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Orrin Evans lors d'un concert hommage à Sun Ra, octobre 2014 au Dizzy's © Lawrence Sumulong/Jazz At Lincoln Center by courtesy


Orrin EVANS


In Action

Au fil des années, le pianiste Orrin Evans s’est imposé sur la scène new-yorkaise dont il est devenu incontournable. Ses albums Flip The Script (2012), en trio, et Mother’s Touch (2014), en big band, poussent les limites de l’excellence d’un cran par des compositions brillantes, un sens du swing solide et un rapport sincère à la tradition du jazz.

Né en 1975 à Trenton, dans le New Jersey, Orrin Evans a grandi à Philadelphie. Il étudie à la Mason Gross School of the Arts, à Rutgers University, après être passé par le Girard Academic Music Program. Kenny Barron, Joanne Brackeen, Ralph Bowen ou encore Ted Dunbar comptent parmi ses professeurs. Il parfait son éducation musicale auprès de musiciens de la scène de Philadelphie comme Edgar Bateman, Trudy Pitts, Johnny Coles, Bobby Durham, Mickey Roker, pour en citer quelques-uns. Orrin Evans s’imprègne de toute la culture de Philadelphie.
En plus de son trio, il mène deux autres projets: Captain Black Big Band, qu’il a créé en 2011, et le trio Tarbaby depuis 2009, avec Eric Revis (b) et Nasheet Waits (dm), qui dévoilent son goût de l’exploration de toutes les facettes du jazz.

Fidèle à Philadelphie et en amitié, il rend hommage à Bobby Watson dans Faith in Action (2010), dont la rencontre fut décisive, et dédie son album Liberation Blues (2014) à Dwayne Burno, décédé en 2013.

Propos recueillis par Mathieu Perez
Discographie par Mathieu Perez et Guy Reynard

Photos de Lawrence Sumulong/JALC by courtesy, David Sinclair


© Jazz Hot n°673, automne 2015



Orrin Evans at Ronnie Scott's, 23 juin 2003 © David Sinclair


Jazz Hot: Comment avez-vous pris goût au jazz?

Orrin Evans: Ma mère était cantatrice et mon père dramaturge. J’ai donc grandi dans un milieu artistique. Mon père était un grand amateur de jazz. Nous devions tous prendre des cours de piano à la maison, et ça m’a plu. Mon frère et ma sœur sont devenus acteurs.

A quel moment avez-vous décidé de devenir un musicien professionnel?

A Philadelphie, je suis allé à une école qui s’appelle «Girard Academic Music Program». Je devais avoir 14 ans, et je ne pensais pas faire autre chose que jouer de la musique.

Y a-t-il un son propre à Philadelphie?

Il y a certainement un son de Philadelphie, mais chaque musicien façonne son propre son. On peut toujours entendre un peu Philly, surtout chez les pianistes. Il y a ce respect pour l’histoire de la musique. Quand j’ai grandi, il y avait des musiciens comme Shirley Scott, Trudy Pitts, Eddie Green. Etre proche d’eux vous faisait apprécier l’histoire. Le son de Philadelphie est plus un état d’esprit et un groove. Ce n’est rien de tangible. J’ai grandi à Philly à l’époque où Christian McBride, Joey de Francesco, Dwayne Burno, John Roberts, les frères Eubanks, etc., commençaient à émerger. Au départ, j’étais attiré par les musiciens de Philly. Puis, je suis parti vivre à New York à l’âge de 20 ans. Quand vous vous installez à New York, c’est un peu comme lorsqu’on arrive à la fac. Il faut un peu de temps avant de trouver sa place.

Les scènes de Philadelphie et New York sont-elles très différentes?

Ce sont deux scènes très différentes. Surtout depuis que New York et Philly ont perdu beaucoup de leurs vieux musiciens. Philadelphie était plus sécurisante que New York, ce qui n’est pas toujours positif car on n’obtient pas toujours la vérité. Je l’ai découverte une fois que j’ai quitté Philadelphie. (Rires) Les gens de Philadelphie sont très encourageants –j’y vis–, mais j’ai compris les choses importantes à New York. Ces scènes sont très différentes, mais elles sont chacune importantes.

Que retenez-vous de votre expérience à la Mason Gross School of the Arts à Rutgers University?

Je ne suis pas resté tout le cycle de quatre ans. Ma rencontre avec Ralph Bowen est l’une des meilleures choses qui me soient arrivées. C’était mon professeur de théorie. Il m’a ouvert les yeux et les oreilles à un aspect théorique de la musique que je ne connaissais pas vraiment. Pour mes leçons avec Kenny Barron, on se voyait,et on jouait ensemble avec deux pianos. J’y ai fait des rencontres qui dureront toute ma vie. En ce qui concerne mon éducation musicale, je l’ai reçue à New York. Mais j’apprends encore.

