Pléneuf-Val-André est une charmante station de 4000 habitants du bord de mer des Côtes-d’Armor, créée à la fin du XIXe siècle, et qui tire ses atours autant de son passé touristique, avec ses constructions élégantes début de siècle (le XXe) en pierres couleur émeraude que de son passé plus lointain terrien (Pléneuf) ou maritime quand les pêcheurs locaux, partant de Dahouët, le petit port au sud de la commune de Pléneuf-Val-André, allaient jusqu’en Islande pour gagner leur rude vie. L’activité touristique liée à la mer a aujourd’hui pris le pas, mais le tourisme est encore maîtrisé préservant une douceur de vivre, avec un bord de mer très agréable, harmonieux et une atmosphère très familiale. C’est aussi le lieu du festival Jazz à l’Amirauté qui, depuis plus de 20 ans (22e édition), enrichit le cadre par sa programmation dans la tradition d’un jazz qui swingue, et propose les mardis de juillet et août, des concerts gratuits, dans le beau parc de l’Amirauté légué par l’Amiral Charner, qui réunissent une moyenne de 1500 spectateurs tout aussi fidèles que ravis de pouvoir côtoyer les artistes de jazz, sans aucune barrière et en toute simplicité. Nous avons rencontré l’actuel président de l’association organisatrice, Jazz à l'Amirauté, M. Elie Guilmoto, pour nous présenter cet événement aussi original par son calendrier hebdomadaire que par sa formule entièrement gratuite.
Programmation complète: www.jazzalamiraute.fr
"L’association a démarré en 1995 et le premier concert a eu lieu en 1996, à l’initiative de l’adjoint de la culture de la mairie qui recherchait une animation pour la station. Yvette Bois, une férue de jazz, la première présidente de l’association Jazz à l’Amirauté, a proposé au départ trois à quatre concerts dans l’été. L’association cherchait à voir si le jazz correspondait aux attentes, et le public a répondu très rapidement à l’offre. On a décidé de faire huit concerts, et il a fallu alors faire un budget. Jusqu’en 2001, ça a grandi doucement, et en 2001, la présidente, fatiguée, a voulu démissionner. A l’époque, j’étais directeur du Crédit Agricole local, et j’ai compris que s’il n’y avait plus d’animation, ça créerait un problème au niveau commercial. Je suis allé voir Yvette Bois, et je lui ai dit : «Surtout n’abandonnez pas, je suis prêt à vous donner un coup de main, le jazz j’adore!» J’étais d’ailleurs spectateur depuis le démarrage. Je suis rentré en 2001 comme vice-président de l’association. Je faisais la prise de contact avec les groupes, Yvette choisissait les groupes. Fin 2006, Yvette souhaitait abandonner, et comme j’arrivais à l’âge de ma retraite, j’ai naturellement été sollicité pour prendre la direction. J’ai été d’autant plus intéressé que je suis amateur de jazz depuis l’âge de 14 ans. J’habitais tout près du presbytère, à 20 km d’ici, où un jeune vicaire, l’Abbé Haran, qui adorait le jazz, réunissait des jeunes tous les samedis après-midi pour leur faire écouter du jazz; et on en discutait sans fin. J’ai d’ailleurs beaucoup de disques de jazz, et j’ai un beau-frère, près de Besançon, qui en a environ 6000…
L’association «Jazz à l’Amirauté» est à l’origine une bande de copains, de marcheurs, d’où est sortie l’équipe pour l’organisation. Trois membres connaissaient bien le jazz, et le jazz correspondait bien à l’esprit familial de la station où venaient en vacances beaucoup de familles bourgeoises parisiennes. L’idée était de leur permettre de venir en famille, d’amener les enfants pour leur faire découvrir le jazz. Et la gratuité devait permettre aux familles non-initiées, quels que soient leurs moyens, de venir découvrir, en faisant aussi œuvre de pédagogie. Nous avons eu tout de suite le concours de la Mairie et nous avons pu disposer dès le premier jour de l’Amirauté. La Mairie nous apporte un soutien matériel: le lieu, le parc