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Clubs, concerts, expositions


Les 80 ans de Jazz Hot
Vernissage de l'exposition Delaunay's Dilemma (Fond'action Boris Vian, Paris 18e), 28 mars 2015

© Jazz Hot n°671, printemps 2015

Jazz Hot a 80 ans ! Un anniversaire forcément remarquable de la plus ancienne revue de jazz dans le monde, marqué par l’organisation d’une exposition consacrée à l'œuvre pour le jazz de son fondateur Charles Delaunay, Delaunay’s Dilemma (entrée libre jusqu’au 11 avril, 6bis, Cité Véron, 75018), accueillie à la Fond’action Boris Vian par sa directrice Nicole Bertolt. Quoi de mieux en effet, pour rendre hommage à Charles Delaunay, que de se placer sous le bienveillant patronage de Bison Ravi (Boris Vian), son principal disciple en jazz par l'esprit et cet aîné prestigieux dans l'art de l'écriture ?


L’exposition replace le père de Jazz Hot dans son époque, lui qui est d’abord le fils de ses parents, les peintres Robert et Sonia Delaunay. Les arts graphiques et la musique, les deux grandes passions de Charles Delaunay, se trouvent ainsi réunies sur les murs de la galerie de la Fond’action : les fameux « noirs au blanc » réalisés par Charles dans l’obscurité des clubs, des articles parus dans les premières années de Jazz Hot, des correspondances, etc. L'amateur de Jazz Hot a également l’occasion de retrouver des couvertures qui ont jalonné ces 80 ans : Duke, Ella, Basie, Von Freeman, Kenny Barron, John Coltrane, Randy Weston, etc., et bien sûr… Boris Vian !

Le 28 mars, jour du vernissage, c’est une très belle fête qu’a préparée l'équipe de Jazz Hot. Une réussite qui a été complète grâce à la participation continue, tout au long de la journée et de la soirée (de 14h à minuit) des invités de Jazz Hot, venus nombreux (environ 300) découvrir l’exposition et souffler les 80 bougies. Parmi eux, nous avons eu le grand plaisir de recevoir des jazzmen historiques tels Hal Singer (qui est de 15 ans l’aîné de Jazz Hot…), Claude Bolling, Roger Paraboschi, Jean-Louis Chautemps, Bobby Few, Poumy Arnaud, mais également Mathias Rüegg, Lia Pale, Michel Pastre, Esaie Cid, José Fallot, Laurent Mignard, Mra Oma, Ichiro Onoe , Dan Vernhettes, etc. ; des "anciens" de Jazz Hot comme André Clergeat et Alain Tercinet ; le président du Hot Club de France, François Desbrosses ; des professionnels du disque : Daniel Richard, grand disquaire historique et producteur émérite, Arnaud Boubet et Maxime, les indispensables amis de Paris Jazz Corner, le grand disquaire parisien, Jeanne de Mirbeck (sœur de René Urtreger), et bien d'autres acteurs, connus ou moins connus du jazz ; enfin des lecteurs et amis de longue date comme Micheline Davis-Boyer (la fille de Daidy Davis-Boyer, la « fiancée de Jazz Hot », voir notre n°600), Clovis Salvador, le neveu d’Henri, le peintre Pierre Clama ou encore Rolande Gourley (l'épouse du grand Jimmy Gourley). Nous complèterons dans un compte rendu ultérieur les nombreux participants à cette fête.


La réussite fut complète aussi grâce aux musiciens venus animer cette jam-anniversaire. Nous saluerons d’abord les deux piliers de ce bœuf marathon de 12 heures : nos rédacteurs-musiciens Gérard Naulet (p) et Daniel Chauvet (b) qui ont donné le coup d’envoi en duo sur « There Will Never Be Another You », notamment suivi de belles variations sur « Take the 'A' Train » et évidemment de quelques notes cubaines percussives, chères à l’ami Gérard.

Nos soutiers du swing ont ensuite été rejoints par Michel Pastre (ts) et son gros son dans la tradition sur « Satin Doll ». Puis c’est un baryton, Philippe Desachy, pour quelques morceaux, dont « Song for My Father ». Une autre rythmique a pris le relais, composée de David Herridge (p) et Jean-Claude Bénéteau (b), accompagnant un quartet de cuivres : "notre" Michel Laplace (tp), Esaïe Cid (as) et toujours Philippe Desachy et Michel Pastre sur « Perdido ».

