe, le saxophoniste alto Luther Thomas,
du même âge que Rasul, se démarquait par son avant-gardisme. Bien que très
talentueux, Luther avait des problèmes de drogue, un aspect que j'ignorais à
l'époque. Il a joué un rôle significatif dans mon apprentissage musical. Un
jour, lorsqu'il a joué avec Art Blakey, il m'a convaincu de lui donner plus
d'argent pour acheter une chaîne stéréo dont j'avais besoin. Sans le savoir,
j'ai acheté une chaîne stéréo volée. Lorsque les mères des membres du groupe
ont commencé à se plaindre de la paie de leurs fils, ma mère a découvert la
vérité en voyant la nouvelle acquisition dans ma chambre. Le moment de vérité
est arrivé lorsque ma mère et moi sommes allées voir Art Blakey au Casa Club.
Luther était sur scène, et ma mère l'a attrapé par la jambe, le forçant à sortir
de scène. Dans sa poche, elle a trouvé l’argent qu'elle m’avait donné. Et nous sommes partis. Nous
sommes montés dans la voiture, je pleurais. Elle m'a dit: «C'est Art Blakey dans
ce club, nous allons y retourner pour que tu puisses l'entendre.» Nous y
retournons, nous restons pour un set. Blakey, qui avait assisté à la scène, est
venu à notre table et s'est présenté à ma mère; j'étais impressionné. Nous
avons noué une relation. La première fois que je suis allée à New York, je suis
allé chez lui.
Avez-vous touché à la drogue?
Pas à ce moment-là. Les problèmes liés à la drogue
touchaient le frère cadet de Rasul, et c'est ainsi que j'ai rencontré Luther.
En dehors de ma passion pour la musique, j'étais également un athlète. Au
départ, j'avais l'ambition de devenir le premier joueur de hockey sur glace
professionnel noir. J'ai finalement décidé de mettre fin à ma carrière dans le
hockey sur glace, en grande partie à cause des blessures récurrentes, et je ne voulais pas monter sur scène avec des bleus sur le visage.
Quels souvenirs avez-vous de concerts mémorables
auxquels vous avez assisté?
Mon grand-père était un grand amateur du Saint-Louis
Symphony Orchestra, nous y allions souvent. Pendant les étés, nous participions
au Festival Afro Day in the Park, où d'excellents groupes se produisaient toute
la journée. A la Southern Illinois University, j'ai assisté à des concerts
mémorables tels que celui de Johnny Mathis, Stanley Cowell et les Heath
Brothers, les Crusaders, Eddie Harris et Les McCann. Rasul m'a également
conduit à Chicago pour des concerts inoubliables avec Eddie Harris et Les
McCann, Tony Williams Lifetime avec Larry Young, Soft Machine avec Allan
Holdsworth, Clark Terry, Santana, War, Marvin Gaye…
Avez-vous grandi en fréquentant l'église?
Mon éducation religieuse s'est déroulée en chantant dans une
chorale catholique et une chorale luthérienne. La chorale était basée à la Cathédrale de Saint-Louis, dirigée par l'organiste Mario Salvador. Nous avions même la chance
d'être diffusés à la télévision chaque Noël.
Quels ont été vos premiers gigs en tant qu'adolescent?
J'ai rejoint un groupe très populaire appelé Expression Jazz
Quintet, où j'ai collaboré avec le claviériste Mark Friedrick. Notre amitié
s'est renforcée, et nous avons formé un autre groupe, No Commercial Potential,
avec le bassiste Darryl Mixon et le guitariste Richie Daniels. Nous avons eu
l'opportunité d'assurer la première partie de George Duke et d'autres groupes
de passage en ville. Par la suite, j'ai eu l'honneur de jouer aux côtés de grandes
pointures de la scène musicale de Saint-Louis, tels que Willie Akins (ts, 1939-2015),
Freddie Washington (ts,ss, 1937),
John Mixon (b, 1926-1996)
–qui a joué avec Miles Davis et Grant Green–, Mae Wheeler (voc, 1934-2011), David
Hines (tp, 1942-1991),
Fontella Bass (voc, 1940-2012), Lester Bowie,
Joseph Bowie,
Oliver Lake,
Julius Hemphill,
Hamiet Bluiett,
Ray Kennedy et John Hicks. Le seul avec lequel je n'ai pas eu la chance de
jouer était Clark Terry, bien que nous soyons devenus amis après qu'il m'a vu
partager la scène avec McCoy Tyner,
Freddie Hubbard
et Woody Shaw.
De g à d: Melvin Gibbs (b), Kelvyn Bell (voc,g), Martin Aubert (g,voc), Joseph Bowie (tb,voc),
Ronnie Burrage (dm,voc), Byron Bowie (ts) © Photo X, Collection Ronnie Burrage by courtesy
Parlez-nous de la Semaine internationale du jazz à Saint-Louis.
Cet événement se déroulait dans mon lycée, à l’University
City High School, à University City, dans le Missouri. C'était une expérience
incroyable où tous les grands musiciens se réunissaient pendant une semaine.
Mon lycée était leur lycée d'accueil, et j'ai fait partie du deuxième orchestre
principal en tant que musicien de deuxième année. Nous avions l'opportunité de
jouer avec des professionnels renommés. Ils venaient à nos répétitions,
jouaient avec nous, nous laissant participer à leurs sessions. C'était une
immersion dans la vie et le jeu des vrais professionnels. J'allais au
McDonald's acheter des Big Macs pour Rufus Reid,
car c'était tout ce qu'il mangeait à l'époque. Alan Dawson (dm,perc, 1929-1996)
a été particulièrement généreux en conseils, soulignant l'importance de la
posture avant de décider de la façon de jouer. C'était une semaine inoubliable,
avec la participation d'autres musiciens tels que Woody Shaw, Junior Cook
et la star locale du piano, Ray Kennedy (p,arr,comp, 1957-2015).
Comment s'est déroulée votre arrivée à New York en 1979?