Qu’avez-vous appris de Kenny Barron?

J’ai appris la vie. On parlait beaucoup de swing. Il ne me disait pas comment swinguer mais m’indiquait quand je ne swinguais pas. (Rires) C’est ainsi que j’ai appris. Au début, je ne comprenais pas. Je pense toujours que le swing n’est pas tangible et ne peut être expliqué.

Votre apprentissage de la musique s’est fait en fréquentant les anciens…

Sans aucun doute! Je ne connaissais pas d’autre apprentissage de la musique! J’ai connu Edgar Bateman. J’ai joué avec lui. Il est sur un de mes disques. J’ai connu Arthur Harper qui a joué avec Wes Montgomery mais aussi Trudy Pitts, Johnny Coles. Beaucoup sont morts. Je voyais souvent ces musiciens. J’allais à leurs concerts, j’écoutais, j’échangeais avec eux. J’ai joué avec Bobby Durham, Mickey Roker. Ils sont toujours vivants. Le bon côté de Philly était qu’on pouvait jouer avec ces musiciens et apprendre à les connaître.

Qu’aimiez-vous chez eux?

Ils étaient bien dans leur peau. Ça fait défaut à la musique d’aujourd’hui. Tant de musiciens courent après quelque chose.

Comment s’est passée votre arrivée à New York en 1995?

Quand je suis arrivé à New York, j’ai vécu en colocation avec Dwayne Eubanks. Je traînais au Smalls, au Bradley’s et dans tous les clubs qui existaient à l’époque. On pouvait alors voir Cedar Walton ou Betty Carter dans la salle. Je traînais plus que je ne jouais. J’ai passé beaucoup de temps sans jouer. Un de mes premiers gigs importants a été avec Bobby Watson.

A quand remonte votre première rencontre?

A vrai dire, je ne m’en souviens plus! (Rires) Quelqu’un m’a recommandé auprès de lui pour sa tournée européenne en 1996. C’était peut-être Ralph Peterson ou Curtis Lundy. C’est Jaleel Shaw qui, le premier, m’a parlé de Bobby Watson. Alors, j’ai écouté sa musique et nous nous sommes rencontrés. C’était il y a presque vingt ans. Bobby est un excellent ami.

Est-ce pour cette raison que vous lui rendez hommage dans Faith in Action?

J’ai toujours aimé les compositions de Bobby mais pas toujours comment il les jouait. Donc cet album était un hommage et une façon de lui montrer ce qu’on pouvait faire avec ses mélodies. Je les ai faites différemment. Bobby a influencé tant de musiciens et a lancé tant de carrières, la mienne, celle de Christian McBride, de Roy Hargrove, comme Blakey avait fait pour la sienne. Beaucoup ne donnent pas en retour. J’ai fait cet album pour lui donner en retour.

Vous avez enregistré sept disques chez Criss Cross. Est-ce Gerry Teekens qui vous a appelé le premier?

J’ai appelé Gerry Teekens durant des années. John Swana et Tim Warfield étaient déjà dans le label, et ils faisaient campagne pour moi. (Rires) J’ai persisté, et je l’ai rappelé jusqu’à ce qu’il accepte enfin d’écouter ce que je faisais. C’est pour cette raison que John Swana et Tim Warfield jouent sur le premier album que j’ai enregistré pour Criss Cross, Justin Time.

La plupart de vos disques sont enregistrés en trio. Qu’aimez-vous dans cette formation?

Je déteste les trios! (Rires) Mais, sur le plan économique, ils sont plus simples à financer. Je ne déteste pas les trios… mais j’adorerais enregistrer avec un quintet.

Comment le Captain Black Big Band est-il né?

Je l’ai fait par ennui! (Rires) J’étais à Philadelphie. Je revenais du Portugal où j’avais dirigé un big band avec des étudiants. C’était très amusant. Alors j’ai commencé un big band à Philly. Au départ, c’étaient des étudiants. Et ça a pris de l’ampleur. Je voulais documenter cette aventure, et nous avons fait un enregistrement. C’est amusant, mais c’est beaucoup de travail!

Tous les mardis au Zinc Bar de New York, vous animez une jam session qui s’intitule «Evolution Jam Session». En quoi consiste-t-elle?

Ça a commencé en mars 2012. Ça se déroule de 23h à 3h du matin. Les temps ont changé. Beaucoup des vieux musiciens sont morts. Beaucoup de clubs ont disparu. Il y a aujourd’hui un tel écart entre les générations et les genres. Mon but était de combler ce fossé. Durant ces sessions, les musiciens peuvent venir jouer et fréquenter d’autres musiciens.

