Ryo KAWASAKI
Guitare éclectique
Le guitariste japonais Ryo
Kawasaki est décédé à 73 ans, dans sa
ville d'adoption, Tallinn, en Estonie, où il résidait depuis vingt ans. Personnage
atypique et complexe, aux choix artistiques passant notamment par le jazz fusion, mais aussi par des aventures marquantes aux côtés de Gil Evans ou Elvin Jones, ou d'autres chemins musicaux, il fut également un inventeur de premier plan, en mettant au point la
première guitare synthétiseur pour Korg et Roland, mais aussi en créant divers
logiciels de musique. Il aura ainsi établi des passerelles entre ses deux passions: la musique et la technologie.
Ryo Kawasaki est né en
1947 à Koenji, d'un père diplomate, Torao Kawasaki, qui était professeur
d'anglais et avait travaillé pour le ministère japonais des affaires étrangères
depuis 1919. Il avait ainsi vécu à San Francisco, Honolulu, Pékin et Shanghai
où il avait rencontré la mère de Ryo, Hiroko, elle-même traductrice et
parlant parfaitement l'anglais, le russe, l'allemand et le chinois.
C'est donc
dans cette famille à l'esprit ouvert sur le monde que le jeune Ryo va
s'épanouir, sa mère l'encourageant à prendre des cours de violon et de solfège
dès l'âge de 4 ans. Plus tard, l’adolescent, alors boursier, se passionne
pour l'électronique, l'astronomie, et va lui-même fabriquer toutes sortes
d'appareils dont des amplificateurs, des radios, des haut-parleurs et d’autres systèmes
audios, des téléviseurs et même des télescopes.
A l'âge de 14 ans, il s'achète une première guitare et découvre le jazz par le biais de l'album Midnight Blue de Kenny Burrell avec
Stanley Turrentine. Au lycée, il monte une formation jazz et joue dans les bars
tout en construisant un orgue électronique précurseur du synthétiseur. En
parallèle de sa passion pour la musique, il poursuit ses études de physique
quantique à l'université et en sort diplômé, ce qui lui permettra de travailler
comme ingénieur du son pour Victor Records et BMG/TBS Music. Son travail dans
le mixage et l'édition ne l'éloigne pas de sa carrière de musicien
puisqu'il enseigne dans l'école de jazz du fabricant d'instruments Yamaha. En
cette fin des années 1960, Ryo Kawasaki enregistre son premier album chez
Polydor (Easy Listening Jazz Guitar) et
fait déjà partie des meilleurs guitaristes de jazz de la scène japonaise. Il
devient ainsi un musicien de studio recherché pour sa polyvalence. Il joue en festival où il jamme avec B.B. King ou George Benson tout en travaillant
avec l'ensemble de la scène jazz du Soleil Levant. Il enregistre un second album
pour Toshiba Records en 1972 (Gut's the
Guitar).
Sa carrière prend une
nouvelle dimension lors de son séjour à New York en 1973 où, dès son arrivée à
l'aéroport, un ami lui trouve un concert au Lincoln Center, dans le cadre du
Newport Jazz Festival, auprès du chanteur Joe Lee Wilson. Il fréquente alors la
communauté jazz new-yorkaise et rencontre Gil Evans qui lui propose de
rejoindre son orchestre où s'illustrent d'excellents solistes tels que Lew
Soloff, David Sanborn, Tom Malone ou Howard Johnson. A l'époque, Gil Evans travaille
sur les compositions de Jimi Hendrix et compte enregistrer avec ce dernier. Or
il décède malheureusement une semaine avant d'entrer en studio (le 18 septembre
1970, à 27 ans) et le projet dans son ensemble voit le jour en
1974. Ryo Kawasaki a de ce fait l'occasion d'enregistrer en compagnie du Gil
Evans Orchestra There Come in Time
(RCA, 1975) avec entre autres Tony Williams. Ryo Kawasaki travaille d'ailleurs
avec le batteur sur une nouvelle formule du Lifetime, le groupe du batteur, auquel s’ajoutent Doug
Rauch (b) et Carlos Santana (eg).