A partir de 1977, je faisais des escapades à New York
pendant les vacances de printemps, mais c'est deux ans plus tard que j'ai
décidé de m'y installer. Ce fut une expérience vraiment intimidante! Mon lieu
de résidence était situé dans le sud du Bronx, et je me déplaçais en métro. Le
quartier était principalement fréquenté par la communauté portoricaine. Etre
musicien a souvent été ma bouée de sauvetage. En descendant du métro avec mon
matos, il arrivait que quelqu'un m’embrouille, mais quelqu’un d’autre venait
toujours à ma rescousse: «Laissez-le tranquille! C'est un musicien, il joue avec
untel ou untel.» Toute ma vie, j'ai nourri le rêve de jouer avec Wayne Shorter.
A Saint-Louis, mon objectif était de collaborer avec tous mes héros musicaux.
Lorsque je suis arrivé à New York, j'ai eu l'opportunité de jouer avec Teruo
Nakamura (b,prod, 1942) et Sonny Fortune,
ce qui a considérablement augmenté ma visibilité. Grâce à Teruo, j'ai pu
collaborer avec des musiciens plus fusion, tels que les frères Brecker, Bob
Mintzer, Steve Grossman, Jaco Pastorius, Alphonso Johnson et finalement, Wayne Shorter.
Le travail avec McCoy
Tyner a également
renforcé ma notoriété, et j'ai développé une amitié avec Peter Erskine.
L'anecdote amusante, c'est que lorsqu'il était temps pour Weather Report de
trouver un nouveau batteur, Peter m'a recommandé. Jaco m'a également recommandé à Wayne, mais Joe Zawinul
voulait Omar Hakim dont le nom circulait également. Ainsi, jouer avec Weather
Report ne s'est pas concrétisé pour moi. Cependant, la vie a bien fait les
choses. Immédiatement après l'arrivée d'Omar dans le groupe, j'ai commencé à
travailler avec Jaco, dans son petit groupe puis dans son grand ensemble. Plus
tard, Wayne Shorter m'a appelé pour quelques tournées, et enfin, Zawinul m'a
contacté pour des tournées également. (Rires)
Quels musiciens vous attiraient le plus?
En tant que batteur, j'avais une affinité particulière pour
les trompettistes et les pianistes. Woody Shaw m’a toujours captivé car il
était unique, jouant des intervalles de manière similaire à un pianiste. C'est
la combinaison de sa singularité et de son approche pianistique qui m'attirait.
Lorsque nous discutions de musique, bien que cela ne soit pas fréquent, nos
conversations portaient sur la vie et sur la manière dont il traduisait
musicalement les situations. Une autre personne qui m'était très proche était Wallace Roney,
un batteur frustré!
Parlez-nous de votre relation avec Wallace Roney…
J'ai engagé Wallace après avoir renvoyé Wynton Marsalis
de mon groupe en 1981. Wynton devenait de plus en plus populaire et demandait
un salaire supérieur à celui de Kenny Kirkland. Il était très insistant. Ayant
déjà joué avec Wallace grâce à McCoy Tyner par lequel il avait été invité un
soir, nous avions tout de suite établi une relation. Nous partagions tous deux
une passion pour la musique et la boxe. Wallace avait un son sombre et riche à
l'époque, explorant des territoires plus audacieux. Il a même participé à mon
premier enregistrement en tant que leader, bien que je n'aie jamais publié cet
album. Nous avons continué à jouer ensemble avec McCoy, Chico Freeman,
Jackie McLean,
et il a fini par enregistrer ses propres disques auxquels j'ai contribué.
Ronnie Burrage avec sa mère Cosandra et Art Blakey, New York, 1983 © Photo X, Collection Ronnie Burrage by courtesy
Quels batteurs étaient les plus proches de vous à New
York?
Qu'en est-il de vos contemporains?
A l'époque où j'étais à New York, la plupart de mes
contemporains étaient encore en train d'étudier à Berklee et dans d'autres
écoles de musique. J'ai donné une master
class avec Avery
Sharpe à Berklee pendant mon temps avec
McCoy Tyner, où j'ai rencontré des batteurs de l'école tels que Jeff Tain Watts,
Gene Jackson,
Cindy Blackman,
entre autres. Mais aucun d'entre eux ne jouait professionnellement à ce
moment-là. Le concept de «jeunes lions» est apparu plus tard, mais je
considère que j'étais le premier «jeune lion». Il m'a fallu du temps
pour me débarrasser de cette étiquette. J'ai toujours eu un discours direct, ce
qui n'est pas toujours apprécié, surtout par les maisons de disques. Je crois
fermement que les forces supérieures tracent ma route. La communauté jazz a ses
imperfections, car les gens ont tendance à vouloir vous catégoriser en fonction
de votre style, de votre capacité à jouer les changements, ou même de la façon
dont vous ressentez le temps. Je n'ai jamais voulu être confiné à un seul
idiome, préférant avoir une palette musicale large. Lors de mon séjour à
Brooklyn, Cecil
Taylor était
mon voisin. Nous passions des heures à jouer et à discuter, explorant ses
œuvres d'art et discutant de leur impact sur sa musique. Cecil m'expliquait
même comment il pouvait extraire une couleur musicale en regardant une
peinture. Il adorait John Hicks, ce que peu de gens savent. Chaque fois que
John jouait dans un groupe ou un big band avec moi, si Cecil n'était pas en
tournée, il était là. Après les concerts, il nous conduisait en limousine dans
un club méconnu, et nous passions la nuit à discuter, rire et nous amuser. Betty Carter
vivait à un pâté de maisons de Cecil; j'allais souvent chez elle. Elle m'a
donné des conseils précieux: «Les gens diront que tu ne sais pas chanter, faire
du scat ou écrire, mais continue à faire ce que tu fais.» A l'époque, j'avais
mon groupe, Third Kind of Blue, qu'elle appréciait. J'y jouais de la batterie
et des claviers, en plus de chanter. Art Blakey m'a également prodigué des
conseils similaires. Quand je suis arrivé à New York, Kenny Washington était
capable de jouer tous les types de musique: du straight ahead au funk, en
passant par la fusion, etc. Je lui ai envoyé une partition pour un morceau de
McCoy Tyner. Plus tard, il m'a appelé pour me dire qu'il se consacrait
désormais exclusivement au straight ahead. J'étais stupéfait, car il excellait
dans tous les styles. Mais c'était son choix. Pour ma part, je n'ai jamais
voulu être enfermé dans une seule catégorie.