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Site:  www.orrinevansmusic.com

Discographie

Leader
CD 1994. The Trio, Black Entertainment (autoproduit)
CD 1996. Justin Time, Criss Cross 1125
CD 1997-98. Captain Black, Criss Cross 1154
CD 1998. Grown Folk Bizness, Criss Cross 1175
CD 1999. Listen to the Band, Criss Cross 1195
CD 2001. Blessed Ones, Criss Cross 1213
CD 2001. Deja Vu, Imani Records 42970
CD 2001-02. Meant to Shine, Palmetto 2087
CD 2003. Luvpark, Luvpark, Imani Records 50604
CD 2004. Easy Now, Criss Cross 1259
CD 2006. Live in Jackson, Mississippi, Imani Records
CD 2009. Faith in Action,
Posi-Tone 8058
CD 2009. Tarbaby, Tarbaby, Imani Records
CD 2010. Tarbaby, The End of Fear, 
Posi-Tone 8069
CD 2011. Captain Black Big Band,
Posi-Tone 8078
CD 2011. Freedom,
Posi-Tone 8083
CD 2011. Captain Black Big Band Mother's Touch,
Posi-Tone 8123
CD 2012. Flip the Script,
Posi-Tone 8100
CD 2013. Tarbaby, The Ballad of Sam Langford, Hipnotic Records 10010
CD 2013. …It Was Beauty, Criss Cross 1359
CD 2014. Orrin Evans’s Captain Black Big Band, Mother’s Touch, Posi-Tone Records 8123

CD 2014. The Liberation of the Blues, Smoke Sessions Records 1409
CD 2015. The Evolution of Oneself, Smoke Sessions Records 1507




























Sideman
CD 1997. Duane Eubanks, My Shining Hour,TCB Records 9920-2
CD 1998. Lenora Zenzalai Helm, Spirit Child, J Curve Records 1005
CD 1998. Bobby Watson, Quiet as Its Kept, Red Record 123284-2
CD 1998. Landham Brothers, Landham Brothers At Last, Straight Street Records
CD 1999. Duane Eubanks, Second Take, TCB 2060-2
CD 1999. Live At Ortlieb's Jazzhaus, Encounter 1044
CD 1999. Alison Crockett, That’s Where You Go, Alison Crockett
CD 1999. Common, Like Water For Chocolate, MCA 111 970
CD 2000. Russell Gunn, Blue on the D.L., HighNote 7087
CD 2000. Seed, Seed, Imani Records 8557
CD 2000. Will Calhoun, Live at the Blue Note, Half Note 4912
CD 2000-02. Lou Lanza, Opening Doors: A Jazz Tribute to the Doors, Cexton Records 0904 825346421629
CD 2001. Ralph Peterson, The Art of War, Criss Cross 1206
CD 2001. Ralph Peterson, Subliminal Seduction, Criss Cross 1225
CD 2001. J.D. Allen, Pharoah's Children, Criss Cross 1221
CD 2001. Bobby Watson, Live & Learn, Palmetto 2083
CD 2001. The Band, Live at Widener University, Imani Records 42738
CD 2001. Tomonao Hara, Pinocchio, Zoo’T Records 2001
CD 2002. Tomonao Hara, ToNYCally, Zoo’T Records 2005
CD 2002. Ralph Peterson, Test of Time, Criss Cross 1240
CD 2003. Midnight Music, Half Note 4500
CD 2003. Sean Jones, Eternal Journey, Mack Avenue 1016
CD 2004. Ralph Bowen, Keep the Change, Criss Cross 1243
CD 2004. Mingus Big Band, I Am Three, Universal 983114
CD 2005. Will Calhoun, Native Lands,  Half Note 924524
CD 2005. Sean Jones, Gemini, Mack Avenue 1023
CD 2005. Donny McCaslin, Soar, Sunnyside 1150
CD 2006. Sean Jones, Roots, Mack Avenue 1031
CD 2006. Russell Gunn, Russell Gunn Plays Miles, HighNote 7161
CD 2006. Robin Eubanks, Live, Vol. 1, Kindred Rhythm 1136
CD 2007. Sean Jones, Kaleidoscope, Mack Avenue 1037
CD 2007. Elisabeth Kontomanou, Back to My Groove,  Nocturne 406
CD 2007. Conrad Herwig, A Jones for Bones Tones, Criss Cross 1297
CD 2007. Ximo Tebar, Steps, Sunnyside 284705
CD 2008. Russell Gunn, Love Stories, HighNote 7183
CD 2008. Sharel Cassity, Relentless,  Jazz Legacy Productions 0901001
CD 2009. Sean Jones, The Search Within, Mack Avenue 1044
CD 2009. Kate Schutt, Telephone Game, Caracol Records 858106
CD 2009. Ralph Bowen, Power Play, Posi-Tone 8073
CD 2010. Candlelight All-Stars, Candlelight Live, Imani
CD 2010. Ernest Stuart, Solitary Walker, Ernest Stuart 45474
CD 2010. Jack Walrath, Heavy Mirth, Steeplechase 31683
CD 2010. Stacy Dillard, Good and Bad Memories, Criss Cross 1333
CD 2011. Sean Jones, No Need for Words, Mack Avenue 1057
CD 2011. Wayne Escoffery, The Only Son of One, Sunnyside 1320
CD 2011. Ben Wolfe, From Here I See, Maxjazz 608
CD 2011. Human Spirit, Dialogue, Origin 82615
CD 2012. Bill McHenry, La Peur du Vide, Sunnyside 1331
CD 2013. The Wayne Escoffery, Live At Firehouse 12, Sunnyside 1379
CD 2013. Donald Edwards, Evolution of an Influenced Mind, Criss Cross 1365
CD 2013. Thomas Marriott, Urban Folklore,  Origin Records 82672
CD 2014. Ben Wolfe, Liberation Blues, Smoke Sessions-1409
CD 2014. Sean Jones, Im.pro.vise: Never Before Seen, Mack Avenue 1080
CD 2014. Ben Wolfe, The Whisperer,
Posi-Tone 8134