A la même époque, Ryo
Kawasaki entame une autre étape importante dans sa carrière avec la formidable
collaboration qui le lie au batteur Chico Hamilton pour une tournée américaine
et divers projets de musiques de films. C’est une forme de continuité pour
celui qui marche sur les traces de Jim Hall, Gabor Szabo, Larry Coryell qui ont
illuminé les formations de Chico Hamilton. Son premier album américain, Juice (RCA) est gravé en 1976, dans
un climat de jazz fusion qui lui convient à merveille et qui est le
prolongement de ses rencontres avec l'organiste Tom Coster (Santana Band),
Steve Gadd, Al Foster ou du saxophoniste Sam Morrison. Ryo Kawasaki fait par
ailleurs partie de la rare incursion dans la fusion du pianiste Cedar Walton (Mobius, RCA, 1975).
Ryo retrouve un jazz
plus authentique auprès d'Elvin Jones pour une mémorable tournée mondiale
ponctuée par deux albums (Live in New
York 1974 & 1976, Hudson Records; The
Main Force, Vanguard, 1976). Dans cette formation, il poursuit son
apprentissage en côtoyant les saxophonistes Frank Foster, Pat LaBarbera,
Steve Grossamn, Bunky Green, George Coleman, Frank Wess, Dave Liebman, mais
aussi les pianistes Al Dailey, Kenny
Barron et les contrebassistes David
Williams et le vétéran Milt Hinton.
La particularité de Ryo Kawasaki est cette
faculté à s'immerger dans des univers musicaux allant de la
musique indienne à Dave Liebman, JoAnne Brackeen sans oublier une série d'albums enregistrés au Japon en
compagnie du pianiste Larry Willis et des saxophonistes Michael Brecker et Azar
Lawrence. Son jeu fluide et lyrique passe avec aisance d'un langage post bop mingusien avec Ted
Curson (I Heard Mingus, Interplay,
1980) à la fusion électrique d'un Larry Coryell. C'est à cette période qu'il
enregistre dans un club de Tokyo l'un des premiers albums entièrement
enregistré en numérique. Il mêle depuis l'aspect technologique à sa musique en
mettant au point sa guitare synthétiseur et forme le groupe de jazz-rock The
Golden Dragon.
Les années 1980 seront ainsi
celles du chercheur qui travaille sur les nombreuses possibilités de
l'ordinateur Commodore 64 et de sa puce audio. Il écrit désormais des
programmes informatiques et crée quatre logiciels de musique «Kawasaki Synthetizer»,
«Kawasaki Rhythm Rocker», «Kawasaki Magical Musicquill» et «Kawasaki MIDI
Workstation» distribués par Sight and Sound
Music. Les trois premiers programmes étaient destinés à l'école et à la
maison, et le dernier était destiné aux studios professionnels. Il a créé
par la suite un album entièrement synthétisé, Images (1986) et une bande originale, Pleasure Garden (1990), pour un film sur la préservation des forêts
tropicales humides menacées. Il s'intéresse aussi à la musique de danse
en créant son propre studio et le label Satellites Records où il s'immerge dans
la production de singles pour les boîtes de nuits new-yorkaises. Il ne
s'autorise qu'une parenthèse en collaborant avec le maître japonais du koto,
Kocho Katano. En outre, il produit deux émissions radio musicales japonaises
sur New York. Le jazz paraît alors loin pour le guitariste.
Il y revient cependant en 1991,
lorsqu'il signe avec le label jazz japonais One Voice en tant que musicien et
producteur. Entre un projet de guitare solo acoustique, Here There and Everywhere (1991), et une série d'albums avec la
chanteuse et guitariste brésilienne Camila Benson, on retiendra son superbe
disque acoustique My Reverie (1992), où
il revisite Bill Evans, Gershwin, Ravel et Debussy. L'album Cosmic Rhythm (1998) marque également ce
retour au jazz et s'articule autour de
la parolière britannique Clare Foster ainsi que des musiciens de jazz tels
Victor Jones (dm), Dave Kikoski (p, voir notre récente interview) ou Shunzo
Ohno (tp). A l'image de sa musique qui ne se fixe sur aucune esthétique,
Ryo Kawasaki décide de s'installer à Tallinn en Estonie au début des années
2000, et devient un musicien incontournable des festivals de jazz de Russie et
de la région baltique. Il multiplie ainsi les projets les plus divers comme
compositeur ou directeur musical du ballet jazz Still Point pour l'Opéra national d'Estonie en collaboration avec
le chorégraphe Russell Adamson. Parallèlement, il continue de publier des albums
personnels en guitare solo acoustique sur son label Satellites (où il réédite
aussi quelques-uns de ses anciens disques) et tourne avec son quartet, Level 8: un live est enregistré en 2017, il y est entouré de musiciens principalement estoniens,
créant ainsi une forme de transmission avec cette jeune génération estonienne dans une rencontre étonnante.
