Clubs, concerts, expositions
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Coolin' Irish Pub
Paris, 18 janvier 2015
Le 18 janvier, il faisait bon se
retrouver au Coolin' avec l'ami Paddy Sherlock (tb, g, voc) qui nous
avait concocté un groupe aux accents new orleans : Malo Mazurié
(tp), Dave Blenkhorn (g), Sébastien Girardot (b), Guillaume Nouaux
(dm) et bien entendu, l'inséparable complice, Jean-Philippe Nader
(perc). Le set a débuté avec un blues pétaradant (« Baby
Want You Please Come Home ») servi par des cuivres affûtés et
notamment l'excellent Malo Mazurié avec lequel il va falloir
compter ! Il nous avait promis du swing, mais Paddy n'a pu
s'empêcher dès le deuxième morceau de glisser vers le funk avec
une version très personnelle (et jubilatoire!) de « Minnie the
Moocher ». Et l'Irlandais d'enchaîner avec un de ses "tubes",
que les habitués connaissent bien, « Ma Doudou m'a quitté »,
écrit par Guillaume Nouaux, qu'on a peu l'occasion d'entendre jouer
sa propre composition. Le collectif, débordant d'énergie et de
swing, a également entrepris un « It Don't Mean a Thing »
qui a affolé les danseurs !
Et puis la fête a laissé place à des
sentiments plus contrastés. Dans le public, on avait remarqué la
présence de Patrick Pelloux, médecin urgentiste et chroniqueur à
Charlie Hebdo, désormais bien connu. Un ami de longue date de Paddy,
auquel il a fait appel pour mettre en musique les obsèques de Charb,
le 16 janvier. On a ainsi vu Paddy, sur les télévisions, entourer
Patrick Pelloux pendant son hommage poignant au dessinateur, à la
tête d'un brass band irlando-new orleans, et interpréter, à la
guitare et au chant, « Dirty Old Town ».
Fin du set au
Coolin'. Paddy Sherlock a appelé son copain Pelloux pour entonner
avec lui un protest song qui fut l'hymne de la Marche pour les
Droits civiques : « We Shall Overcome ». Si les voix
ne sonnaient pas toujours juste, l'émotion l'était. Elle
s'intensifia encore quand la salle reprit à l'unisson et poing levé
les paroles « We are not afraid » (qui avaient brillé
place de la République, le soir même de l'attaque de Charlie). Dans
les larmes et les sourires, une ovation fut faite à Patrick Pelloux.
Le Coolin' va fermer bientôt, mais il
aura vécu !
Jérôme Partage
Caveau de la Huchette
Paris, 12 décembre 2014
Le 12 décembre, Manu Dibango fêtait
ses 80 ans au Caveau de la Huchette, en compagnie du big band de Dany
Doriz, et par là même la sortie de leur disque commun paru chez Frémeaux. Dans une ambiance particulièrement amicale, l'orchestre a
chauffé la salle avec trois morceaux avant que Manu Dibango ne le
rejoigne sur scène. Très en verve, le saxophoniste a enchaîné
« Morning Glory », « April in Paris » et bien
entendu des tires de Bechet, comme « Petite Fleur », auchant.
Entre deux sets, Manu Dibango a soufflé
ses bougies au milieu des bulles de champagne et des parties de
rigolades. Ce joyeux souvenir prend une teinte bien sombre après les
tragiques événements du mois de janvier. Cabu était présent ce
soir-là. Chose toute naturelle puisqu'il avait dessiné la pochette du disque de Dany Doriz et Manu Dibango. Comme à son habitude, il s'était installé sur un banc, pendant
le concert, passant le set à croquer les musiciens. Nous avons
partagé une coupe de champagne, avec Dany et sa compagne Gigi. Cabu
avait gentiment accepté notre invitation pour un autre anniversaire,
à venir, celui de Jazz Hot, en mars au Caveau de la
Huchette. Un rendez-vous manqué.
S'il est brave, pourquoi que Dieu le
père
Là-haut ferait
Quelque différence entre Saint-Pierre
Et
Saint-Germain-des-Prés ?
De tout cœur on espère que dans
ce
Paradis miséricordieux,
Brillent pour toi des lendemains
qui dansent
Où y'a pas de bon Dieu.
(Georges Brassens, Elégie à un rat
de cave)
Autumn in Brussels. Part II.