Third Kind of Blue: de g à d, Ronnie Burrage (dm,voc), Kenny Davis (b), John Purcell (s)
vers 1985-86 © Photo X, Collection Ronnie Burrage by courtesy
John Coltrane est-il dans votre ADN?
C'est une question complexe, et honnêtement, je ne suis pas
sûr. Pendant mon enfance, j'ai écouté une variété de genres musicaux tels que
le jazz, le gospel, le rock 'n' roll, la musique africaine, et bien sûr, la
grande musique noire incarnée par des artistes comme Elvin Jones et Stevie
Wonder. Tout ce que je peux affirmer, c'est que l'expérience noire a
profondément marqué ma sensibilité. Depuis mon plus jeune âge, je nourrissais
le désir de pouvoir jouer avec divers artistes et dans des contextes musicaux
variés.
A New York, il y avait le Studio WIS…
Warren Smith
a été un mentor précieux pour moi, j’ai fréquenté son Studio WIS. Après avoir
assisté à l'une de mes performances, il m'a généreusement ouvert les portes de
son studio en me proposant de venir répéter à tout moment. D'autres musiciens,
tels que Rashied
Ali avec Ali's
Alley, Sam Rivers avec le Studio
Rivbea, et Dom Um
Romão avec
Black Beans, m’ont également accueilli chez eux. Ces lieux ressemblaient aux
centres communautaires de Saint-Louis.
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Vous avez mentionné que jouer avec McCoy Tyner
était le «gig ultime» pour un batteur, mais aussi un stigmate. Pouvez-vous
expliquer davantage?
Les gens me disaient souvent que je jouais trop fort, que
c'était trop bruyant! (Rires) Mais, cela ne m'a jamais posé de problème. A
cette époque, il était possible de trouver du travail à New York à n'importe
quel moment. J'ai eu l'occasion de jouer aux côtés de chanteuses telles que Jackie Paris et Annie Ross,
apprenant ainsi à moduler mon jeu en fonction de leurs besoins. Pendant les
années où j'ai collaboré avec McCoy, de 1980 à 1983, il ne cherchait jamais à
me cataloguer. Il valorisait l'expression individuelle. Mon audition avec lui
au Carol's Studio a duré trois heures, sans jamais annoncer les morceaux qu’il
allait jouer. Il a créé un environnement où je me sentais libre de m'exprimer. Il
me racontait que Trane ne lui disait jamais quoi jouer, mais il apprenait du
style du leader. La manière dont j'ai joué avec McCoy était unique, car chaque leader a sa propre dynamique.
Quelle liberté vous laissait-il?
McCoy me donnait une liberté totale. Il me disait: «Joue
tout ce que tu m'entends jouer et n'importe quoi d'autre. Assure-toi juste de
connaître les thèmes.» (Rires) C'était une proposition à laquelle j'adhérais
totalement! Avec Hamiet Bluiett, il n'y avait pas de setlist ni de structure
prédéfinie, nous laissions simplement la musique nous guider. Avec John Hicks,
il existait une certaine structure, mais nous avions la latitude d'explorer
divers chemins. Quant à Sonny Fortune, bien qu'il ait des thèmes favoris que
nous pouvions jouer en boucle, il nous laissait la possibilité de nous exprimer
pleinement. Il ne s'agissait pas simplement de maintenir le tempo, et c'était
quelque chose que je n'avais jamais envisagé jusqu'à ce que des engagements
plus conventionnels deviennent nécessaires pour assurer ma survie financière.
De nombreux musiciens qui venaient vous voir jouer avec
McCoy affirmaient que l'énergie dans la salle montait en flèche.
A la fin de la soirée, le piano n'était plus à sa place, la
batterie était désarticulée et renversée. Cette intensité était également
palpable avec Woody Shaw et Wayne Shorter. Dans ces deux cas, la musique
atteignait des sommets, et nous avions d'excellents groupes. Cela ne se
produisait pas systématiquement, mais de temps en temps. Avec McCoy, c'était
chaque soir. Expliquer cette expérience est délicat. Avec lui, c'était presque
spirituel. J'ai aussi vécu une expérience similaire en jouant en duo avec Henry Grimes.
Nous nous perdions dans certaines explorations, comme si nous flottions. En
duo, nous pouvions créer une multitude de couleurs et de sons. J'ai eu
l'opportunité de réaliser quatre duos avec lui, et chacun était empreint de
cette magie. Lors de l'enregistrement de l'album Heal avec mon groupe, Henry a participé au thème «In
Nebular Nexus». Après la première prise, il a insisté pour en faire une
deuxième, puis une troisième. Entre la basse et le violon, il était difficile
de choisir laquelle inclure dans l'album tant il était exceptionnel. Je suis
très fier de cet enregistrement.
Qu'en est-il de Sonny Fortune que vous avez accompagné de
1979 à 1999?
Sonny avait une mentalité héritée de George Coleman.
Ayant également joué avec George, j'ai pu observer certaines de ses pratiques.
