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Cécile McLorin Salvant

2 avril 2013
Woman Child
Cécile McLorin Salvant © Jazz Hot n°663, printemps 2013
Nouveauté-Indispensable
St. Louis Gal, I Didn't Know What Time It Was, Nobody, Woman Child, Le Front caché sur tes genoux, Prelude/There's a Lull in My Life, You Bring Out the Savage in Me, Baby Have Pity on Me, John Henry, Jitterbug Waltz, What a Little Moonlight Can Do, Deep Dark Blue
Cécile McLorin Salvant (voc), Aaron Diehl (p), James Chirillo (g, bjo), Rodney Whitaker (b), Herlin Riley (dm)
Enregistré du 15 au 17 août 2012, Avatar Studios, New York, NY
Durée : 59’ 52”
Mack Avenue 1072 (Universal)

Les lecteurs de Jazz Hot (n° 654) ont fait la connaissance de Cécile McLorin Salvant, une extraordinaire révélation du jazz vocal contemporain. Depuis cet article, l’artiste franco-américaine a fait son chemin aux Etats-Unis et en Europe, fruit bien entendu de son succès à la compétition très relevée du Monk Institute mais pas seulement, car sa voix est d’une telle authenticité expressive doublée d’une telle maîtrise que sa découverte dans tous les contextes américains, parfois en simple invitée, se termine par un article dithyrambique qui en oublie parfois qu’elle n’était là que par le hasard d’une invitation sur scène… ou par la nécessité artistique qui heureusement s’impose quand elle a cette puissance et cette profondeur. Wynton Marsalis et le Jazz at Lincoln Center ne tarissent pas d’éloges comme la presse de la Côte Ouest à la Côte Est (New York Times…). Et voilà le second disque (cf. Jazz Hot n°655 pour le premier), qui inaugure sa nouvelle carrière américaine au sein d’une formation de haute volée réussissant la performance de conjuguer tradition et actualité du son, du traitement des thèmes, sans maniérisme. La présence d’Herlin Riley et de Rodney Whitaker (« John Henry ») est une formidable assise sur laquelle le registre d’un grand classicisme de James Chirillo (« St. Louis Gal ») qui a côtoyé Benny Carter, Benny Goodman, Kenny Davern, Marcus Roberts…, et les harmonies originales d’Aaron Diehl (« Woman Child ») qui a joué avec Wynton Marsalis (et enseigne aussi à Jazz at Lincoln Center), ajoutent de belles atmosphères sans âge, portées par la voix virtuose sans ostentation, sans trucage, de Cécile McLorin Salvant, où la maturité artistique (miraculeuse à cet âge) se conjugue à la conviction culturelle intuitive et à l’impulsion juvénile d’une chanteuse qui entame à peine sa vingtaine d’années. Elle possède déjà ce qui est le plus rare : une personnalité artistique aboutie.
L’ouverture en duo avec James Chirillo confirme l’accent blues naturel et les novations sont aussi présentes dans « John Henry » que dans les thèmes au traitement harmonique plus contemporain. Les traitements originaux des standards anciens (« Jitterbug Waltz », « What a Little Moonlight Can Do ») n’oublient jamais la mélodie que rappelle la voix de la jeune Diva du jazz. Herlin Riley est un grand percussionniste (« You Bring Out the Savage in Me », « Baby Have Pity on Me »…) ; James Chririllo enrichit avec un goût parfait les mélodies (« St. Louis Gal » , « Baby Have Pity on Me »…) ; le beau son de Rodney Whitaker conforte l’ensemble et l’écoute d’Aaron Diehl témoigne de sa capacité d’adaptation aux grands écarts où excelle une chanteuse qui impose sans complexe, en musicienne accomplie, sa vision artistique d’un jazz sans âge et son authenticité. Curiosité en rupture avec le reste du disque, « Le Front caché sur tes genoux » est chanté en français, avec un parfait accent et pour cause, c’est sa deuxième première langue. L’univers, le ton, y est aussi très français, plus léger.
Si l’entourage actuel est de grande qualité, dans la nébuleuse où œuvre le Lincoln Center, il reste que l’époque n’est plus celle des grands producteurs connaisseurs du jazz, et il faudra à la jeune artiste user de sa force de conviction artistique, comme de sa grande intelligence pour continuer de bonifier avec le temps ce qu’elle a d’essentiel au fond d’elle, déjà présent, et qui la rend si exceptionnelle.
Yves Sportis