SITE INTERNET: http://www.ryokawasaki.com Le site personnel de Ryo Kawasaki semble avoir été fermé depuis son décès, ce qui serait regrettable. Nous le laissons dans le cas où il est simplement en réparation ou réactualisation.
SELECTION DISCOGRAPHIQUE
Leader LP 1969. Easy
Listening Jazz Guitar, Polydor Records
LP 1970. Guitar Workshop,
Union Records 2015–J (avec Kiyoshi Sugimoto, Yoshiaki Masuo, et Masayuki
Takayanagi)
LP 1972. Gut's
The Guitar, Toshiba Records
CD 1975. Prism, East Wind 9157
CD 1976. Juice, RCA 326
CD 1976. Eight Mile Road, East
Wind 9165
CD 1977. Ring Toss, Studio
Songs 10008
LP 1978. Nature's Revenge,
MPS 0068-191
CD 1978. Trinkets and
Things, Timeless 6371 (avec
JoAnne Brackeen)
CD 1979. Mirror of My
Mind, Satellites 0004
CD 1980. Live, Satellites 0007
CD 1980. Little Tree,
Satellites 0005
CD 1980. Sapporo, Studio
Songs 10015
CD 1981. Ryo, Featuring Concierto
de Aranjuez, Vivid Sound 4374
CD 1983. Lucky Lady, Ryka
Music 4375
CD 1986. Images, Ryka
Music 22
CD 1990. Pleasure Garden,
Love Records 2
CD 1991. Here There and
Everywhere, Satellites 1001
CD 1992. My Reverie, Sattelites 1005
CD 1993. Love Within the
Universe, Sattelites 1009
CD 1995-96. Sweet Life,
Sattelites 1017
CD 1998. Cosmic Rhythm, Satellites 1030
CD 2000. Reval, Satellites 0010
CD 2004. Agana, DIW 487 (avec Yoshio Chin Suzuki)
CD 2007. Tribute to Keith
Jarrett. Live in Concert, Studio Songs 10005 (avec Toivo Unt et Brian
Melvin)
CD 2007-12. Giant Steps.
Solo Guitar, Studio Songs 10095
CD
2009. Late Night Willie, Studio Songs 10004 (avec Yoshio Chin
Suzuki)
CD 2011. Live in Beirut
2011, Studio Songs 10021
CD 2012. Plays Solo Guitar: Spain, Studio Songs 10024
CD 2016. Level 8, Vivid Sound 4370
CD 2017. Jazz
Ballet «Still Point» & Coltrane Medley, Studio Songs
CD 2017. Level 8: Live
2017, Studio Songs 10099
Sideman CD 1970. Jiro Inagaki and
His Big Soul Media, Jazz & Rock Out, Columbia 54008
CD 1970. Takeshi Inomata
& Sound Ldt., Sounds of Sound Ldt., P-Vine 7284
LP 1970. Steve Marcus
& Count’s Rock Band, Something, Atlantic 27184
CD
1971. Jiro Inagaki and His Big Soul Media, Head Rock, Columbia 54113
CD 1971. Takashi
Miho & Jazz Eleven, MCA 015
CD 1971. M. Sato/J. Inagaki and His Big Soul Media, Bridge Over
Troubled Water, Columbia 54114
CD
1973. Ushio Sakai, Jam in Yokota, Elec Records 84582
CD 1974. The Gil Evans
Orchestra, Plays the Music of Jimi Hendrix, RCA Victor 889853084425
CD 1974-1976. Elvin Jones
Quintet/Quartet, Live in New York 1974 & 1976, Hudson Records 50092433
CD 1975. Joe Lee Wilson
& Bond Street, What Would It Be Without You, Survival 3024
CD 1975. Cedar Walton,
Mobius, Sony 307
CD 1975. The Gil Evans
Orchestra, There Come a Time, RCA 74321313922
