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Laure DONNAT

21 juin 2018
Afro Blue

Laure Donnat, Sunside (octobre 2016) © Patrick Martineau

Laure Donnat est née à Mende (Lozère), d’une mère franco-guinéenne. Cette origine se retrouve dans sa pratique sans frontières de la musique: jazz, quand elle reprend les standards avec son quartet sur son dernier album, Afro Blue (Jazz Hot n°681), quand elle rend hommage à Billie Holiday (Billie’s Blues avec Lilian Bencini, b) ou se produit en trio avec Roger Mennillo (p) et Ugo Lemarchand (ts); musique improvisée quand elle participe aux enregistrements de Raymond Boni ou René Botlang et par son appartenance à La Compagnie de l’Arbre de Mai (avec notamment Perrine Mansuy, p, et Rémi Charmasson, g); musiques du monde avec son groupe Rio Mandingue…

Après un passage par l’ONJ de Paolo Damiani (b), au début des années 2000 (où elle côtoie Médéric Collignon), elle débute une collaboration au long court avec Rémi Charmasson et le label AJMI. Laure Donnat poursuit depuis une carrière riche et variée, de chanteuse et de professeur de chant. Implantée dans le Sud-Est de la France, elle ne manque pas de projets: un disque de compositions et un spectacle mêlant musique et vidéo portant sur l’œuvre du peintre varois Jean-Pierre Giacobazzi (1941-2007), ou encore un nouvel album en duo avec Lilian Bencini, sans oublier de nombreux concerts…

Propos recueillis par Jérôme Partage
Photos Camille, Hugues Castan by courtesy of Laure Donnat, Patrick Martineau


© Jazz Hot n°684, été 2018


Laure Donnat et La Compagnie de l'Arbre de Mai (2014) © Camille, by courtesy of Laure Donnat

Jazz Hot: Comment avez-vous découvert la musique?

 

Laure Donnat: J’ai commencé par étudier le piano classique à partir de l’âge de 6 ans, pendant dix ans. Mais pas du tout le chant. C’est venu plus tard. A 16 ans, j’avais des copains qui avaient un groupe de rock et que j’allais souvent voir répéter. Un jour, ils m’ont proposé de devenir choriste. Ensemble, on a voulu suivre des études musicales, et je me suis retrouvée à L’Institut Musical de Formation Professionnelle (IMFP) de Salon-de-Provence, une école de jazz. C’est ainsi que je suis entrée en contact avec cet univers qui m’a beaucoup plu. Je me suis orientée ensuite vers la musique improvisée, et je suis entrée dans la classe de Rémi Charmasson à l’AJMI, à Avignon.

 

Quand avez-vous débuté votre carrière professionnelle?

 

En 2000, j’ai passé une audition pour intégrer l’Orchestre National de Jazz sous la direction de Paolo Damiani (b). A ma grande surprise, j’ai été sélectionnée, et j’ai participé à la vie de cet orchestre pendant un an. Ça a été une expérience troublante car je débarquais au milieu de jeunes jazzmen parisiens qui jouaient énormément et qui avaient déjà une certaine notoriété, comme Médéric Collignon, Manu Codjia, Christophe Marguet… Et ces musiciens qui travaillaient depuis des années se demandaient qui était cette fille qui venait de nulle part et qui se retrouvait au même niveau qu’eux. En outre, la direction de Paolo Damiani n’avait pas bonne presse auprès des festivals en France, et on a donc beaucoup joué mais en Europe. Au final, je garde un souvenir mitigé de cette expérience. Mais, au sortir de l’ONJ, j’ai commencé à être sollicitée pour des collaborations.

 

Lesquelles?

 

Il y a eu notamment Rémi Charmasson avec qui j’ai démarré une collaboration sur le long terme, que nous travaillons toujours ensemble aujourd’hui. Parallèlement, j’ai participé à plusieurs enregistrements pour l’AJMI Série, notamment avec Guillaume Séguron (b) ainsi que Rémi Charmasson et Eric Echampard (dm) sur Witches, une relecture des titres du groupe Police. Rémi et moi avons même monté une compagnie ensemble, La Compagnie de l’Arbre de Mai, avec laquelle nous avons enregistré en 2012 un disque en hommage à Jimi Hendrix, The Wind Cries Jimi (AJMI Series). Le projet avait été initié par Rémi et a réuni Perrine Mansuy, Bernard Santacruz (b) et Bruno Bertrand (dm). En outre, j’ai autoproduit deux albums avec mon quintet, sur des compositions.

 

Vous avez également enregistré un disque en hommage à Billie Holiday…

 

Oui, en 2010, avec mon compagnon Lilian Bencini. Nous avons décidé d’enregistrer en duo, à New York, en studio. Par la suite, nous avons collaboré avec Danièle Robert, la traductrice de l’autobiographie de Billie Holiday en France et également l’auteur d’un livre magnifique intitulé Les Chants de l’aube de Lady Day. Après avoir lu son livre, j’ai eu envie de l’inviter à donner des lectures pendant nos concerts. On s’est ainsi produit de nombreuses fois ensemble, notamment à Jazz à Vienne. Plus jeune, je n’étais pas particulièrement attirée par la voix de Billie Holiday. Je lui préférai Ella Fitzgerald. C’est quand j’ai compris ce qu’avait été son destin que je me suis rapprochée d’elle. La relecture très personnelle que nous avons faite de ses chansons, avec la lecture des textes, rend une ambiance qui reflète, je pense, celle de sa vie.

