Jazz Hot a 80 ans ! Un
anniversaire forcément remarquable de la plus ancienne revue
de jazz dans le monde, marqué par
l’organisation d’une exposition consacrée à l'œuvre pour le jazz de son fondateur Charles Delaunay, Delaunay’s Dilemma
(entrée libre jusqu’au 11 avril, 6bis, Cité Véron, 75018), accueillie à la Fond’action Boris
Vian par sa directrice Nicole Bertolt. Quoi de mieux en effet, pour
rendre hommage à Charles Delaunay, que de se placer sous le
bienveillant patronage de Bison Ravi (Boris Vian), son principal disciple en jazz par l'esprit et cet aîné prestigieux dans l'art de l'écriture ?
L’exposition replace le
père de Jazz Hot dans son époque, lui qui est
d’abord le fils de ses parents, les peintres Robert et Sonia
Delaunay. Les arts graphiques et la musique, les deux grandes
passions de Charles Delaunay, se trouvent ainsi réunies sur les murs
de la galerie de la Fond’action : les fameux « noirs au
blanc » réalisés par Charles dans l’obscurité des clubs,
des articles parus dans les premières années de Jazz Hot,
des correspondances, etc. L'amateur de Jazz
Hot a également l’occasion de retrouver des couvertures qui
ont jalonné ces 80 ans : Duke, Ella, Basie, Von Freeman, Kenny
Barron, John Coltrane, Randy Weston, etc., et bien sûr… Boris Vian !
Le 28 mars, jour du vernissage, c’est
une très belle fête qu’a préparée l'équipe de Jazz Hot. Une réussite qui a
été complète grâce à la participation continue, tout au long de
la journée et de la soirée (de 14h à minuit) des invités de Jazz
Hot, venus nombreux (environ 300) découvrir l’exposition et
souffler les 80 bougies. Parmi eux, nous avons eu le grand plaisir de
recevoir des jazzmen historiques tels Hal Singer (qui est de 15 ans
l’aîné de Jazz Hot…), Claude Bolling, Roger Paraboschi,
Jean-Louis Chautemps, Bobby Few, Poumy Arnaud,
mais également Mathias Rüegg, Lia Pale, Michel Pastre, Esaie Cid, José Fallot, Laurent Mignard, Mra Oma, Ichiro Onoe , Dan Vernhettes, etc. ; des "anciens" de
Jazz Hot comme André Clergeat et Alain Tercinet ; le
président du Hot Club de France, François Desbrosses ; des
professionnels du disque : Daniel Richard, grand disquaire historique et producteur émérite, Arnaud Boubet et
Maxime, les indispensables amis de Paris Jazz Corner, le grand disquaire parisien, Jeanne de Mirbeck (sœur de
René Urtreger), et bien d'autres acteurs, connus ou moins connus du jazz ; enfin des lecteurs et amis de longue date
comme Micheline Davis-Boyer (la fille de Daidy Davis-Boyer, la
« fiancée de Jazz Hot », voir notre n°600),
Clovis Salvador, le neveu d’Henri, le peintre Pierre Clama ou
encore Rolande Gourley (l'épouse du grand Jimmy Gourley). Nous
complèterons dans un compte rendu ultérieur les nombreux participants à
cette fête.
La réussite fut complète aussi grâce aux
musiciens venus animer cette jam-anniversaire. Nous saluerons d’abord
les deux piliers de ce bœuf marathon de 12 heures : nos
rédacteurs-musiciens Gérard Naulet (p) et Daniel Chauvet (b) qui
ont donné le coup d’envoi en duo sur « There Will Never Be
Another You », notamment suivi de belles variations sur « Take
the 'A' Train » et évidemment de quelques notes cubaines
percussives, chères à l’ami Gérard.
Nos soutiers du swing ont
ensuite été rejoints par Michel Pastre (ts) et son gros son dans la tradition sur « Satin Doll ». Puis c’est un baryton, Philippe Desachy, pour quelques morceaux, dont
« Song for My Father ». Une autre rythmique a pris le
relais, composée de David Herridge (p) et Jean-Claude Bénéteau
(b), accompagnant un quartet de cuivres : "notre"
Michel Laplace (tp), Esaïe Cid (as) et toujours Philippe Desachy et
Michel Pastre sur « Perdido ».