Bien qu'il n'ait pas cherché à humilier les gens, il était exigeant. Si vous ne
maîtrisiez pas les changements correctement, il s'arrêtait pour vous indiquer
précisément ce qu'il attendait. Il insistait pour que vous jouiez avec
suffisamment d'intensité, et si vous interprétiez un standard de manière
correcte, il vous mettait au défi de manière intense. Il pouvait changer le
tempo au milieu d'une chanson ou modifier la tonalité à chaque refrain. Vous
deviez être constamment sur vos gardes. Sonny n'allait peut-être pas aussi
loin, mais il partageait cette mentalité: «Si vous voulez jouer, jouez avec
force et assurance, car je veux que cela aille quelque part. Je ne veux pas de
passivité.» C'est ce qu'ils avaient en commun. J'ai joué avec Sonny pendant vingt
ans. Il était un ami, un mentor, un collègue. Sur la route, quand il y avait un problème, il n'acceptait
pas que les gens traitent son groupe comme de la merde. Nous parcourions
de longues distances en voiture, de New York au Midwest, car, à l'époque, les
voyages en avion n'étaient pas aussi fréquents. Et c'est dans ces situations
que l'on apprend beaucoup sur quelqu'un. Sonny parlait de Mongo Santamaria,
Miles, Elvin, etc. Elvin et moi, nous nous retrouvions parfois à jouer dans un même
festival, étant programmés avec Sonny et Elvin, Elvin et McCoy, McCoy et
Blakey. Cela donnait lieu à de nombreux concerts. Ensuite, nous partagions un
repas et passions du temps ensemble.
Quels sont vos souvenirs de la session d'enregistrement
de In the Spirit of Coltrane?
L'enregistrement de In
the Spirit of Coltrane a été une expérience difficile pour Sonny. Il
éprouvait des difficultés avec la musique, et il était en conflit avec le
producteur et le bailleur de fonds. A cette époque, il se tournait davantage
vers le ténor, bien qu'il n'y soit pas contraint. Nous en avions discuté, et je
pense qu'au fond de lui, il cherchait à faire ses preuves en tant que saxophoniste ténor. C'était pourtant un musicien extraordinaire à
l'alto et à la flûte. Je ne sais pas pourquoi il ressentait ce besoin
de validation. J'appréciais particulièrement son jeu à l'alto, car pendant les
dix premières années où nous avons joué ensemble, il se consacrait
principalement à cet instrument ainsi qu'à la flûte.
Ronnie Burrage (dm,kb,voc), Darryl
Hall (b), Sunside, Paris, 13 janvier 2023 © Jérôme Partage
De qui étiez-vous le plus proche?
Au fil des ans, j'ai développé des liens étroits avec
plusieurs musiciens, parmi lesquels John Hicks, Hamiet Bluiett, Julius
Hemphill, Kenny
Kirkland, Joe Ford,
Kelvyn Bell,
Frank Lacy,
Patience Higgins,
Jerry Gonzalez,
Jack Walrath,
Don Alias
et Wallace Roney. J'ai mis un terme à notre collaboration un an avant le décès de
Wallace. Nous devions nous rendre ensemble à Wuhan où il suivait un traitement,
mais son mode de vie, peu sain au regard de ses problèmes de santé, rendait la
situation difficile. Je l'aimais comme un frère, mais j'ai fini par atteindre
mes limites. Les 15 dernières années de sa vie ont été ponctuées
d'allers-retours entre nous, bien que nous continuions à discuter de projets à
venir.
et pour les batteurs?
Plusieurs batteurs m'ont apporté leur soutien, parmi
lesquels Victor Lewis, Freddie Waits, Dannie Richmond, Billy Higgins, Billy
Hart et Jack
DeJohnette. Ils
m'ont tous offert des opportunités de travail à mon arrivée à New York. Victor
Lewis, en particulier, était comme un grand frère et un mentor avant même que
je ne m'installe dans la ville. J'admirais également David Sanborn (as), et lorsque
j'ai découvert que mes chansons préférées sur les deux disques qu'il avait
enregistrés étaient écrites par Victor Lewis, je suis allé le voir pour lui
exprimer ma gratitude. Mon premier grand concert à New York était avec Teruo
Nakamura, et Victor est venu me voir jouer. Il a été l'un des premiers batteurs
à New York à me soutenir. Des légendes comme Art Blakey et Elvin Jones venaient
également écouter mon groupe au Seventh Avenue South, appartenant à Randy et Michael
Brecker, où
nous jouions mensuellement. A chaque représentation, ces pointures venaient
nous rendre visite. Elvin me complimentait sur mes compositions, soulignant
qu'il n'écrivait pas du tout. Steve Berrios me donnait aussi des tuyaux. Tous
ces musiciens étaient accessibles, et les nombreux clubs de la ville offraient
la possibilité d'approcher ces grands artistes.
Al Foster vous a-t-il influencé d'une manière ou d'une
autre, comme il a influencé tant de batteurs?
Non, jamais. Mais, j'ai beaucoup d'admiration pour lui! Ma
révolution musicale a été déclenchée par des musiciens tels qu'Elvin Jones,
Jack DeJohnette, Art Blakey, Philly Joe Jones,
ainsi que ceux que j'ai mentionnés précédemment: Freddie Waits, Dannie
Richmond, Billy Higgins et Billy Hart. Leurs manières d'interpréter la musique
a eu un impact énorme sur moi.
Quels autres musiciens vous ont soutenu?
Vous avez joué avec tant de musiciens incroyables. Avez-vous des regrets?
Je n'ai jamais partagé la scène avec Herbie, à l'exception
d'une jam session il y a des années; ni avec Miles, bien que nous nous
connaissions. Il flirtait avec mon épouse de l'époque, la mère de ma deuxième
fille, qui travaillait comme hôtesse au 20/20 Restaurant, propriété d'Ashford
et Simpson, où je jouais avec Leon Thomas (voc, 1937-1999) et Donald Smith
(p,org,fl,voc,1943-2022). Lorsque j'ai confondu Miles en lui disant: «Miles,
pourquoi tu dragues ma femme?», il a simplement répondu: «Qu'est-ce que je suis
censé faire d'autre?» (Rires) J'étais programmé pour jouer avec lui lors d'un
concert à Montreux lorsque j'étais avec Wayne, mais des circonstances
malheureuses l’ont empêché. Le concert s'est transformé en une expérience
difficile, et je n'ai jamais eu l'occasion de partager la scène avec lui.
Le son de Wallace Roney était-il différent avant et après Miles?
Avant Miles, Wallace avait un son plus orienté vers le style
straight ahead de Philly, similaire à celui de Sonny. Mais, après avoir joué
avec Miles, il a tenté de développer une approche plus intellectuelle; puis sa
vie a pris un tournant amer; il a nourri une rancune envers Geri Allen, ce qui
a eu un impact dévastateur sur lui. Parfois, lorsque les gens s'enfoncent dans ces
zones d'ombre, ils se coupent des personnes qui leur sont les plus proches.