de l’Amirauté et la scène. Elle apporte également 50% du budget, ce qui est très important; il faut constater que le jazz est la principale animation en terme d’affluence de la station, un critère essentiel pour la Mairie. Le reste du financement est apporté par d’autres institutions (Conseil Général et Conseil régional) et par des sponsors privés (entreprises locales). Parmi les sponsors, nous avons la chance d’avoir le Centre Leclerc, qui est très à l’écoute et très volontaire. La biscuiterie de la Côte d’Emeraude est également très impliquée. Enfin le Spa Marin, de création récente, a remarqué l’impact du festival sur sa clientèle anglo-saxonne, et soutient aussi notre activité, y compris dans sa communication. Nous n’avons malheureusement pas encore le concours de la Sacem qui n’accepte pas l’idée qu’un festival puisse se dérouler sur huit dates étalées sur deux mois à un rythme hebdomadaire. C’est regrettable…
Enfin l’association, avec ses 400 adhérents environ, apporte 15% du budget. Ces adhésions avec des produits dérivés complètent le budget. Il y a 20% d’adhérents locaux et donc beaucoup d’adhérents extérieurs, de la région parisienne, de Bretagne en général, de la France entière et même des Anglais depuis quelques années. Parmi les adhérents, certains sont des connaisseurs, mais il y a aussi des néophytes et de simples visiteurs occasionnels de la station.
La formule a été très vite définie, en plein-air, gratuit, et on est passé de deux sets à un seul set pour éviter que le public s’en aille à la pause. La gratuité a été remise en question à quelques reprises, mais nous n’avons jamais cédé car un spectacle payant engendre une organisation complètement différente, une structure beaucoup plus lourde à gérer, et, financièrement, on ne serait pas forcément gagnants. Nous aurions des obligation de fermeture, de gardiennage, de contrôle, de sécurité Dans l’équipe d’organisation, nous sommes 28 bénévoles. Toutes les recettes vont à l’association, sans aucun frais. Le Conseil d’administration de l’association assure le secrétariat, les aspects financiers, l’administration (contrats, etc.). Je m’occupe de la négociation des contrats, les contrats sont élaborés par le secrétaire, le trésorier est chargé des paiements. L’association s’occupe de la mise en place pour le public, de la sécurité, des relations avec les services de sécurité, avec les médias, etc. Il n’y a pas de buvette sur place, et ce sont les commerçants locaux dans leurs établissements qui reçoivent les festivaliers. Les aspects techniques, le son et la lumière, tout est professionnel. Sur le plan artistique, nous avons privilégié le swing, le new orleans, quelques concerts de jazz manouche. Pour la programmation, qu’on essaie de boucler le plus tôt possible, je fais une pré-sélection large. Un groupe d’audition avec un spécialiste de jazz réduit la sélection. Enfin, je m’appuie depuis 12 ans sur le conseil du parrain du festival, Philippe Duchemin, pour valider les choix définitifs. Il peut arriver que Philippe suggère, sans obligation, tel ou tel groupe.
Nous accueillons en moyenne 1500 personnes par soirée, soit environ 15000 personnes sur une saison, soit huit concerts qui se déroulent de 21h à 23h les mardis en juillet et août. Le public est plutôt familial, d’âge moyen, mais on constate un rajeunissement… On essaie localement d’élargir auprès des plus jeunes. Nous venons de signer avec le Maire actuel, Jean-Yves Lebas, une convention pour les quatre prochaines années afin de préparer l’avenir, et depuis l’origine, les relations ont toujours été excellentes avec la ville.
Notre plus gros défi reste le renouvellement de l’équipe organisatrice, mais le rajeunissement est en cours avec des férus de jazz.”
Yves Sportis© Jazz Hot n°680, été 2017
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