Vidéos

1995 Orrin Evans with guest Bilal and Matt Parish, Byron Landham, Duane Eubanks
http://www.youtube.com/watch?v=7deg-5pnm0s

2007 Orrin Evans Trio feat. Jaguar Wright & Ursula Rucker Love/Lift Ev'ry Voice And Sing
http://www.youtube.com/watch?v=-fEQEYuhnA8

2008. Orrin Evans & Ethan Iverson Duo Piano
https://www.youtube.com/watch?v=WRKdXe3DN9c

2009 Joanna Pascale with the Orrin Evans Trio
http://www.youtube.com/watch?v=qArAIXk0AYw


2010 Orrin Evans Quartet - Alone Together - Live at the Candlelight Lounge in Trenton, NJ. July 2010. Orrin Evans, Curtis Lundy (b), Donals Edwards (dm) and Abraham Burton (ts)
http://www.youtube.com/watch?v=UzQqUubLcKo


2011 Orrin Evans and the Captain Black Big Band at the Jazz Gallery
http://www.youtube.com/watch?v=KwvJIprGRcc


2012 Orrin Evans Trio Autumn Leaves Vicente Archer (b), Obed Calvaire (dm)
http://w
ww.youtube.com/watch?v=Bh5Dp1S-OC8

2012 Orrin Evans Quintet - Flip the Script Live with Jack Walrath (tp), Tim Warfield (ts), Vicente Archer (b) and Obed Calvaire (dm)
http://www.youtube.com/watch?v=HDAqXY9cuTw

2012 Orrin Evans, «Clean House», extrait de Flip The Script
Orrin Evans (p), Ben Wolfe (b), Donald Edwards (dm)
https://www.youtube.com/watch?v=TRNec-KaSUM

2013 Orrin Evans Trio - African Song  Eric Revis (b) Karriem Riggins (dm)
http://www.youtube.com/watch?v=m7aX5J-LRTo

2013 Orrin Evans, «African Song»‬, extrait de "...It was beauty"
https://www.youtube.com/watch?v=wzZYB7m0lVg


2013 Orrin Evans Quintet Plays the music of Thelonious Monk Eddie Henderson (tp), Tim Warfield (ts), Ben Wolfe (b), Donald Edwards (dm). Interviews et musique
http://www.youtube.com/watch?v=umKCOnRwYsc

2014 Orrin Evans & Captain Black Big Band, «Explain it to Me», extrait de Mother’s Touch
https://www.youtube.com/watch?v=LnmLhgRVeAk

2015 Orrin Evans Smoke Sessions The Evolution of Oneself HD Christian McBride (b), Karriem Riggins (dm) interview
https://www.youtube.com/watch?v=5CcBVZrBlsM

2015 Orrin Evans, «Liberation Blues», Jazz Standard, NYC
Orrin Evans (p), JD Allen (ts), Ingrid Jensen (tp), Luques Curtis (b), Bill Stewart (dm)
https://www.youtube.com/watch?v=YUbbZLvg6Ms

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