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Misha Mengelberg

3 mars 2017
5 juin 1935, Kiev, UK - 3 mars 2017, Amsterdam, NL
© Jazz Hot n°679, printemps 2017
1997, Misha Mengelberg, The Root of the Problem, Hatology



Misha (parfois écrit Misja) Menge
lberg, pianiste et compositeur, né le 5 Juin 1935 à Kiev, en Ukraine alors soviétique, nous a quittés le 3 mars 2017. Ses parents, hollandais, choisissent de retourner aux Pays-Bas en 1938. C'est une famille de musiciens classiques de haut niveau: sa mère est harpiste dans un orchestre classique, son père, Karel, et son oncle, Willem, sont chefs d’orchestre et compositeurs. 




Misha Mengelberg a d’abord voulu être architecte comme son grand-père. Mais le virus familial de la musique est vite devenu sa priorité. Il a étudié la théorie, le contrepoint, la composition au Conservatoire de La Haie, aux Pays-Bas, de 1958 à 1964. Il a commencé le piano à l’âge de 5 ans, mais il a dit ne pas aimer le piano qu’il le pratiquait très peu pendant ses études. Ce qui ne l’a pas empêché de devenir un pianiste émérite, influencé à ses débuts par Duke Ellington, Bud Powell et Thelonious Monk qu’il rencontra. Il continuait à dire qu’il n’était pas pianiste, que ce n’était que son «véhicule» pour jouer, parce qu’il était incapable de jouer d’un autre instrument (alors qu’il jouait aussi du violon). «C’est d’ailleurs pour ça que je suis très changeant dans mon jeu, disait-il, je peux jouer exotique, exubérant, fou ou minimaliste». Il ne manquait pas d’humour! Exemples: un duo avec son perroquet (Eeko), et des prestations sur scène en imperméable défraîchi, la cigarette au bec à la Prévert.

1966, The Misja Mengelberg Quartet, At the Newport Jazz Festival, Artone


En 1961, il fonde un quartet avec notamment le batteur Han Bennink auquel se joignait parfois Johnny Griffin. C’est à cette époque qu’il rencontre le mouvement Fluxus qu’il compare au mouvement Dada, et qui lui a servi d’inspiration pendant un temps.


1964, Eric dolphy, Last Date, Fontana


Il fut en rapport avec Eric Dolphy qu’il aida à faire venir en Europe, et à créer un groupe dont il fut le pianiste, participant à l’enregistrement du premier disque du saxophoniste, flûtiste (Last Date, 1964) sur ICP Records, le dernier disque d’Eric Dolphy qui devait mourir trois semaines plus tard.





C’est avec Han Bennink, Willem Breuker et d’autres qu’il fonda d’abord le ICP Orchestra (Instant Composers Pool Orchestra), une sorte de coopérative, avec laquelle ils ont rendu hommage à Herbie Nichols (1983), Thelonious Monk (1986) et Duke Ellington (1992). A la fin des années 70 le ICP Orchestra devenait parfois le ICP Tentet. ICP devint également un label de disque.

Il a eu également une intense production de compositeur marqué dès ses débuts par Stravinsky; il avait obtenu la Gaudeamus International Composers Award en 1961. Il s’intéressait également à la musique contemporaine, et on peut signaler sa rencontre avec John Cage à Darmstadt en 1958.

il a eu une grande période d’activité avec les musiciens d’avant-garde: Derek Bailey, Peter Brötzmann, Evan Parker, Anthony Braxton, Sunny Murray, Steve Lacy, Rosewell Rudd, John Tchicai, Don Cherry, Enrico Rava, Mario Schiano, Giancarlo Schiaffini.

Il participe à la grande formation d’Alexander Schlippenbach, le Berlin Contemporary Jazz Orchestra en 1989, et, dans les années 2000, il continue à tourner avec l’ICP Orchestra. A partir de 1982 il est professeur au conservatoire d’Amsterdam.

1999, Misha Mengelberg, Two Days in Chicago, Hatology


Il était un grand connaisseur de toutes les formes de musique, en particulier du jazz depuis ses origines, jusqu’à la musique dite «contemporaine», en passant par la classique bien sûr. Sa musique était truffée de trouvailles et de références qui n’excluaient pas les clichés. Son jeu de piano est assez particulier, ancré au début sur le boogie-woogie puis se développant du côté bop et surtout de l'univers de Monk, devenant de plus en plus «contemporain», dans une mosaïque assez cocasse et roborative. Il lui arrivait parfois d’émettre des sons vocaux, des grognements, de faire des grimaces. Un musicien totalement facétieux à la façon de son compère Han Bennink, mais un sacré musicien!

Atteint de la maladie d’Alzheimer, il s’était mis en retrait du métier, auprès de sa femme, à qui nous présentons nos plus sincères condoléances.

C’est une grande figure de la musique, une nature comme on dit, une personnalité originale qui nous a quittés.

Serge Baudot

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