 

Parlez-nous de votre travail de composition…

 

Je me suis beaucoup cherchée dans ce domaine. Et sur mes deux disques, Le Temps d’agir et Straight Ahead, j’ai mêlé à mes propres compositions celles des musiciens qui m’accompagnaient, sur lesquelles j’ai posé des textes. Ça a donné un patchwork ni vraiment jazz, ni vraiment chanson… C’est justement lié au fait qu’à l’époque je ne m’étais pas encore vraiment trouvée. Aujourd’hui, je ne compose plus que pour le groupe Rio Mandingue qui mêle musique brésilienne et musique d’Afrique de l’Ouest d’où je suis originaire. Je trouve plus ma voie, en tant que compositrice, dans ce style-là.

 

Vous vous exprimez donc aujourd’hui à la fois dans le jazz et dans les musiques du monde?

 

Oui. Je ne veux pas que l’on me range dans une case. J’aime participer à des projets très différents, et toute musique ayant des racines fortes m’intéresse vocalement: j’aime chanter le tango, la bossa, le fado, le blues, le gospel… J’ai aussi monté un répertoire de chansons françaises au sein du Trio Mémoires, avec Christophe Lampidecchia (acc) et Lilian Bencini, notamment les chansons d’Yves Montand qui sont devenues des standards. Et là encore, c’est une relecture à notre façon.

Laure Donnat Quartet, Sunside (octobre 2016) © Patrick Martineau


Comment définissez-vous le jazz?

 

Le jazz, c’est pour moi la liberté! Une liberté qui transcende toutes les contraintes de formes et de styles. C’est aussi la mixité par essence, car son origine est née d’un métissage. Celle-ci permet au musicien d’être dans un processus créateur qui n’a pas de fin, aux antipodes de la musique classique. Le jazz est, selon moi, plus une philosophie, un mode de vie, qu’un style à proprement parler. Créer sans cesse de l’espace, c’est cela le jazz.

 

Quelles sont vos principales influences dans le jazz?

 

Mon premier modèle, dans la façon de concevoir la musique, c’est Thelonious Monk. Je l’ai beaucoup écouté et encore aujourd’hui avec la même fraîcheur. C’est un musicien intemporel. Et pour ce qui est des chanteuses, j’affectionne particulièrement Carmen McRae et Abbey Lincoln. J’aime ces voix qui viennent de loin, un peu rocailleuses… Par ailleurs, Abbey Lincoln composait, ce qui est plutôt rare parmi les chanteuses de jazz, et c’est quelque chose d’important pour moi. Sinon, s’agissant de chanteuses plus actuelles, j’aime Dianne Reeves et Cassandra Wilson.

 

Que pensez-vous du marketing pratiqué par les majors autour des chanteuses de jazz?

 

Ça n’apporte rien de positif pour le jazz que de promouvoir une musique aseptisée. Car le jazz c’est tout le contraire. C’est une musique de protestation que l’on joue avec ses tripes! Et ça peut créer de la confusion chez les jeunes artistes qui veulent se lancer et qui pourraient adopter de mauvais modèles.

 

Vous enseignez…

 

En fait, l’enseignement est venu à moi plus que je ne l’ai cherché. En 2001, Jean-Paul Ricard, le président de l’AJMI, m’a demandé d’animer des ateliers vocaux. Et j’ai continué à les diriger pendant quatorze ans. Puis, le Conservatoire du Grand Avignon m’a proposé un poste de professeur de chant jazz et musiques actuelles. Enfin, j’ai parallèlement été sollicitée par l’IMFP à Salon-de-Provence. J’adore enseigner. J’essaie avant tout de transmettre une discipline. Beaucoup de jeunes pensent qu’on peut devenir chanteur sans effort particulier, sans travail. Ils rêvent de devenir célèbres en passant dans une émission de télé-réalité… Je veux leur faire comprendre que ça ne peut pas être un objectif de vie, et que le chant est comme un art martial: on doit s’y adonner tous les jours. On doit écouter énormément de musique, se nourrir. Et si on n’a pas cette passion, il vaut mieux ne pas s’engager sur cette voie. 

 

Voyez-vous le public du jazz se renouveler?

 

Pas vraiment. Là où je me produits, le public est plutôt grisonnant. Malgré les initiatives pour rajeunir les auditoires, je ne suis pas très optimiste sur les années à venir. Les grands médias ne sont pas étrangers à cette situation.