Skoda Jazz, Bozar, Jazz Station, AB, OS à Moelle, 22 novembre - 16 décembre 2014
Le 22 novembre, la salle
Henri Lebeuf du Palais des Beaux Arts de Bruxelles affichait complet
depuis plusieurs semaines pour la soirée de gala du Skoda Jazz
Festival 2014. Et pour cause ! La nouvelle voix du jazz et de la
soul : le Californien Gregory Porter était attendu par plus de
deux mille aficionados. Ce fut un triomphe nonobstant une
sonorisation qui, une fois de plus, ajouta des décibels où la seule
voix a capella aurait amplement suffi dans ce temple
acoustique créé par Victor Horta. Gregory Porter l’a d’ailleurs
prouvé avec une chanson commencée seul et sans micro. Ne gâchons
pourtant pas notre plaisir d’avoir pu assister à un répertoire
magnifique, conduit par un baryton exceptionnel par le timbre, la
puissance, la justesse et la profondeur de ses lyrics. Les morceaux
présentés sont, pour la plupart, issus de son troisième album :
« Liquid Spirit » : « When Love Was King »,
« On My Way To Harlem », « Free », « Lion’s
Song », « Mother’s Song », « No Love
Dying » ; mais aussi : « We Are
Children », « I Was Born in Oackland », « Work
Song » et « Hit The Road Jack » avant de terminer
sur « Nineteen sixty two ». Les références à Nat King
Cole, me sont apparues bien moins présentes que dans le passé
(récent). Les racines black and soul, sont, par
contre, affirmées avec force : gospel pour la conviction
et le balancement rythmique, soul dans la continuité des
années Tamla Motown de Marvin Gaye. Au sax-alto et au
soprano : Yosuke Sato est prodigieux d’aisance ; ses
solos sont denses, volubiles, inspirés. Il est à l’aise dans la
tessiture comme dans les harmoniques qu’il alterne. J’ai été
beaucoup moins impressionné par Chip Crawford (p), Emmanuel Harrold
(dm) et Aaron James (b). Le premier n’est pas très séduisant en
solo ; il trouverait meilleure place dans un récital de boogie
woogie ! Mais Porter ? Quelle voix ! Quel géant ! Je
ne crois pas avoir entendu une telle maîtrise, depuis Joe Williams !
Le 29 novembre, la pianiste
Eve Beuvens présentait son groupe Heptatomic à la Jazz Station. Le
lendemain, les sept musiciens devaient se retrouver dans le studio de
Daniel Léon pour le premier enregistrement du septet qui compte en
ses rangs : Lionel Beuvens : petit frère et grand drummer ;
Manolo Cabras (b), Benjamin Sauzereau (g), Laurent Blondiau (tp,
flh), Sylvain Debaisieux (ts) et Grégoire Tirtiaux (bs, as). Je
n’avais pas encore eu l’occasion d’apprécier la musique d’Eve
Beuvens. Je n’étais pas au Gaume Jazz Festival 2013 lors de la
création de son Heptatomic et je ne connaissais d’elle qu’une
timide présence au sein des Sidewinders de Thomas Champagne (as).
Faut dire que la jeune femme (1978), à l’opposé de son jeune
frère (1981), a quelque peu tardé à occuper le devant de la scène.
Après une licence en philo et une errance comme contrebassiste, elle
a définitivement choisi l’ivoire et l’ébène, passant sous les
fourches caudines de Nathalie Loriers, de Diederik Wissels, Kris
Defoort et James Taylor avant d’obtenir son big master de pianiste
et compositrice. Avant tout, c’est l’écriture qui m’a séduit
ce soir-là (« Winter Evening Walk » enchaîné avec « No
Way Out Running », « La Lettre du scribe à la
Joconde »). Elle est méticuleusement ordonnée en séquences
qui multiplient et diversifient les climats. Les solos ne se
succèdent pas bêtement ; des respirations suspendent
l’attention. Entre les solos, on trouve des passages arrangés
joués par binômes ou trinômes ; des riffs, des backings, des
contrechants, des unissons et des harmonies séduisantes. « Les
Roses de Saadi » inspiré d’un poème du XVIIIe siècle,
est une œuvre vraiment touchante. Le choix des musiciens relève
aussi d’un souci de séduction. Manolo Cabras (b) ne se contente
pas de rythmer ; il est un des éléments mélodiques ; il
répond, il appelle (« Scratching Mermaids »). Laurent
Blondiau (tp, flh) ajoute son audace particulière à la musique,
semant des wa-was par ci, des hennissements par là (« Silly
Sally »). J’ai découvert avec beaucoup de plaisir la sureté
du guitariste Benjamin Sauzereau (« Les Rose de Saadi »)
et la vigueur des saxes. Grégoire Tirtiaux (as, bs) nous offrit
même, sur le dernier thème un très long solo, en respiration
continuée (« Snow Wind and Wings »). Venu nombreux le
public confirmera, enthousiaste, mes appréciations après un dernier
« Water Games ».
Retour à l’AB, le 4
décembre, pour retrouver Archie Shepp (ts, ss, voc) en quartet avec
Tom McClung (p), Reggie Washington (b) et Steve McCraven (dm) dans
le cadre du 200e anniversaire d’Adolphe (ndlr :
Sax, bien sûr). A l’apogée du concert, un vieux
saxophoniste-amateur me confiait : « il ne sait pas
jouer du saxophone. Heureusement il chante bien ! » Je ne
suis pas tout à fait d’accord avec cette assertion réductrice.