Un jeu de chaises musicales a ensuite réinstallé Gérard Naulet au piano, avec Claudius Dupont (b) et David Georgelet (dm), flanqués du même trio de sax pour un « C Jam Blues » très enlevé. Après quoi Yves Nahon a pris les baguettes et Jean-Yves Dubanton sa guitare pour accompagner la première chanteuse de la journée, la Suédoise Ellen Birath qui a livré un « On the Sunny Side of the Street » plein de charme, dans son dialogue avec Michel Pastre. Puis, c’est une autre Suédoise qui a pris place, Isabella Lundgren (voc), totalement inconnue en France mais que Jazz Hot avait remarqué lors de l’édition 2013 du festival d’Ystad, une des découvertes pour beaucoup, avec Lia Pale, de cet anniversaire. Le groupe, rejoint par Jean-Claude Laudat (acc), puis Gilles Le Taxin (b) a ainsi terminé l’après-midi, avant que ne débarque, pour un premier « échauffement », Bonney Fields (tp) en quartet avec Gérard Naulet, Daniel Chauvet et Yves Nahon sur « Well You Need It ».

A 18h, la musique s’est interrompue pour quelques prises de parole de circonstance, qui ont permis de présenter l’exposition, de remercier les différents partenaires (la Fond’action Boris Vian, le Caveau de La Huchette, Paris Jazz Corner, Déjà production, Spirit of Jazz, Copytoo, La Manufacture d'Histoires Deux-Ponts et le Toucy Jazz Festival) et d'avoir une pensée pour Cabu, l'un de nos anciens également, tragiquement disparu début janvier, dont des proches étaient présents. Nicole Bertolt a rappelé son long engagement auprès de la famille Vian et d’Ursula, la seconde épouse de Boris, à l’origine de l’ouverture de la galerie. Honneur fut fait ensuite aux deux parrains de cet anniversaire : "notre" photographe David Sinclair (auquel une partie de l’exposition est consacrée avec de splendides photos), représenté par son fils Malcolm venu spécialement d'outre-Manche, et notre rédacteur Serge Baudot, poète à ses heures, qui a évoqué son « entrée en jazz », Jacques Prévert (le voisin de terrasse de Boris Vian sur le toit du Moulin Rouge) et l'aîné Vian dans une de ses fameuses revues de presse.

Puis la musique a repris ses droits, avec un duo viennois qui a ouvert le bal, composé de Lia Pale (voc) et de Mathias Rüegg (p), le créateur du Vienna Art Orchestra. Les deux artistes, venus spécialement d’Autriche pour cet anniversaire, avaient préparé un petit programme tiré du dernier album de la chanteuse, My Poet’s Love. Après quoi Lenny Popkin (ts) a inauguré la jam-session vespérale, accompagné de Carol Tristano (dm), de Dominique Lemerle (b) et d’un jeune pianiste, Dexter Goldberg. Boney Fields et son complice Breno Brown (ts) ont alors surgi sur scène, imposant de vigoureux solos sur « Night in Tunisia ».

De retour à la jam, Isabella Lundgren s’est trouvée un interlocuteur de choix avec "notre" Adrien Varachaud (ss), tandis que Michel Pastre reprenait ensuite du service en sa compagnie et celle de Lenny Popkin. Michel Pastre a également constitué un trio avec Daniel Chauvet et Philippe Milanta (p) pour un « Just You, Just Me » savoureux. Moment fort de la soirée, la venue de Ricky Ford (ts), entouré de Kirk Lightsey (p), Jack Gregg (b) et Simon Shuffle Boyer (dm). Un all-stars qui n’a pas effrayé la talentueuse Agathe Iracema (voc) qui s’est exprimée sur « On the Sunny Side of the Street » (again). Elle a ensuite formé un joli duo avec Isabella Lundgren sur « Everyday I Have the Blues », en présence de Larry Browne (tp, voc), animateur omniprésent de la soirée. Agathe a même complété la rythmique à la batterie pour accompagner Isabella sur la suite du morceau. Après quoi, Laurent Epstein (p) et Dominique Lemerle ont procuré un soutien élégant à Christelle Pereira (voc). Tandis que l’infatigable Gérard Naulet nous offrait un solo de piano afro-cubain ! La fin de soirée a fait la part belle aux trompettes, avec une évocation tonitruante de New Orleans servie par Larry Browne et Jona Dunstheimer (qui avait également assuré la sonorisation de l'événement avec les attentifs Jérémy et Jonathan).

Enfin, la grande Joan Minor (voc) clôtura cette belle journée par un magnifique « Summertime » avec un contre-chant très subtil d'Esaie Cid (as) qui a illuminé toute la soirée de ses belles ponctuations lyriques, et de l'inusable Gérard Naulet, capable de s'adapter à tous les contextes.

C’est donc des étoiles plein les yeux et des notes bleues plein le cœur que sont repartis tous les participants de cette belle communion autour d'une revue vénérable, toujours capable de réunir, 80 ans après, toutes les familles et générations de musiciens, d'amateurs de jazz, cette grande musique du partage. Nous développerons ce compte-rendu car beaucoup d'autres ont animé ces moments, de jeunes et moins jeunes musicien(ne)s, et tous méritent d'être cités.

Jérôme Partage