Larry Arthur Hammond
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Larry
Arthur Hammond, avait été «élu» Roi des Zulus (Zoulous) de New Orleans en 2007,
la première année possible après le désastre de l’ouragan Katrina, et la fête était
permise seulement pour les chanceux qui avaient pu réintégrer leurs pénates à
New Orleans. Les Zulus sont une fraternité dont l’existence officielle notariée
remonte à 1916, et par delà son exubérant et chatoyant défilé annuel avec
lancer de noix de coco du haut du char coloré animé par ses «dignitaires» aux
noms évocateurs
(Zulu King, Zulu Gros Bonnet, Zulu Sorcier, Zulu Ambassadeur, Zulu Maire, Zulu
Prince, Zulu Gouverneur, Zulu Gros Machin), symbolisant une parodie
irrévérencieuse du pouvoir, sont un fond de soutien social très actif
(nourriture, maladie, aide matérielle, obsèques) dans un pays où les
scientifiques et autres bien-pensants trouvent plus simple de mettre sur le dos
des fêtes populaires la propagation d’un virus, que de demander à leurs
gouvernants, bien payés comme ailleurs depuis toujours, de faire leur travail
en anticipant, ce qu’ils ne font jamais, sinon les catastrophes seraient gérées
et contenues. Et pour Katrina comme pour le corona, ceux qui paient le plus de
leurs vies sont les plus exposés par la malbouffe, le manque de soins,
d’informations, de précautions (isoler le premier contaminé à Washington par
exemple), de protection et autres conditions sanitaires déjà pré-dégradées, 70%
des décédés de la ville sont Afro-Américains qui se sont que 33% des résidents.
Pour revenir à la tradition des Zulus, elle a été portée haut et fort par Louis
Armstrong «élu Roi Zulu» en 1949, mais aussi vilipendée, pendant le Mouvement
des Droits Civiques, par la très sourcilleuse NAACP (née en 1909 comme les
premiers Zulus qui s’appelaient alors The
Tramps/Les Clochards) qui veille, à juste titre, au grain en matière de
respect des Afro-Américains à commencer par eux-mêmes; car ces trublions se peignaient
le visage en «noir»: ce qui dénote leur grand sens de l’humour et de farce face
aux racistes précisément. Mais aux beaux jours des nazillons et autre Ku Klux
Klan, chaque signe était utilisé par l’adversaire, et les autorités de la
ségrégation ne voyaient pas non plus ces délires subversifs, même pendant le
court laps de temps du carnaval, d’un bon œil: il fallait alors «parader» dans
les petites rues, en catimini de la police. Depuis deux mois, la dictature du
virus a pris le relais de la contrainte de liberté et il semble que la famille
et l’entourage ont dû batailler (trois semaines) pour faire l’enterrement de
cet ex-roi de carnaval, vénérable retraité des postes d’une générosité sans
borne, qui faute de la festive «second line» participative avec marching band, ont inventé le défilé
motorisé avec banderoles et klaxons passant devant le domicile du défunt, pour
soutenir la famille effondrée des circonstances du deuil, en cachette, à dix
présents, masqués, à dix pas règlementaires avec discours par téléphone et sans
musique live. Avant, l’incurie
faisait mal vivre les humbles, maintenant elle les empêche aussi de mourir entourés
de chaleur humaine pour les «protéger» d’eux-mêmes. En tout cas, New Orleans ne
s’en laisse pas compter et continue à inventer comment contourner l’interdit
injuste jusque dans la mort, même avec rien; c’est ça aussi sa «tradition».
Hélène Sportis
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