Quand on vous voit jouer avec votre groupe, vous semblez
toujours très proche de l'état d'esprit de l'AACM.
Oui, c'est essentiel pour moi. J'inculque ce concept à mes
étudiants en leur demandant de simplement jouer, de ne pas se soucier des
changements d'accords, mais plutôt de s'exprimer et de voir ce qu'ils
découvrent. La communication intuitive est cruciale. Vous n'avez pas
nécessairement besoin du langage bebop pour cela. Cela requiert le désir de
communiquer et de créer quelque chose de spontané. Le jazz va bien au-delà de
notes sur une partition. Il s'agit de l'héritage de cette musique, de
l'expression sans limites du cœur et de l'esprit. Malheureusement, de nombreux
jeunes musiciens n'en ont aucune compréhension. Dans les années 1980 et au début
des années 1990, avec le Jazz at Lincoln Center,
la musique a été ramenée à l'époque de Louis Armstrong. Depuis, nous manquons
de lieux de diffusion pour la musique entre Louis Armstrong, Miles et
aujourd'hui. Il y a un grand nombre d'universités qui enseignent la musique des
années 1960. Les musiciens diplômés de ces établissements pensent être prêts pour
une carrière professionnelle, mais ils ne connaissent pas les subtilités qui se
situent entre les deux extrêmes. Ils jouent des standards, leurs compositions,
des tonnes de notes, mais rien ne connecte vraiment. Les lacunes dans notre
culture musicale ne sont pas suffisamment discutées. C'est un problème, et
l'industrie ne sait pas comment le résoudre, préférant continuer avec ce qui
est plus facile.
De g à d: Archie Shepp, George Cables, Ronnie Burrage, Japon, 2016
© Photo X, Collection Ronnie Burrage by courtesy
Qui vous a donné les plus grandes leçons de vie?
J'ai beaucoup appris d'Amiri Baraka,
une figure de référence pour les leaders afro-américains. Sa relation de longue
date avec Archie
Shepp a
conduit à la création des American Studies à l'université du Massachusetts.
Chaque interaction avec eux était une leçon de vie exceptionnelle en raison de
leur érudition. Reggie Workman est un autre mentor précieux, tout comme Jackie
McLean. La leçon la plus profonde que j'ai reçue vient de Woody Shaw. Nos
conversations ne portaient jamais directement sur la musique, mais sur la vie,
le yoga et le tai-chi, qui ont profondément influencé sa perception du monde.
Un souvenir marquant est notre séjour à Calcutta, dans les années 1980, où Woody
a commencé à recréer des harmoniques entendues en claquant une portière au
milieu de la rue. C'était incroyable! J'ai expérimenté la cocaïne au fil des
ans, et si je suis là aujourd'hui, c'est grâce aux conseils répétés de Billy
Higgins, Bobby Hutcherson, Art Blakey et Elvin. Ils me disaient inlassablement:
«Tu n'as pas besoin de ça». Bobby Hutcherson m'a même montré ses mains
gonflées, conséquence d'une courte période d'arrêt après une consommation de
drogues dures. Il a été très clair sur le fait qu'il ne voulait pas me voir
suivre le même chemin. Tous ces grands musiciens se sont préoccupés de mon
bien-être, une attention que j'essaie de transmettre aux jeunes musiciens.
Participer à un documentaire sur Kenny Kirkland m'a permis de ne pas éluder sa
consommation de substances, une partie de notre parcours d'apprentissage. Je le
regrette profondément, mais cela fait partie de notre réalité.
De g à d: Warren Smith, Louis Hayes, Ronnie Burrage,
Andrew Freeman Home, New York,
Hommage à Eli Fountain, 24 juillet 2022
© Photo X, Collection Ronnie Burrage by courtesy
Qu'en est-il de l'amour vache?
Personne ne va vous choyer lorsque vous jouez avec des
musiciens de haut niveau. C'est à vous de vous adapter et de communiquer de
manière intuitive ou musicale. Personne ne va vous tenir la main; personne ne
l'a fait pour moi. C'est ainsi, vous êtes censé être endurci, surtout en tant
que jeune musicien. C'est ce qui vous rend plus fort. Le jazz dépasse largement
les notes sur le papier, c'est une expérience de vie. C'est plus grand que
vous. L'idée est de fournir un tapis volant aux maîtres pour qu'ils puissent
s'exprimer, et en retour, ils feront de même pour vous. Vous vous trouvez dans
un endroit où la musique n'est plus simplement une pensée, mais une expression
partagée de plaisir. C'est difficile à décrire avec des mots. La lévitation se
produit lorsque tout le monde est en phase. Quelle que soit la difficulté,
c'est cela que l'on est censé rechercher. Sonny Fortune était de la vieille école; il ne tolérait
aucune médiocrité. Il n'avait pas le temps de ménager qui que ce soit. Chaque
concert avec lui était intense, avec une transpiration abondante et des éclats
de rire. C'était toujours un moment mémorable. Il ne faisait que donner son
maximum. A la fin, on se sentait comblé sur le plan émotionnel et spirituel.
Nous avons réalisé des concerts extraordinaires, interprétant des morceaux
comme «Sunshower» de Kenny Barron et «Igbob's Shuffle» de Larry Willis, ainsi
que des compositions originales de Sonny, dont le superbe «Waynish». Michael
Cochrane (p) a également contribué par d'excellentes compositions.
Etiez-vous proche de Clifford Jordan?
J'ai partagé la scène avec lui à de nombreuses
reprises, et j'ai beaucoup appris à ses côtés. Lorsque nous sommes allés au
Japon pour enregistrer deux albums, celui-ci et un autre consacré à Mingus,
Clifford a refusé au départ, conscient qu'il avait été tenu à l'écart du Japon
pendant deux décennies. Il a exigé une compensation financière pour nous deux,
ce que les organisateurs ont accepté. On ne devrait pas accepter le mépris des
autres.