 

Roger Mennillo et Laure Donnat (2018) © Hugues Castan, by courtesy of Laure Donnat



A l’automne 2016, vous avez participé, au Jazz-Club de Grenoble, au spectacle The Swing Ladies avec Kristin Marion et Denise King…

 

Je suis amie avec Kristin Marion et son mari Philippe Martel (p). Nous avions déjà joué avec Kristin et Denise pour un petit festival sur la Côte d’Azur (à Sainte-Maxime), et Kristin avait envie que nous partagions de nouveau la scène. J’en garde un très bon souvenir. C’est rare de trouver sur une même scène trois chanteuses de jazz qui chantent avec trois feelings différents et qui s’apprécient. Mais sinon, je ne participe pas régulièrement à ce type de concert!


L’été dernier, vous étiez au festival Jazz à Beaupré (Saint-Cannat) en trio avec Roger Mennillo (p) et Ugo Lemarchand (ts). Une suite est-elle prévue?

 

Avec ce trio nous marchons toujours sur la corde raide, car nous jouons beaucoup de compositions de Roger qui ont été pensées avec une rythmique! C’est un exercice assez périlleux, mais, en contrepartie, cela ouvre un espace de jeu différent, qui fait que l’on peut partir beaucoup plus loin. Je garde un superbe souvenir du duo saxophone/voix en introduction du thème de blues «Fine and Mellow». Un moment magique! Nous avons un album en projet: la difficulté est simplement d’accorder nos agendas!

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CONTACT:
www.lauredonnat.com


EN CONCERT: 21/6 à Rognes (13) Rio Mandingue; 15/07 Festival du Ranquet, Istres (13), Le Lotus Septet; 17/07 Junas (34), la Compagnie de l'Arbre de Mai projet "Open bal"; 19/07 Puyloubier (13), Roger Menillo Trio20/07 Perpignan (66), Rio Mandingue; 21/07 Trets (13), Rio Mandingue; 27/07 Beaucet (84), La compagnie de l'Arbre de Mai projet "Thé Windows cries Jimi"; 28/07 Eygalieres (13), Petit Bal de Luxe sous la direction de Louis Winsberg; 21/07 Mallemort (13), Rio Mandingue; 1/9 Viens (84), Chapelle Saint-Ferréol, Laure Donnat Quartet; 14/09 Puy-Sainte-Reyparade (13), Rio Mandingue; 27/10 Puyloubier (13), Rio Mandingue; Du 28 au 31/10 Roanne (42), les Fines Bouches; 7/12 Port-Saint-Louis-du-Rhône (13), Rio Mandingue.


DISCOGRAPHIE

Leader/Coleader
CD 2003. Le Temps d’agir, Autoproduction

CD 2007. Straight Ahead, Autoproduction

CD 2010. Billie’s Blues, Autoproduction (avec Lilian Bencini)

CD 2016. Afro Blue, Aneto Music 1604


Sidewoman

CD 2003. Guillaume Séguron Quartet, Witches, AJMI Series 06

CD 2003. Raymond Boni Fortuna 21 Octet, Terronès. Suite andalouse, Blue Marge 1007

CD 2003. Bernard Jean Quintet, On Both Sides, Maël Prod.

CD 2006. René Bottlang, Artlongo, AJMI Series 14

CD 2012. Rémi Charmasson Quintet, The Wind Cries Jimi, AJMI Series 23


 2003. Laure Donnat, Le Temps d’agir2007. Laure Donnat, Straight Ahead2010. Laure Donnat, Billie’s Blues2016. Afro Blue, Aneto Music

2003. Guillaume Séguron Quartet, Witches, AJMI Series  2003. Raymond Boni Fortuna 21 Octet, Terronès. Suite andalouse, Blue Marge  2006. René Bottlang, Artlongo, AJMI Series   2012. Rémi Charmasson Quintet, The Wind Cries Jimi, AJMI Series















VIDEOS

2009. Laure Donnat 5, Live à l’AJMI, Avignon (10 avril 2009)
Laure Donnat (voc), Rémi Dumoulin (ts), Jean-Luc Granier (eg), Lilian Bencini (b), Frédéric Pasqua (dm)
https://www.youtube.com/watch?v=4o95HSUtfH4


2012. Laure Donnat / Lilian Bencini, «What a Little Moonlight Can Do», Alliance française de San Salvador, Salvador (9 février 2012)
Laure Donnat (voc), Lilian Bencini (b)
https://www.youtube.com/watch?v=m5e5UyhHiW4


2016. Laure Donnat Quartet, «Round Midnight», Sunside, Paris (13 octobre 2016)
Laure Donnat (voc), Sébastien Germain (p), Lilian Bencini (b), Frédéric Pasqua (dm)
https://www.youtube.com/watch?v=bt44HUICcd4


2017. Laure Donnat Quartet, «Dat Dere», Altitude Jazz Festival, Briançon (27 janvier 2017)
Laure Donnat (voc), Sébastien Germain (p), Lilian Bencini (b), Jean-Luc Di Fraya (dm)
https://www.youtube.com/watch?v=RxOb1GsabSQ


2017. Roger Mennillo / Ugo Lemarchand / Laure Donnat, concert intégral, Jazz à Beaupré, Saint-Cannat (8 juillet 2017)
Roger Mennillo (p), Ugo Lemarchand (ts), Laure Donnat (voc)
https://www.youtube.com/watch?v=nB9udONlHtw

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