Shepp n’a jamais prétendu posséder le "beau" son.
L’instrument et la voix sont des vecteurs pour exprimer les
déchirements de l’âme qui collent à la peau de ce bluesman de 77
ans (« Stink », « Trippin’ »). On note,
effectivement, un essoufflement dans le discours, des redites, des
blancs, trop d’automatismes et quelques approximations harmoniques
(« Satin’ Doll », « Don’Get Around Much
Anymore »), mais on comprend mieux le propos lorsqu’il nous
parle de son jeune cousin assassiné dans la rue (« Stink »).
La rythmique est solide avec Steve Mc Craven (dm) et l’Américain
de Belgique : Reggie Washington (b) : de plus en plus à
l’aise à la contrebasse alors qu’il s’était principalement
illustré à la guitare-basse dans ses jeunes années. C’est Tom Mc
Clung (p) qui allume le feu à chacun de ses solos avec l’aisance
d’un pianiste de rythm’n blues. Shepp annonce et joue un peu de
poésie naïve (« Une petite surprise pour Mam’selle »)
et puis, en finale : « Kansas City ».
Très peu de monde, en
revanche, le 10 du même mois sur la scène de l’Ancienne Belgique,
pour venir découvrir la chanteuse Britannique Zara McFarlane. La
jeune femme (30 ans) vient de publier son deuxième album. Ses
origines jamaïcaines baignées de reggae ont muté vers un jazz
épuré qui laisse encore transpirer son goût pour la pop-light. Son
chant bénéficie d’une diction parfaite ; la voix est claire,
presque cristalline, sans grande amplitude ; le vibrato est
encore timide mais on sent percer l’inspiration auprès des
références absolues que sont Sarah Vaughan ou Nina Simone (dans des
registres plus graves). Poussée par une bonne rythmique et un
fulgurant sax-ténor hard-bopper : Binker Golding, Zara
McFarlane ose quelques scats qui démontrent une bonne préhension
des accords, des césures et des rythmes. C’est néanmoins sur les
chansons douces qu’elle se montre le plus à l’aise (« You’ll
Get Me In Trouble », « Plain Gold Ring »). Au gré
des concerts, assurée par le trio de Peter Edwards (p) on peut
espérer qu’elle s’aventurera vers une plus grande prise de
risques. Binker Golding (ts) en tout cas lui montre le chemin !
L’Os à Moelle, le plus
vieux cabaret de Schaerbeek a fêté ses 50 ans il y a peu de temps.
Conscient d’un passé riche qui a notamment vu défiler Deborah
Brown avec le trio de Roger Vanhaverbeke, Samuel Bernard, le jeune et
nouveau Directeur Artistique de l’Os, a confié à Lydia
Reichenberg le soin de proposer une fois par mois, le mardi, un
concert avec les jeunes pousses des Conservatoire Jazz de Bruxelles.
Ainsi, le 16 décembre, nous avons pu découvrir le trio Pendulum
composé de Maayan Smith (ts), Boris Schmidt (b) et Matthias De Waele
(dm). Boris Schmid, 31 ans, luxembourgeois est déjà bien connu sur
les scènes belges pour accompagner régulièrement des chanteuses
comme Chrystel Wautier, Natacha Wuyts ou Fanny Bériaux. Les deux
autres restaient à découvrir ; ils sont encore inscrits en
cinquième année des masters au Conservatoire néerlandophone, mais
ils nous offrent déjà une belle maturité. Matthias De Waele (dm)
possède un drive léger (« Bahia »); ses roulements
sont parfaits et son travail aux balais : impeccable. Sur « One
For Else », un original de Maayan Smith, il a démontré une
approche mélodique des plus sensibles. Maayan Smith (ts) est
Israélien de Jérusalem. Pour ses études, Il réside depuis cinq
ans en Belgique. Nous avons apprécié la rondeur de sa sonorité,
l’assurance de son attaque, de beaux accents et la justesse de ses
phrases « Theme From Picnic »). Le trio a proposé
quelques originaux et des œuvres de Joe Henderson, Ornette Coleman
(« Jane »), Dave Brubeck, Thelonious Monk (« Bahia »),
Billy Strayhorn (« Ispahan »), Cole Porter (« You’ll
Be So Nice ») et Gerry Bergonzi (« Stable Mix »).
Les trois musiciens ont un plaisir évident à jouer ensemble, même
si Boris Schmid, récemment intégré, devait s’accrocher à ses
partitions. Pour sûr, la mise en place est perfectible mais on est
proche de l’objectif. Quant à la fréquentation de ces concerts du
mardi à l’Os à Moelle, on espère qu’elle va se développer.
Douze personnes : c’est trop peu ! Il faut oser aller
découvrir et encourager ceux qui, demain, feront peut-être
l’unanimité.
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