Avez-vous joué avec d'autres batteurs?
J'ai eu l'occasion de participer à plusieurs concerts avec
Rashied Ali et Kenwood
Dennard aux côtés de Jaco. J'apprécie
énormément ce genre de performances où la musique est totalement libre. Avec
des batteurs tels que Rashied Ali comme avec Woody, l'ego est mis de côté. J'ai
également eu l'occasion de jouer avec un batteur polonais dans les années 1980-1990, dont le nom m'échappe; Sonny a peut-être également
participé à ce concert. C'est une expérience que j'aimerais vivre à nouveau.
Quels sont les clubs où vous avez le plus joué avec vos
groupes au fil des ans?
Mes principaux lieux de
prédilection à New York étaient Seventh Avenue South, 55 Grant, SOB's, Jazz Forum et
Mikell's. Bradley's était également un endroit incontournable, ouvert toute la
nuit et fréquenté par tous. A
Washington, le DC Space et Blues Alley étaient des lieux que j'appréciais
particulièrement.
Ronnie Burrage, Sunside, Paris, 13 janvier 2023 © Jérôme Partage
Comment votre premier disque, Shuttle (1993), a-t-il vu le jour?
Shuttle marque mes
débuts en tant que leader unique d'enregistrement. La plupart des compositions sont de
ma main, et d'autres ont été écrites pour moi par Frank Lacy et Joe Ford.
C'était un projet qui me tenait à cœur. J'ai réuni les musiciens de mon choix,
avec l'intention initiale d'inclure Kenny Kirkland, mais en raison d'un contrat
lucratif, il a été remplacé au pied levé par Cyrus Chestnut.
Ce disque a une dimension historique car il a révélé le talent de Cyrus au
synthé et aux claviers, notamment sur le solo exceptionnel du thème «Shuttle».
Les autres artistes remarquables de l'album sont Charnett Moffett
et Doc Gibbs
(perc, 1948-2021).
Comment s'est passé le gig avec le Mingus Big Band?
Mon lien avec le Mingus Big Band a des racines profondes,
remontant à ma collaboration avec Richard Davis
en tant que remplaçant de Freddie Waits. J'ai également remplacé Dannie
Richmond pour son groupe avec George Adams
et Don Pullen et, par la suite, le Mingus Big Band.
Lorsque Dannie est décédé en tournée, Sue Mingus
m'a appelé pour terminer la tournée, ce qui a constitué une expérience unique.
De 1988 à 1992, j'ai fait partie du big band, avec des retours ponctuels par la
suite. J'ai également rejoint Mingus Epitaph Band et Mingus Dynasty.
Avant de rejoindre le
big band, étiez-vous un fan de la musique de Charles Mingus?
La musique de Mingus est ma préférée! Ses compositions ont
résonné en moi dès l'âge de 7 ou 8 ans. Des artistes comme Yusef Lateef,
Charles Mingus,
Wayne Shorter, Coltrane, Dolphy,
et Andrew Hill
ont profondément influencé ma perception musicale. Dannie a observé ma passion
pour cette musique dès mes premières performances, notamment lorsque Bluiett
faisait partie du groupe. J'ai énormément appris de Jaki Byard,
une figure clé chez Mingus. Récemment, nous avons travaillé sur un projet avec Craig Harris,
exclusivement dédié à l'univers musical de Mingus.
Vous jouez de différents instruments (p, dm, perc)…
Cela est né de la nécessité.
Quel est votre état d'esprit aujourd'hui?
A ce stade de ma vie, mon unique désir est d'écrire de la
musique et de partir en tournée avec mon groupe. Ecrire des musiques de film
serait également un rêve. Mon ambition principale est de partager ma musique à
travers le monde, en mettant particulièrement l'accent sur les communautés
locales.
Quel genre de compositeur êtes-vous?
Je m'implique dans la composition au quotidien et me
considère comme un compositeur aventureux. Mes créations s'inspirent de mes
expériences personnelles, explorant l'histoire et l'héritage des autochtones
américains et des Afro-Américains. Ma musique puise également dans des thèmes
spirituels influencés par les enjeux mondiaux.
Quels sont les membres de votre groupe qui sont restés le
plus longtemps avec vous?
Au fil des années, j'ai eu le privilège de collaborer avec
des musiciens exceptionnels. Certains d'entre eux, comme Kenny Kirkland dans
mon premier groupe, le Ronnie Burrage Ensemble, ont partagé ma musique pendant dix ans. D'autres, tels que Joe Ford, jouent avec moi depuis la fin des années
1970, témoignant de la longévité et de la stabilité de notre collaboration.
J'aime également intégrer de nouveaux talents à mon groupe, offrant des
opportunités aux jeunes musiciens.
Darryl Hall (b), Ronnie Burrage (dm,kb,voc), Chico Freeman (ts), Michał Wierba (p), Sunside, Paris, 13 janvier 2023 © Jérôme Partage
Cela a
commencé en 2015 pour réunir des musiciens du monde entier et aller dans des
endroits où il y a des gens mal desservis, établir un partenariat avec des
entreprises de construction, et construire nos propres espaces dans le monde
entier dédiés aux artistes. C'était une idée grandiose, je l'ai mise en
veilleuse. Lorsque j'ai rencontré Chanda, mon épouse, elle revenait d'Afrique
où elle faisait des recherches sur les vaches d'Éthiopie. Elle était passionnée
par ce sujet. Nous avons commencé à faire des recherches. Nous avons créé une
association à but non lucratif. Aujourd'hui, elle est géographe. Nous associons
la science et la musique. Nous organisons un festival au moins une fois par an.
Nous faisons des actions pour les jeunes. Je recherche des subventions pour
financer tout ça. C'est une lourde tâche que de les trouver et de monter les
dossiers. J’ai tout autoproduit pendant des années. Nous essayons de trouver
des donateurs pour ce merveilleux programme.