Un jeu de chaises
musicales a ensuite réinstallé Gérard Naulet au piano, avec
Claudius Dupont (b) et David Georgelet (dm), flanqués du même trio
de sax pour un « C Jam Blues » très enlevé. Après quoi
Yves Nahon a pris les baguettes et Jean-Yves Dubanton sa guitare pour
accompagner la première chanteuse de la journée, la Suédoise Ellen
Birath qui a livré un « On the Sunny Side of the Street »
plein de charme, dans son dialogue avec Michel Pastre. Puis, c’est
une autre Suédoise qui a pris place, Isabella Lundgren (voc),
totalement inconnue en France mais que Jazz Hot avait remarqué
lors de l’édition 2013 du festival d’Ystad, une des découvertes pour beaucoup, avec Lia Pale, de cet
anniversaire. Le groupe, rejoint par Jean-Claude Laudat (acc), puis
Gilles Le Taxin (b) a ainsi terminé l’après-midi, avant que
ne débarque, pour un premier « échauffement », Bonney Fields (tp) en quartet avec
Gérard Naulet, Daniel Chauvet et Yves Nahon sur « Well You Need It ».
A 18h, la musique s’est interrompue
pour quelques prises de parole de circonstance, qui ont permis de présenter l’exposition, de remercier les différents partenaires (la Fond’action
Boris Vian, le Caveau de La Huchette, Paris Jazz Corner, Déjà production, Spirit of
Jazz, Copytoo, La Manufacture d'Histoires Deux-Ponts et le Toucy Jazz Festival) et d'avoir une
pensée pour Cabu, l'un de nos anciens également, tragiquement disparu début janvier, dont des proches étaient
présents. Nicole Bertolt a rappelé son long engagement auprès de la
famille Vian et d’Ursula, la seconde épouse de Boris, à l’origine de l’ouverture de la galerie. Honneur fut fait
ensuite aux deux parrains de cet anniversaire : "notre"
photographe David Sinclair (auquel une partie de l’exposition est
consacrée avec de splendides photos), représenté par son fils Malcolm venu spécialement d'outre-Manche, et notre rédacteur
Serge Baudot, poète à ses heures, qui a évoqué son « entrée
en jazz », Jacques Prévert (le voisin de terrasse de Boris Vian sur le toit du Moulin Rouge) et l'aîné Vian dans une de ses
fameuses revues de presse.
Puis la musique a repris ses droits, avec un duo viennois qui a ouvert le bal, composé de Lia Pale
(voc) et de Mathias Rüegg (p), le créateur du Vienna Art Orchestra.
Les deux artistes, venus spécialement d’Autriche
pour cet anniversaire, avaient préparé un petit
programme tiré du dernier album de la chanteuse, My
Poet’s Love. Après quoi Lenny Popkin (ts) a inauguré la
jam-session vespérale, accompagné de Carol Tristano (dm), de Dominique Lemerle
(b) et d’un jeune pianiste, Dexter Goldberg. Boney Fields
et son complice Breno Brown (ts) ont alors surgi sur scène, imposant
de vigoureux solos sur « Night in Tunisia ».
De retour à
la jam, Isabella Lundgren s’est trouvée un interlocuteur de choix
avec "notre" Adrien Varachaud (ss), tandis que Michel
Pastre reprenait ensuite du service en sa compagnie et celle de Lenny
Popkin. Michel Pastre a également constitué un trio avec Daniel Chauvet et
Philippe Milanta (p) pour un « Just You, Just Me »
savoureux. Moment fort de la soirée, la venue de Ricky Ford (ts),
entouré de Kirk Lightsey (p), Jack Gregg (b) et Simon Shuffle Boyer
(dm). Un all-stars qui n’a pas effrayé la talentueuse
Agathe Iracema (voc) qui s’est exprimée sur « On the Sunny
Side of the Street » (again). Elle a ensuite formé un joli duo
avec Isabella Lundgren sur « Everyday I Have the Blues »,
en présence de Larry Browne (tp, voc), animateur omniprésent de la
soirée. Agathe a même complété la rythmique à la batterie pour
accompagner Isabella sur la suite du morceau. Après quoi, Laurent
Epstein (p) et Dominique Lemerle ont procuré un soutien élégant à
Christelle Pereira (voc). Tandis que l’infatigable Gérard Naulet
nous offrait un solo de piano afro-cubain ! La fin de soirée a
fait la part belle aux trompettes, avec une évocation tonitruante de
New Orleans servie par Larry Browne et Jona Dunstheimer (qui avait
également assuré la sonorisation de l'événement avec les attentifs
Jérémy et Jonathan).
Enfin, la
grande Joan Minor (voc) clôtura cette belle journée par un magnifique
« Summertime » avec un contre-chant très subtil d'Esaie Cid (as) qui a
illuminé toute la soirée de ses belles ponctuations lyriques, et de
l'inusable Gérard Naulet, capable de s'adapter à tous les contextes.
C’est
donc des étoiles plein les yeux et des notes bleues plein le
cœur que sont repartis tous les participants de cette belle communion
autour d'une revue
vénérable, toujours capable de réunir, 80 ans après, toutes les familles
et générations de
musiciens, d'amateurs de jazz, cette grande musique du partage. Nous
développerons ce compte-rendu car beaucoup d'autres ont animé ces
moments, de jeunes et moins jeunes musicien(ne)s, et tous méritent
d'être cités.