CD 1976. The Gil Evans
Orchestra, Tokyo Concert, West Wind 2056
LP 1976. Tarika Blue, The
Blue Path, Chiaroscuro 141
CD 1976. Elvin Jones, The
Main Force, Vanguard 79372
CD 1976. Sam Morrison,
Dune, East Wind 9180
CD 1977. Elvin Jones, Time
Capsule, Vanguard 79389
CD 1977. Tarika Blue,
Chiaroscuro 45421
CD 1977. Joanne Brackeen,
Aft, Timeless 115
CD 1979. Clint Houston,
Inside the Plain of the Elliptic, Timeless 6404
CD 1979. Masahiko Sato,
All-in All-out, Open Sky 1978
CD 1980. Shigeharu Mukai,
Pleasure, Columbia 54098
CD 1980. Ted Curson, I
Heard Mingus, Absord Music Japan 170
LP 1980. Potter &
Tillman, New York to L.A.: Coasting, Poet Records 002
LP 1980. Hiroki Miyano,
Manhattan Skyline, Philips 27PJ-1
CD 1982. Gato Barbieri,
Gato, Third 33316
LP 1983. Teo Macero
Impressions of Charles Mingus, Palo Alto 8046
CD 1984. Teo Macero Conducts The London Philharmonic Orchestra featuring
The Lounge Lizards, Fusion, Teo Records 8
LP 1985. Teo Macero,
Acoustical Suspension, Doctor Jazz 40111
LP 1985. Charles Austin/Joe
Gallivan & The New Orchestra, Ailana, Hannibal Records 1314
CD 1995. Chip Shelton, A
Labor of Love, Rise Up Produtions 1000-6
CD
1996. Camilia Benson, Memories, One Voice 010
CD 1996. John Clark, I
Will, Postcards Records 1016
CD 1997. Camilia Benson,
Desafinado, Satellites 1028
CD 1998. Chip Shelton,
Three Flutes Up, Satellites 0009
CD 2000. Teo Macero, Impression of Miles Davis, Teo Records 0001
CD 2000. Chip Shelton, More What
Flutes 4... Live!, Satellites Records 0011
DVD
1979.
Jaki Byard, Anything for Jazz/ Elvin Jones, Different Drummer, Rhapsody Films 2869018
VIDEOS
c. 1979. Ryo Kawasaki, Elvin
Jones (dm) Quartet, Pat La Barbera (ss), David Williams (b), «Three Card Molly»
https://www.youtube.com/watch?v=pHulrp03qnk
1990’s. Ryo Kawasaki, Masayoshi
Yoneda (p), Yoshio Chin Suzuki (b), Cecil Monroe (dm), « Softly as in A
Morning Sunrise», Tokyo, Japon
https://www.youtube.com/watch?v=IE3rO-drICk
1999. Ryo Kawasaki Quartet,
Ray Naccari (kb), Tom MacKenzie (b), Victor Jones (dm), «You Don't Know What
Love Is», Birdland, New York
https://www.youtube.com/watch?v=ToAjVD9QV4w
2007. Ryo Kawasaki Art of
Trio, Toivo Unt (b), Brian Melvin (dm), 28 avril, «So Tender», «Prism», Jazzkaar Festival, at Kumu Auditorium, Tallinn, Estonie
https://www.youtube.com/watch?v=Iw7YafVBmQA
https://www.youtube.com/watch?v=NNXfk4qXQgc
2017. Ryo Kawasaki &
Level 8: Raun Juurikas (kb), Kaarel Liiv (eb), Eno Kollom (dm) + Lisa Kawasaki
(fl), Denise Fontoura (voc), 25 février, Ryo's 70th Birthday concert, Jazzkaar Festival, at Kumu Auditorium, Tallinn,
Estonie
https://www.youtube.com/watch?v=037zSpZPJiA&t=1134s
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