RONNIE BURRAGE & JAZZ HOT: *
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DISCOGRAPHIE
2004. Ronnie Burrage, In It, MimikAlana Records
Leader/coleader CD 1985. Third Kind of Blue, Minor Music 8006 (avec John Purcell et Kenny Davis)LP 1988. Mulgrew Miller/Lonnie Plaxico/Ronnie Burrage, Out of This World, JA Records 1268 CD 1990. Clifford Jordan/Richard Davis/James Williams/Ronnie Burrage, Four Play, DIW 836 CD 1992. Jean-Paul Bourelly/Harry Sokal/Lonnie Plaxico/Ronnie Burrage, Mag Five, PAO Records 10090
CD 1993. Ronnie Burrage, Shuttle, Sound Hills 8052 CD 2004. Ronnie Burrage, In It, MimikAlana Records 001 CD 2009. Ronnie Burrage, Em Village, MiMikAlana Records
CD 2010. Ronnie Burrage, Bluenoise, RB Music 002
CD 2011. Ronnie Burrage, Spirit Guides: Truth & Love Music, MiMikAlana Records CD 2012. Ronnie Burrage, Just Natural, West Wind 2129 CD 2013. Band Burrage, Heal, MiMikAlana Records CD 2015. RCM Trio (Ronnie Burrage/Christian Torkewitz/Markus Schieferdecker), Hey Presto, RoBurrage Music Productions CD 2019. Ronnie Burrage & Holographic Principle, Dance of the Great Spirit, Truth Revolution Recording Collective 046
Sideman LP 1979. Teruo Nakamura and the Rising Sun Band at Carnegie Hall, Agharta C25R0026 (=CD Cheetah PCCY-30155) LP/CD 1980. Defunkt, Hannibal 1301 LP 1981. Chico Freeman, Destiny's Dance, Contemporary 14008 (=CD Original Jazz Classics 799-2) LP 1981. Collectif, The New York-Montreux Connection, Columbia FC 37652
(1 titre avec McCoy Tyner Quintet feat. Ronnie Burrage) LP 1982. Collectif, The Young Lions, Elektra Musician 60196-1 LP 1982. Robin Eubanks, Guitarist, Elektra Musician 60213-1 (=CD Discovery Records 71006) CD 1984. Hamiet Bluiett, The Clarinet Family, Black Saint 0097 CD 1986. Ronnie Cuber Quartet, Live at the Blue Note, Projazz 629 CD 1986. David Friesen, Shades of Change, Enja 5017 CD 1986. Vivian Lord, Route 66, CBS/Sony 28AP-3318 CD 1986. Jack Walrath, Master of Suspense, Blue Note 46905 CD 1987. Ray Anderson, It Just so Happens, Enja 5037 CD 1987. Zusaan Kali Fasteau, Prophecy, Flying Note 9003 CD 1988. Barbara Dennerlein, Straight Ahead, Enja 5077 CD 1988. Julius Hemphill Big Band, Elektra Musician 68031-2 CD 1988. Lew Soloff, The City: Eight Compositions, Enja 6002 CD 1988. Avery Sharpe, Unspoken Words, Sunnyside 1029 CD 1988. Jack Walrath, Neohippus, Blue Note 1.91101 CD 1989. Vincent Chancey, Welcome Mr. Chancey, In & Out 7020-2 CD 1989. Santi Debriano, Soldiers of Fortune, Freelance 012 CD 1989. Joe Locke Quintet, Present Tense, SteepleChase 1257 CD 1989. Lew Soloff, Decoding the Message, Enja 6036 CD 1989-93. Klaus Dickbauer, Solo Works '89-93, PAO 1004
CD 1990. Stanley Cowell Trio, Close to You Alone, DIW 603 CD 1990. Richard Davis & Friends, Dealin': Live at Sweet Basil, Sweet Basil 660.55.011 CD 1990. Joe Locke Quintet, Longing, SteepleChase 31281 CD 1990. Dave Stryker Quintet, Strike Zone, SteepleChase 31277 CD 1990. Jack Walrath and the Masters of Suspence, Out of the Tradition, Muse 5403 CD 1990. Jack Walrath and the Masters of Suspence, Gut Feelings, Muse 5422 CD 1990. James Williams, I Remember Clifford, DIW 601 CD 1991. Blue Brass Connection, Cool Affairs, Amadeo 513277-2 CD 1991. McCoy Tyner/Sir Roland Hanna, Double Exposure, Lester Recording Catalog 9040
(6 titres avec Sir Roland Hanna Quartet feat. Ronnie Burrage) CD 1991. Robin Kenyatta feat. Ronnie Burrage, Ghost Stories, ITM Pacific 970060 CD 1991. Günther Klatt & New York Razzmatazz, Fa mozzo, Tutu 888158 CD 1991. Nicolas Simion, Black Sea, Tutu 888134-2 CD 1991. Monty Waters' Hot House, Live in Paris, Volume 0ne, Tutu 888140-2 CD 1992. Eddie Gomez, Live in Moscow, B&W 038 CD 1992. Mingus Epitaph Rhythm Section, Out of the Blue(s). The Session, GM 33025 CD 1992. Eric Person, Arrival, Soul Note 121237-2 CD 1992. Avery Sharpe, Extended Family, JKNM Records AS89891 CD 1992. World Saxophone Quartet with Fontella Bass, Breath of Life, Elektra Nonesuch 9-79309-2 CD 1993. Sir Roland Hanna Quartet, Plays Gershwin, LRC 9073 CD 1993. Adrian Mears & Johannes Enders Quintet, Discoveries, Enja 8022
CD 1994. Sonny Fortune, Four in One, Blue Note 828243-2 CD 1994. Sonny Fortune, A Better Understanding, Blue Note 832799-2
CD 1994. Avery Sharpe, Extended Family II: Thoughts of My Ancestors, JKNM Records AS89892
CD 1995. Hamiet Bluiett, Bluiett's Barbecue Band, Mapleshade 04032 CD 1995. Courtney Pine, Modern Day Jazz Stories, Antilles 529028 CD 1995. Jarek Smietana, You Never Know, Power Bros 00149 CD 1996. The Eleventh Hour Band, Snake Dancing, Tutu 888188-2 CD 1996. World Saxophone Quartet, Takin' It 2 the Next Level, Justin Time 93-2 CD 1997. Billy Bang, Bang On!, Justin Time 105-2 CD 1997. Hamiet Bluiett, Libation for the Baritone Saxophone Nation, Justin Time 8470-2 CD 1997. Bluiett Baritone Saxophone Group, Live at the Knitting Factory, Knitting Factory Records 217 CD 1997. John Hicks, Trio plus Strings, Mapleshade 05532 CD 1997. Luther Thomas Trio, Saxcrobatic Fanatic, CIMP 145 CD 1998. Kaleef Ali & The Creative Arts Ensemble, Let Love Begin, Creative Arts Records CD 1998. World Saxophone Quartet feat. Jack DeJohnette, Selim Sivad: Tribute to Miles Davis With African Drums, Justin Time 119-2 CD 1999. Sonny Fortune, In the Spirit of John Coltrane, Shanachie 5063 CD 2000. Mac Gollehon, In the Spirit of Fats Navarro, Half Note 4206 CD 2000. Luther Thomas, Realities, CIMP 214 CD 2000. Tevin Thomas, Sudden Treasures, Arrow Sounds 1 CD 2002-07. Archie Shepp, Gemini, Archie Ball 0701 (5 titres de 2002 avec Ronnie Burrage)
CD 2004. Mike Boone, Yeah, I Said It…!, Dreamboxmedia 1086 CD 2005. Carl Grubbs, Brother Soul, CIMP 339 CD 2008. Eli Byrne, Bootleg Byrne, Byrne Works CD 2013. Dale Barlow, Timeline Observastory: The Dale Barlow Sessions, MiMikAlana Records CD 2019. Ahmed Abdullah, Diaspora Meets Afro Horn, Amedian 2019 CD 2019. Avery Sharpe, 400: An African American Musical Portrait, JKNM Records AS898913 CD 2020. Clifton Anderson, Been Down This Road Before, Ropeadope
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VIDEOGRAPHIE
Archie Shepp (ts), Ronnie Burrage (dm), 32e Jazzwoche, Wackerhalle, Burghausen (Allemagne), 4 mai 2001, image extraite de YouTube
Chaînes YouTube et Soundcloud de Ronnie Burrage https://www.youtube.com/@roburrage/videos https://www.youtube.com/channel/UCYlYL3IYNRlLxRSIAx0QPxA https://www.youtube.com/channel/UCvXA1HjgSbIW3RnOA46P8HA https://www.youtube.com/channel/UCL0A4ZG3dqSl2sHoE_xYnUA https://soundcloud.com/ronnie-burrage
1981. Ronnie Burrage, The New York Montreux Connection: McCoy Tyner (p), Arthur Blythe/Paquito D'Riviera (as), Chico Freeman (ts), Joe Ford (ss,as,fl), John Blake (vln), Avery Sharpe (b), 18 juillet https://www.youtube.com/watch?v=xUpllpD6ClE
1990. Ronnie Burrage, Wayne Shorter (ts,ss), Larry Coryell (g), Jim Beard (kb), Jeff Andrews (b), Live at Copenhagen Jazz Festival, Jazzhus Montmartre, Denmark, 10 juillet https://www.youtube.com/watch?v=CT59Qq7df3E
1990. Ronnie Burrage, Wayne Shorter (ts,ss), Larry Coryell (g), Jim Beard (kb), Jeff Andrews (b), Festival de Montreux, Suisse, 20 juillet https://www.youtube.com/watch?v=qNtNR1IYHf0 https://archive.org/details/wayne-shorter-larry-coryell-montreux-jazz-festival-1990
1997. Ronnie Burrage, Carlos Ward (as,fl), Michael Cain (p), Essiet O. Essiet (b), Live au Subway, Cologne, Allemagne https://www.youtube.com/watch?v=iM48ZdbB8IM
DNC. Ronnie Burrage, Stanley Cowell (p), Matthew Parrish (b), concert à Rutgers University, vers 2000 https://www.youtube.com/watch?v=De7D8unE2Pk
2001. Ronnie Burrage, Archie Shepp (ts,p,voc), Amina Claudine Myers (p), Wayne Dockery (b), 32e Jazzwoche, Wackerhalle, Burghausen, Allemagne, BR-alpha, 4 mai https://www.youtube.com/watch?v=Nf5KKSVSQUU https://archive.org/details/jazzwoche-burghausen/Jazzwoche+Burghausen+2001%EF%BC%9AArchie+Shepp+Quartet.mp4
2016. Ronnie Burrage, Archie Shepp (ts,ss), Benito Gonzalez (p), Nimrod Speaks (b), Haybarn Theatre/Goddard College, Plainfield, VT, Orca Media, 30 janvier https://www.youtube.com/watch?v=E1ynLNfOxcU
2022. Ronnie Burrage, Alain Bradette (ts), Alex Collins (p), Nimrod Speaks (b), Live at Smalls Jazz Club, New York, NY- 20 avril https://www.youtube.com/watch?v=bbPBrmRa78Y
2022. Ronnie Burrage (dm,perc,voc,kb) & Holographic Principle, Alex Collins (p,kb), Kendrick Smith (as,fl,bcl), Nimrod Speaks (b), Baby Grand Jazz Series, Hartford Public Library, CT, 24 avril https://www.youtube.com/watch?v=4aQxp5rE9UY
2023. Ronnie Burrage, Greg Osby (s), Alex Collins (p), Nimrod Speaks (b), Live at Clement’s Place/Rutgers University, Newark, NJ, 10 février https://www.youtube.com/watch?v=1N1nMymSxso https://www.youtube.com/watch?v=6UTgJHk3alg (démarre à 19.40)
2023. Ronnie Burrage, Alex Collins (p), Kim Clark (b), Live at Jazz Museum in Harlem, JFA Live from Harlem, 6 avril https://www.youtube.com/watch?v=AieVkBWYvrU https://jazzfoundation.org/events/live-from-harlem-the-jazz-foundation-presents-ronnie-burrage-trio
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